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ANNEXE
DOCUMENTS D’ACCOMPAGNEMENT
Échos d’un âge d’or
C’est sous l’Empire Gupta que la civilisation indienne parvint à son apogée. Un âge d’or dont l’art
et la littérature sont le reflet et dont l’épigraphie ou encore les relations de voyage laissées par les
pèlerins chinois, venus sur la terre du Buddha afin de s’y procurer reliques et textes sacrés, se
font également l’écho.
Le témoignage de Faxian
De retour à Nankin au terme d’un long périple dans les lieux saints du bouddhisme, le pèlerin
chinois Faxian, qui parcourut l’Empire gupta pendant les premières années du Vème siècle,
rédigea sa Relation des royaumes bouddhiques - véritable guide à l’usage des pèlerins
bouddhistes. Il y dresse un passionnant état de la religion du Bienheureux dans l’inde des Gupta,
où régnait alors une grande tolérance religieuse.
En traversant le fleuve et en continuant vers le sud sur un yôjana, nous arrivons au Magadha et à
la ville de Pa-lin-fou (Patna). C’est la ville dans laquelle régnait le roi Asôka.
[...] De tous les royaumes d'Inde centrale, les villes de ce pays sont particulièrement grandes.
Les gens sont riches et prospères et vertueux. Chaque année, au huitième jour du deuxième
mois, il y a une procession d’Images. A cette occasion, ils construisent un char à quatre roues,
sur lequel ils érigent une tour de cinq étages, composée de bambous liés entre eux, le tout étant
supporté par un mât central ressemblant à une grosse lance à trois pointes, de plus de 22 pieds
de haut. Ainsi, cela ressemble à une Pagode. Ils couvrent alors l’ensemble avec une fine étoffe de
lin blanc, sur laquelle ils peignent toutes sortes de dessins aux couleurs chatoyantes. Après avoir
fabriqué des effigies de tous les Dêvas et les avoir décorées avec de l’or, de l’argent et de la
verroterie colorée, ils les installent sous des dais de soie brodée. Puis ils construisent aux quatre
coins du char des niches dans lesquelles ils disposent des effigies du Buddha assis avec un
Bôdhisatwa se tenant à ses côtés. Il y a peut-être une vingtaine de chars préparés de la sorte, et
chacun décoré de façon différente. Le jour de la procession, prêtres et laïcs se réunissent en
grand nombre. Il y a toutes sortes de jeux et de réjouissances (pour ces derniers), tandis que les
prêtres offrent fleurs et encens en guise d’offrandes religieuses. Les Bramachârîs (les fils ou
disciples des Brâhmans) s’approchent pour rendre hommage à Buddha, et l’un après l’autre, les
chars pénètrent dans la cité. Après avoir traversé la ville, ils gagnent leurs différents
emplacements Alors, durant toute la nuit, le peuple brûle des flambeaux, se livre à des jeux, et fait
des offrandes religieuses. Telle est la coutume de tous ceux qui se réunissent à cette occasion
depuis les contrées alentour. Les nobles et les propriétaires terriens de ce pays ont fondé des
hôpitaux dans la ville, où les pauvres de tous pays, les indigents, les estropiés et les malades
viennent chercher un abri. Ils y reçoivent toute l'aide requise à titre gracieux. Des médecins
examinent leurs maladies, et selon les cas prescrivent boissons et nourritures, médicaments ou
décoctions, tout ce qui peut en réalité contribuer à leur rétablissement. Une fois guéris, ils partent
quand ils le souhaitent.
Faxian témoigne aussi du caractère magnanime du gouvernement impérial.
Les habitants sont nombreux et heureux. Ils n’ont pas à déclarer leurs biens, ou à se soumettre à
des magistrats et à leurs règlements. Seuls ceux qui cultivent les terres royales doivent verser
une part des gains qu’ils en retirent. S’ils veulent partir, ils partent; s’ils veulent rester, ils restent.
Le Roi gouverne sans trancher les têtes ou recourir aux châtiments corporels. Les coupables
reçoivent simplement une amende, plus ou moins lourde, selon la gravité de leurs délits. Et même
s’ils sont convaincus de tentatives répétées de rébellion, on se borne à leur couper la main droite.
Les gardes du corps et la suite du roi perçoivent tous un salaire.
Travels of Fah-Hian and Sung-Yun, Buddhist pilgrims from China to India, (400 - 518.),
Traduit du chinois par Samuel Beal. Asian Educational Services, New Detbi, 1993
Source: L'âge d'or de l'Inde classique par Amina Okada et Thierry Zéphir. Découvertes Gallimard.
Extrait plus complet d'après une autre source
Extrait du Foe Kouo Ki qui relate le voyage au début du Vèmesiècle de Chy Fa hian, un pèlerin
bouddhiste et chinois qui se rend en Inde par la route de la soie pour y suivre l'enseignement des
maîtres et s'y sanctifier en visitant les lieux de la vie du Gautama Bouddha.
Royaume de Mo theou lo - Rivière de Pou na.
Dès qu’on a laissé les sables 1 et la rivière à l’occident, tous les rois des différents royaumes de
l’Inde sont fermement attachés à la loi de Foe 2; et lorsqu’ils rendent hommage aux religieux, ils
se dépouillent de leur tiare. Eux et les princes de leur famille, ainsi que leurs officiers, leur
présentent les aliments de leur propre main. Quand ils les leur ont présentés, ils étendent un tapis
par terre, et vont se placer en face sur un siège. En présence des religieux, ils n’oseraient
s’asseoir sur un lit. Cette coutume, que les rois observent pour témoigner leur respect, a
commencé du temps où Foe était dans le monde, et elle s’est continuée depuis jusqu’à présent.
Le pays qui est au midi de celui-ci se nomme royaume du Milieu 3. Dans le royaume du Milieu, le
froid et le chaud sont modérés et tempérés l’un par l’autre; il n’y a ni bruine ni neige. Le peuple vit
dans l’abondance et la joie. On ne connaît ni registres de population, ni magistrats, ni lois. Il n’y a
que ceux qui cultivent les terres du roi qui en recueillent les fruits. Quand on veut s’en aller on
s’en va; quand on veut rester on reste. Pour gouverner, les rois n’emploient pas l’appareil des
supplices. Si quelqu’un se rend coupable, il est seulement frappé dans son argent, et on suit en
cela la légèreté ou la gravité de sa faute. Alors même que par récidive un malfaiteur commet un
crime, on se borne à lui couper la main droite, sans lui rien faire de plus. Les ministres du roi, et
ceux qui l’assistent, à droite et à gauche, ont tous des émoluments et des pensions. Les habitants
de ce pays ne tuent aucun être vivant;
1. Le grand désert salé à l’est de l’Indus.
2. Foe ou Fo est le nom chinois du Bouddha
3. Il ne s’agit évidemment pas de l’Empire du Milieu, mais d’un royaume de l’Inde centrale, peut-être
celui de Matoura (Mathura).
ils ne boivent pas de vin et ne mangent pas d’ail ni d'oignon 1. II ne faut excepter que les
Tchen tchha lo 2: le nom de Tchen tchha lo désigne des haïssables. Ils ont des demeures
séparées de celles des autres hommes. Quand ils entrent dans une ville ou dans une place de
marché, ils frappent sur un morceau de bois pour se faire reconnaître: à ce signe, les autres
habitants les évitent et se garantissent de leur contact. Dans ce pays on ne nourrit pas de porcs ni
de coqs. On ne vend pas d’animaux vivants. Il n’y a, dans les marchés, ni boucheries, ni
boutiques de marchands de vin. Pour les échanges, on se sert de coquilles 3.~. II n’y a que les
seuls Tchen tchha lo qui aillent à la chasse et qui vendent de la viande.
Depuis le pan ni houan 4 de Foe, les rois, les grands, les chefs de famille ont élevé des chapelles
en faveur des religieux; ils leur ont fourni des provisions et fait donation de champs et de maisons,
de jardins et de vergers, avec les fermiers et les bestiaux pour les cultiver. L’acte de ces
donations était tracé sur le fer ~, et aucun des princes qui vinrent ensuite ne se serait permis d’y
porter la moindre atteinte. Cet usage s’est perpétué jusqu’à présent sans aucune interruption. Les
religieux qui vivent dans ce pays ont des maisons pour y loger, des lits et des matelas pour
coucher, de quoi boire et manger, des vêtements, enfin tout ce qui leur est nécessaire sans qu’il y
manque rien; il en est de même en tous lieux. Les religieux font leur occupation constante de
bonnes oeuvres et d’actes de vertu. Ils s’appliquent aussi à la lecture des livres sacrés et à
la contemplation. Quand les religieux étrangers
Le vin, l’ail et l’oignon sont des nourritures prohibées aux bouddhistes.
Transcription du sanskrit chandâla (« mangeurs de chiens »), les hors-caste.
Des cowries qui servent de monnaie.
Le parinirvâna, l’extinction totale, souvent employé au sens de nirvâna qui suit la mort physique ou,
tout simplement de mort d’un moine ou d’un saint personnage.
5. Ces donations étaient gravées sur des plaques de cuivre ou de métal.
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arrivèrent, les anciens vinrent au-devant d’eux, et les conduisirent, portant tour à tour leurs
habits et leur pot1. Ils leur apportèrent de l’eau pour se laver les pieds, de l’huile pour les oindre,
et une collation extraordinaire2 Après que ceux-ci furent reposés un instant, ils s’informèrent du
nombre et de l’ordre des sacrifices qu’ils avaient à pratiquer; et quand ils se furent rendus à
l’habitation, on les fit reposer après les avoir pourvus de tout ce qui leur était nécessaire,
conformément à la règle.
Les lieux où les religieux s’arrêtèrent sont la tour de Che li foe3, les tours de Mou lian4 et d’A nan5,
ainsi que les tours de l’A pi than 6, des Préceptes7 et des Livres sacrés8. Après qu’ils y eurent
goûté le repos pendant un mois, tous les gens qui espèrent le bonheur9 les exhortèrent à
reprendre leurs exercices pieux. Ils firent une collation extraordinaire; ensuite tous les religieux
tinrent une grande assemblée où l’on discourut sur la loi. Cette conférence terminée, on alla dans
la tour de Che li foe, faire offrande de toutes sortes de parfums, et la nuit entière on tint des
lampes allumées: ensuite on fit faire la même chose par d’autres personnes. Che li foe était jadis
un Brahmane qui vint auprès de Foe pour embrasser la vie religieuse. Il en est de même du
grand Mou han et du grand Kia che.
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5.
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Donc le bagage des moines: vêtements et pot ou bol destiné aux aumônes.
Quantité et horaire des repas sont très réglementés pour les moines,
Che li foe ou Sariputra, un des principaux disciples du Bouddha.
Autre grand disciple.
Ananda, le plus célèbre.
A pi than ou Abhidharma, troisième partie du Tripitaka, le canon bouddhique: la philosophie et la
psychologie, base doctrinale du Grand et du Petit Véhicule,
7. Les Vinayas, les préceptes, corbeille de la discipline régissant la vie des moines et nonnes,
troisième partie du Tripitaka.
8. En particulier les soutras du Bouddha.
9. Les pratiquants du bouddhisme.
Pikhieou ni1 adressent pour la plupart leurs hommages à la tour d'A nan, parce que ce fut A nan
qui pria l’honorable du siècle2 d’accorder aux femmes la permission d’embrasser la vie religieuse.
II y a aussi un ordre dans lequel les Cha mi3 remplissent leurs devoirs religieux. Ceux qui ont un
maître d’A pi than, rendent leurs hommages à l’Api than; ceux qui ont un maître en fait de
préceptes, honorent les préceptes. Chaque année, il y a un service de ce genre, et chacun d’eux
a son jour. Les dévotes au Ma ho yan4 rendent hommage au Phan jo pho lo mi 5, à Wen tchu sse
li 6, à Kouan chi in 7, etc.
Les religieux reçurent les présents qu’il est d’usage de faire à la fin de l’année. Les anciens,
les hommes en charge, les Brahmanes et autres leur donnèrent des habits de différentes
espèces, et d’autres objets aussi sont nécessaires aux Samanéens 8, et qu’on offre en aumône
aux religieux. Les religieux, de leur côté, firent pareillement des aumônes. Les rites et les
cérémonies que la sainte troupe 9 pratique, se sont ainsi succédé sans interruption depuis le ni
houan de Foe 10.
Après qu’on a passé le fleuve Sin theou, en venant vers l’Inde méridionale, et jusqu’à la mer
du Midi, il y a quarante ou cinquante mille li: ce sont partout des plaines où l’on ne voit ni grandes
montagnes, ni grands fleuves, mais seulement des rivières et des courants d’eau.
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Féminin de Pikieou (bhikshus, moines); il s’agit donc des nonnes, les bhikshuni.
Un des titres du Gautama Bouddha.
Disciples, novices.
Mahâyana, Grand Véhicule.
Prajna paramita, sagesse qui atteint l’autre rive, rédemptrice, objet d’une quarantaine de soutras.
Manjushri, Bodhisattva important qui, dans l’iconographie bouddhiste, porte l’épée et les textes de
la Prajnaparamita, symboles de sa sagesse victorieuse,
Guanyin ou Guanshiyin, autre personnage de la mythologie bouddhiste et grand Bodhisattva connu
aussi comme Padmapani ou Avalokiteshvara.
Désignation générale des religieux bouddhistes et hérétiques.
La Samgha, la communauté bouddhique.
Le nirvâna du Bouddha.
Traduction Abel Rémusat, 1836, Imprimerie royale.
Repris dans "Les pèlerins bouddhistes de la Chine aux Indes" André Lévy, éditions Lattès, 1995.
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