Quels sont les problèmes philosophiques essentiels

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QUELS SONT LES PROBLÈMES PHILOSOPHIQUES ?
Une question philosophique présente un enjeu capital, pour moi en particulier, en tant
qu'homme, et pour tous les hommes, universellement : voilà une ligne directrice pour
découvrir ce qui est primordial et ce qui fait problème.
LA VIE A-T-ELLE UN SENS ?
« Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la
vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question
fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a
neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d'abord répondre. Et
s'il est vrai qu'un philosophe, pour être estimable, doive prêcher l'exemple, on saisit
l'importance de cette réponse, puisqu'elle va précéder le geste définitif. Ce sont des
évidences sensibles au cœur, mais qu'il faut approfondir pour les rendre claires à
l'esprit.
Si je me demande à quoi juger que telle question est plus pressante que telle autre, je
réponds que c'est aux actions qu'elle engage. Je n'ai jamais vu personne mourir pour
l'argument ontologique. Galilée, qui tenait une vérité scientifique d'importance, l'abjura
le plus aisément du monde dès qu'elle mit sa vie en ril. Dans un certain sens, il fit
bien. Cette vérité ne valait pas le bûcher. Qui de la Terre ou du Soleil tourne autour de
l'autre, cela est profondément indifférent. Pour tout dire, c'est une question futile. En
revanche, je vois que beaucoup de gens meurent parce qu'ils estiment que la vie ne
vaut pas la peine d'être vécue. J'en vois d'autres qui se font paradoxalement tuer pour
les idées ou les illusions qui leur donnent une raison de vivre (ce qu'on appelle une rai-
son de vivre est en même temps une excellente raison de mourir). Je juge donc que le
sens de la vie est la plus pressante des questions. » A. Camus, Le mythe de Sisyphe.
« Le domaine de la philosophie se ramène aux questions suivantes : 1. Que puis-je
savoir ? 2. Que dois-je faire ? 3. Que m'est-il permis d'espérer ? 4. Qu'est-ce que
l'homme ?
A la première question répond la métaphysique, à la seconde la morale, à la troisième
la religion, à la quatrième l'anthropologie. Mais au fond, on pourrait tout ramener à
l'anthropologie, puisque les trois premières questions se rapportent à la dernière. »
E. Kant, La Logique.
LES QUESTIONS ESSENTIELLES QU'EST-CE QUE L'HOMME ?
A la question : Qu'est-ce que l'homme ? on pourrait rattacher (mais tout classement
reste arbitraire, car en philosophie, chaque problème est en relation avec beaucoup
d'autres)
Qui suis-je ?
« Mais je ne connais pas encore assez clairement ce que je suis, moi qui suis certain
que je suis ; de sorte que désormais il faut que je prenne soigneusement garde de ne
pas prendre imprudemment quelque autre chose pour moi. » (Deuxième Méditation
métaphysique de Descartes, paragraphe 5).
La réponse à cette question, et à l'exhortation philosophique « Connais-toi toi-même »,
présuppose celle qui est évoquée plus loin : Puis-je me connaître moi-même ?
- Ai-je une âme (spiritualisme), ou ma pensée émane-t-elle de la matière et de la vie
(matérialisme) ?
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- Suis-je essentiellement une conscience (Descartes) ou ai-je un « inconscient
psychique » (Freud) ?
- Qu'est-ce que la pensée ? Pouvons-nous penser sans les mots ?
- Faut-il opposer notre esprit et notre corps ? (oui : Socrate, Platon, Descartes)
- Pouvons-nous maîtriser nos désirs (c'est le vœu du rationalisme) ?
- L'essence de l'homme est-elle le désir (Freud) ou le travail (Marx) ?
- Nos besoins sont-ils naturels (certains, oui, pour Epicure et Rousseau), plus
psychologiques que biologiques (Freud), sociaux (Marx : l’homme est un être social) ?
- L'homme est-il un animal social (Aristote) ?
- Notre enfance est-elle le temps de l'erreur (Descartes), de l'innocence (Rousseau), de
la perversité (Freud) ?
- L'histoire humaine a-t-elle un sens (Hegel, Marx, Teilhard de Chardin) ?
- Suis-je libre (Descartes) ou déterminé (psychologiquement : Freud ; socio-
économiquement : Marx) ?
- L'homme est-il créé par les rapports sociaux (Marx et les sociologues) ou créateur de
ses rapports (Sartre) ?
- L'homme est-il aliéné par la technique (Heidegger) ?
QUE PUIS-JE SAVOIR ?
La question « Que puis-je savoir ? » peut se décliner en sous-questions :
- Puis-je me connaître moi-même ?
- Ma conscience est-elle transparente (Descartes) ou opaque à elle-même (Freud, à
cause de l'inconscient) ?
- Mon esprit est-il plus aisé à connaître que mon corps (Descartes) non (Nietzsche) ?
- Peut-on expliquer l'homme, ou seulement le comprendre (Dilthey) ?
- Le regard de l'homme sur lui-même peut-il être ou non scientifique ?
- Les sciences de l’homme peuvent-elles être des sciences exactes ?
- En quel sens peut-on dire que l'histoire est une science ?
- Puis-je connaître autrui ?
- A partir de moi, ou en sortant de moi ?
- Par la parole ou le silence ?
- Le langage est-il instrument de communication ?
- Puis-je connaître la réalité extérieure ?
- Sommes-nous certains ou non (Berkeley) d'une réalité matérielle extérieure ?
- Comment les théories scientifiques s'articulent-elles avec l'expérience ?
- Peut-on expliquer le vivant mécaniquement (Descartes), par une âme (Aristote), par
un élan spécifique (Bergson « l’élan vital ») ?
- Des questions plus générales recouvrent soit la théorie de la connaissance (ou
gnoséologie : examen critique des facultés de l'esprit humain à connaître la réalité au
sens large), soit l'épistémologie (« étude critique des principes, des hypothèses et des
résultats des diverses sciences », d'après le Dictionnaire philosophique de Lalande).
- Peut-on atteindre la vérité ? Est-elle une ou plurielle ?
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- Absolue ou relative (Protagoras : l’homme est la mesure de toute chose) ?
- Pouvons-nous connaître le fond des choses (Platon, Descartes, Spinoza) ou
seulement le monde à travers les catégories de notre entendement (Kant), les relations
entre les phénomènes, leurs lois, comme rapports constants et nécessaires (Comte) ?
- Les mots disent-ils l'essence des choses ?
- L'opinion est-elle ignorance (Kant, Bachelard : « l’opinion ne pense pas »), ou degré
plus ou moins probable du savoir (Leibniz) ?
- La vérité se reconnaît-elle à l'évidence (Descartes, Spinoza), à la vérification (James :
est vrai ce qui marche), à la pertinence de l'interprétation (Freud, Ricœur) ?
- Le corps fait-il obstacle à la connaissance (rationalisme spiritualiste) ?
- Nos idées sont-elles innées dans notre entendement (Platon, Descartes, Leibniz), ou
viennent-elles de l'expérience par nos sens (empirisme d'Aristote, Locke, Condillac) ?
- Le temps et l'espace sont-ils en nous (Kant) ou dans la nature (Aristote) ?
- La science doit-elle rompre avec l'opinion commune (Bachelard) ou la prolonger ?
- Les mathématiques doivent-elles être l'idéal de toute science (Descartes, Galilée),
leur servante (Bacon), ou un simple langage (nominalisme) ?
- Pourquoi voulons-nous savoir ? Pour nous rassurer (Epicure, Freud) ? Pour pouvoir
agir (Bacon, Descartes, Comte) ? « Science, d’où prévoyance, prévoyance d’où
action. » Savoir pour prévoir, prévoir pour agir exemple : la médecine préventive.
QUE DOIS-JE FAIRE ?
La question « Que dois-je faire ? » soulève les questions de la morale et de la
politique :
- Qu'est-ce que le Bien ?
- Est-il affaire de désir (Aristote), de cœur (Pascal, Rousseau) ou de raison (Descartes,
Kant) ?
- Dois-je rechercher le plaisir (Epicure) ou la vertu (Epictète) ?
- Faut-il lutter contre le luxe (Epicure, Rousseau) ou non (Montesquieu) ?
- Faut-il maîtriser son imagination (Epictète, Descartes) ou la développer (Nietzsche) ?
- La passion est-elle dangereuse (rationalisme), choix de vie (Nietzsche - surhumain ?)
- Faut-il plutôt vaincre ses désirs (Stoïciens, Descartes) ou l'ordre du monde (Marx) ?
- Autrui est-il pour moi un moyen (Sade, Machiavel) ou doit-il être une fin (Kant, le
personnalisme d’Emmanuel Mounier) ?
- Suis-je responsable d'autrui (Lévinas) ou est-il mon ennemi (Hegel, Sartre) ?
- Ma liberté est-elle source de responsabilité ou/et de culpabilité ?
- Le droit est-il naturel (Spinoza) ou conventionnel (Rousseau, Marx) ?
- Les lois sont-elles nécessaires ?
- La politique est-elle la science du bien commun (Aristote), au service de la morale
(Kant), ou l’art de réussir (Machiavel) ?
- Comment fonder les droits de l'homme et du citoyen ? Sont-ils transcendants
(révolutionnaires de 1789) ou formels (la démocratie bourgeoise de Marx) ?
- Qu'est-ce que le juste ?
- La démocratie est-elle le meilleur régime politique?
- L'État trouve-t-il son fondement en Dieu (Bossuet), la force (Hobbes) le peuple
(Rousseau) ?
- Quelle place l'État doit-il laisser à la liberté individuelle ?
- Comment faire la paix entre États ?
- Faut-il se révolter contre un pouvoir injuste (Marx) ?
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QUE PUIS-JE ESPÉRER ?
Enfin à la question « Que puis-je espérer? » on peut rattacher les questions suivantes :
- Dieu existe-t-il ?
- Avons-nous une âme ? Est-elle immortelle ?
« J'ai toujours estimé que ces deux questions de Dieu et de l'âme étaient les
principales de celles qui doivent plutôt être démontrées par les raisons de la
Philosophie que de la théologie, car... il ne semble pas possible de pouvoir jamais
persuader aux Infidèles aucune Religion, ni quasi même aucune vertu morale, si on ne
leur prouve ces deux choses par raison naturelle. » Descartes, § 1 de l'Épître des
Méditations métaphysiques, 1641.
- Pourquoi mourir ?
- Faut-il craindre la mort (Non : Epicure) ?
- Est-elle libératrice du corps (oui : Socrate dans le Phédon) ?
- La croyance est-elle force (Pascal, Kierkegaard) ou faiblesse de l'esprit (Marx,
Nietzsche, Freud les 3 maîtres du soupçon) ?
- La raison fait-elle disparaître la croyance (rationalisme matérialiste), ou la
fonde-t-elle ? (Descartes, Kant) ?
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