plurielles et se posent dans leurs rapports à l’altérité ; à ce niveau aussi le plurilinguisme
importe.
Ces arguments s’adossent à une définition réaliste de la notion de compétence plurilingue : le
plurilinguisme visé n’est pas celui d’un polyglotte virtuose, mais bien celui d’un locuteur ordinaire au
capital langagier diversifié, où les compétences partielles ont leur place. Pas de maximalisme, mais
bien un profil différencié de capacités plurielles en langues et d’ouverture à la diversité culturelle.
Demeure toutefois, au-delà de ce qui peut faire consensus, une conviction largement répandue quant à
la première finalité rappelée, celle du droit de chacun à la réussite scolaire et, en corollaire, du devoir
pour tout système éducatif de garantir cette réussite (ou, à tout le moins, de procurer à tous les
conditions les plus favorables à ce qu’elle advienne). Cette conviction est que ce qui importe d’abord et
avant tout, c’est une bonne maîtrise fonctionnelle (et réflexive) de la langue majeure de scolarisation. Et
ceci tout particulièrement pour les enfants de milieux défavorisées et les enfants de l’immigration.
Conviction que partagent non seulement la très grande majorité des enseignants, mais aussi la plupart
des parents concernés.
Rien d’étonnant dès lors, si, lorsque les enfants et adolescents se trouvent en situation d’échec ou de
retard scolaire, c’est leur maîtrise insuffisante de la langue de scolarisation qui est incriminée et si, du
même coup, c’est l’école qui se trouve taxée d’insuffisance et quasiment de rupture de contrat ; et cela
surtout parce qu’elle aurait laissé s’installer ou n’aurait que mal rectifié des déficiences linguistiques
imputées à l’incidence de pratiques langagières qui lui sont extérieures, parce que relâchées ou
incorrectes… ou étrangères.
La réponse généralement proposée dans ces circonstances consiste en un renforcement des
« fondations », un return to basics : graphie et orthographe, vocabulaire et grammaire de base,
entrainement systématique à la lecture, focalisation sur le niveau de la phrase ; avec une approche
centrée sur le fonctionnement du système et la dimension normative de la langue, au détriment de
l’expression personnelle spontanée et en limitant autant que possible l’ouverture à d’autres variétés et
d’autres langues.
D’où une scène éducative qui, dans nombre de contextes, est marquée par des tensions et des
ambiguïtés et où le traitement de la langue de scolarisation, surtout comme matière autonome, se
trouve au centre de débats souvent vifs.
1.3. Une option fondamentale
Les tensions et polémiques rappelées ici ne sauraient donner lieu à caractérisation hâtive en termes de
querelle des anciens et des modernes, des conservateurs et des progressistes. La situation, variable
selon les contextes, relève partout d’enjeux fondamentaux et complexes. On posera donc les
affirmations suivantes :
Dans la mesure où elle joue un rôle central dans la réussite scolaire et dans l’environnement
social, la maîtrise de la langue de scolarisation importe au premier chef parmi les objectifs de
tout projet éducatif. Il s’agit là d’une donnée incontournable.
Tout aussi clairement, l’école doit aujourd’hui ouvrir et s’ouvrir à la pluralité des langues et des
cultures et ceci peut-être moins pour des raisons de fonctionnalité pratique que pour des
finalités plus globales touchant au futur de nos sociétés.
Prendre en compte ces deux exigences ne saurait relever d’un compromis ni d’une forme de
partage territorial. Le défi est de faire en sorte que ce qui, dans l’école, se pratique en
dehors et à côté de la langue de scolarisation bénéficie à cette dernière et, inversement,
que la manière dont celle-ci est travaillée et développée permette aussi l’ouverture sur la
pluralité. Approche intégratrice donc, mais sans perte des repères et des spécificités de
chaque matière ou composante du programme scolaire.