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l'action des pouvoirs publics
CHAPITRE : L'INTERVENTION DE L'ETAT
DANS LA SPHERE ECONOMIQUE ET
SOCIALE
INTRODUCTION :
Selon la Comptabilité nationale (cf. chap. comptabilité nationale) : " une administration est
définie comme un organisme produisant des biens ou des services non marchands " .Pour
déterminer la sphère d'intervention de l'Etat, 2 critères sont utilisés :
l'Etat propose une production non marchande, alors que les entreprises effectuent une
production marchande ( cf cours sur la Comptabilité Nationale )
c'est la distinction privé-public : est considérée comme publique toute organisation qui dépend
de l'Etat
L'Etat comprend donc les administrations : elles réunissent les 2 critères :
production non marchande,
relevant du secteur public
On distingue 3 types d'administrations :
administrations publiques centrales(APUC) qui relèvent du pouvoir central : l'Etat au sens
strict
administrations publiques locales (APUL) qui relèvent d'un échelon local : mairie, conseil
général, régional
administrations de Sécurité Sociale (ASSO)
L'ensemble représente l'Etat au sens large .
PARTIE 1 - LA MESURE DE L'INTERVENTION DE L'ETAT
Pour connaître le poids de l'Etat dans l'Economie, il faut prendre en compte toutes les
dépenses et les recettes de l'Etat. 2 techniques sont possibles :
mettre en évidence toutes les recettes et les dépenses de l'Etat
les classer selon le niveau d'intervention étatique
I - UNE ETUDE SELON L'AGENT CONCERNE ( 1 p 286 )
A - LE BUDGET DE L'ETAT
Le budget de l'Etat est un document retraçant l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Etat
pour une année civile .
1 - LES RECETTES ( 4 p 289-290 )
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2 grandes types de recettes existent.
a - LES RECETTES NON FISCALES
recettes de la production marchande de l'Etat ( armement )
recettes exceptionnelles ( privatisations d'entreprises publiques )
Ces recettes représentent un poids très faible des recettes totales : 8 %
b- LES RECETTES FISCALES
On distingue 2 grands types d'impôt :
les impôts directs : impôts supportés et versés par le même agent économique au percepteur
les impôts indirects sont supportés par certains agents et versés au fisc par d'autres
bl - LES IMPOTS DIRECTS
On ne va étudier que les impôts directs essentiels
b11- L'IMPOT SUR LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES (IRPP) (27 p 274)
Il représente 19 % des recettes fiscales
mode de calcul : le revenu est partagé en tranches classées par ordre croissant, chaque tranche
a un taux d'imposition différent ( appelé taux marginal d'imposition ).Plus le revenu
augmente, plus le taux d'imposition marginal est élevé ( mais tout le revenu n'est pas taxé à ce
taux, seule la tranche supérieure l'est ). Plus le revenu est élevé, plus le montant de l’impôt à
charge est élevé , ainsi que le taux moyen d'imposition ( impôt / revenu )
C'est donc un impôt progressif qui a pour fonction de réduire les inégalités .
b12 - L'IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ( IBS)
II représente 15% des recettes fiscales. 11 concerne les sociétés de capitaux ayant le statut de
personnes morales ( SA, SARL,...).
mode de calcul = Bénéfice imposable x taux d'imposition
c'est donc impôt proportionnel : même si les sociétés qui ont le bénéfice le plus élevé paient,
en absolu , le plus d'impôt, en relatif, elles subissent le même poids . Les inégalités entre les
entreprises restent donc constantes .
b13 - LA CONTRIBUTION SOCIALE GENERALISEE(CSG) ( 4p 287)
La CSG , qui s'apparente à un impôt par certains aspects , est devenue le premier impôt direct
en France, devant l'impôt sur le revenu. Elle a été créée en 1991.
mode de calcul : elle est prélevée sur tous les revenus , même faibles, quelle que soit leur
nature ( primaires, secondaires ) .montant de CSG - revenu x taux
c'est donc un impôt proportionnel puisque le poids de cet impôt pèse sur toute la population
de la même manière elle est destinée à financer la protection sociale ( RMI ) et à rembourser
le déficit de la Sécurité Sociale . C'est un impôt et non une cotisation sociale, car il est prélevé
par l'Etat au sens strict et non par la Sécurité Sociale .
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b2 - LES IMPOTS INDIRECTS : LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE ( TVA )
Elle représente44 % des recettes fiscales
mode de calcul : elle est basée sur les biens et services consommés en France et la collecte est
assurée par les entreprises pour le compte de l'Etat. Lorsqu'une entreprise fait une facture à un
client, elle indique le prix hors-taxe, puis le montant de la taxe, et enfin le montant toutes
taxes comprises . Si le client est une entreprise, elle peut déduire elle-même la TVA payée des
montants de TVA qu'elle prélèvera sur ses propres clients . En fin de compte, c'est l'acheteur
ultime qui règle la TVA. Il y a deux taux de TVA : un taux normal ( 19,6% ) et un taux réduit
de 5,5% ( produits alimentaires, presse, livres, services aux particuliers )
c'est un impôt qui est qualifié d'indolore car on ne se rend pas compte qu'on le paye : pour les
entreprises qui le collectent, il est neutre car elle le font payer aux consommateurs . Ceux-ci
ne font pas la différence, dans le prix, entre TVA et prix réel du bien .
plus le niveau de consommation est élevé , plus le montant de TVA est important. Or ce sont
les ménages les plus riches qui ont le niveau de consommation le plus élevé : en absolu, ils
paient donc davantage de TVA . En relatif, ce n'est plus le cas : si on regarde la part du revenu
qui sert à la consommation , on se rond compte que plus le revenu est élevé, plus la part du
revenu consommé est faible . Ainsi, si on effectue le rapport TVA / Revenu, on se rend
compte que ce poids est plus élevé pour les ménages pauvres . La TVA est donc un impôt
dégressif : plus le revenu est élevé , plus le poids de cet impôt se réduit. Il accroît donc les
inégalités .
2-LES DEPENSES(2 p 287)
II y a deux manières de présenter les dépenses publiques :
a-PAR NATURE
dépenses ordinaires : rémunération des fonctionnaires, aides à l'emploi, subventions aux
entreprises
dépenses en capital : investissements
b- PAR FONCTIONS
Il s'agit de connaître la destination des recettes par secteurs : éducation, emploi, santé, ...
3 - LE SOLDE DES RECETTES ET DES DEPENSES
On parle de déficit budgétaire quand les recettes fiscales sont inférieures aux dépenses .
Il ne faut pas confondre avec la dette publique : c'est le montant des emprunts faits par l'Etat
pour financer son déficit budgétaire .
Comme les déficits se cumulent chaque année, la dette publique n'est pas égale au déficit de
l'année, car elle incorpore aussi une partie des déficits budgétaires passés.
B - LE BUDGET DE LA SECURITE SOCIALE
1 - PRESENTATION DE LA SECURITE SOCIALE
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L'objectif de la Sécurité Sociale est de " libérer l'homme du besoin " ( Plan Beveridge en 42
en Grande-Bretagne ) . La Sécurité Sociale doit protéger les individus contre les risques
majeurs de l'existence ( maladie, vieillesse , chômage ), tout en considérant que ces risques
peuvent toucher toute la population et ne sont pas concentrés sur une partie exclue de la
population
Pour la mise en place de la Sécurité Sociale, 2 logiques apparaissent :
celle de la GB : c'est un système généralise qui couvre l'ensemble de la population : le
financement se fait par impôt et concerne le budget de l'Etat
celle de la France : la base de la protection est l'emploi salarié ( les indépendants ont refusé
d'adhérer au système ). Le travail salarié donne droit automatiquement et obligatoirement à
l'affiliation à la Sécurité Sociale . Le budget de la Sécurité Sociale est donc indépendant du
budget de l'Etat
On va s'intéresser essentiellement, en prmière, au cas de la France.
2 - LES RECETTES : LES COTISATIONS SOCIALES
elles sont versées par les entreprises aux administrations de Sécurité Sociale . On distingue les
cotisations sociales salariés et employeurs pour bien mettre en évidence que ce sont des
organismes paritaires : ils sont gérés par les syndicats de salariés et de patrons ( le MEDEF a
souvent menacé de les quitter ) .Mais , pour l'entreprise ou le salarié , cette distinction n'est
pas importante
mode de calcul : Les cotisations sont fonction du salaire : jusqu'à un certain seuil, elles
représentent une fraction constante du salaire. Au-delà de ce seuil appelé plafond, les
cotisations sociales restent constantes, même si le salaire augmente.
Ainsi. jusqu'au plafond , les cotisations sont proportionnelles , puisque la part prélevée est
identique , quel que soit le salaire. Au-delà, elles sont dégressives : comme le montant reste
identique , quand le salaire augmente, la part du salaire versé en cotisations augmente : les
cotisations accroissent donc les inégalités .
Car l'objectif de la Sécurité Sociale n'est pas la redistribution, mais l'assurance sociale . Or, on
peut faire l'hypothèse que les risques sociaux sont identiques, quel que soit le salaire .
3 - LES DEPENSES
Ces cotisations servent à financer principalement 4 prestations :
allocations familiales : elles sont versées à tous les ménages qui ont au moins 2 enfants à
charge (jusqu'à 17 ou 20 ans ). Le montant dépend du nombre d'enfants , mais il est
indépendant du revenu .
prestations sociales en matière de santé :
+ remboursement des dépenses de santé qui est toujours partiel
+ indemnités journalières qui sert à compenser la perte de revenu due à la maladie
indemnisation du chômage
pensions de retraite : le système français est un système par répartition. Le montant des
cotisations prélevées sert à financer les retraites . Les cotisants s'assurent des droits pour avoir
une retraite plus tard .
CONCLUSION :
Le système de Sécurité Sociale est efficace quand le chômage est limité et de courte durée ,
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puisque l'affiliation dépend de l'emploi salarié . Dès que le chômage augmente et devient
durable, la protection n'existe plus tant au niveau des indemnités chômage ( au-delà, les
allocations s'arrêtent ) qu'au niveau des soins de santé . Pour empêcher l'exclusion d'une partie
de la population du revenu mais aussi des soins de santé, des mesures ont été prises :
le Revenu Minimum d'Insertion ( RMI ) : créé en 1998 . Il est versé à toute personne de plus
de 25 ans ( ou moins si il y a charge de famille ). C'est une allocation différentielle, c'est-àdire que le RMI s'ajoute aux autres revenus pour atteindre le montant fixé du revenu
minimum . Il est fonction du nombre de personnes dans le ménage
la Couverture Mutuelle Universelle ( CMU ) : donner à tous les français une complémentaire
maladie
Ce sont donc des éléments de protection sociale , mais ils ne sont pas financés par la
protection sociale , car ils ne sont pas basés sur l'emploi salarié. Ils sont inscrits dans le budget
de l'Etat et sont donc financés par les impôts . Il est donc difficile de séparer les différentes
types de prélèvements ( la CSG appartient au budget de l'Etat, mais sert à financer la
protection sociale) et les différents types de dépenses . Il est alors intéressant de procéder à
une étude des dépenses de l'Etat de manière globale, c'est-à-dire en prenant l'Etat au sens large
.
II - UNE ETUDE PRENANT EN COMPTE L'ETAT AU SENS LARGE
A-LES RECETTES
Prélèvements obligatoires = Impôts directs et indirects + Cotisations sociales
Prélèvements obligatoires
Taux de prélèvements obligatoires = --------------------------------- x 100
PIB
Ce taux mesure la part des richesses collectées par l'Etat. Cela donne ainsi une mesure du
poids de l'Etat dans la vie économique et permet donc d’opérer des comparaisons
internationales .
B - LES DEPENSES
On va classer les dépenses selon leur nature :
dépenses traditionnelles ( Pouvoirs Publics, Justice, Sécurité, Défense Nationale ) : toutes les
dépenses qui relèvent de l'Etat-Gendarme. En effet, d'après la conception libérale, l'Etat n'a
pas à intervenir dans le domaine économique et social car le marché s'autorégule ( cf chapitre
sur le marché ). L'Etat doit donc seulement assurer la sécurité intérieure et extérieure de la
population.
dépenses nouvelles ( Action culturelle , sociale, économique, logement, urbanisme ) : elles
relèvent de l'Etat - Providence . L'Etat doit aussi protéger la population contre les risques
économiques et sociaux.
dépenses non fonctionnelles : leur raison d'être n'est pas d'assurer le fonctionnement de l'Etat.
Ce sont surtout des remboursements d'emprunts.
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PARTIE II – LES POLITIQUES ECONOMIQUES FACE A LA
CRISE
SECTION I : DES POLITIQUES INTERVENTIONNISTES
NECESSAIRES, CAR LE MARCHE NE S’AUTOREGULE PAS :
L’ANALYSE KEYNESIENNE DU ROLE DE L’ETAT.
I ) LA REMISE EN CAUSE DE L’HYPOTHESE D’AUTOREGULATION DU MARCHE.
A ) LES ANALYSES LIBERALES DES DEFAILLANCES DU MARCHE(cf chapitre
marché).
Postulat de base : Traditionnellement, les auteurs libéraux considèrent que dans une économie
de concurrence pure et parfaite (cf. : hypothèses vues en première) le marché dispose de
capacités d’autorégulation ( la régulation par les prix : cf. première ) qui assurent, dans le long
terme, un équilibre stable de plein emploi. Le marché, selon la conception parétienne, assure
donc une régulation optimale de l’économie.
Les conséquences : Dés lors l’intervention de l’Etat apparaît au mieux comme inutile, au pire
comme source de blocage qui génère une croissance sous optimale.
Les limites : Mais les auteurs libéraux vont, dès A. Smith, se rendent compte que le marché
connaît un certain nombre de défaillances ( market failures ), en particulier cela concerne 2
domaines : les effets externes et les biens collectifs.
1° ) LES BIENS COLLECTIFS
Définition : certains biens sont dits indivisibles, car ils ne peuvent faire l’objet d’une
appropriation privative et peuvent donc être utilisés par plusieurs individus ( défense
nationale, infrastructures routières, ... ).
Conséquences : Dès lors :
- les individus n’accepteront pas de contribuer au financement de ces biens ; ils préféreront
adopter le comportement du passager clandestin (free-rider), c’est--dire refuser de contribuer
au financement du bien et l’utiliser dès lors qu’il sera mis en place .
- Si l’on considère que tous les individus sont égoïstes et rationnels , ils adapteront tous le
comportement du free rider; donc l’entreprise ne pourra produire le bien ou le service car
personne n’acceptera de contribuer à son financement . Pourtant , ce bien peut être considéré
comme indispensable par la population
Solution : l’Etat va alors se substituer au marché défaillant en finançant sa production , en
contrepartie il prélèvera des impôts qui assureront son financement .
2° ) LES EFFETS EXTERNES (7 p 262)
Définition : Il existe des cas où l’action des individus peut avoir des répercussions ( positives :
vaccination qui diminue les risques d’épidémie , ou négatives : pollution ) non souhaitées par
l’individu qui se répercutent sur la collectivité.
Conséquences : Comme cet effet externe ne s’opère pas dans le cadre d’une transaction
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marchande et qu’il est souvent difficile ( ex : pollution ) de savoir quel est l’agent qui en est
responsable , le marché ne peut assurer la résorption de l’effet externe .
Solutions : Il est obligé de faire appel à une intervention de l’Etat qui va agir , soit en
réglementant(ex : en imposant la vaccination afin de réduire le risque d’épidémie), soit en
faisant payer l’émetteur de l’effet externe(par exemple en imposant des droits à polluer)
B ) DES CRITIQUES PLUS RADICALES .
1 – LA MYOPIE DU MARCHE.
Postulat néo-classique : Dans la théorie économique classique , les agents économiques sont
guidés par des signaux ( les prix ) qui leur permettent d’optimiser leur situation .
Limites de l’analyse : mais ces prix reflètent la situation de l’économie à un instant donné du
temps . Or les agents économiques prennent aujourd’hui des décisions qui engageront leur
avenir ( exemple : les décisions d’investissement telles que la construction d’une usine), et le
marché s’avère incapable de leur donner des informations permettant de réduire l’incertitude .
Solutions : Certains pays , dont la France ont adopté une stratégie de planification indicative
et incitative ( qui n’a rien de commun avec celle de l’URSS ) visant en particulier à faciliter la
circulation de l’information et à réduire l’incertitude quant aux évolutions futures .
2 - LA REMISE EN CAUSE DES HYPOTHESES DU MARCHE DE CPP(4 à 6 p 260)
Critiques de l’analyse néo-classique : contrairement à ce qu’affirment les auteurs libéraux , le
marché n’est pas un marché de cpp :
- L’hypothèse d’homogénéité des biens apparaît plus que discutable dans un monde où les
logiques d’innovations (cf. chapitre progrès technique : Schumpeter) et de différenciation (cf.
le rôle des marques) sont de plus en plus importantes.
- l’hypothèse d’atomicité est remise en cause par l’existence d’oligopoles ou de monopoles
qui disposent d’un pouvoir de marché qui leur permet d’influencer les prix (cf. : thème sur les
fusions et les concentrations) . Cela débouche sur des situations sous-optimales ( production
plus faible , prix plus élevé )
- l’hypothèse de libre circulation des biens et des facteurs de production est elle aussi remise
en cause par les diverses entraves règlementaires qui sont élaborées par les Etats afin de
limiter la concurrence (cf ; l’analyse du protectionnisme dans le chapitre sur la
mondialisation)
- Enfin l’hypothèse de transparence (c’est à dire la circulation de l’information sans coût) est
discutable en raison de l’intérêt qu’ont les agents économiques de protéger leurs informations
afin de maximiser leur satisfaction.
Les solutions : elles vont nécessiter des interventions de l’Etat qui agira :
- soit en prenant le contrôle direct des monopoles ( nationalisations ),
- soit en réglementant afin d’empêcher la constitution de monopoles ( cas américain : cf.
Microsoft )
3 – LA CRITIQUE KEYNESIENNE
Critiques de l’analyse néo-classique : Keynes va développer Sa critique en montrant que :
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- la régulation par les prix n’est pas optimale,
- qu’elle débouche trop souvent sur des comportements moutonniers ( ou mimétiques) de la
part des agents économiques ( qui ne sont pas alors considérés comme rationnels )
- ce qui peut plonger l’économie dans des situations de crise économique , qui sont
cumulatives .
Solutions : une intervention de l’Etat s’avère alors nécessaire pour sortir l’économie de la
crise. D’autant plus que Keynes conteste l’idée que les variables macro-économiques puissent
être analysées comme le résultat de l’agrégation des comportements individuels .
II ) L’ANALYSE KEYNESIENNE : UNE CONCEPTION ACTIVE DU ROLE DE L’ETAT
.
A ) LES POLITIQUES CONJONCTURELLES
Pour comprendre le rôle conféré à l’Etat par l’analyse keynésienne , il faut partir de l’étude de
l’enchaînement keynésien de l’économie :
L’objectif de la politique macro-économique : La politique macro-économique vise
· un objectif prioritaire : assurer le plein-emploi des facteurs de production , en particulier le
travail .
· Elle dispose pour cela d’une cible privilégiée : la demande effective . En effet , selon Keynes
, l’économie ne tend pas naturellement vers le plein-emploi , car la propension moyenne à
consommer (C/R) étant inférieure à 1 , la consommation augmente moins vite que le revenu .
C’est donc l’investissement qui doit compenser l’écart croissant qui se creuse entre les 2
variables (cf. chapitre investissement) .
· Keynes préconise alors une politique active qui vise à assurer le plein emploi en
contrecarrant les tendances de l’économie de marché ( absence d’autorégulation ) . Il s’agit
donc d’assurer une expansion durable : « le vrai remède au cycle économique ne constitue pas
à supprimer les booms et à maintenir en permanence une semi-dépression , mais à supprimer
les dépressions et à maintenir en permanence une situation voisine du boom » (Théorie
générale )
Les moyens : Voyons maintenant quels sont les différents moyens envisagés par Keynes afin
d’ assurer le boom :
· dans l’analyse keynésienne, l’investissement joue un rôle central ; c’est de son niveau que
dépend le plein emploi
· Or l’investissement peut être freiné par une chute de l’efficacité marginale du capital ,
résultant d’anticipations sur l’évolution de la demande pessimiste de la part des entrepreneurs
, mais aussi par un niveau trop élevé des taux d’intérêt ( lié à la préférence pour la liquidité ) .
· Pour éviter le freinage de l’investissement , Keynes envisage trois solutions essentiellement :
1° ) UNE POLITIQUE MONETAIRE EXPANSIVE VISANT A DIMINUER LES TAUX
D’INTERET REELS
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a - L’objectif :
L’objectif est de soutenir l’investissement privé en appliquant une politique monétaire
expansive visant à réduire les taux d’intérêt.
b - Un effet positif :
Contrairement à ce qu’affirmeraient les libéraux, Keynes ne considère pas que cette politique
soit inflationniste . En effet:
· dès lors que tous les facteurs de production ne sont pas mis en oeuvre ( situation de sousemploi )
· une politique monétaire expansive aura un effet moteur sur la sphère réelle ( Keynes rejette
donc la théorie quantitative de la monnaie quand l’économie est en situation de sous-emploi )
.
· La chute du taux d’intérêt qui résultera de cette politique monétaire permettra , à efficacité
marginale du capital constante , d’augmenter la rentabilité de l’investissement .
c- mais limité :
Mais, selon Keynes , cette politique est limitée ( l’exemple du Japon aujourd’hui ) car :
· la baisse du taux d’intérêt peut être compensée par une chute plus que proportionnelle de
l’efficacité marginale du capital ,
· mais surtout la baisse des taux ne saurait franchir une limite ( Keynes la qualifie de trappe à
la liquidité ) , c’est-à-dire que si le taux d’intérêt devient trop faible , toute la monnaie détenue
par les ménages est thésaurisée, ce qui engendre des fuites allant à l’encontre des objectifs
recherchés par la politique monétaire expansive ( injecter des liquidités pour soutenir la
croissance ) .
2° ) DES POLITIQUES DE SOUTIEN DE LA CONSOMMATION .
a - L’objectif :
L’objectif est de soutenir la consommation afin d’améliorer les anticipations des chefs
d’entreprise sur l’évolution future de la demande effective ( modèle de l’accélérateur ) .
b - Les moyens :
Le gouvernement dispose pour cela de trois leviers essentiellement :
b1- une politique de revenu
Mesures :Il faut augmenter les salaires sur lesquels le gouvernement peut peser , c’est-à-dire
en France , le SMIC et les salaires des fonctionnaires ( politique de revenu ).
Limites : Encore faut-il que cela n’augmente pas trop le coût du travail , car alors cela risque
d’entraîner une augmentation du chômage , contraire à l’objectif recherché .
b2 - distribuer des prestations sociales ( une politique d’accroissement des minima sociaux par
exemple) aux ménages les plus défavorisés
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Mesures : En effet ceux sont ces ménages qui ont la propension à consommer la plus élevée .
On peut donc considérer que les fuites vers l’épargne seront réduites et donc que l’effet
multiplicateur sera plus important
Limites : Néanmoins dans un contexte de récession les ménages qui craignent le chômage
peuvent avoir tendance à épargner le surplus de revenu, ce qui limite les effets de relance ;
b3 - réduire les taux d’imposition ( politique de tax cut)
Mesures : en particulier ceux pesant sur les ménages les moins aisés ( baisse du taux
d’imposition sur le revenu , Pb, encore faut-il qu’ils soient imposables ; ou alors baisse des
taxes telles que la TVA qui frappent la consommation ), ce qui vise non pas , comme dans une
perspective libérale , à augmenter l’incitation au travail et à l’épargne des ménages les plus
aisés , mais à relancer la consommation (les fuites vers l’épargne seront d’autant plus élevées
que la propension à épargner est forte, c’est à dire que le revenu du ménage augmente).
Limites : En France ou ù la moitié de la population n’est pas imposée sur le revenu ce type de
mesure a forcément un effet limité. Seule une baisse du taux de TVA aurait un réel effet de
relance mais cette mesure serait très coûteuse à court terme et nécessite l’accord de la
commission européenne.
CONCLUSION :
Toutes ces mesures :
· ont l’avantage de réconcilier l’efficacité économique et la justice sociale ( cf thème :
démocratie et inégalités ) .
· Néanmoins elles présentent toutes (quoique à des degrés différents) un inconvénient : l’effet
multiplicateur en est réduit car une partie des ressources distribuée aux ménages sera épargnée
.
3° ) UNE POLITIQUE DE RELANCE PAR LES DEPENSES PUBLIQUES .
Le principe : Le gouvernement peut se substituer à l’investissement défaillant des entreprises
en augmentant ses dépenses publiques , en particulier :r en appliquant des politiques de grands
travaux (investissement autonome : cf Roosevelt dans les années 30 ).
Les conséquences : L’effet de relance sur l’économie sera plus important que celui assuré par
un soutien de la consommation , car il n’y a pas de fuite immédiate vers l’épargne ( les fuites
n’ont lieu qu’à travers le mécanisme du multiplicateur) .
Les limites : Toutes ces politiques ont un inconvénient : elles augmentent les dépenses
publiques ou diminuent les recettes ; elles engendrent donc une augmentation du déficit public
4° ) L’ANALYSE KEYNESIENNE DU DEFICIT PUBLIC .
Dans une perspective keynésienne , il faut distinguer 2 types de déficit:
a - le déficit conjoncturel
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Il a un effet contra-cyclique qui s’exerce par le biais des stabilisateurs automatiques .
On peut distinguer le court et le long terme :
- A court terme :
· Dans le cas d’une dépression , le revenu des ménages chute , donc à taux de prélèvements
obligatoires constant , les recettes publiques diminuent .
· Dans le même temps , les dépenses augmentent mécaniquement du fait de l’accroissement
du chômage ( niveau de prestations sociales inchangé ) .
· Selon les keynésiens , l’augmentation du déficit ne doit pas être considérée négativement ,
elle permet d’éviter à l’économie de tomber dans la dépression cumulative .
- Sur le long terme : on peut envisager que les périodes de croissance et de dépression se
compensent et donc que les déficits cumulés par les stabilisateurs automatiques durant les
dépressions sont financés par les excédents engendrés par les booms . En effet :
· durant l’expansion , les recettes publiques augmentent ( à taux de prélèvements obligatoires
constant ) ; dans le même temps le chômage diminuant , les prestations distribuées chutent ,
d’où baisse des dépenses ,les stabilisateurs automatiques freinent l’augmentation de la
demande et donc le risque d’une croissance inflationniste . Ils exercent donc un effet
contracyclique .
· pour la récession on observe les effets inverses
b - les politiques discrétionnaires :
Intérêt : Mais le gouvernement peut considérer , surtout en période de dépression , que les
stabilisateurs automatiques n’exercent pas un effet suffisant : les autorités mènent alors des
politiques discrétionnaires de relance qui visent à exercer un effet d’entraînement sur la
demande effective par une augmentation des dépenses publiques et/ou une diminution des
taux de prélèvements obligatoires ( tax cut ).
Limites : Cette politique engendre un déficit supérieur à celui qui est attendu du fait des seuls
stabilisateurs automatiques . Se pose alors le problème du financement du déficit .
5° ) LES MODES DE FINANCEMENT DU DEFICIT PUBLIC
3 types de financement peuvent être envisagés :
a - une augmentation des taux de prélèvements obligatoires
Ce type de mesure serait contraire à l’objectif de relance , car elle ponctionnerait le revenu des
ménages et freinerait leur demande . Ou alors , elle devrait être concentrée sur les tranches de
revenu les plus élevées ( augmentation de la progressivité de l’impôt ) qui ont les propensions
à consommer les plus faibles .
b - financement par l’émission de bons du Trésor
Cette mesure vise des agents non monétaires . cette solution n’est envisageable que :
· si le marché financier est très déprimé ( offre de capitaux supérieur à la demande ) donc si
les taux d’intérêt sont très bas ( cf trappe à la liquidité ) ; alors l’augmentation de la demande
de capitaux de l’Etat n’engendrera pas un accroissement du taux d’intérêt qui évince les
entreprises .
· Dans le cas où les taux d’intérêt sont supérieurs au niveau de la trappe à la liquidité , le
financement par l’emprunt qui augmente les taux d’intérêt risque d’évincer les entreprises ,
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donc de diminuer l’investissement , ce qui est contraire à l’objectif recherché ( l’effet négatif
est limité si les dépenses publiques sont des dépenses d’investissement , se substituant à
l’investissement privé défaillant ).
c - le financement monétaire ( communément nommé à tort financement par la planche à
billets ) :
les autorités publiques vont demander des avances à la Banque de France ou vont émettre des
Bons du Trésor qu’elles vont placer auprès des agents monétaires ( Banque de France ou
banque de second rang ) . Dans une perspective keynésienne ce mode de financement n’est
pas obligatoirement inflationniste :
· bien qu’il engendre une augmentation de la masse monétaire en circulation , il peut n’avoir
qu’un effet réduit sur l’évolution des prix si l’économie est en sous-emploi .
· En effet , elle dispose alors de capacités de production disponibles qui peuvent répondre à
l’augmentation de la demande résultant de la politique de relance .
· Ce mode de financement semble d’autant plus intéressant qu’il réduit les taux d’intérêt et
favorise donc l’investissement des entreprises .
Remarque : Si l’Etat ne veut pas accroître le déficit public au-delà du déficit conjoncturel , il
peut appliquer une politique conforme aux préceptes de Haavelmo , c’est-à-dire qu’il va
augmenter du même montant les dépenses publiques et les impôts . Contrairement à ce que
l’on pourrait penser , l’effet n’est pas nul : on observe un effet multiplicateur égal au montant
des dépenses publiques qui demeure toutefois inférieur à une politique de relance sans
financement par l’impôt .
B ) LES POLITIQUES STRUCTURELLES .
Si l’on réalise une étude sur la longue période , la part des dépenses publiques dans le PIB et
donc le taux de prélèvements obligatoires n’ont cessé d’augmenter dans tous les pays
développés ( même les plus libéraux comme les USA )depuis le début du XX° siècle ( cf
cours de première ) . Ceci traduit le passage de :
- l’Etat -Gendarme ou protecteur ou régalien ( qui exerce uniquement les fonctions
régaliennes : armée , police , justice ; c’est l’Etat souhaité par SMITH )
- à un Etat-Providence intervenant directement dans la sphère économique et sociale .
Remarque : cette transformation du rôle de l’Etat a été mise en évidence dès la fin du XIX°
siècle par A. Wagner qui a énoncé la loi de l’extension croissante de l’activité publique ,
connue sous le nom de loi de Wagner . Loi qui pose que plus un pays est civilisé ( développé )
, plus l’intervention de l’Etat est nécessaire et importante en raison de la complexification des
sociétés . Cet interventionnisme accru de l’Etat résulte de l’incapacité du marché à
s’autoréguler et des effets pervers qu’il a générés .
1° ) UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE ACTIVE .
a -Les défaillances structurelles du marché :
remarque : Même si à proprement parler Keynes n’est pas favorable à une politique de
planification , s’il ne s’est intéressé qu’aux politiques conjoncturelles ( « dans le long terme ,
nous sommes tous morts » ) il n’en reste pas moins qu’il s’est déclaré partisan d’une
12
socialisation de l’investissement . En effet :
· Keynes considérait que les marchés n’étaient pas capables de s’autoréguler , qu’ils
adoptaient des comportements moutonniers , que les agents économiques étaient plus ou
moins irrationnels .
· A tout cela la planification à la française ( mais aussi le MITI japonais , par exemple ) va
ajouter que les marchés sont myopes , ne tiennent pas compte des externalités résultant de
leurs activités et sont incapables de répondre à la demande en biens collectifs des ménages
b- Les solutions :
Dès lors , une politique industrielle active de l’Etat peut paraître souhaitable . Elle visera :
· tout d’abord , dans le cadre de la planification ( indicative et démocratique ) , à recueillir des
informations , à établir une perspective de long terme et à prendre en compte le projet collectif
assurant la cohésion nationale .
· Les autorités pourront alors soit inciter les entreprises privées à s’implanter sur des marchés
porteurs , dans des régions en voie de désertification ( par une politique d’aide à
l’investissement ) , soit se substituer aux entreprises pour mener à bien des projets utiles à la
collectivité , par le biais des grandes entreprises nationales , par exemple .
2° ) UNE POLITIQUE SOCIALE : L’ETAT-PROVIDENCE
Constat : Comme nous l’avons vu dans le chapitre sur le lien social , le lien marchand n’est
pas apte à assurer la cohésion de la société ; il s’avère incapable d’intégrer et de protéger
l’individu .
Solutions : Mais le marché ayant entraîné la disparition des solidarités traditionnelles ( famille
, communauté ) , l’Etat a alors été obligé de compenser les effets pervers engendrés dans la
sphère marchande .
a - L’objectif de l’Etat-Providence :
L’objectif de Beveridge ( le rapport Beveridge a été à l’origine de la création de l’ Etat
Providence en Angleterre après la seconde guerre mondiale) et dans une moindre mesure de la
Sécurité Sociale française était de libérer la société du besoin , principalement de protéger les
individus des différents risques auxquels ils sont confrontés durant leur vie ( chômage ,
maladie , vieillesse ) par le versement de prestations sociales compensatrices
b- Les moyens :
La Sécurité Sociale vise donc :
· essentiellement à opérer une redistribution de type horizontale , c’est-à-dire qu’elle distribue
des prestations aux actifs qui ont contribué à son financement .
· Il n’en demeure pas moins que dès l’origine , et cette tendance s’est accrue avec le temps ,
une redistribution verticale s’est opérée en direction des ménages les plus pauvres ( ex :
création du minimum vieillesse ) .
Remarque : Contrairement à ce que considèrent les auteurs libéraux , l’Etat-Providence ne
peut être envisagé uniquement comme une retombée des fruits de la croissance . En effet ,
dans une perspective fordiste , on peut considérer que durant les 30 Glorieuses , les
prestations sociales ont permis de dynamiser la demande effective et ont donc largement
contribué à la croissance économique . On retrouve ici le message keynésien , selon lequel
13
l’efficacité économique et la justice sociale sont complémentaires .
Conclusion : Cette perspective est fortement critiquée par les auteurs libéraux qui :
· considèrent que l’interventionnisme étatique est générateur de crises et doit donc être limité
autant que faire se peut
· Cette vision s’appuie sur l’échec des politiques de la relance opérées durant les années 70
qui ont eu pour effet , selon les libéraux , de plonger l’économie dans la stagflation (
stagnation économique et augmentation du chômage et inflation ) .
· L’opinion libérale semble d’autant plus justifiée qu’avec la mondialisation des économies ,
les capacités d’action des autorités nationales sont de plus en plus limitées .
SECTION II : L’ANALYSE LIBERALE : LE NECESSAIRE RETOUR
VERS UN ETAT MINIMUM
I ) LA REGULATION PAR LE MARCHE EST OPTIMALE .
A - Principes de base :
Selon les auteurs libéraux , le marché :
· est capable de s’autoréguler , c’est-à-dire qu’il dispose de mécanismes endogènes ( la
flexibilité par les prix ) qui assurent un retour à l’équilibre de long terme .
· Cet équilibre est optimal au sens de Pareto , c’est-à-dire qu’il est impossible d’améliorer la
situation d’un agent sans détériorer celle d’un autre .
B - Conséquences :
Ainsi une politique visant à relancer la demande pour sortir l’économie de la crise est :
· non seulement inutile car l’économie tend inéluctablement vers le plein emploi ,
· elle est aussi dangereuse , car elle perturbe les mécanismes du marché
· Néanmoins , nous avons vu dans la section I que le marché pouvait être défaillant ( effets
externes , biens collectifs ) , ce qui justifiait du point de vue libéral , une intervention limitée
de l’Etat ( Smith l’avait déjà noté au XVIII° siècle dans le cas de la construction des ponts et
des écoles ) .
· Mais, les auteurs libéraux ont établi un bilan très critique des interventions de l’Etat visant à
corriger les défaillances du marché . Ils constatent que les politiques menées ont un bilan
globalement très négatif ; ils considèrent donc que l’intervention de l’Etat est justifiée
uniquement dans la mesure où elle ne crée pas plus de problèmes qu’elle n’en résout .
II ) LA CRITIQUE DES POLITIQUES DISCRETIONNAIRES DE RELANCE .
Les politiques de relance keynésienne visent à augmenter la demande effective . Elles
considèrent donc que la demande effective est une variable déterminante qui exerce un rôle
moteur sur l’offre .
Or les auteurs libéraux postulent , eux au contraire , conformément à la loi de SAY que c’est
l’offre qui est déterminante et donc qu’il est absolument inutile de chercher à agir sur la
demande ; cela ne peut générer que des effets pervers .
A ) L’ INEFFICACITE DES POLITIQUES DE RELANCE AGISSANT SUR LA
DEMANDE .
14
Les politiques de relance de type keynésienne peuvent être de différents types comme nous
l’avons vu dans la section I :
1° ) UNE POLITIQUE MONETAIRE EXPANSIVE .
Une politique monétaire expansive visant à diminuer le taux d’intérêt afin de le rendre
inférieur à la productivité marginale du capital et donc inciter les entreprises à investir sera un
échec pour les raisons suivantes :
a- Une politique inflationniste :
le postulat traditionnel :dès lors que , l’économie est au plein emploi des facteurs de
production , ( la tendance à l’équilibre est générale dans l’analyse néo-classique ) la théorie
quantitative de la monnaie postule que toute augmentation de la masse monétaire en
circulation se traduit par une augmentation des prix et n’a aucun effet sur la sphère réelle .
a1 – L’analyse de Milton Friedman
Présentation de la théorie de M. Friedman : il va relativiser l’ efficacité des politiques
d’expansion monétaire , en distinguant le court terme et le long terme :
- à court terme : Elles peuvent , selon lui , avoir une efficacité à court terme dès lors qu’elles
trompent les agents économiques . En effet ,
· les ménages font des anticipations adaptatives ( c’est-à-dire qu’ils prévoient l’ évolution
future des prix , en fonction du niveau des prix atteints dans le passé ) ,
· ils peuvent donc être trompés par la politique monétaire menée par l’Etat . Ils peuvent croire
que celle-ci engendre une augmentation de leur revenu .
· Dès lors ils vont augmenter leur consommation , les entreprises qui bénéficient d’une baisse
des taux d’intérêt vont augmenter leur investissement : la demande s’élevant , les prix vont
augmenter avec la production .
· Ceci va engendrer une augmentation de la demande de travail : les entreprises embauchant à
un salaire réel inférieur ( les salaires nominaux augmentant moins vite que les prix ) .
- à moyen terme : Mais à terme , les ménages vont se rendre compte de leurs erreurs :
· ils comprennent qu’ils ont subi une baisse de leur pouvoir d’achat ( l’augmentation de leur
revenu nominal a été plus que compensée par une augmentation des prix ) ,
· ceci va les inciter à réduire leur demande, dès lors les entreprises vont licencier les salariés
qu’elles ont embauchés . On revient alors au taux de chômage naturel , mais avec une
inflation plus élevée .
· Les ménages vont demander des augmentations de salaire , afin de compenser l’effet de
l’inflation .
2 cas sont alors envisageables :
· l’Etat augmente la masse monétaire en circulation afin de distribuer des revenus aux
ménages , mais la même cause aura les mêmes effets que précédemment : les prix augmentent
, la production de long terme reste stable , le taux de chômage est constant au niveau du taux
de chômage naturel .
15
· l’Etat refuse d’augmenter la masse monétaire , l’évolution dépendra alors de la capacité des
salariés à imposer des augmentations de salaire ( cf plus bas politique de revenu).
Conclusion : La théorie de Friedman montre donc qu’une politique monétaire expansionniste
ne peut avoir des effets que dans le court terme , dans le long terme , elle est toujours
inefficace .
a2 - Les nouveaux classiques ( LUCAS et SARGENT ) : le théorème d’inefficience
Explications : ils vont encore plus loin en développant le théorème dit d’inefficience qui
montre que :
· seules les variations non anticipées des agrégats monétaires auront des effets sur les
grandeurs réels (investissement , croissance du revenu, etc.) .
· Or ils supposent que les anticipations des ménages ne sont pas adaptatrices mais rationnelles
( c’est-à-dire que les ménages sont capables d’anticiper les effets de la politique monétaire sur
l’inflation ) ;
· ils ne vont donc pas être trompés par l’augmentation de leur revenu nominal à court terme ,
d’où aucun effet sur la sphère réelle : les prix augmenteront par contre proportionnellement à
la masse monétaire .
Conclusion : La politique monétaire est donc :
· inefficace , non seulement à long terme mais aussi à court terme
· et elle génère , en plus , des effets pervers : les calculs des ménages peuvent être faussés par
l’évolution des prix ( dans l’hypothèse des anticipations adaptatives de Friedman) , la
compétitivité des entreprises peut être réduite par l’augmentation des prix , la politique
monétaire peut déboucher sur la stagflation ( plus de chômage , plus d’inflation ) .
b- l’augmentation de la masse monétaire qui génère une baisse des taux d’intérêt réel va
entraîner une réduction de l’incitation à épargner ( augmentation de la préférence pour le
présent )
Celle ci i risque de déboucher sur une insuffisance de l’offre de capital qui va freiner les
projets d’investissement des entreprises . On retrouve ici la conception néoclassique , selon
laquelle l’épargne est une fonction croissante du taux d’intérêt réel et qu’elle joue un rôle
central dans l’accumulation du capital et donc dans la croissance économique ( rejet de
l’hypothèse keynésienne de la préférence pour la liquidité ) .
c - l’augmentation de la masse monétaire peut à court terme inciter les entreprises à investir
Explications : en effet le taux d’intérêt réel diminue et devient inférieur à la productivité
marginale du capital , mais ces investissements basés sur des calculs erronés des entreprises
généreront ce que F.A.Von Hayek appelle un surinvestissement ( c’est-à-dire que ces
capacités de production seront inutilisées , car elles ne répondent pas véritablement à un
besoin économique ) .
Conclusion : On retrouve alors la conception libérale , selon laquelle tout investissement sain
ne peut être financé que par une épargne véritable , c’est-à-dire par une abstention de
consommation .La politique d’expansion monétaire risque :
· à terme , d’engendrer une augmentation des taux d’intérêt nominaux ( pour compenser
l’augmentation de l’inflation)
16
· mais alors les entreprises qui subissent une hausse de leurs coûts financiers seront peut-être
tentés de la répercuter dans leurs prix ,
· ce qui aggravera les tensions inflationnistes et risquent de déboucher dans le cas d’une
indexation des salaires sur les prix sur la boucle prix-salaire observable dans les années 70 ( la
hausse des prix entraîne une baisse du pouvoir d’achat qui détermine une hausse des salaires
nominaux ( indexation des salaires sur les prix ) ,
· d’ où hausse du coût du travail qui génère à la fois une hausse du prix de vente
compensatrice et du chômage .
· Suite à l’augmentation des prix , les ménages demandent des augmentations de salaire
nominaux pour compenser la perte de pouvoir d’achat : retour à la case départ ) .
2° ) UNE POLITIQUE DE RELANCE DE LA CONSOMMATION .
Comme nous l’avons vu dans l’analyse keynésienne , cette politique peut être développée
selon 3 axes :
a - une politique de revenu visant à augmenter les salaires des ménages ,
Objectifs visés par la politique : En augmentant les salaire en particulier des plus faibles ,
cette politique vise un objectif de justice sociale et de relance de la demande .
Les répercussions selon les libéraux : Cette politique est un échec , car :
· elle augmente le coût du travail et risque de rendre le taux de salaire réel supérieur à la
productivité marginale du travail , d’où augmentation du chômage en particulier pour les
catégories les moins qualifiées ou n’ayant pas d’expérience professionnelle .Ainsi une
politique généreuse a priori va à l’encontre des objectifs recherchés : elle détériore la situation
des plus pauvres . Elle est inefficace et injuste socialement , substituant à des inégalités de
revenu qui peuvent assurer progressivement une augmentation du bien-être , le chômage .
· si les entreprises , afin de ne pas subir de détérioration de leurs profits , augmentent leur prix
, alors cela risque de déboucher sur des tensions inflationnistes ( cf plus haut ) .
· la théorie du revenu permanent de M. Friedman montre que ce n’est pas parce que les
ménages ont vu leur revenu augmenter pendant une année , qu’ils vont accroître leur
consommation . Ils peuvent considérer que cette augmentation du revenu n’est que transitoire
. Dès lors , la majeure partie du revenu supplémentaire sera épargnée , ce qui n’aura aucun
effet sur la demande . On retrouve ici la critique libérale qui considère que la consommation
n’est pas une fonction croissante du revenu ; la théorie de la propension moyenne à
consommer étant fausse , les effets du multiplicateur sont plus qu’incertains .Les ménages
n’augmenteront réellement leur consommation que dans le cas où ils considèrent que leur
revenu va continuer à s’élever car la croissance économique est forte , car les conditions de
l’offre sont saines : on retrouve ici la loi de Say , selon laquelle c’est l’offre qui détermine la
demande .
b- une politique de distribution de prestations sociales :
Objectifs recherchés : cette politique vise à réduire les inégalités et à augmenter la
consommation des ménages les plus pauvres .
Répercussions selon les libéraux : Mais elle génère de nombreux effets pervers :
- elle est désincitative au travail . En effet :
· les ménages les plus pauvres ne voient pas quel serait l’intérêt pour eux de retrouver du
17
travail alors qu’en ne faisant rien ils gagnent un tout petit peu moins et non pas à payer de
prélèvements obligatoires . Cette politique incite donc les assistés à demeurer assistés .
· Mais , en plus , elle risque d’augmenter le nombre de prestataires , puisque les ménages qui
en travaillant perçoivent un salaire un tout petit peu plus élevé que les assistés vont alors être
incités à abandonner leur travail et à demander des aides ( cf thème efficacité et justice sociale
)
- le nombre de prestataires augmentant , leur poids dans la population s’élevant , ils vont
requérir des augmentations de prestations qui ont de grandes chances d’être acceptées ( les
hommes politiques voulant se faire réélire ont tout intérêt à satisfaire les demandes des
prestataires ). Mais alors le coût des prestations va augmenter et il va bien falloir trouver un
moyen de les financer ( cf plus bas ) .
- l’augmentation de la consommation qui pourrait résulter de l’augmentation des prestations
sociales se heurte à la théorie du revenu permanent ( cf plus haut ) ; elle est de toute façon
inefficace dès lors que les capacités d’offre ne sont pas disponibles à court terme .
c - une politique de réduction des taux de prélèvements obligatoires :
c’est la politique qui paraît la moins critiquable aux auteurs libéraux . Mais les effets
recherchés seront radicalement différents de
ceux proposés par les keynésiens . En effet , :
· il ne s’agit pas d’accroître le revenu disponible des ménages ( en particulier celui des moins
favorisés ) afin de leur permettre de consommer ,
· mais d’inciter par une réduction des montants prélevés sur le travail et l’épargne les ménages
à épargner , à investir , donc à développer les capacités d’offre ( cf théorie de Laffer , plus
bas).
· La baisse de la pression fiscale devra alors surtout concerner les catégories les plus aisées .
3° ) UNE AUGMENTATION DES DEPENSES PUBLIQUES .
objectif visé par les keynésiens: Dans la perspective keynésienne , elle apparaît comme la plus
efficace , car elle ne subit pas de fuites dues à l’augmentation de l’épargne , comme c’est le
cas pour les politiques visant à accroître la consommation des ménages .
les répercussions selon les libéraux : Dans une perspective libérale , elle est considérée
comme inefficace et générant des effets pervers :
a - les dépenses publiques , en particulier les dépenses d’infrastructure ,sont considérées par
Keynes comme se substituant à un investissement privé défaillant .
En réalité , il n’en n’est rien : selon les auteurs libéraux , :
· si les entreprises n’investissent pas , c’est parce que les conditions de rentabilité ( rentabilité
économique , taux d’intérêt ) ne sont pas bonnes .
· Il faut donc restaurer les conditions de l’offre et non pas relancer la demande qui , se
heurtant , à des capacités d’offre rigides générera de l’inflation .
b - les dépenses publiques sont considérés par les libéraux comme des dépenses
improductives
Ces dépenses étant improductives ont donc une efficacité économique très réduite. Dès lors ,
elles ne restaurent en rien les conditions de l’offre et n’assurent pas de sortie de crise
18
c - puisqu’il n’ y a pas d’effet multiplicateur , les dépenses publiques n’assurent pas de
rentrées fiscales
Celles ci étaient censés, selon les keynésiens, provenir de l’augmentation des revenus à taux
de pression fiscale constant . Se pose alors le problème du déficit budgétaire et de son
financement.
B ) LE DEFICIT BUDGETAIRE ET SON FINANCEMENT .
1° ) UN CONSTAT .
Les finances publiques ont connu une dérive :
· pour les 7 pays industrialisés , le déficit des administrations publiques est passé de
0,2%(c'est-à-dire un excédent)du PIB en 1973 à -3,5% du PIB en 92 ( multiplication par 17 ) .
· Pour la France , il est passé de 0,6% en 73 à -4,2% en 96 une amélioration s’est opérée
jusqu’en 2000 ou le taux chute à –1.5% pour remonter jusqu’à 4% en 2003, il se maintient à
un niveau élevé (supérieur aux critères de Maastricht) cf fin du chapitre)
· Cet accroissement des déficits publics pour tous les pays s’expliquent en partie par le jeu des
stabilisateurs : la moindre croissance économique engendre une hausse des dépenses et une
réduction des recettes .
· Mais la croissance du déficit ne peut s’expliquer uniquement par ce facteur . On observe , en
effet , une croissance du déficit budgétaire structurel résultant des politiques budgétaires
discrétionnaires .
Conséquences : Cette explosion des déficits entraîne une forte croissance du besoin de
financement de l’Etat ( au sens large , y compris les caisses de Sécurité Sociale ) . Le mode de
financement choisi par le gouvernement va alors avoir des effets très importants sur
l’économie .
2° ) LES MODES DE FINANCEMENT DES DEFICITS PUBLICS .
a - un financement monétaire
Constat : Durant les années 70 , la majorité des gouvernements ont mené des politiques
budgétaires actives qui ont engendré des déficits croissants , conformément aux préceptes
keynésiens .
Conséquences : Ces déficits ont été financés par la cession de titres auprès de la Banque
Centrale et les banques de second rang , ce qui a engendré une croissance de la masse
monétaire supérieure à la croissance du PIB réel .
Répercussions : Ceci a entraîné une chute des taux d’intérêt réel qui aurait dû , selon les
keynésiens relancer les taux d’investissement .
Effets pervers de ce mode de financement : Il n’en a rien été , selon les libéraux , la croissance
de la masse monétaire ayant engendré une augmentation de l’inflation ( Friedman : «
l’inflation a toujours une origine monétaire » ) . Aussi , suite aux effets pervers résultant de ce
mode de financement , le financement monétaire a été abandonné au début des années 80 .
19
b - un financement par l’endettement
Constat : on constate que l’accroissement du déficit a entraîné pour tous les pays une
augmentation du ratio dettes publiques / PIB . L’endettement net est ainsi passé entre 74 et 92
de 17% à 34% pour les pays du G7 .Pour l’année 96 , la dette publique brute par rapport au
PIB atteint 55% en France , 60% en Allemagne , 121 % en Italie , 132% en Belgique ( pour
satisfaire aux critères de Maastricht , le ratio doit être inférieur ou égal à 60% ) .
Conséquences : Cette politique n’est pas sans inconvénient : « le renoncement aux politiques
inflationnistes a eu pour conséquence le non recours à la création monétaire génératrice
d’inflation pour financer la dette publique . Les Etats s’adressent aujourd’hui au marché
financier , ce qui contribue à maintenir une relative tension sur les taux d’intérêts . » ( Cahiers
français , n°279 , janvier 97 : J.F Peretti -Wattel ) .
Répercussions : on constate ainsi que les taux d’intérêt réel qui étaient négatifs durant les
années 60-70 , sont devenus très largement positifs , à partir des années 80 , suite à la
simultanéité des politiques monétaires restrictives et des déficits budgétaires croissants , ce
qui n’a pas été sans générer des effets pervers :
· l’augmentation des déficits publics détermine une augmentation de la demande de capitaux
sur les marchés financiers qui va contribuer à l’augmentation des taux d’intérêts nominaux (
offre de capitaux < obligatoire =" impôts">
III ) LES POLITIQUES STRUCTURELLES : LES ECHECS DE L’ETAT
INTERVENTIONNISTE
A ) L’ECHEC DES POLITIQUES INDUSTRIELLES .
Postulat de base :Les auteurs libéraux considèrent que l’Etat se révèle inapte à appliquer une
politique industrielle . En effet , l’Etat ne peut opérer qu’une gestion macro-économique ; il se
situe trop loin des marchés , intervient dans beaucoup trop de domaines pour pouvoir
sélectionner les créneaux ou les secteurs porteurs dans l’avenir . Exemple :Ainsi la politique
des champions industriels menée en France durant toute la Cinquième République a été un
échec .L’exemple le plus typique en est la succession de plans calculs qui avaient pour
objectif de lancer l’industrie française de l’informatique sous l’égide de BULL . Les sommes
dépensées ont été faramineuses ; les résultats obtenus sont en comparaison très modestes .
Conséquences :Les auteurs libéraux notent , de plus , que les sommes dépensées nécessitent
des prélèvements obligatoires , prélevées sur les entreprises , ce qui nuit à leur bonne
rentabilité et freine donc leurs capacités d’adaptation et d’investissement . Conclusion : L’Etat
devrait donc s’occuper de son domaine , c’est-à-dire les fonctions régaliennes et laisser les
entreprises libres d’agir dans leur domaine de référence . L ’échec des entreprises
nationalisées traduit , selon les libéraux , l’inaptitude de l’Etat à gérer des entreprises dans le
domaine concurrentiel ( si les entreprises publiques avaient été privées , il y a longtemps
qu’elles auraient fait faillite ) .
B ) L’ECHEC DE L’ETAT-PROVIDENCE .
L’opposition théorique : · Selon les keynésiens , l’Etat-Providence permettait de concilier la
justice sociale avec l’efficacité économique . En effet , il réduisait les inégalités , assurait à
tous une couverture des besoins essentiels et favorisait la croissance économique par le biais
des prestations sociales distribuées aux ménages ( mécanisme du multiplicateur ) . · Les
libéraux contestent cette vision des choses en notant que les budgets sociaux connaissent une
dérive financière de plus en plus inquiétante . Celle-ci traduit une crise qui est en apparence
conjoncturelle ( elle résulte d’une augmentation du chômage ) , mais qui est en réalité
20
structurelle . En effet , aussi bien du point de vue des dépenses que des recettes , les effets
négatifs sur la croissance économique sont importants (cf thème justice sociale et efficacité
économique). Constat : les prestations sociales ont fortement augmenté et le nombre de
bénéficiaires du RMI a explosé . Les explications : Ceci résulte , selon les auteurs libéraux ,
de la déresponsabilisation qu’engendrent les prestations sociales : - Dans une économie
libérale , tous les individus sont responsables de leur sort ; ils n’ont qu’à s’en prendre à euxmêmes s’ils échouent . Le principe de responsabilité et l’aiguillon de la concurrence vont
alors inciter les individus à travailler , épargner , investir et s’enrichir . - Au contraire , les
prestations sociales vont conduire les individus à faire preuve d’imprévoyance : · je n’ai pas
besoin d’épargner pour me protéger du risque de vieillesse , de maladie ou de chômage ,
puisque l’Etat sera toujours là avec son filet de protection sociale pour me tirer de la situation
dans laquelle m’a mise mon imprévoyance . · Je suis d’autant moins incité à me protéger que
l’Etat m ’assure et qu’en apparence la protection sociale ne me coûte rien . Les conséquences :
On retrouve à nouveau le principe de responsabilité : puisqu’il n’y a pas de lien direct entre le
montant des prestations reçues et le coût que j’ai à supporter ; j’ai tout intérêt en tant qu’homo
oeconomicus à adopter le comportement du passager clandestin ( c’est-à-dire à laisser la
collectivité prendre en charge mes dépenses ) . · Le cas est encore plus flagrant dans les
prestations sociales qui relèvent non pas de l’assurance , mais de la solidarité ( ex : le RMI ) .
· Selon les libéraux , ce type de prestations incite les pauvres qui vivent des aides publiques à
perpétuer leur situation , car , en travaillant , ils ne gagneraient pas beaucoup plus ( l’utilité du
salaire ne compenserait pas la désutilité du travail ) . · Ceci incite , en outre , les ménages qui
se situent juste au-dessus du seuil permettant de percevoir les aides sociales à cesser le travail
et à accroître les rangs des pauvres . · Le nombre de pauvres ne cesse d’augmenter , et avec
eux , les dépenses sociales . Il faut alors augmenter les recettes , ce qui réduit l’incitation au
travail des ménages les plus aisés ( cf l’effet d’éviction de l’imposition et Laffer ).
C- L’ECHEC DE LA REGLEMENTATION
On peut avancer plusieurs arguments : · Le manque d'efficacité : d'une part, l'intervention de
l'Etat n'empêche pas la crise d'approfondir les inégalités, d'autre part, la réglementation a un
coût pour les pouvoirs publics (contrôle, etc) et pour les acteurs économiques (poids des
cotisations sociales, coût des mesures de protection de l'environnement, par exemple) qui
grève la compétitivité nationale dans la course mondiale, enfin la réglementation a des effets
pervers (déresponsabilisation de certains acteurs économiques, marginalisation de certaines
catégories de salariés ne rentrant pas dans les catégories aidées, par exemple). · La
réglementation fausse le libre jeu du marché et débouche sur une allocation non optimale des
ressources : par exemple, l'institution d'un salaire minimum amène parfois le salaire à être
supérieur au salaire qui équilibrerait le marché du travail, ce qui explique la persistance du
chômage. On reconnaît ici les thèses soutenues par les libéraux pour qui seul le libre jeu du
marché garantit le dynamisme de l'économie. · Le développement de la réglementation peut
aussi s'expliquer, pour certains, par la nécessité d'auto-justification du personnel politique et
administratif. Celui-ci justifie son existence par la nécessité de la réglementation et, donc, il
fait de la réglementation pour prouver qu'il est bien nécessaire.
IV ) UNE POLITIQUE ASSURANT UN RETOUR A L’ETAT MINIMUM
A ) VERS L’ ABANDON DES POLITIQUES DE RELANCE DISCRETIONNAIRES .
1 - au niveau de la politique budgétaire
le postulat de base : G. Sorman écrit dans son livre « La solution libérale » : « Le déficit
budgétaire n’a aucune vertu économique et il alimente donc que l’inflation . les solutions
préconisées : L’équilibre devrait donc devenir une règle contraignante pour l’Etat , comme il
l’est déjà pour nos communes et nos départements . Mais plutôt que de remettre le soin de cet
équilibre à la sagesse des gouvernants , il serait prudent de les protéger contre eux-mêmes en
inscrivant ce principe dans la Constitution . De même, il conviendrait d’inscrire que les
21
dépenses publiques ne devraient pas désormais augmenter plus vite que la richesse nationale .
La Constitution garantirait ainsi notre sécurité économique , aujourd’hui totalement tributaire
de la bonne volonté du pouvoir » 2 - au niveau de la politique monétaire Solutions
préconisées par les libéraux : M. Friedman propose une mesure équivalente en ce qui
concerne les politiques de relance par la masse monétaire ; il faudrait obliger les autorités , par
un moyen adéquat ( par exemple l’inscription dans la Constitution ) à appliquer la règle
suivante : le taux de croissance de la masse monétaire de l’agrégat de référence ne doit pas
croître plus vite que le PIB réel . Dès lors , selon Friedman , tout risque d’inflation serait
neutralisé . Constat : Ces projets n’ont pas été encore véritablement mis en oeuvre . Il n’en
reste pas moins que · depuis le début des années 80 , les gouvernements de l’ensemble des
pays développés ont été progressivement conduits à abandonner les politiques de relance
keynésienne et à appliquer des politiques de rigueur ou d’assainissement ( la France en 82 ,
après l’échec du plan de relance Mauroy ) . · Ainsi , au début des années 80 , tous les pays ont
appliqué des politiques monétaires restrictives , c’est-à-dire qu’ils ont abandonné l’objectif
final de régulation de la croissance par le biais de l’objectif intermédiaire du taux d’intérêt (
une baisse du taux d’intérêt favorable à la croissance étant obtenue par une politique
monétaire expansive .De nouveaux objectifs sont apparus : l’objectif final est la stabilité
interne et externe de la monnaie , c’est-à-dire pas d’inflation et une stabilité du taux de change
obtenus par un objectif intermédiaire : la surveillance des agrégats monétaires ( la masse
monétaire doit progresser à un rythme inférieur ou égal à la production ) . · Afin de faciliter la
réussite de cette politique et d’éviter les pressions que les gouvernements pourraient exercer
sur les Banques Centrales , afin de financer leur déficit , les gouvernements se sont tous peu à
peu convertis au modèle allemand basé sur l’indépendance de la Bundesbank ( la Banque
Centrale allemande ).
CONCLUSION :
Dés lors , les gouvernements ne pouvaient plus financer leur déficit par la création monétaire ;
ils étaient alors condamnés : · soit à emprunter toujours plus , · soit à augmenter les recettes
par une hausse des taux de prélèvements obligatoires , · ou enfin à réduire les dépenses . Nous
avons vu précédemment les effets pervers engendrés par les deux premières stratégies , la
solution préconisée par les auteurs libéraux qui a été suivie progressivement par tous les
gouvernements , à partir de la réussite des politiques appliquées en GB Par Thatcher et aux
EU par Reagan , est de réduire les dépenses publiques . Conformément à la logique libérale ,:
- cette politique ne présente aucun inconvénient puisque l’effet multiplicateur n’existe pas ; elle n’a que des avantages puisqu’elle permet à terme · grâce à la réduction des déficits issue
de la diminution des dépenses d’abaisser le taux d’endettement de l’Etat et par là-même les
taux d’intérêt ( disparition de l’effet d’éviction ) , · mais aussi de diminuer le taux de
prélèvements obligatoires et d’encourager ainsi les agents économiques à travailler , épargner
et investir . Conclusion : Cette politique permet donc de restaurer les conditions de l’offre ,
qui conformément à la loi de Say , sont à l’origine de la croissance économique .
B ) LA DESTRUCTION DE L’ETAT- PROVIDENCE .
Bien évidemment , il ne s’agit pas de remettre en cause toutes les dépenses : · les libéraux
considèrent ainsi que l’Etat doit se limiter à celles qui relèvent de son domaine , c’est-à-dire le
financement des fonctions régaliennes ( armée , justice , police , ... ). · Par contre doivent être
éliminées les fonctions qui se sont développées à la suite des idées interventionnistes . Ainsi ,
comme l’écrit G. Sorman , « le libéralisme repose sur un principe simple et vérifié par
l’histoire : le progrès résulte de l’imagination créative des individus et pas de la planification
gouvernementale . En termes plus savants , nous dirons que l’ordre spontané est supérieur à
l’ordre décrété . » Sorman considère donc que l’Etat ne doit plus intervenir dans la sphère
économique ; il doit laisser le marché s’autoréguler . Il est ainsi favorable à la privatisation
des entreprises publiques qui sont inefficaces , mais aussi à celle des services publics . · L
22
‘Etat doit aussi appliquer une politique de déréglementation , c’est-à-dire ne conserver que les
réglementations qui sont réellement justifiées . Finalement c’est à des entreprises ayant
retrouvé leur liberté de mouvement que devrait revenir le soin d’opérer la reconversion
industrielle . · En ce qui concerne plus particulièrement l’Etat-Providence , les auteurs
libéraux sont favorables à une privatisation de la protection sociale , afin de se rapprocher ,
par exemple du modèle américain , dans lequel le risque maladie est couvert par des
assurances privées , le risque vieillesse est basé sur un système par capitalisation (cf. chapitre
croissance démographique et développement) . Les avantages attendus par ce modèle sont
nombreux , d’après les libéraux : 1 - la capitalisation Elle repose sur le principe de la
constitution d’un capital assure une augmentation du taux d’épargne qui accroît l’offre de
capitaux , réduit donc le taux d’intérêt , favorise donc l’investissement et la croissance ( alors
que le système par répartition favorise une consommation improductive , puisque les
cotisations des actifs financent les pensions des retraités . Ce système était donc fortement
marqué par la logique keynésienne . 2 - l’assurance privée reposant sur une logique
individuelle et sur le volontariat permet de responsabiliser les individus elle est donc
beaucoup moins coûteuse . D’autant plus , selon Sorman que « les études menées dans divers
pays sur le coût des services publics , indique clairement que la gestion privée revient toujours
deux fois moins cher que la gestion publique » 3 - les auteurs libéraux , toujours par rapport
au principe de responsabilité , sont enfin favorables à la suppression ou au moins à la
limitation ( dans le temps ) du montant des aides sociales versées aux plus pauvres . On
retrouve ici la logique du trickle-down et du darwinisme économique et social qui postulent
que les individus seront d’autant plus motivés qu’ils subiront les effets de leurs actions ( cf
thème équité et justice sociale ) .
C – UNE POLITIQUE DE DEREGLEMENTATION
Les mesures prises : · Le transfert de compétences à des autorités indépendantes et la
décentralisation marquent le recul de l'interventionnisme étatique. Par exemple, les Etats
européens ont abandonné leurs prérogatives monétaires en rendant leur banque centrale
indépendante du pouvoir politique puis en transférant les compétences de la banque centrale à
la BCE (voir plus haut). La décentralisation s'est engagée en France surtout à partir de 1982.
En remettant certains pouvoirs aux Régions ou aux Départements, l'Etat n'a pas simplement
transféré des pouvoirs, la nature des décisions s'est transformée : on est passé d'une culture de
l'Etat centralisateur à une culture de la négociation au niveau local, ce qui change évidemment
la réglementation. · La déréglementation proprement dite : le recul de la réglementation, à des
degrés divers, marque tous les pays. Ainsi, en France, certaines protections instaurées par le
droit du travail ont disparu (interdiction du travail des femmes la nuit, autorisation
administrative de licenciement, définition de l'horaire légal du travail à la semaine, etc). De
même, le contrôle des prix a complètement disparu, sauf sur certains produits très précis ; les
marchés financiers ont été complètement libérés de toute réglementation contraignante. Aux
Etats-Unis, le transport aérien a été totalement dérégulé, c'est-à-dire que les règles qui
protégeaient les grandes compagnies ont été supprimées. On peut trouver de nombreux autres
exemples qui montrent l'ampleur de cette déréglementation. · Le démantèlement des
monopoles publics : l'interdiction de certaines activités au secteur privé est de plus en plus
souvent supprimée. En Europe, sous la pression de l'Union européenne, les pays doivent
ouvrir à la concurrence des secteurs jusque là abrités, comme les services postaux, le transport
ferroviaire et aérien ou la production d'électricité. Cela se fait de manières diverses, mais entre
autres par la privatisation de certaines entreprises publiques (France Télécom, par exemple).
Les effets de cette déréglementation : · On observe d'abord, comme on s'y attendait, une
concurrence accrue entre les producteurs sur des marchés désormais mondiaux. D'une
concurrence accrue, on peut attendre un certain nombre de conséquences : baisse des prix,
meilleurs services aux consommateurs-clients donc meilleure réponse aux besoins,
23
dynamisme accru (pour résister à la concurrence) donc plus d'effort de recherche. On peut
aussi espérer que l'intervention de l'Etat diminuant, celle-ci sera moins coûteuse, le déficit
public sera réduit, les prélèvements obligatoires aussi, ce qui permettra de consacrer les
ressources à la croissance économique. · Cependant, des effets pervers sont apparus. Ainsi la
déréglementation du transport aérien aux Etats-Unis, si elle a bien provoqué une forte baisse
des tarifs et un accroissement des offres de dessertes, a, à terme, eu des effets négatifs : d'une
part, la multiplication du trafic a généré des retards systématiques et un encombrement de
l'espace aérien, d'autre part, les baisses de prix ont été telles du fait de la concurrence que les
petites entreprises de transport aérien qui s'étaient créées du fait de la déréglementation n'ont
pas réussi à faire des profits suffisants pour financer les investissements nécessaires à leur
survie et même les dépenses de maintenance absolument indispensables. Résultat, le nombre
des accidents et incidents aériens a augmenté et nombre de petites entreprises ont fait faillite
et ont été rachetées par les plus grosses. Aujourd'hui, le transport aérien américain est plus
concentré qu'il ne l'était avant la déréglementation et les prix sont remontés. On est donc en
train de re-réglementer le transport aérien.
CONCLUSION :
Cette révolution libérale impulsée d’abord en Angleterre en GB par Thatcher et aux EU par
Reagan représente pour les libéraux un succès réel qui a permis de sortir l’économie anglaise
de la crise structurelle dans laquelle elle se trouvait et de redonner aux EU leur rôle de leader .
Alors comme l’écrit P. Minford dans Le Monde du 15/04/97 : « Le modèle de l’Europe
continentale est fini sans espoir ; c’est un cul-de-sac . La charte sociale , l’interventionnisme
de l’Etat sont les ingrédients de l’appauvrissement » . L’interventionnisme de l’EtatProvidence semble d’autant plus condamné que le développement de la mondialisation remet
en cause les capacités de régulation de l’Etat qui se heurtent à la contrainte extérieure .
PARTIE III - VERS LA CRISE DE LA REGULATION
ETATIQUE DANS LE CADRE DE LA MONDIALISATION .
I ) L’ETAT KEYNESIEN EST ADAPTE A DES ECONOMIES PEU
OUVERTES .
Le contexte :
· Keynes écrit son livre la Théorie générale durant les années 30 , c’est-à-dire dans un
contexte marqué par un effondrement du commerce international et par une montée du
protectionnisme , voire même une volonté d’autarcie .
· Au lendemain de la seconde guerre mondiale quand les idées keynésiennes vont se
généraliser , les économies des pays développés sont encore peu ouvertes .
Conséquences : Dans ce contexte , :
· les politiques de relance par la demande ont une efficacité réelle ( malgré les critiques des
libéraux ) et elles ont contribué à la forte croissance économique que l’on a observée durant
les 30 Glorieuses .
· En effet , une augmentation des dépenses publiques ( sous forme de prestations sociales ,
investissement ) engendre un effet multiplicateur qui est d’autant plus important que la
politique monétaire est accommodante ( c’est-à-dire qu’elle vise les taux d’intérêt bas afin
d’élever l’incitation à l’investissement ) .
Les limites : Mais à partir des années 60 , et surtout depuis les années 80-90 :
· l’ouverture des économies s’est accélérée ( création de l’OMC , développement des
24
transnationales : cf cours sur le commerce international ) .
· Dès lors , les politiques keynésiennes semblent beaucoup moins efficaces ; elles se heurtent
à toutes une série de contraintes qui selon certains auteurs nécessitent leur abandon .
II ) LES CONTRAINTES EXTERIEURES .
A ) LES EFFETS PERVERS DU DECALAGE CONJONCTUREL .
1 - L’exemple de la politique de relance de 81
Contexte : Quand les socialistes arrivent au pouvoir en 1981 , l’économie française subit les
retombées du deuxième choc pétrolier , la croissance est atone , le taux de chômage s’accroît .
Solution préconisée : Une politique de relance par la demande semble donc particulièrement
adaptée . Le gouvernement va alors utiliser :
· le levier budgétaire ( accroissement des prestations sociales , relance de l’investissement
public , augmentation des salaires et embauche de fonctionnaires )
· et législatifs ( augmentation du SMIC compensée pour les entreprises par un allégement des
charges que l’Etat prend à son compte ) .
· Cette politique aurait dû favoriser par le biais de l’effet multiplicateur une reprise de la
croissance économique et une baisse du chômage .
Les effets de cette politique : Or, l’effet de la relance a été relativement limité ; ceci résulte en
particulier du décalage conjoncturel existant entre la France et ses concurrents :
· Au moment où la France relance , tous nos partenaires , dans le sillage des gouvernements
Thatcher et Reagan qui viennent d’arriver au pouvoir , appliquent des politiques de rigueur
qui ont pour effet de plonger l’économie mondiale dans la dépression .
· Le taux de croissance de l’économie française devient donc , en 81et 82 , très supérieur au
taux de croissance des PDEM . L’effet sur le solde de la Balance commerciale va se faire
sentir très rapidement : le déficit explose : les importations deviennent très nettement
supérieures aux exportations :
- Du coté des importations : suite à la politique de relance , la demande française augmente
fortement ( on a distribué du pouvoir d’achat aux ménages , l’investissement repart ) .
· Or la France est désormais un pays ouvert qui se caractérise par une propension à importer
plus forte que par le passé et constante à court terme . Mécaniquement , une hausse du PIB
génère donc une croissance des importations.
· Celles-ci sont d’autant plus fortes que la politique de relance a un coût , que les entreprises
françaises sont moins compétitives .
Rappel : propension à importer m = Importations / PIB
- Du coté des exportations : Dans le même temps , les exportations françaises dépendent à
court terme de 2 variables :
· la compétitivité-prix des produits français qui s’est détériorée
· le rythme de croissance de nos partenaires qui détermine , à propension à importer constante
à court terme , le niveau de demande des produits français .Comme les PDEM sont plongés
dans la dépression , le PIB et la demande de nos partenaires chutent , donc les exportations
françaises mécaniquement diminuent .
25
Conclusion : Le décalage conjoncturel se traduit ainsi par une augmentation des importations
et une chute des exportations qui détériorent le taux de couverture
Rappel : TAUX DE COUVERTURE = ( Exportations / Importations x 100 )
· La France connaît alors des sorties de capitaux qui financent le déficit de la Balance
Commerciale ; ce sont autant de fuites qui réduisent l’effet multiplicateur . On sait ainsi que le
multiplicateur en économie fermée ( 1 / 1-c ) est supérieur au multiplicateur en économie
ouverte ( 1 / 1-c+m)
· La politique de relance de 81-82 s’est donc révélée être un relatif échec .
· Un pays ne peut donc durablement croître plus vite que ses partenaires . On constate ainsi
que la France des années 90 , qui se caractérise par une croissance économique plus faible que
celle des USA , bénéficie d’un excédent croissant du solde de sa Balance Commerciale ( dû
aussi , mais pas essentiellement à l’amélioration de sa compétitivité structurelle ) .
B ) LA CONTRAINTE DE TAUX D’INTERET .
Durant les années 70 , les politiques keynésiennes ont favorisé une politique monétaire
expansive qui avait pour objectif de réduire le taux d’intérêt afin de soutenir l’investissement .
Cette politique a été un échec , car :
1 - elle a engendré des tensions inflationnistes qui ont détérioré la compétitivité des produits .
Ainsi , l’Allemagne qui applique une politique monétaire restrictive ayant pour objectif de
freiner l’inflation bénéficie-telle d’une compétitivité-prix meilleure que la France qui applique
traditionnellement une politique monétaire accommodante . Aussi jusqu’au début des années
90 , la France connaît un déficit structurel de ses échanges avec l’Allemagne .
2 - la stratégie de réduction des taux d’intérêt peut être efficace , quand les marchés
monétaires et financiers sont réglementés , cloisonnés , que l’Etat contrôle étroitement les
mouvements de capitaux ( contrôle des changes) .
Or , au début des années 80 , sous l’égide de Thatcher et de Reagan , on observe :
· un mouvement de déréglementation , de décloisonnement , de désintermédiation . Les
marchés financiers qui sont interconnectés deviennent interdépendants .
· Donc , une stratégie de baisse des taux d’intérêt appliquée dans un pays va se heurter , dès
lors que le taux d’intérêt réel de ce pays devient inférieur à celui de ses partenaires à des
sorties de capitaux , puisque les capitaux étant désormais libres de mouvements vont se placer
sur le marché le plus rentable .
· Cela engendre une insuffisance d’épargne pour financer l’investissement et les déficits
budgétaires , mais aussi une chute du taux de change ( l’offre de monnaie nationale étant
supérieure à sa demande ).
· Les autorités monétaires sont alors obligées de réagir , en appliquant une politique visant à
relever les taux d’intérêt afin de les rendre au moins égaux à ceux de nos partenaires .
Conclusion : La contrainte de taux d’intérêt s’exprime donc ainsi : un pays ne peut avoir
durablement des taux d’intérêt réel inférieurs à ceux de ses partenaires , les marchés financiers
étant intégrés :
· On peut même dire en comparant les cas français et allemand que le pays appliquant une
politique monétaire laxiste doit payer une prime de risque en maintenant ses taux d’intérêt
26
supérieurs à ceux de son partenaires qui a su conquérir la confiance des marchés financiers (
l’Allemagne a ainsi eu durant les années 80 des taux d’intérêt traditionnellement plus faibles
que la France ) .
· La contrainte de taux d’intérêt est donc d’autant plus prégnante que le différentiel d’inflation
( ex : taux d’inflation français - taux d’inflation allemand ) est élevé , car les marchés se
couvrent des risques futurs en demandant des taux d’intérêt nominaux plus élevés ( ce qui
freine l’investissement et accroît le coût de la dette publique ).
· L’évolution du solde de la Balance Commerciale pèse sur l’évolution des taux d’intérêt ; les
deux variables influencent elles-mêmes l’évolution du taux de change .
C ) LA CONTRAINTE DE CHANGE .
1 - Les avantages d’une politique de monnaie faible :
Pendant longtemps les gouvernements ont utilisé le taux de change comme une variable de
politique économique qui leur permettait de compenser les faiblesses ou d’accroître le
potentiel de leur appareil productif . La France entre les années 60 et le début des années 80 a
donc appliqué une stratégie de monnaie faible qui avait pour objectif , par une succession de
dévaluations compétitives , de compenser la faiblesse de la compétitivité structurelle de
l’appareil productif . Le raisonnement opéré était le suivant :
· une dévaluation de la monnaie a un effet immédiat : elle accroît le prix des importations (
exprimé en monnaie nationale ) et réduit le prix des exportations ( en monnaie étrangère ) . A
court terme , puisque les effets prix ( p des imports / p des exports = pM / pX ) jouent plus
rapidement que les effets volume ( quantité exportée / quantité importée = qX / qM ) , la
Balance commerciale voit son solde se détériorer ( pX . qX <>
b - en rentrant dans le SME , la France a limité sa liberté d’action en matière de variations du
taux de change car contrairement au SMI instauré à la suite de la décision de Nixon le 15
Août 71 ( qui va déboucher sur les changes flottants ) , le SME est un système de changes
fixes qui sont certes ajustables , mais il faut alors recevoir l’accord de tous les partenaires
concernés . A partir des années 80 , le développement du marché unique , la marche vers la
monnaie unique condamnent les politiques de dévaluation compétitive .On retrouve ici le
triangle de Mundell ( cf chapitre commerce international )qui condamne l’autonomie de la
politique monétaire · la politique de monnaie faible n’assure donc plus un retour à l’équilibre
du solde de la Balance Commerciale , · et elle génère en plus une méfiance de la part des
marchés financiers qui craignent toujours d’avoir à subir le contre-coup d’une dévaluation .
Pour se couvrir face à ce risque , le marché impose donc les taux d’intérêt plus élevés que
pour les pays à monnaie forte ( ce qui diminue la rentabilité de l’investissement ) .Les
investisseurs internationaux n’en restent pas moins méfiants . · Or l’Etat doit bien financer un
déficit budgétaire croissant ; pour ne pas absorber toutes les ressources issues de l’épargne
nationale , et donc évincer l’investissement , l’Etat est obligé de faire appel aux investisseurs
internationaux qui détiennent aujourd’hui un tiers de la dette publique française : « la
contrepartie de ce financement croissant par l’extérieur , c’est une épée de Damoclès
supplémentaire au-dessus de nos têtes , il impose d’assurer une très grande stabilité du franc ,
car les non-résidents réagissent à la moindre anticipation d’une possible dépréciation . Au
moindre doute , sur un retournement de la politique monétaire se traduisant par des
changements de taux d’intérêt , les non-résidents risquent de vendre et de provoquer une crise
. Les marges de manœuvre de la politique monétaire sont donc encore plus faibles » ( D.
Plihon )
27
PARTIE IV – L’ETAT GARANT DE LA JUSTICE SOCIALE
(repris du manuel brises)
Le développement de la protection sociale et des solidarités collectives est caractéristique du
20ème siècle, surtout dans sa deuxième moitié, dans les pays développés. C’est l’Etat qui en a
été l’artisan, d’où son appellation, Etat providence, pour signifier que l’Etat, donc la solidarité
nationale, allait prendre en charge les individus, un peu comme auparavant, on se confiait à la
providence divine et à l’église. Aujourd’hui, l’Etat providence est partout en crise, pour des
raisons qui ne sont pas que financières et que nous étudierons. Nous proposerons ensuite
l’étude de deux exemples de risques sociaux, la pauvreté et la vieillesse, pour montrer
concrètement comment la solidarité collective a pris en charge ces risques sociaux, et
pourquoi ces dispositifs sont aujourd’hui en crise.
I - Le développement de l'Etat providence.
Il faut comprendre d’abord pourquoi l’Etat providence s’est créé, en réponse à quels besoins.
Nous pourrons voir ensuite quelles sont les grandes logiques qui président au développement
des Etats providence et quelle typologie on peut faire, dans la mesure où les formes qu’ont
prises les solidarités collectives sont variées.
A- L'ETAT PROVIDENCE EST UN SYSTEME DE REDISTRIBUTION DES REVENUS
VISANT A PROTEGER LES INDIVIDUS CONTRE LES RISQUES SOCIAUX.
Pour mieux comprendre cette définition de l’Etat providence, il est nécessaire d’abord de
clarifier la notion de risque social. Ensuite, nous pourrons voir en quoi consiste concrètement
la « protection sociale » avant d’examiner les mécanismes de redistribution des revenus
qu’elle implique.
· Les risques sociaux peuvent être définis comme des évènements incontrôlables provoquant
soit des dépenses importantes pour l’individu (la maladie ou l’accident, par exemple), soit une
diminution sensible de ses revenus habituels (chômage, cessation d’activité, par exemple).
Ces risques ont bien sûr toujours existé : la vieillesse ne date pas d’aujourd’hui (même si
beaucoup plus de gens l’atteignent aujourd’hui qu’avant) ! Mais dans une société
traditionnelle, c’est essentiellement la famille, dans une moindre mesure la paroisse (c'est-àdire l’Eglise), qui assurent cette prise en charge des individus subissant des risques sociaux.
Les liens de dépendance sont alors très forts, en particulier entre les enfants et les parents. La
révolution industrielle et les transformations de la société qui l’ont accompagnée ont
bouleversé ces solidarités traditionnelles : l’urbanisation et la faiblesse des rémunérations des
travailleurs imposent la réduction de la taille des familles, la taille des logements rend
impossible la prise en charge de parents âgés, etc Parallèlement, les individus, se différenciant
de plus en plus, revendiquent une autonomie personnelle grandissante : ils préfèrent pouvoir
s’adresser à une entité abstraite, l’Etat providence, expression de la solidarité collective, plutôt
que de dépendre de leur famille, par exemple.
· La protection sociale est donc un système qui offre aux individus une protection collective,
déshumanisée (car administrative) contre les risques sociaux. Cette protection sociale a aussi
comme avantage d’être (ou du moins c’est son objectif) universelle, c’est-à-dire de concerner
l’ensemble des personnes vivant sur le territoire national. Concrètement, la solidarité
s’exprime à travers le financement de la protection sociale : tous les citoyens sont appelés à
financer les dépenses de protection sociale, indépendamment de leur situation personnelle
28
face aux divers risques sociaux. Ainsi, un salarié sans enfant paie des cotisations pour
financer les allocations familiales, et un travailleur peu exposé au chômage ou à la pauvreté
contribue néanmoins au financement de l’UNEDIC ou du RMI. Mais tous en profitent selon
leurs besoins le moment venu, quand ils sont malades, au chômage ou trop vieux pour
continuer à travailler.
· La protection sociale se traduit par une importante redistribution des revenus. Cette
redistribution est d’abord horizontale, c’est-à-dire indépendante du revenu des personnes.
C’est le cas des remboursements maladie, par exemple : les personnes en bonne santé,
qu’elles soient riches ou pauvres, financent par leurs cotisations les dépenses des personnes
malades, qu’elles soient riches ou pauvres. Mais elle peut aussi être verticale, c’est-à-dire
redistribuer l’argent des plus riches vers les plus pauvres. C’est le cas notamment du RMI qui
est financé par les impôts payés par l’ensemble des Français, et notamment les plus riches,
mais dont les prestations sont réservées aux ménages les plus modestes.
B - L'ETAT PROVIDENCE MET EN OEUVRE DEUX TYPES DE SOLIDARITE :
L'ASSURANCE CONTRE LA PERTE DE REVENU ET L'ASSISTANCE AUX PLUS
DEMUNIS.
On distingue en général deux sortes d’Etats providence, en fonction de la logique qui préside
au système de protection sociale mis en place. Après avoir présenté les deux logiques
possibles, et pour les illustrer, nous essaierons de caractériser le système français en fonction
de ces deux logiques.
· La logique de l’assurance : Chaque actif cotise proportionnellement à son revenu et il reçoit
des prestations proportionnelles à ses cotisations. Pour les personnes qui ne travaillent pas, il
faut envisager un système d’aide sociale particulier. Ici, il n’y a donc pas a priori de volonté
de réduire les inégalités, la redistribution s’effectuant entre actifs en bonne santé et malades,
entre actifs et retraités, entre actifs sans enfant et actifs ayant des enfants, etc. Le versement
des prestations est « sous condition de cotisation », c’est-à-dire qu’il faut avoir cotisé pour en
bénéficier. On parle parfois de « système bismarkien », du nom du Chancelier Bismark, qui
mit en place le système d’assurances sociales en Allemagne à la fin du 19ème siècle.
· La logique de l’assistance : La protection sociale est un système redistributif visant à assurer
une plus grande égalité entre tous en couvrant les besoins considérés comme « de base ».
Dans ce type de système, tous les individus sont couverts quelle que soit leur situation
professionnelle (c’est le principe d’universalité) ; les prestations dépendent des besoins et non
du montant des cotisations, elles sont même parfois « sous condition de ressources », c’est-àdire que la prestation décroît avec le niveau de revenu, ce qui accroît l’effet redistributif du
système (les plus riches cotisent plus et perçoivent moins). Le système est géré par le service
public et financé par l’impôt : la participation au système doit être obligatoire pour qu’il y ait
redistribution des revenus, sinon les plus riches, qui sont en quelque sorte les « perdants »
dans cette logique, refuseraient d’y participer. On parle parfois de système beveridgien, du
nom de Lord Beveridge qui publia pendant la seconde guerre mondiale à Londres un rapport
célèbre sur le « Welfare State » (Etat providence), et qui inspira notamment le système de
protection sociale britannique d’après guerre.
· En France, comme dans d’assez nombreux pays, le système mis en place aujourd’hui tient
un peu des deux logiques, assurance et assistance. La protection sociale est en principe liée
aux cotisations sociales versées : pour bénéficier de prestations, il faut avoir cotisé, c’est-àdire avoir travaillé. C’est l’activité qui est à la source de la protection sociale. On cotise pour
chacun des « risques » (vieillesse, maladie, maternité-famille, chômage, accidents du travail).
Tout assuré social a droit aux prestations sociales, c’est-à-dire à des revenus versés quand les
29
conditions requises sont remplies (allocations familiales, remboursement de frais de maladie,
etc…). On retrouve donc ici la logique de l’assurance. Mais depuis peu, grâce à la C.M.U.
(Couverture Maladie Universelle), des personnes non assurées sociales peuvent bénéficier
d’une couverture sociale en cas de maladie, ce qui n’était pas le cas auparavant. La protection
sociale est donc maintenant en principe « universelle », ce qui la rapproche de la logique
d’assistance. De même, le système assure aussi une fonction redistributrice : les prestations ne
dépendent souvent pas des cotisations. Ainsi, un père de famille assure le droit aux prestations
à son épouse si elle est inactive et à tous ses enfants mineurs. Un célibataire ayant le même
salaire que ce père de famille paiera la même cotisation mais disposera de beaucoup moins de
prestations (pas d’allocations familiales, beaucoup moins de remboursements de frais de
maladie, etc). La redistribution se fait surtout des célibataires vers les familles et des actifs
vers les personnes retraitées. Enfin, depuis le début des années 1970, se sont développées des
prestations sous condition de ressources, comme par exemple les « bourses de rentrée
scolaire». On est ici tout à fait dans une logique d’assistance. Par ailleurs, le système français
se caractérise aussi par ce qu’on appelle le paritarisme : les institutions qui gèrent la
protection sociale sont distinctes de l’Etat (La Sécurité sociale pour la maladie, la vieillesse et
la famille, l’UNEDIC pour le chômage). Leur budget est supérieur, en montant, à celui de
l’Etat. Elles reçoivent les cotisations et versent les prestations. La Sécurité sociale et
l’UNEDIC sont gérées par les partenaires sociaux : cela signifie que leurs conseils
d’administration sont composés, en principe, pour un tiers de représentants des employeurs,
pour un tiers de représentants des salariés et pour le dernier tiers par des représentants de
l’Etat. Autrement dit, la Sécurité sociale, l’UNEDIC, ce n’est pas la même chose que l’Etat.
Ce sont des Administrations publiques au même titre que l’Etat et les Collectivités
territoriales.
C- LA SOLIDARITE PEUT ETRE PLUS OU MOINS ETENDUE : ON DIT QUE L'ETAT
PROVIDENCE EST UNIVERSEL, CORPORATISTE, OU SEULEMENT RESIDUEL.
Chaque pays a construit son propre système de protection sociale, en fonction de ses valeurs,
de son histoire, de ses ressources, etc On peut cependant observer qu’il y a des grands types
d’Etats providence et essayer de les regrouper en fonction de leur étendue, c’est-à-dire du
degré de solidarité qu’ils impliquent entre les personnes. C’est ce qu’a fait le Danois G.
Esping-Andersen en proposant de distinguer trois types principaux d’Etats providence :
· Le modèle universaliste, d’inspiration bévéridgienne : son objectif est de permettre un accès
universel (c’est-à-dire de tous les citoyens) à un niveau élevé de prestations et de services.
Ces services sont offerts gratuitement et sont donc financés par l’impôt. La protection sociale
ne découle pas du travail, elle est garantie à tous les citoyens. Ce système repose sur un Etat
fortement interventionniste et sur la volonté d’assurer la plus grande égalité possible entre
tous les citoyens. On parle également de système social-démocrate. On retrouve ce système
essentiellement dans les pays de l’Europe du Nord, spécialement en Suède.
· Le modèle corporatiste : le système repose pour l’essentiel sur les cotisations des actifs.
C’est donc l’activité (le travail) qui ouvre les droits. Ces droits sont souvent proportionnels
aux cotisations, selon la logique assurantielle. Les assurés sociaux peuvent compléter leur
protection personnelle en souscrivant des assurances privées ou en adhérant à des mutuelles.
Le système français est un système corporatiste, comme celui de l’Allemagne.
· Le modèle résiduel (ou libéral) : la protection sociale doit être assurée par les cotisations
personnelles, volontaires des individus. Il n’y a donc pas de système de protection sociale à
proprement parler, mais des assurances privées auxquelles chacun cotise en fonction de ses
moyens et de ses choix personnels. On a ici un Etat providence très réduit qui se contente
30
d’instaurer un minimum de protection sociale pour les plus démunis ne pouvant absolument
pas payer une assurance personnelle. L’aide publique sera donc réservée aux plus pauvres et
n’assurera que les prestations essentielles. L’exemple le plus connu de ce type de système est
celui des Etats-Unis (si vous regardez la série télévisée « Urgences », vous savez à quel point
la question de l’assurance des patients arrivant à l’hôpital est cruciale).
II - LA CRISE DE L'ETAT PROVIDENCE.
On parle aujourd’hui beaucoup de crise de l’Etat providence, mais qu’est-ce que cela veut dire
? D’abord que le fonctionnement de la protection sociale pose problème. Pendant les années
de forte croissance, l’enrichissement de la société permettait de financer des prestations
sociales toujours plus grandes et l’on pouvait penser – naïvement, sans doute – que cela
permettrait de réduire les inégalités, de permettre à tous l’accès à la société de consommation
et la protection contre les risques de la vie. Aujourd’hui, la crise économique rend les
ressources plus rares et l’on découvre les difficultés qu’a l’Etat providence à atteindre les
objectifs qu’on lui avait assignés.
Mais la crise de l’Etat providence signifie aussi que, face à ces difficultés de fonctionnement,
celui-ci doit se transformer, et que la nature de cette transformation, ce sur quoi elle doit
déboucher, fait débat dans nos sociétés contemporaines. L’Etat providence s’est construit sur
un certain consensus : c’était aux pouvoirs publics de prendre en charge des fonctions de
solidarité et de distribution traditionnellement dévolues à d’autres (familles, Eglises, …), mais
que ceux-ci ne pouvaient plus remplir compte tenu de l’évolution de la société. Toutefois, on
se demande aujourd’hui jusqu’où doit aller le rôle de l’Etat, et où commence la responsabilité
individuelle. Et nombreux sont ceux qui pensent qu’une protection collective trop étendue
entraîne des effets pervers.
A - LA CRISE FINANCIERE : LES DEPENSES DE PROTECTION SOCIALE
AUGMENTENT, CE QUI REND LE COUT DE LA SOLIDARITE DIFFICILEMENT
SUPPORTABLE POUR LES CONTRIBUABLES
Il y a crise financière de l’Etat providence parce que le financement de la protection sociale
est de plus en plus difficile, sous l’effet conjugué de la hausse des dépenses et du
ralentissement des recettes lié au ralentissement de la croissance.
· La hausse des dépenses de protection sociale est la conséquence du vieillissement de la
population et de la montée du chômage. L’allongement de l’espérance de vie, qui est une
bonne chose en soi, accroît toutefois la part des personnes âgées dans la population. Il faut
donc dépenser plus pour les retraites (voir aussi le paragraphe 24 de ce chapitre), mais aussi
plus pour la santé : on a généralement plus besoin de soins médicaux à 70 ans qu’à 20 ans !
De plus, ceux-ci se sont renchéris avec le progrès technique et les découvertes médicales.
Ainsi, la consommation médicale en France (soins et médicaments) est-elle passée de 100
milliards d’euros en 1995 à 147,6 milliards en 2004 (Source : France, portrait social 20052006, INSEE, 2005). Par ailleurs la montée du chômage accroît les besoins d’indemnisation,
ainsi que les dépenses de solidarité avec les plus pauvres (voir le paragraphe 23 de ce
chapitre). On le voit, tout concourt à une hausse des dépenses de protection sociale.
· Les recettes de l’Etat providence, par contre, marquent le pas. C’est d’abord la conséquence
du ralentissement économique : le taux de croissance annuel moyen du PIB a pratiquement
été divisé par deux depuis la fin des « Trente Glorieuses », et contrairement aux dépenses, les
recettes ne peuvent guère augmenter plus vite que la richesse nationale. Il y a plus, car les
prélèvements obligatoires servant à financer les prestations sociales sont encore beaucoup
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calculés en fonction des salaires (les fameuses « charges sociales »). Or, depuis les années 80,
avec la montée du chômage et l’austérité salariale, les salaires constituent la catégorie de
revenu qui augmente le moins vite. C’est d’ailleurs pour cela qu’a été instituée la CSG
(Cotisation Sociale Généralisée) qui pèse non plus sur les seuls salaires mais sur l’ensemble
des revenus des ménages.
B - LA CRISE D'EFFICACITE : LA PROTECTION SOCIALE NE PROFITE PAS
TOUJOURS A CEUX QUI EN ONT LE PLUS BESOIN.
Un deuxième élément de la crise de l’Etat providence est sa difficulté croissante à atteindre
les objectifs qu’il s’était donnés.
· L’Etat providence actuel réduit peu ou mal les inégalités. On s’aperçoit tout d’abord que le «
filet » de la protection sociale « a des trous », c’est-à-dire qu’une partie de la population ne
bénéficie pas du système de protection et reste exposée aux risques sociaux. Le système
français, bâti dans les années 50, est adapté pour protéger les travailleurs stables et leurs
familles. Mais les jeunes chômeurs, les chômeurs en fin de droits, les mères célibataires ne
pouvant pas cotiser, ne bénéficiaient pas des prestations. Il a fallu la création du RMI et de la
CMU pour corriger un peu cette défaillance (voir le paragraphe 23 de ce chapitre). Mais le
système de protection sociale redistribue parfois « à l’envers » de ce qui était prévu, et profite
plus aux riches qu’aux pauvres. C’est par exemple le cas des dépenses maladie. En effet, les
personnes de milieu favorisé vivent plus longtemps et surtout ont plus spontanément recours
aux soins médicaux : ils profitent donc plus de la couverture maladie que les plus pauvres !
· Les dépenses de protection sociale sont mal régulées ce qui conduit à un gaspillage de
l’argent public. Quand on dit que les dépenses sont « mal régulées », cela signifie que l’on
n’arrive pas à les contrôler, c’est-à-dire à sélectionner celles qui sont justifiées au regard des
objectifs que l’on poursuit. C’est tout particulièrement le cas des dépenses de santé. Comme
l’assurance maladie les rembourse aux patients, ceux-ci n’ont aucun intérêt à en limiter
l’usage (elles ne leur coûtent rien, et de toute façon, les malades sont rarement en position de
juger de la pertinence des soins qu’ont leur propose). Mais les professions médicales n’ont pas
non plus intérêt à freiner les dépenses de santé qui constituent leur source de revenu. On a
ainsi une envolée des dépenses, sans rapport forcément avec l’efficacité médicale.
C- LA CRISE DE LEGITIMITE : LA PROTECTION SOCIALE PEUT AVOIR DES
EFFETS PERVERS, ET DONC UN SURCROIT DE PROTECTION SOCIALE N'EST
FORCEMENT UN PROGRES SOCIAL.
La crise de légitimité de l’Etat providence est une interrogation sur la justification morale et
politique des systèmes de protection sociale. Jusqu’où l’Etat doit-il prendre en charge les
individus ? Doit-il se substituer aux mécanismes de solidarité traditionnels ? Et à trop vouloir
protéger les individus contre les risques de la vie, ne va-t-on pas les déresponsabiliser ? On a
là une rediscussion des objectifs de la protection sociale. Par ailleurs, et dans le même ordre
d’idée, se pose aussi la question de la rationalité économique des dépenses de protection
sociale.
· La protection sociale et le risque de déresponsabilisation individuelle. On reproche souvent à
l’Etat providence de développer une culture de l’assistance, de faire perdre aux individus les
sens de leur responsabilité. Dès lors que la société procure une aide en cas de difficulté, on n’a
plus à se soucier de risques que l’on court, on se repose sur l’idée que la collectivité
interviendra en cas de malheur. Par exemple, la gratuité des secours en haute montagne incite
les touristes à prendre de plus en plus de risques inconsidérés. De même, pourquoiun
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travailleur chercherait-il un emploi payé au SMIC s’il peut bénéficier sans travailler
d’allocations d’un montant voisin du SMIC. Au-delà de cet effet pervers sur le comportement
des individus, on peut dénoncer ici un recul du lien social dans la mesure où les individus ne
pensent plus qu’à leurs droits sur la société (et donc sur les autres) et oublient les devoirs
qu’ils ont envers elle (et donc envers les autres). C’est en cela que l’on peut parler de
déresponsabilisation.
· La protection sociale peut paradoxalement affaiblir le lien social. Il y a un risque, que
certains dénoncent, d’affaiblissement du lien social engendré par le système de protection
sociale : l’Etat ayant pris en charge la protection des individus, ceux-ci se sont dégagés des
liens et des solidarités traditionnelles - notamment les solidarités familiales et de voisinage.
C’est potentiellement une forme d’individualisme triomphant qui se développe : dès lors que
l’on a payé nos impôts, nous ne nous sentons plus responsable d’autrui (pourquoi m’occuper
de mon voisin puisque l’Etat a mis en place un système qui est précisément sensé pourvoir à
ses besoins ?). Cela peut expliquer en partie l’exclusion : ceux qui, pour une raison ou pour
une autre, ne sont plus protégés par le système, ne trouvent plus aucun secours dans la société,
et sont renvoyés à leur responsabilité individuelle sur un mode très culpabilisant.
· Dans un contexte financier plus difficile, les dépenses de protection sociale sont-elles
économiquement rationnelles ? C’est une des questions cruciales qui est invoquée pour
remettre en cause l’Etat providence. Toutes les ressources utilisées pour financer les
prestations sociales font défaut aux dépenses qui assurent la compétitivité de l’économie, sa
capacité d’innovation et donc de croissance. Une forte critique adressée par les économistes
libéraux à l’Etat providence est que les sommes ainsi détournées de l’investissement
ralentissent la croissance économique et donc la capacité à financer la protection sociale. Nos
sociétés modernes vivraient « au-dessus de leurs moyens », plus soucieuses qu’elles sont de
dépenser leurs richesses plutôt que de les produire.
On voit qu’on assiste à une remise en cause assez radicale de la solidarité collective. Que
peut-on en penser ? Il y a incontestablement des dérives de l’Etat providence, mais les
résultats obtenus dans les pays en pointe pour le recul de la protection sociale publique,
comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, laissent sceptiques. Dans ces pays, en effet, des
coupes claires ont été opérées dans les budgets sociaux. Dans le même temps, les inégalités se
sont fortement accrues, le nombre des gens sans protection sociale s’est fortement accru, ce
qui se traduit par un recours plus difficile au système de soins et par des conditions de vie de
plus en plus précaires pour une partie croissante de la population, y compris parfois celle
ayant un emploi.
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