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INTRODUCTION
Les invasions biologiques sont un des déterminants les plus importants de la perte de
biodiversité auquel on assiste aujourd'hui à l’échelle mondiale. (Sala et al., 2000). En effet, les
espèces envahissantes, c’est-à-dire les espèces qui ont été introduites dans un nouveau milieu et
qui l’ont colonisé, entrent en compétition avec les espèces autochtones, entraînant une perte de
biodiversité dans les zones envahies (Elton, 1958 ; Sakai et al., 2001 ; Lee, 2002 ; Lockwood et
al., 2007). En outre, elles menacent l’intégrité des écosystèmes, les activités de pêche et
d’agriculture, voire même la santé publique (cas d’Ambrosia artemisiifolia, Astéracées ;
Heckel, 1906). Les premières études qui se sont intéressées aux invasions biologiques,
généralement en vue d’un contrôle biologique, ont mis en évidence que seule une minorité des
espèces introduites dans de nouveaux milieux deviennent envahissantes (Williamson, 1996 ;
Jeschke & Strayer, 2005). Ces recherches étaient essentiellement axées sur les processus
écologiques déterminant les invasions : la tolérance des espèces envahissantes et leur plasticité
phénotypique (Williams et al. 1995 ; Sakai et al. 2001 ; Daehler, 2003) ou le relâchement des
pressions biotiques subies par les espèces dans leur zone native (hypothèse nommée « Enemy
release hypothesis » ou ERH ; Jones & Lawton, 1991 ; Keane & Crawley, 2002).
Cependant, les investigations menées sur les espèces envahissantes ont montré que les
invasions étaient la conséquence de la contingence de nombreux facteurs abiotiques et
biotiques, y compris génétiques. Les espèces envahissantes sont le siège de changements
évolutifs (Blossey & Nötzold, 1995 ; Lee, 2002 ; Lee & Gelembiuk, 2008 ; Monty & Mahy,
2009) et le succès envahissant d’une espèce est lié au potentiel évolutif des populations
introduites. Dans ce cadre, l’hypothèse d’évolution de la capacité compétitive (Evolution of
Increased Competitive Ability ou EICA) a été formulée en ces termes par Blossey et Nötzold
(1995) : le relâchement des pressions imposées à une espèce par ses prédateurs et parasites
lorsqu’elle est introduite dans un nouveau milieu entraîne l’évolution de ses traits d’histoire de
vie, vers une allocation moindre d’énergie dans les mécanismes de défense et une allocation
plus importante dans les mécanismes de reproduction et de croissance. Cela conduit à une
compétitivité accrue de l’espèce dans le milieu envahi et favorise son invasion.
Parce que la variabilité génétique détermine l’évolution d’une population (Fisher, 1930),
il est important de savoir comment les introductions déterminent la diversité génétique
retrouvée dans la zone envahie. Ainsi, de nombreux travaux ont montré comment cette
diversité génétique peut changer après l’introduction (voir Bossdorf et al., 2005, pour revue).