Forum Med Suisse 2012;12(3):44–46 45
HigHligHts 2011: génétique médicale
et coûteuse, seule la limitation du nombre de gènes can
didats au sein du locus génétique supposé permet alors
de mettre en évidence une mutation. C’est pourquoi
jusqu’à présent les maladies identiées étaient princi
palement celles présentant un phénotype très caracté
ristique ou survenant dans des familles comptant plu
sieurs membres atteints et disponibles pour une analyse
de liaison. En revanche, les maladies sporadiques ou
bien très hétérogènes et difcilement groupables d’un
point de vue clinique ne pouvaient être expliquées que
très rarement. La mise au point d’un nouveau procédé
de séquençage, qualié de massif parallèle, ultra-pro-
fond ou nouvelle génération, a amorcé un retournement
de tendance au cours de ces dernières années. Avec ce
procédé, dénommé ciaprès NGS, il est possible de sé
quencer l’ensemble du génome d’un humain en l’espace
de quelques semaines. Toutefois, l’interprétation de cette
abondance de données, souvent également truffée d’er
reurs, est encore délicate, d’autant plus que jusqu’à au
jourd’hui, les connaissances disponibles concernaient
avant tout les allèles codants. Les gènes codants pour
les protéines ne constituent que 1,5% environ de notre
génome. Pour cette raison et pour les économies de
temps et d’argent ainsi que pour permettre la génération
de données plus ables, ce procédé est actuellement
principalement utilisé pour le séquençage de «l’exome»
humain, c’estàdire uniquement les zones codantes pour
les gènes. Avec le séquençage de l’exome, il est désor
mais également possible d’identier les gènes respon
sables dans le cas de maladies très rares ou extrêmement
hétérogènes [1–4].
Cependant, ce procédé ne permet pas seulement de réa
liser un saut quantique dans l’explication de maladies
jusqu’à présent non étudiées, mais il contribue égale
ment au diagnostic de maladies hétérogènes déjà éluci
dées. Ainsi, des protocoles de séquençage ciblés sont
désormais élaborés dans de nombreux établissements,
avec pour objectif d’analyser pour chaque cas de nom
breux gènes identiés comme étant responsables d’un
symptôme précis, tel que la surdité, la rétinopathie ou
l’épilepsie, en un seul séquençage. Reste encore à déter
miner s’il ne serait pas plus simple et plus économique
de procéder à un séquençage d’exome complet lorsqu’une
maladie est soupçonnée puis d’analyser uniquement le
groupe de gènes mis en cause dans la problématique
concernée. Puisque la fonction de la grande majorité des
gènes n’est pas encore connue à l’heure actuelle, un sé
quençage de l’exome présente en outre l’avantage qu’a
la découverte de nouveaux gènes spéciques à une mala
die; les données déjà rassemblées sont simplement
é tudiées à nouveau, sans qu’il soit systématiquement
nécessaire de procéder à une nouvelle analyse spécique
à cette maladie. Néanmoins, l’avenir devra dire si la
qualité et le traitement des énormes quantités de données
générées lors du séquençage de l’exome sont réellement
préférables à l’analyse ciblée des groupes génétiques
spéciques aux maladies.
A l’heure actuelle, l’analyse des données demande éga
lement une capacité bien plus importante que leur gé
nération. Pour chaque individu, environ 20 000 varia
tions de séquence sont en effet détectées lors du
séquençage de l’exome, dont la plupart ne constituent
que des polymorphismes parfaitement bénins. Tout l’art
réside dans l’identication des aberrations signicatives
et de leur interprétation adéquate selon le contexte médi
cal propre à chaque cas. Néanmoins, de nombreuses
associations redoutent que l’abondance d’informations
puisse être un poids trop lourd à porter pour un individu.
Les explications d’un spécialiste compétent concernant
les découvertes fortuites éventuelles et le droit à l’igno
rance doivent ainsi impérativement être mis en avant
dans le cadre d’une telle analyse. Cependant, la majorité
des connaissances à haute valeur prédictive disponibles
à ce jour se limitant à des maladies rares, le risque
qu’une profusion de découvertes fortuites prédictives
soit révélée par un test génétique de ce type est, à
l’heure actuelle, plutôt faible.
Que de telles découvertes fortuites puissent également
avoir des répercussions positives a été illustré lors d’un
débat dans le cadre du récent Congrès international de
la génétique humaine, qui s’est tenu à Montréal. A cette
occasion, trois des premières personnes ayant mis leur
génome à disposition pour un séquençage individuel et
la publication des données ont été interrogées sur la
manière dont elles ont fait face à cette situation. Comme
il était attendu, le gain de connaissances chez ces indi
vidus en bonne santé, tous trois euxmêmes généticiens,
était encore faible compte tenu de notre savoir limité en
la matière. Le célèbre découvreur de la structure de
l’ADN, James Watson, a cependant rapporté qu’une
prédisposition à un ralentissement du processus de mé
tabolisation de certains médicaments avait été détectée
chez lui. S’il l’avait su plus tôt, il aurait été possible
d’éviter la réaction médicamenteuse grave survenue
chez son ls après qu’il ait été traité avec de tels médi
caments. En revanche, SeongJin Kim, directeur d’un
laboratoire de séquençage coréen, a tiré un avantage
certain de sa connaissance plutôt déplaisante du fait
que le séquençage de son génome a révélé des facteurs
de risque de cécité liée à l’âge due à une dégénérescence
maculaire. Avec cet argument, il a en effet réussi à
convaincre sa femme de remplacer leur ancien téléviseur
par un nouvel écran LED, celuici ménageant les yeux
et étant donc recommandé pour ce type de prédisposi
tion.
Un autre domaine d’application pour le NGS est le dépis
tage des hétérozygotes chez les couples avec un désir
d’enfant. De nombreuses maladies infantiles, graves
bien que rares, sont de transmission autosomique réces
sive et surviennent donc uniquement lorsque les deux
parents sont porteurs hétérozygotes. Ainsi, dans la po
pulation juive ashkénaze, au sein de laquelle un groupe
précis de maladies de ce type est particulièrement fré
quent, il est courant depuis longtemps de procéder,
avant la réalisation du désir d’enfant ou juste avant le
mariage, à un test visant à déterminer les porteurs des
gènes responsables de ces maladies fréquentes. Le risque
que les descendants soient atteints n’est accru que dans
le cas où les parents sont tous deux porteurs du gène
responsable de la même maladie. Selon les idéaux et
concepts de vie individuels, cela peut alors conduire au
choix d’un nouveau partenaire, au renoncement à avoir
des enfants biologiques ou à procéder à un diagnostic
prénatal ciblé an de détecter cette maladie. C’est pour