sur la nature non-cyclotomique des points d`ordre fini des courbes

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SUR LA NATURE NON-CYCLOTOMIQUE DES
POINTS D’ORDRE FINI DES COURBES
ELLIPTIQUES
LO¨
IC MEREL
Appendice de E. Kowalski et P. Michel
R´
esum´
e
Nous ´
etudions le corps Kpengendr´
e par les points d’ordre premier pd’une courbe el-
liptique sur un corps de nombres. Avec l’aide de Kowalski et Michel, nous d´
emontrons
que pour presque tout nombre premier p, toute courbe elliptique sur le corps cyclo-
tomique Qp)poss´
edant un sous-groupe cyclique Qp)-rationnel d’ordre pa po-
tentiellement bonne r´
eduction en caract´
eristique p. Nos m´
ethodes s’appliquent aussi
pour ´
etudier, nombre premier par nombre premier, les courbes elliptiques n’ayant
pas potentiellement bonne r´
eduction en p. En particulier, nous d´
emontrons quon a
Kp6= Qp)pour 5<p<1000 et p1(mod 4). Nous faisons un usage crucial
des travaux de Kato sur la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer.
0. Introduction
Lorsque Eest une courbe elliptique sur un corps de nombres, le corps Kp(E)en-
gendr´
e par les points de p-division de Econtient un corps cyclotomique Qp)en-
gendr´
e par les racines p-i`
emes de l’unit´
e — Cela est une cons´
equence ´
evidente de la
structure fournie par les accouplements de Weil. Cet article vise `
a´
etablir que Kp(E)
ne peut gu`
ere ˆ
etre aussi petit que Qp).
Notons Sl’ensemble des nombres premiers ptels qu’il existe une telle courbe el-
liptique avec Qp)=Kp(E). Il est connu que l’ensemble Scontient les nombres 2,
3 et 5 (puisque la courbe modulaire param´
etrant le probl`
eme de module correspondant
est de genre nul et poss`
ede au moins un point Qp)-rationnel). E. Halberstadt sem-
ble avoir ´
etabli r´
ecemment que Sne contient pas 7 (voir [6]). Nous sommes incapable
d’´
etablir la finitude de S(les techniques de [21] sont de peu de secours). Pour aborder
cette derni`
ere question, il semble naturel de s´
eparer le probl`
eme en trois classes de
courbes elliptiques sur Qp), selon la g´
eom´
etrie de la fibre en l’id´
eal Pau dessus
DUKE MATHEMATICAL JOURNAL
Vol. 110, No. 1, c
2001
Received 19 May 2000. Revision received 18 September 2000.
2000 Mathematics Subject Classification. Primary 11F, 11G, 11M, 14G.
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IC MEREL
de pdu mod`
ele de N´
eron sur Z[µp]:
Le cas p-cuspidal, c’est-`
a-dire le cas des courbes elliptiques n’ayant pas po-
tentiellement bonne r´
eduction en P. Nous obtenons beaucoup d’informations
dans ce cas.
Le cas p-ordinaire, c’est-`
a-dire le cas des courbes elliptiques ayant potentielle-
ment bonne r´
eduction ordinaire en P. Dans le cas ordinaire on peut distinguer
le cas (non d´
etermin´
e par la g´
eom´
etrie) des anomalies, c’est-`
a-dire le cas o`
u
la r´
eduction modulo Pde la courbe elliptique poss`
ede un point d’ordre p.
Une ´
etude facile montre que les courbes elliptiques ordinaires donnant lieu
aux ´
el´
ements de Spr´
esentent des anomalies.
Le cas p-supersingulier, qui concerne, comme on s’en doute, les courbes ellip-
tiques ayant r´
eduction potentiellement supersinguli`
ere en caract´
eristique p. J.
Oesterl´
e m’a convaincu que ces courbes ne donnent naissance `
a aucun ´
el´
ement
p>3 de S.
Faute de pouvoir montrer la finitude de S, nous nous proposons d’aller dans la di-
rection g´
en´
erale suivante : ´
etudier les ensembles S0,c,S0,oet S0,sde nombres premiers
pour lesquels il existe une courbe elliptique sur Qp)p-cuspidale, p-ordinaire ou p-
supersinguli`
ere respectivement munie d’un sous-groupe Cd’ordre pqui est Qp)-
rationnel. Ajoutons que notre m´
ethode semble indiquer que l’´
enum´
eration des trois
cas d´
enote une difficult´
e croissante.
Dans le cas cuspidal, nous obtenons le r´
esultat suivant (cons´
equence de la propo-
sition 5, du corollaire 3 de la proposition 6 et de l’appendice).
TH ´
EOR `
EME
L’ensemble S0,cest fini.
Les techniques utilis´
ees dans notre preuve font appel de fac¸on centrale aux id´
ees
vieilles de vingt ans de B. Mazur [17] et aux r´
esultats r´
ecents de K. Kato (heureuse-
ment r´
edig´
es pour l’essentiel par A. Scholl [26]) en direction de la conjecture de Birch
et Swinnerton-Dyer.
Nous proc´
edons en deux ´
etapes : d’abord nous nous efforc¸ons de montrer que
les points Qp)-rationnels p-cuspidaux (en le sens ci-dessus, mais notre m´
ethode
s’applique aussi parfois aux points p-ordinaires) de la courbe modulaire X0(p)sont
quadratiques r´
eels. Nous concluons en appliquant les m´
ethodes de S. Kamienny
d’´
etude des points quadratiques de X0(p).
Soient pun nombre premier et χun caract`
ere de Dirichlet (Z/pZ)C. On
r´
esumera par Hp) l’assertion suivante : il existe une forme modulaire parabolique
f=Pnanqnde poids 2 pour 00(p)telle que la fonction enti`
ere L(f, χ , s)qui
prolonge la s´
erie de Dirichlet P
n=1anχ(n)nsne s’annule pas en s=1.Nous
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CYCLOTOMIE ET POINTS D’ORDRE FINI 83
d´
emontrons que les nombres premiers appartenant `
aS0,cne v´
erifient pas Hp) pour
au moins un caract`
ere χ:(Z/pZ)Cnon quadratique pair. L´
etude de Hp)
est donc essentielle `
a notre d´
emonstration.
E. Kowalski et P. Michel d´
emontrent que tout nombre premier p>1025 v´
erifie
Hp) pour χnon quadratique pair (voir [13]). L’une de leurs d´
emonstrations, qui
est ´
el´
ementaire, est donn´
ee en appendice. On est tent´
e de ne pas se satisfaire de leur
borne. C’est pourquoi nous faisons quelques efforts, ind´
ependamment de Kowalski et
Michel, visant `
a´
etablir Hp) dans la deuxi`
eme partie. Nos r´
esultats sont partiels,
mais nous esp´
erons qu’ils jettent une lumi`
ere int´
eressante sur l’hypoth`
ese Hp).
En particulier, nous d´
emontrons que Hp ) est v´
erifi´
ee dans les trois cas suivants :
lorsque pest un nombre premier congru `
a 11 ou 19 modulo 20 et χest impair, lorsque
χest injectif et p/∈ {2,3,5,7,13,1487}et lorsque χest un caract`
ere d’ordre une
puissance d’un nombre premier ` > 3. L´
etude du dernier cas fait intervenir l’id´
eal
d’Eisenstein de l’alg`
ebre de Hecke de J0(p). Cela retiendra peut-ˆ
etre l’attention du
lecteur familier avec [16].
Ajoutons que l’hypoth`
ese Hp) est fausse lorsque p∈ {2,3,5,7,13}, et lorsque
χest quadratique pair. W. Stein a v´
erifi´
e qu’elle n’est fausse dans aucun autre cas
pour p<1000. En se fondant sur une variante de la proposition 16, et avec l’aide
de Stein, nous avons d´
emontr´
e qu’aucun nombre premier pv´
erifiant 7 <p<1000
n’appartient `
aS, sauf, peut-ˆ
etre, 13. Les d´
etails relatifs `
a ces calculs seront publi´
es
s´
epar´
ement.
1. G´
eom´
etrie et arithm´
etique de X0(p)et J0(p)
1.1. Un lemme ´
el´
ementaire de g´
eom´
etrie arithm´
etique
Soit pun nombre premier. Conform´
ement `
a l’usage, notons X0(p)la courbe sur Q
qui classe grossi`
erement les courbes elliptiques g´
en´
eralis´
ees munies d’un sous-groupe
cyclique d’ordre p(voir [1]). Notons X0(p)le mod`
ele r´
egulier minimal de X0(p)sur
Z. Notons J0(p)la vari´
et´
e jacobienne de X0(p). Notons Tle sous-anneau (commu-
tatif) de EndQJ0(p)engendr´
e par les op´
erateurs de Hecke et l’involution Wp. (Nos
notations co¨
ıncident notamment avec celles de [16].) Notons J0(p)le mod`
ele de
N´
eron sur Zde J0(p)(dont la composante neutre n’est autre que Pic0(X0(p)).) No-
tons X0(p)`la partie lisse de X0(p): elle est obtenue en ˆ
otant les sections qui sont
supersinguli`
eres dans la fibre en p(voir [1]).
Pour ´
etudier l’existence de points Qp)-rationnels sur X0(p)nous ferons usage
du r´
esultat suivant. Lorsque χest un caract`
ere `
a valeurs complexes, on notera Z[χ]le
sous-anneau de Cengendr´
e par les valeurs de χ.
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84 LO¨
IC MEREL
PROPOSITION 1
Soit pun nombre premier. Soient Ket Ldeux extensions finies de Qpv´
erifiant les
inclusions QpKLQpp)et d’anneaux des entiers OKet OLrespective-
ment. Posons S0=spec OKet S=spec OL. Soit Xun sch´
ema s´
epar´
e et noetherien
sur S0de fibre sp´
eciale ¯
X. Soient s1et s2des sections du morphisme canonique
X×S0SSdont les restrictions `
a la fibre g´
en´
erique (les “points” L-rationnels)
sont not´
ees P1et P2. Supposons que les restrictions de ces sections `
a la fibre sp´
eciale
de Sco¨
ıncident avec une section ¯s:spec Fp¯
X.
Supposons que pour tout caract`
ere χ:Gal(L/K)Cil existe un morphisme
de S0-sch´
emas φχ:XA, o`
uAest le mod`
ele de N´
eron sur S0d’une vari´
et´
e
ab´
elienne Asur Qpet tχEndKAZ[χ]v´
erifiant les deux conditions suivantes :
(i) L’homomorphisme de Z[χ]-modules φ
χt
χ(d´
eduit des morphismes φχ
et tχpar passage aux espaces cotangents et extension des scalaires) :
Cotgφχ(¯s)AZ[χ] −Cotg¯sXZ[χ]est surjectif (on dira alors que
le couple (tχ, φχ)constitue une pseudo-immersion formelle au point ¯s).
(ii) On a dans A(L)Z[χ]:
X
σGal(L/K)
χ(σ )tχσφχ(P1)=X
σGal(L/K)
χ(σ )tχσφχ(P2).
Alors les sections s1et s2(et donc P1et P2) co¨
ıncident.
D´
emonstration
Notons Pl’id´
eal de Zp[µp]au-dessus de pZp. Notons PX(resp. PA) l’id´
eal
maximal du compl´
et´
e formel de X(resp. A) le long de ¯s(resp. φχ(¯s)).
Supposons que s1et s2ne co¨
ıncident pas. Par passage aux espaces cotangents,
ces sections d´
efinissent des homomorphismes s
1et s
2:PX/P2
XP/P2qui
ne co¨
ıncident pas par le lemme de Nakayama. Pour χcaract`
ere de Gal(L/K)notons
eχ=(1/[L:K])PσGal(L/K)¯χ(σ )σ l’idempotent de Z[χ , 1/(p1)][Gal(L/K)]
qui projette sur la composante χ-isotypique. Le nombre p´
etant premier `
a[L:K], ces
idempotents d´
efinissent une d´
ecomposition en somme directe du Fp-espace vectoriel
P/P2. Il existe donc un charact`
ere χ:Gal(L/K)Z[χ]tel que eχs
1et
eχs
2soient distincts. Comme l’application cotangente φ
χt
χest surjective, les
applications eχs
1φ
χt
χet eχs
2φ
χt
χsont distinctes. Or cela contredit la
formule dans A(OL)Z[χ]d´
eduite de l’hypoth`
ese (ii) par extension au mod`
ele de
N´
eron et application `
a l’espace cotangent.
Remarque. L’hypoth`
ese (i) est v´
erifi´
ee lorsque tχEndKAet tχφχest une immer-
sion formelle (au sens habituel) au point ¯s, d’o`
u notre terminologie. L’hypoth`
ese (ii)
est v´
erifi´
ee par exemple lorsque tχ=1 et lorsque A,tχ,P1et P2sont M-rationnels
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CYCLOTOMIE ET POINTS D’ORDRE FINI 85
pour un sous-corps Mde Ltel que tχA(M)=0. Mais ces hypoth`
eses plus faibles ne
nous suffisent pas.
1.2. Points d’ordre pde J0(p)
L’assertion suivante est une cons´
equence facile des travaux de Mazur [16].
PROPOSITION 2
La vari´
et´
e ab´
elienne J0(p)ne poss`
ede pas de point Qp)-rationnel d’ordre p.
D´
emonstration
L´
enonc´
e est ´
evident et sans int´
erˆ
et si p=2. Supposons donc que p>2.
Soit PJ0(p)(Qp))[p]. Si Pest non nul, quitte `
a multiplier par un ´
el´
ement
de Tappropri´
e on peut supposer que l’annulateur de Pdans Test un id´
eal maximal
Mqui est n´
ecessairement de caract´
eristique r´
esiduelle p.
Consid´
erons le sous-sch´
ema Nen T/M-vectoriel engendr´
e par P. C’est un sous-
sch´
ema T/M-vectoriel de J0(p)[M]. Notons ila dimension de l’espace vectoriel sur
T/Msous-jacent. Comme J0(p)( ¯
Q)[M]est un espace vectoriel de dimension 2 sur
T/M(voir [16, proposition II.14.2] qui s’applique car p>2), on a i=1 ou 2.
Supposons quon ait i=1. D’apr`
es [16, proposition II.14.1], l’id´
eal Mest un
id´
eal premier d’Eisenstein. Cela n’est possible que lorsque pdivise le num´
erateur de
(p1)/12, c’est-`
a-dire jamais. Cela exclut le cas i=1.
´
Etudions maintenant le cas i=2. On obtient alors un homomorphisme de
groupes
GalQp)/Q'(Z/pZ)Aut J0(p)( ¯
Q)[M] ' GL2(T/M).
Comme T/Mest un corps fini de caract´
eristique p>2, une ´
etude facile nous in-
dique que l’image de cet homomorphisme est conjugu´
ee (dans GL2(T/M))`
a un
sous-groupe diagonal. On obtient donc l’existence d’un sous T/M[Gal(Qp)/Q)]-
module de dimension 1 sur T/M. L´
etude du cas i=1 exclut pr´
ecis´
ement cette
situation.
On a donc P=0.
COROLLAIRE
Soit Pun point d’ordre fini nde J0(p)(Qp)). L’extension de Pau mod`
ele de N´
eron
de J0(p)est d’ordre ndans la fibre en p.
D´
emonstration
On sait que nest premier `
apd’apr`
es la proposition pr´
ec´
edente. Un lemme de
sp´
ecialisation bien connu (voir par exemple [17]) permet de conclure : dans un sch´
ema
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