critiques qu’il a pu observer de manière empirique sur un grand nombre de patients : il y a
crise au 4e, 7e, 11e, 14e, 17e et 20e jour. Les 7e, 14e et 20e jours sont proprement des jours de
crise, tandis que le 4e, le 11e ou le 17e sont des jours indicateurs (ἐπίδελοι) qui permettent de
prédire les occurrences des jours proprement critiques. Des médecins comme Archigène ou
Dioclès avaient une opinion différente sur le choix des jours critiques : pour eux c’était le 21e
jour et non le 20e qui devait être considéré comme critique.
Galien a repris ce schème théorique et mathématique des jours critiques aux auteurs
hippocratiques, mais en lui donnant une explication astrologique. Dans son traité Sur les jours
critiques3, il se fonde sur la notion stoïcienne de l’harmonie cosmique pour développer l’idée
que les jours critiques ont pour cause les mouvements et les phases de la lune. Galien observe,
à la suite d’Hippocrate, que le soleil et la lune influent sur le climat, l’environnement et donc
sur la santé des malades. Si la lune exerce son influence sur les marées ou sur les
menstruations féminines, ses phases peuvent fournir une cause rationnelle à la théorie des
jours critiques. Galien entend ainsi combattre les doctrines numérologiques qui accordent au
chiffre 7 une valeur magique ; il réfute aussi l’idée pythagoricienne que les jours pairs
seraient féminins et les jours impairs masculins. Galien utilise une forme soft d’astrologie
qu’est l’astrologie naturelle, dans la mouvance des travaux de son contemporain Ptolémée. Il
en vient ainsi à construire un système complexe où il calcule la durée d’un « mois médical »,
puis d’une « semaine médicale » qui permettent de faire concorder les phases lunaires et la
théorie hippocratique des jours critiques.
Au XVIe siècle, la théorie des jours critiques est toujours prégnante, mais les médecins
et penseurs humanistes, comme Pic de la Mirandole, Giovanni Mainardi ou Fracastor,
commencent à contester cette médecine astronomique4. Mainardi réfute par exemple l’idée
galénique que le monde sublunaire est sans ordre et qu’il tire son ordre naturel des
phénomènes célestes. Pour Mainardi, il n’y a aucune raison valable d’associer l’ordre des
jours critiques à une cosmologie astronomique, puisque le monde sublunaire est lui aussi
pourvu d’ordre. Pour Mainardi, il n’y a pas de jours plus critiques que d’autres et le calcul des
phases lunaires, du mois médical ou de la semaine médicale selon Galien sont de pures
3 Sur les jours critiques selon Galien, voir I. Garofalo, « Note sui giorni critici in Galeno », dans N. Palmieri
(éd.), Rationnel et irrationnel dans la médecine ancienne et médiévale - Aspects historiques, scientifiques et
culturels, Saint-Etienne, 2004, p. 45-58, ainsi que les nombreux travaux en ligne de l’américain Glen M. Cooper,
éditeur de la traduction arabe De Diebus decretoriis de Galien.
4 Sur ce point, voir C. Penutto, « The Debate on Critical Days in Renaissance Italy », dans A. Akasoy,
Ch. Burnett et R. Yoeli-Tlalin (éd.), Astro-Medecine. Astrology and Medicine, East and West, Florence, 2008,
p. 75-98.