Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 1 On précise alors parfois qu’ils sont phototrophes. Ils assurent la conversion de l’énergie lumineuse en énergie chimique à l’aide de pigments dont le principal est la chlorophylle. Dans l’océan, les êtres autotrophes sont certaines familles de bactéries et les algues. Commençons par les bactéries qui ont été les premiers êtres à faire de la photosynthèse sur la Terre (Chapitre paléo). Leur étude est rendu difficile par leur CO2 + H2O + énergie lumineuse ⇒ CH2O + O2 L’océan abrite une multitude d’êtres vivants allant de bactéries microscopiques jusqu’à la baleine bleue qui est le plus grands des animaux vivants aujourd’hui sur la Terre. Ces êtres vivants s’organisent en écosystèmes. Bien que ces écosystèmes marins soient d’une diversité est extrême notamment dans le domaine côtier, la vaste majorité des océan est dominée par un nombre limité d’espèces. Nous nous limiterons donc ces principales espèces. La majorité de la biomasse océanique est constituée par le plancton c'est-à-dire l’ensemble des êtres vivants végétaux (phytoplancton) ou animaux (zooplancton) qui sont transportés plus ou moins passivement par le courant (ref seguin). Il s’oppose aux organismes nageant librement (pieuvre, sardine) et à ceux fixés sur le fond (Coquille St Jaques, crabe) Les êtres vivants capables de convertir le CO2 en carbone organique sont dits autotrophes. L’immense majorité des êtres autotrophes utilisent la lumière comme source d’énergie pour assurer cette conversion au cours de la photosynthèse : Cycles de vie dans l’océan Environ la moitié de la photosynthèse à la surface de la Terre a lieu dans les océans alors que l’autre moitié a lieu sur les continents. Comme le temps de renouvellement de la biomasse dans les océans beaucoup plus rapide (de l’ordre de quelques semaines) que sur les continents (de l’ordre de la décennie), les facteurs contrôlant le développement de la biomasse océanique ont une influence importante sur le cycle du carbone et à travers lui sur le climat terrestre. La compréhension de ces facteurs trouve également des applications allant de l’étude du cycle biogéochimique à la gestion de l’environnement et des ressources halieutiques. Nous avons vu dans le chapitre 2 que la répartition horizontale et verticale des éléments nutritifs comme les nitrates ou les phosphates est influencée par l’activité biologique. Nous allons maintenant étudier comment, en retour, la répartition des éléments nutritifs et leur transport par les courants marins contrôlent le développement de l’activité biologique et sa répartition à la surface de l’océan. Il va donc être largement question dans ce chapitre de circulation des masses d’eau à la surface de l’océan et dans la thermocline. Nous allons voir également comment les écosystèmes marins répondent à des périodes d’apport ou de carence en éléments nutritifs. Fonctionnement et limitations de l’activité biologique dans les eaux de surface Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 2 Trichodesmium est une bactérie est une autre bactérie phototrophe. De plus, elle est capable de convertir l’azote dissous dans l’eau (N2) en azote organique. Nous verrons dans la suite l’importance de cette transformation. Trichodesmium vit en colonie et ses floraisons sont visibles par satellite (Fig. 2). Figure 1: Prochlorococcus Synechococcus measure ≤1 µm. They are to be found in the oceans all over the world apart from the Polar waters .om the Polar waters . http://www.com.univ-mrs.fr/IRD/atollpol/fnatoll/ukprodph.htm petite taille et ce n’est qu’il y a une dizaine d’année qu’a été découverte prochlorococcus (fig 1) qui est le plus petit (0,6 μm environ) et le plus abondant des êtres photosynthétique existant sur Terre (jusqu’à 7*107 cellules/ml). On trouve cette bactérie dans toutes les eaux du globe entre 40°S et 40°N à des profondeurs allant jusqu’à 200 m c'est-à-dire au limites ultimes de la pénétration de la lumière (nous verrons un peu plus loin que l’on considère généralement que 99% de la lumière solaire est absorbé dans les 100 premier mètres de l’océan). Les êtres vivants qui ne peuvent pas convertir le CO2 en carbone organique sont dits hétérotrophes. Il peut s’agir de bactéries hétérotrophes ou d’animaux sous forme larvaire ou adulte. Pour se procurer de la matière organique, ils mangent d’autres organismes vivants ou morts (Fig. 4). Les « brouteurs » sont de petits animaux qui mangent le phytoplancton (comme les vaches broutent l’herbe). Il peut s’agir d’animaux unicellulaires comme les foraminifères qui sont bien reconnaissable grâce à leur squelette externe ou « test » de carbonate de calcium ou de petits crustacés comme les copépodes qui filtrent de gros volumes d’eau pour collecter leur nourriture. Les brouteurs sont eux-mêmes mangés par des carnivores. Enfin, à tous les stades de la chaîne alimentaire, des bactéries dégradent la matière organique morte jouant ainsi un rôle majeur dans son recyclage. La matière organique qui échappe au recyclage dans les eaux superficielle n’est pas perdue pour autant. La grande majorité de cette matière organique est reminéralisée au cours de sa chute dans la colonne d’eau ou dans le sédiment (voir chapitre particules). Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 3 http://ww2.mcgill.ca/biology/undergrad/c441b/lect06/sl6captions.htm Figure 3: 2 algues eucaryotes unicellulaires: un coccolitophoridé entouré de son test calcaire et un groupe de 4 diatomées avec leur tests de silice. Les algues les plus nombreuses dans l’océan sont microscopiques. Parmi elles, on peut citer : - les coccolithophoridés dont le diamètre est de typiquement de l’ordre de 5 à 10 µm et dont la membrane est couverte de fins boucliers en carbonate de calcium appelés les coccolithes (Fig. 3). Elles vivent dans les eaux chaudes. Bien que microscopiques ces algues ont un impact considérable : les falaises de craie de Normandie ne sont que des accumulations de coccolithes ! - Les diatomées sont des algues de plus grande taille (typiquement 50 -100 µm) vivant dans une capsule protectrice fabriquée en silice et parfois richement ornementée que l’on appelle frustule (Fig. 3). Elles vivent fréquemment en colonie et sont particulièrement abondantes dans les eaux froides. Figure 2: Trichodesmium. Colonie de tricodesmium et ses floraisons vue par satellite. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 4 La vie sans photosynthèse A la fin des années 70, des oasis de vie peuplées de colonies de mollusques, de crabes et d‘animaux tubiformes appelés « riftia » ont été découverts au niveau des sources hydrothermales qui jalonnent les rides océaniques. La question de la source d’énergie et d’éléments nutritifs de ces écosystèmes c’est rapidement posée. En effet, à plusieurs kilomètres de profondeur, l’absence totale de lumière rend la photosynthèse impossible. De plus, la quantité de matière organique particulaire tombant depuis la surface de l’océan est beaucoup trop faible pour pouvoir entretenir de telles oasis. En fait, les riftia et les mollusques vivent en symbiose avec des bactéries capables de tirer leur énergie en oxydant le sulfure d’hydrogène (H2S). Ces bactéries sont dites chémotrophes par opposition aux bactéries et aux algues phototrophes qui tirent leur énergie de la lumière solaire. Une dizaine d’années plus tard, d’autres oasis de vies comparables aux communautés hydrothermales ont été découvertes dans les profondeurs du golfe du Mexique loin de toute activité hydrothermale. Là encore, l’écosystème vit à partir de l’énergie chimique que des bactéries récupère en oxydant H2S. ou du méthane (CH4). Ces gaz s’échappent de On classe également le plancton de façon opérationnelle en fonction de sa taille : le picoplancton (0,2 - 2 µm) est constitué de bactéries dont évidement prochlorococcus, le nanoplancton (2 - 20 µm) comporte notamment les coccolitophoridés, alors que les diatomées et les foraminifères font partie du microplancton (20 - 200 µm). Figure 4: Différentes formes de zooplancton. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 5 Bien que la matière organique soit majoritairement constituée de d’hydrates de carbone, la discussion de ce chapitre va se concentrer pour une grande par sur des éléments nutritifs comme les nitrates, les phosphates, la silice ou le fer, qui bien que moins abondants que le carbone on un rôle primordial puisque nous avons vu au chapitre 2 que ce sont des éléments limitants de la matière organiques. Nous commençons donc la discussion avec de l’azote qui est reconnu comme le principal élément limitant de la production biologique dans l’océan actuel. Les eaux de surface jouent un rôle particulier dans la chimie de l’océan. Le phytoplancton vit une situation paradoxale : il doit rester en surface pour disposer de lumière, mais son développement conduit à un appauvrissement des eaux de surface en éléments nutritifs et donc à terme à un arrêt de la photosynthèse. Au chapitre 2, le périple de la molécule de PO4 a introduit une notion importante: la principale source d'éléments nutritifs pour le phytoplancton est la remontée d'eaux profondes. Cette remontée est difficile en période estivale car les eaux chaudes et légères de surface ne se mélangent pas facilement avec les eaux sous-jacentes moins chaudes et plus denses (Fig. 5). Le mélange est par contre favorisé en hiver car la température des eaux de surface baisse et le vent les brasse sur plus de 100 m de profondeur. Les eaux de surface sont alors enrichies par la remontée d’éléments nutritifs. Ces éléments nutritifs ne sont pas consommés immédiatement : le phytoplancton entraîné sous la zone photique par le mélange hivernal n'est pas dans des conditions favorables pour la photosynthèse. Au printemps, les eaux de surface se réchauffent, deviennent moins denses et se stabilisent. Disposant d’éléments nutritifs et de lumière, le phytoplancton se développe alors rapidement: c'est la floraison printanière. La croissance du phytoplancton est ensuite limitée par l'appauvrissement en sels nutritifs et l'activité de broutage du zooplancton. Durant l'été, les eaux de surface chaudes et peu denses ne se mélangent pas ou très peu avec les eaux profondes riches en éléments nutritifs : en l’absence d’éléments nutritifs, la biomasse est faible en surface. On rencontre par contre un maximum de chlorophylle sous la couche de surface (vers 75 m de profondeur) où le phytoplancton trouve à la fois de la lumière et des sels nutritifs. Il faut attendre l'hiver suivant pour que la couche de surface soit réalimentée efficacement en sels nutritifs. Evolution de la production biologique dans les eaux de surface gisements d’hydrocarbures et ils diffusent à travers les sédiments jusqu’aux communautés chemotrophes qui l’utilisent. Les hydrocarbures étant issus de la transformation de matière organique d’origine marine, l’énergie lumineuse est quand même à l’origine (lointaine) de l’énergie utilisée. -200 -175 -150 -125 -100 -75 -50 -25 0 13 17 21 0 1 2 3 4 Nitrates (mM) 5 6 7 0 0,25 0,5 0,75 Fluorescence 1 0 20 40 60 80 biomasse zooplanctonique (mg/m3) Figure 5 : Variations saisonnières dans l’Atlantique Nord Est (campagne POMME) : Courbes bleues : hiver, courbes rouges : printemps, courbes vertes : été. La couche mélangée la température est égale à la température de surface. La fluorescence est due à la présence de chlorophylle et elle renseigne donc sur l’abondance du phytoplancton. 19 Température (°C) Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 6 Cependant, même en l’absence de nitrates, l'activité du phytoplancton n'est pas nulle. La matière organique particulaire morte est activement recyclée par les bactéries avant qu’elle n'ait le temps de quitter la couche de surface. Ainsi, l'azote organique particulaire est transformée Azote organique dissoute puis en ammoniac (NH3) qui est utilisable par le phytoplancton. NH3 étant rapidement assimilée par le phytoplancton, elle n’a pas le temps d’être réoxydée en nitrates comme dans les eaux profondes (fig 6). L’azote organique dissous qui est moins facilement assimilable que NH3 peut être transportée sur de grandes distances et alimenter ainsi des zones carencées en azote. 15 100 (7.1) Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 7 La distinction entre production nouvelle et production régénérée est importante. A l’échelle de l’année, la quantité d’azote organique exportée vers les eaux profondes ne peut pas excéder la quantité de nitrates venant des eaux profondes. Comme en règle générale la totalité des nitrates disponible est consommée, il devrait donc y avoir, en moyenne sur l’année, une égalité entre la production nouvelle et la production exportée (PE) hors de la zone photique. A un instant donné par contre, ces 2 flux peuvent être différents en fonction des variations du stock de biomasse. La production exportée représente pour l’écosystème une perte sèche d’azote assimilable. PP = PN + PR L’ensemble de la matière organique photosynthétisée constitue la production primaire (PP). Au cours de l’année, l’origine de l’azote assimilée par le phytoplancton évolue. Si la matière organique est photosynthétisée avec NO3- (et N2 le cas échéant) comme source d’azote, on parle de production nouvelle (PN) de matière organique. Si au contraire la matière organique est formée à partir de NH4+, on parle de production régénérée (PP). On a donc Figure 6 : Représentation schématique des flux d’azote à travers l’écosystème marin. NOD : Azote organique dissous ; NOD : Azote organique particulaire. Les labels PN, PR, PP et PE indiquent les flux correspondant à la production nouvelle, la production régénérée, la production primaire et la production exportée. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 8 La production nouvelle constitue jusqu’à 50% de la production primaire au printemps quand les nitrates sont abondants (on parle de conditions eutrophes), mais elle peut être inférieure à 5% en été quand les eaux de surface sont à court d’éléments nutritifs (on parle de conditions oligotrophes). Le passage des conditions euthrophes aux conditions oligotrophes entraîne une évolution importante de l’écosystème marin : le phytoplancton par exemple est dominé au printemps par des espèces de grandes tailles comme les diatomées qui forment des agrégats quittant rapidement la surface par sédimentation alors qu’en été on trouve essentiellement nano et du picoplancton qui est facilement mangé et reminéralisé par les bactéries et le petit zooplancton. Le séquençage de l’ADN du phytoplancton permet de comprendre l’adaptation des différents types d’algues aux conditions environnementales. Par exemple, Prochlorococus, qui est le plus petit des êtres photosynthétiques, ne peut fixer que NH3 à partir de son patrimoine génétique réduit. En revanche, le même patrimoine génétique lui permet d’être insensible aux variations d’abondance en éléments nutritifs grâce à un système récepteur de lumière économe en azote et Fer. Sa petite taille lui donne un avantage décisif pour absorber des éléments nutritifs à travers sa membrane grâce à son très fort rapport surface/volume par rapport aux algues de plus grande taille. Ainsi, Prochlorococcus est très abondante dans les régions oligotrophes. Etant de petite taille et n’ayant pas de test minéral, elle ne quitte f = PN/PP On caractérise le comportement de l’écosystème à partir du rapport entre la production nouvelle et la production primaire. On note ce rapport f (f-ratio en anglais) : La notion de production nouvelle et régénérée complètement contrôlée par l’azote minéral a évoluée avec la découverte de l’importance des formes organiques dissoutes de l’azote, du carbone et des phosphates comme source de nutritifs pour la synthèse de la matière organique en surface. Le rôle des bactéries dans les cycles de surface devient alors essentiel. Plus récemment, le schéma est encore venu se compliquer. Dans les zones très oligotrophes, la fixation de l’azote moléculaire N2 par certains types d’algues et de bactéries (comme Trichodesmium) peut fournir une quantité substantielle de l’azote nécessaire à l’écosystème. L’importance de la fixation de N2 dans l’océan n’a été réellement comprise que depuis le milieu des années 90 devant l’impossibilité de boucler les bilans d’azote et d’expliquer les déviations au rapport de Redfield d’une part et grâce aux contraintes apportées par la signature isotopique de l’azote organique dans les zones oligothrophes (voir exo) d’autre part. Quand la fixation de N2 est suffisante, l’azote n’est plus limitant et ce sont les phosphates qui arrivent alors à épuisement, limitant la production biologique. Il est donc de l’intérêt de l’écosystème de recycler la matière organique. Quand le milieu est pauvre en nitrate (pas de PN), il y a un circuit fermé entre la production régénérée et la reminéralisation dans l’eau de surface. Si cette boucle « fuit » car la reminéralisation est inefficace, les eaux de surface s’appauvrissent en azote assimilable et à terme c’est l’écosystème entier qui est condamné. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique Figure 7 : Système d’incubation in situ. Les demi-sphères sont descendues ouvertes. Quand elles arrivent à la profondeur voulue, la ligne en nylon se tend. Ceci entraîne la fermeture des demi-sphères qui piègent l’eau de mer et l’injection du 9 On mesure généralement la production primaire à partir d’expériences d’incubation durant lesquelles une solution très enrichie en 14C d’origine artificielle est ajouté à de l’eau de mer (avec ses organismes vivants) dans un récipient fermé. On ajoute suffisamment de 14C pour que le 14C présent naturellement dans l’eau de mer soit négligeable. Par contre, la quantité de 14C ajoutée reste très inférieure à la quantité de CID naturellement présente dans l’échantillon si bien que l’on ne modifie pas le milieu chimiquement. Au cours de l’incubation, le 14C est fixé par le plancton. On récupère ensuite le plancton sur un filtre et on mesure la quantité de radioactivité qu’il a absorbé. On peut alors facilement en déduire la quantité de CID consommée. Pour que le résultat soit aussi représentatif que possible des conditions naturelles, des systèmes simples et astucieux permettent de faire des incubations in situ sur des lignes de mouillage à différentes profondeurs depuis la surface jusqu’à la à la base de la couche photique (Fig 7). En remplaçant le 14C par des nitrates contenant de l’azote marquée isotopiquement (15N), on trace la production nouvelle. Si au lieu des nitrates, on ajoute de l’ammoniaque marquée isotopiquement, on trace la production régénérée. Estimation de la production primaire pas les eaux de surface et sa mort permet de réalimenter le milieu en azote assimilable par les plantes même quand les nitrates sont absents (conditions oligothrophes). = PCN - R printemps 93 11 42 ± 16 130 ± 62 97 ± 39 unité m mole/mole mg/m3/j nM/j nM/j 11 9±3 18 ± 19 63 ± 12 été 28 Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 10 - Dans un système bien stratifié, la diminution de la concentration des éléments nutritifs (NO3-, PO43-) dans la zone photique entre l’hiver et l’été traduit leur consommation par le phytoplancton. Elle permet de calculer la production nouvelle de carbone en utilisant les rapports de Redfield (voir chapitre 1). Les estimations précédentes reposent sur des incubations en milieu fermé qui peuvent entraîner des biais. Si le zooplancton est sous-échantillonné dans le milieu d’incubation, la pression du broutage sur les algues est réduite et la production primaire est sur-estimée. De même, l’apport accidentel d’un élément limitant par le système d’incubation peut également conduire à la surestimation de la production primaire. D’autres méthodes existent pour estimer la production de matière organique : Calculez la production primaire, la production nouvelle, la production régénérée de carbone ainsi que le rapport « f ». Discutez le statut trophique au printemps et en été. Comparez avec les données printemps et été de la figure xx qui ont été enregistrées au cours de la même campagne. saison Profondeur de la couche mélangé (C/N) matière orga ρcarbone ρNO3ρNH4+ Exercice : Estimation de la production biologique dans l’atlantique NE. Au cours du programme océanographique POMME, on a mesuré les vitesses d’assimilation du carbone (ρcarbone), de NO3- (ρNO3-) et de NH4+ (ρNH4+). Le tableau ci-dessous donne des valeurs moyennes des eaux de surface). PCB Une autre méthode consiste à mesurer la Production d’Oxygène par la photosynthèse. Pour cela, on mesure la variation de concentration en O2 dans des échantillons d’eau de mer incubés à la lumière (Production Communautaire Net ) et dans des échantillons incubés dans le noir (Respiration). La différence entre les 2 est Production Communautaire Brute: 14C. Le système est remonté fermé. D’après Dandonneau et Le Bouteiller, 1994. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 11 La figure 9 présente la concentration moyenne annuelle de la chlorophylle mesurée à partir du satellite SEAWIFS. On observe en particulier: - autour de l’équateur, les alizés entraînent les eaux de surface vers le nord et le sud ce qui provoque la remontée d’eaux profondes riches en nutritifs et un développement du phytoplancton. - les zones de gyres subtropicaux sont pauvres en chlorophylle car (1) la circulation anticyclonique s’accompagne d’un enfoncement des eaux de surface au centre du gyre Une image globale de la photosynthèse dans l'océan est obtenue en mesurant la couleur de la mer à partir de satellites. Un capteur embarqué sur ces satellite regarde la surface de la mer et analyse la lumière solaire qu’elle réfléchie. En l’absence d’algue, la mer parait bleue. La présence d’algues modifie couleur de la mer car les algues contiennent des pigments (notamment la chlorophylle) qui absorbent les rayonnements solaires bleus et rouges, donnant à l’océan une couleur verte. On peut déterminer la quantité de chlorophylle présente à la surface de l’océan (le capteur ne voit pas au-delà de quelques mètres de profondeur. En sélectionnant soigneusement les longueurs d’onde observées, on peut déterminer les types de pigments et donc les espèces de phytoplancton présentes. Un algorithme prenant en compte la quantité de chlorophylle et la quantité de lumière disponible permet de permet d’estimer la production primaire. Répartition globale de la photosynthèse et la couleur de la mer Nous avons vu au chapitre 1 que les vents à la surface de l’océan induisent des mouvements verticaux de l’eau appelés « pompage d’Ekman ». L’eau qui s’accumule dans les gyres anticycloniques s’enfonce en profondeur (on dit que le pompage d’Ekman est dirigé vers le bas) ce qui entraîne un approfondissement de la thermocline. Au contraire, dans les zones de divergence, l’eau a tendance à remonter pour combler le vide (on dit que le pompage d’Ekman est dirigé vers le haut), ce qui entraine une remontée de la thermocline. C’est le pompage d’Ekman qui permet ou qui inhibe l’alimentation de la couche de mélange océanique en sels nutritifs. Un pompage d’Ekman dirigé vers le haut permet une remontée d’eau profonde riche en éléments nutritifs vers la surface (on parle de zone d’upwelling). Au contraire, un pompage d’Ekman dirigé vers le haut bas fait converger et s’enfoncer des eaux de surface déjà appauvries en éléments nutritifs et il est impossible pour les eaux plus profondes de remonter pour alimenter la zone photique en éléments nutritifs. L’intensité de la photosynthèse est donc directement reliée à ses mouvements verticaux. de mer. - Des méthodes isotopiques basées sur l’analyse de δ13C ou Δ17O dans l’eau - L’utilisation de pièges à particules permet d’estimer directement la production exportée en dessous de la zone photique. Nous verrons au chapitre xx, que les résultats de pièges sont à utiliser avec précaution. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 12 Exercice : On observe le long des bords ouest des continents aux latitudes sub-tropicales de eaux froides associées à de fortes concentrations de chlorophylle (par exemple sur les cotes de la Mauritanie, de la Namibie …). Expliquez ce phénomène. Figure 9: Estimation de la concentration en chlorophylle à la surface de l’océan à partir des mesures du satellite SeaWIFS. Echelle de couleur : mauve : <0,005 mg/m3; bleu foncé : 0,005 mg/m3; bleu clair : 0,05 mg/m3; vert : 0,5 mg/m3; D’après rouge : 5 mg/m3. http://oceancolor.gsfc.nasa.gov/cgi/image_archive.cgi?c=CH LOROPHYLL) empêchant la remontée d’eau riche en nutritifs et (2) en l’absence de saisons marquées, il y a peu de mélange hivernal ; - Les gyres sub-polaires cycloniques sont riches en chlorophylle car la circulation des vents induit une remontée des eaux profondes et en hiver, les vents violents brassent les eaux de surface sur plusieurs centaines de mètres. - les régions côtières très riches en chlorophylle le long des bords Est des bassins comme en Mauritanie : les alizés soufflent parallèlement à la côte poussent l’eau de surface vers le large (Coriolis) ce qui entraîne une remontée des eaux profondes qui permettent le développement des algues. Au Pérou, les alizés peuvent ralentir où même s’inverser durant les années El Nino : les eaux de surface sont alors poussées vers le continent et elles bloquent les eaux profondes : le phytoplancton ne peut plus se développer et les pêches sont très mauvaises. - les embouchures de l’Amazone et de l’Orénoque apporte des éléments nutritifs en grande quantité dans l’océan, si bien que le plancton se développe facilement. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 13 La limitation par le Fer L’expérience montre qu’il suffit d’ajouter à de l’eau de surface fraîchement collectée dans une zone HNLC une infime quantité de Fer pour stimuler la croissance des algues et la consommation des nitrates. C’est donc le Fer l’élément limitant des zones HNLC. Pourquoi le fer et pourquoi dans ces zones ? Le Fer est un oligoélément utilisé dans de nombreuse protéines impliquées dans le cycle de C (dont la photosynthèse) et N (notamment pour la fixation de N2). Il est donc indispensable à l’activité biologique. Le Fer est le 4ieme élément le plus abondant sur les continents, mais la très faible solubilité de Fe3+ (qui est la forme stable dans des eaux contenant de l’O2) en fait un des éléments les moins abondants de l’océan (Chapitre traceurs chimiques). Les zones HNLC sont donc des zones dans lesquelles les apports de matériel continental sont très faibles. On peut visualiser le rôle crucial de ces apports au voisinage d’îles volcaniques comme l’archipel des Kerguelen dans le secteur indien de l’océan Austral où le fer apporté par l’érosion des laves produit un panache de chlorophylle au beau milieu l’apport d’une zone HNLC (Fig.10). Les structures de la circulation à grandes échelles décrites au chapitre 1 et la formation de la couche de mélange hivernale ne sont pas les seules responsables de la remontée d’éléments nutritifs dans les eaux de surface. Des tourbillons dont le rayon est de l’ordre de 50 km (on dit qu’ils sont de méso-échelle) entraînent des variations de profondeur de la couche de mélange océanique et de la thermocline qui permettent la réalimentation des eaux de surface en éléments nutritifs. Ces structures fines sont longtemps restées hors de portée de la modélisation. L’arrivée de modèle ayant une résolution spatiale au 1/9ieme de degré permet de les prendre en compte à l’échelle d’un bassin océanique. Les simulations couplées physique/biologie suggère que l’activité mésoéchelle rend compte de 30% de la production primaire dans les zones oligotrophes. Il existe des zones où la relation entre le pompage d’Ekman et la quantité de chlorophylle semble prise en défaut. Il s’agit notamment du Nord du Pacifique et du Pacifique Equatorial où la productivité est bien plus faible que dans l’Atlantique aux mêmes latitudes et alors que le pompage d’Ekman est dirigé vers le haut. De même dans l’océan austral, malgré un rotationnel du vent positif qui entraîne d’importantes remontées d’eau profondes au niveau du front polaire (voir chapitre 1), la chlorophylle est peu abondante. De plus, les mesures faites durant les campagnes en mer montrent que les éléments nutritifs sont abondants dans les eaux de surface. Ces caractéristiques leur ont valu l’acronyme de HNLC (High Nutrient Low Chlorophylle, c'est-à-dire riche en nutritifs et pauvres en chlorophylle). Nous reviendrons sur l’origine de ces caractéristiques dans la section suivante. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 14 Cette limitation a pris une importance particulière dans le cadre de l’évolution du climat. Sur la base de la corrélation inverse trouvée dans la carotte de Glace de Vostok entre le contenu en poussières d’origine désertique et la concentration en CO2 piègé dans des bulles d’air, il a été proposé que les faibles concentrations de CO2 observées durant les périodes glaciaires soient dues à une fertilisation des zones actuellement HNLC par un apport de poussières continentales (et donc riches en Fer) rendu possible par un climat plus aride en période glaciaire. Pour vérifier le rôle du fer et tester l’impact d’une fertilisation grandeur nature, une demi-douzaine expériences consistant à fertiliser des zones de l’ordre de quelques centaines de km2 on déjà eu lieu. Elles ont confirmé le rôle limitant du Fer sans pour autant permettre de montrer quelle conduise à une séquestration pérenne de CO2. Pour faire face à d’éventuelles carences, les algues ont élaboré différentes stratégies. L’une d’entre elle consiste à produire des sidérophores qui sont des molécules ayant une très forte affinité pour le Fe(III) et qui en le complexant assure sa mise en solution des hydroxydes de fer insoluble autrement (exercice xx). De plus si les sidérophores d’une espèce de phytoplancton ne sont pas reconnus par les espèces concurrentes, la production de sidérophores est un moyen de se créer une réserve de Fer biodisponible. L’autre est celle de prochlorococcus, déjà citée : s’affranchir de la présence de fer! La limitation par le Fer ne joue pas que sur la photosynthèse. Le fer étant également impliqué dans la réduction de N2 en NH3, les bactéries comme Fig. 10 : Concentrations en chlorophylle sur le plateau de Kerguelen et dans les eaux environnantes. Cette image obtenue par le satellite SeaWiFS durant le printemps austral montre le panache de chlorophylle associé au plateau des îles Kerguelen (en blanc). Dans l’Océan Austral qui reçoit très peu de poussières continentales, l’érosion des l’îles Kerguelen apporte le fer indispensable à la production biologique [Blain, 2001 #807]. Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 15 Cette situation n’est cependant pas la plus courante et il semble que l’élément nutritif limitant soit en général NO3- plutôt que PO43-. On peut s’en rendre compte sur la figure 10, sur laquelle on voit que la grande majorités des eaux de surface qui ont une concentration nulle en NO3- contienne encore du PO43-. En fait, il apparaît de plus en plus que les cycles de l’azote et des phosphates diffèrent significativement. Les flux d’azote importants liés à la fixation de N2 et à la dénitrification entraînent un recyclage rapide de l’azote assimilable par le phytoplancton à l’échelle de l’océan. Ainsi le temps de résidence des nitrates dans l’océan (environ 3000 ans) est beaucoup plus court que celui des phosphates (2000080000 ans). La productivité de l’océan est donc contrôlée à long terme par les phosphates et à court terme par les nitrates. Il semble que les effets antagonistes de la fixation de N2 et à la dénitrification maintiennent un rapport N/P dans l’eau de mer de 16/1 à l’échelle de l’océan, identique au rapport de Redfield N/P de la matière Figure 10 : concentrations en Nitrates et phosphates dans l’océan La limitation de la production à long terme On peut légitiment se demander quel est l’élément limitant de la production biologique sur de longues échelles de temps. Dans ce chapitre nous avons présenté l’azote comme le principal élément limitant de l’océan actuel. Cependant, sur le long terme ce pourrait être les phosphates qui prennent la relève. Nous avons déjà mentionné que dans les zones très oligotrophes, la fixation de l’azote moléculaire N2 par Trichodesmium est suffisant pour que l’on passe d’une limitation par l’azote à une limitation par les phosphates qui arrivent alors à épuisement. La limitation par la silice … tricodesmium peuvent être limitées une carence en Fer. Ceci donne au fer également un rôle limitant dans les zones oligotrophes « non HNLC ». Cours M2-ICE 2007 Roy-Barman : productiob biologique 16 Les effets de l’anthropisation A l’opposé des problèmes de limitation, l’océan doit aujourd’hui faire face aux apports croissants d’éléments nutritifs d’origine anthropique. Ces effets sont surtout marqués dans le domaine côtier principalement dans les zones communiquant peu avec l’océan ouvert. Par exemple l’augmentation des rejets de nitrates liés à l’agriculture entraîne une fertilisation de l’eau de mer qui se traduit par des « marées vertes » de plus en plus fréquentes sur les plages bretonnes. Dans le cas du Golfe du Mexique, les apports accrus de composé azotés par le Mississippi se traduisent par une forte augmentation de la production de matière organique et une forte consommation d’oxygène pour la reminéraliser. L’appauvrissement des eaux en oxygène conduit à la mort de nombreux animaux et compromet l’industrie locale de la pêche. L’eutrophisation c'est-à-dire l’augmentation globale de la production biologique n’est pas la seule conséquence des apports anthropiques. En modifiant le rapport P/N/Si des eaux côtières, ces apports changent la structure des écosystèmes. En mer du Nord par exemple, le rapport N:P du Rhin est passé de 30 en 1950 à 50 en 1985. Les efforts de réduction rejets de Phosphate et la baisse plus modeste des rejets de nitrate a conduit à un Rapport P:N supérieur à 100. Dans le même temps le flux de silice qui est principalement lié à l’altération des minéraux est lui resté stable. Ceci a entraîné en mer du nord un déclin des diatomées remplacées par des flagellés dont Phaeocystis, une algue toxique dont l’abondance a été multipliée par 5. La réduction des rejets de phosphate dans les années 90 ne semble pas l’affectée. Son développement est d’autant plus important qu’elle n’est pas broutée par le zooplancton. organique (Fig 10). Mais comment coupler ces 2 processus qui n’ont pas lieu dans les mêmes zones de l’océan. Une hypothèse fait jouer l’oxygène. Une augmentation du stock des nitrates due à une fixation importante de N2 conduirait à une augmentation de la production biologique en surface et de la reminéralisation dans l’océan profond. Cette reminéralisation accrue entraînerait une baisse de la concentration en O2 dans les eaux intermédiaires et profondes. Il en suivrait une extension des zones anoxiques et de la dénitrification, ce qui ferait baisser la concentration en nitrate. Inversement une diminution du stock de N2 pourrait être régulée par une baisse de la dénitrification. La ressemblance entre le rapport P/N de le matière organique et celui de l’eau de mer viendrait alors du fait que la fixation de N2 serait limitée en fin de compte par la disponibilité de P, si bien que le rapport N/P de l’eau de mer s’ajusterait au rapport N/P de la matière organique qui se reminéralise dans les eaux profondes.