Rougeole : veRs une 4e vague épidéMique ? La vulnérabilité des

VACCINATION
ADOLESCENCE & Médecine Juillet 2012 numéro 4 5
ROUGEOLE :
VERS UNE 4e VAGUE ÉPIDÉMIQUE?
La vulnérabilité des 15-30 ans non protégés
Aujourd’hui, la rougeole n’est plus seulement une maladie de l’enfance.
On observe une recrudescence des cas de rougeole avec un décalage d’âge
au dépend des adolescents et des jeunes adultes. Ainsi, la moitié des cas en
2010 concernait les 15 ans et plus. Près d’un cas sur deux chez les 20-29 ans était hospitalisé. Au cours des dernières
semaines de décembre 2011, l’augmentation du nombre de cas déclarés de rougeole a fait évoquer la survenue d’une
possible 4evague épidémique en ce début d’année. La vigilance s’impose donc pour lutter contre, en rifiant que toute
personne née après 1980 est bien protégée par 2 doses de ROR, et en ciblant tout particulièrement les 15-30 ans.
DONNÉES
ÉPIDÉMIOLOGIQUES
La rougeole est une infection à Morbilli-
virus dont l’homme est le seul réservoir.
Elle atteint dans le monde plus de 30
millions d’enfants, et reste la principale
cause de décès (875 000 décès par an)
par maladie à prévention vaccinale. En
2000, en Europe, 959 000 cas, dont 7 000
décès, étaient rapportés. La rougeole
est une des maladies virales les plus
contagieuses. Une personne atteinte
peut en contaminer de 10 à 15, par
comparaison à une personne grippée
qui en contaminera de 1 à 3.
En 1985, soit 2 ans après le début de
la vaccination antirougeoleuse, l’inci-
dence de la rougeole en France était
d’environ 300 000 cas par an. Elle a
progressivement diminué pour at-
teindre environ 10 000 cas en 2003
et moins de 4 500 en 2004. Depuis le
1er janvier 2008, plus de 22 000 cas de
rougeole ont été déclarés en France
(Fig. 1). La 3e vague épidémique de
grande ampleur a atteint son pic en
mars 2011. Pour l’année 2011, près
de 15 000 cas ont été notifiés (soit le
double du nombre de cas de l’année
précédente), parmi lesquels 16 ont
présenté une complication neurolo-
gique, 650 une pneumopathie grave
et 6 sont décédés. Ces années-là, près
d’un cas déclaré sur 3 était hospita-
lisé, et concernait alors dans plus de
8 cas sur 10 les moins de 1 an et sur-
tout les plus de 20 ans. C’est aussi
pour ces deux catégories d’âge que le
nombre de cas a augmenté.
Le réseau sentinelle a, en ce sens, ob-
servé que la proportion de patients
de plus de 10 ans est passée de 13 %
en 1985 à 62 % en 2002. L’âge médian
des cas était de 13 ans en 2008, et le
nombre de cas chez les plus de 30 ans
était quant à lui de 6 %. Cette recru-
descence en France est secondaire à
l’insuffisance de la couverture vacci-
nale. En ce sens, l’enquête sérologique
nationale réalisée en 1998 a montré
que 5 % de la population âgée de 15 à
19 ans n’était pas protégée contre la
rougeole à cette période.
L’étude des cas déclarés en 2008 et
2010 chez des sujets dont l’état vacci-
nal est connu montre (Tab. 1) que la
proportion de cas de rougeole chez
des sujets vaccinés avec une dose,
variait significativement avec l’âge et
concernait 22 % des adultes âgés nés
entre 1980 et 1991.
L’HISTOIRE DES
RECOMMANDATIONS
VACCINALES ANTI-
ROUGEOLE
b1983-2005
1983 signe le début de la couverture
vaccinale par une dose, diminution de
la circulation virale. Il y a constitution
d’une population réceptive.
1996, on recommande une seconde
dose de ROR dans le calendrier vaccinal,
rattrapage des 5 à 10 % des enfants vacci-
nés non répondeurs à la première dose.
1997, il y a abaissement de l’âge de
vaccination entre 3 et 6 ans.
2005, la France participe au plan d’éli-
mination de la rougeole et de la rubéole
congénitale (OMS). On recommande
une administration plus précoce des
Figure 1 - Nombre de cas de
rougeole par an en France depuis
2007.
2007
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
16 000
2008 2009 2010 2011
Dr Hervé Lefèvre
Pédiatre, Paris
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6 ADOLESCENCE & Médecine Juillet 2012 numéro 4
2 doses vaccinales du ROR de la pre-
mière dose chez l’enfant à 12 mois et la
seconde dose avant 2 ans, afin de pro-
téger l’ensemble de la population et ob-
tenir un taux < 5 % de sujets réceptifs.
Le nombre de doses concernait ainsi
variablement les sujets selon l’âge.
bEn 2010
Les enquêtes de séroprévalence et
d’incidence de la rougeole ont montré
que 8 % des 19-30 ans étaient réceptifs
à l’infection. En prenant en compte
l’ensemble des données épidémio-
logiques actualisées, les perspectives
d’un rattrapage avec une 2e dose, il est
désormais recommandé à partir d’un
calendrier vaccinal simplifié par rap-
port à celui de 2005, de :
• Vacciner les enfants :
- avec une 1re dose de ROR à partir de
1 an, (9 mois s’il est garen collecti-
vité) ;
- avec une 2de dose de ROR avant 2 ans
(entre 12 et 15 mois en collectivité),
pour qu’il soit protégé.
Vérier et proposer l’administration
de 2 doses de vaccin ROR pour toute
personne née après 1980.
Respecter un délai d’un mois entre
les 2 injections.
• Proposer 1 dose de ROR pour les
personnes nées avant 1980, non
vaccinées et sans antécédent de rou-
geole (ou dont l’histoire est douteuse),
exerçant les professions de santé, en
charge de la petite enfance (en cas de
doute sur une vaccination ou sur une
rougeole, la vaccination peut être réa-
lisée sans contrôle sérologique).
Proposer systématiquement, en
présence de cas groupés, des recom-
mandations vaccinales au sein même
des collectivités de vie associant la
vaccination post-exposition et rattra-
page vaccinal des sujets réceptifs.
DONNÉES DE
PHARMACOVIGILANCE
Le vaccin trivalent a un profil de sé-
curité d’emploi comparable à celui
de l’administration isolée des vaccins
monovalents. Des réactions bénignes
et transitoires au site d’injection sont
Figure 2 - Peau d’un patient 3 jours après l’infection.
©CDC/Dr.Heinz.F.Eichenwald
Tableau 1 - Proportion des cas déclarés selon le statut vaccinal
en 2008 et 2010.
2 doses 1 dose 0 dose
% de cas déclarés en 2010 3 12 84
% de cas déclarés en 2008 2 9 88
fréquentes. Une réaction fébrile > 39°C
est observée chez 5 à 15 % des sujets
vaccinés. Le risque de convulsions fé-
briles est de 30 cas/100 000 et de PTI
de 1 cas/30 000.
Les effets secondaires associent le plus
souvent uneèvre et une éruption cuta-
e butant 5 à 12 jours après la vac-
cination. Le vaccin est efficace et bien
toré. La protection complète n’est ob-
tenue qu’aps 2 injections de ROR.
Il est remboursé à 100 % par l’Assu-
rance Maladie jusqu’à 18 ans, et au
moins à 65 % pour les autres assurés.
DIAGNOSTICS CLINIQUE ET
BIOLOGIQUE
bContage
Il sagit d’une infection virale haute-
ment contagieuse, directement par voie
rienne, à partir dune personne ma-
lade, et plus rarement à partir d’objets
contamis. La phase de contagiosité
s’étend de 5 jours avant l’apparition des
premiers symptômes à au moins 5 jours
aps le début de l’éruption (Fig.2).
bManifestations cliniques
La durée d’incubation est de 10 à
12 jours. La phase d’invasion dure 2 à
4 jours associant une fièvre à 38,5°C,
une catarrhe oculo-respiratoire avec
malaise général et asthénie. Le signe
de Köplick est pathognomonique,
mais inconstant. Il apparaît vers la
36e heure mais disparaît après le début
de l’éruption.
Le délai moyen d’apparition de l’érup-
tion est de 14 jours après contage (7-
18 jours). Il s’agit d’une éruption ma-
culo-papuleuse qui débute à la tête,
s’étend progressivement de haut en
bas et vers les extrémités en 3 jours.
La rougeole est souvent une maladie
sans gravité accompagnée d’une as-
thénie durable, les complications les
plus fréquentes sont la diarrhée et les
otites moyennes aiguës.
Elle donne parfois lieu à des complica-
tions plus sévères dont la pneumonie
chez l’enfant (2 à 7 %) et l’encépha-
lite aiguë chez l’adulte (1/1 000). Les
formes compliquées concernent les
sujets de moins d’un an et de plus de
20 ans. Un cas de décès par encépha-
lite est survenue en 2009. En 2006, la
fréquence des décès en Europe était de
0,7/1 000 cas.
bDiagnostic biologique
La rougeole n’est pas la seule maladie
à éruption morbilliforme et nécessite,
Les vaccins de l’adolescent
Figure 3 - Feuille de déclaration obligatoire.
Depuis 2005 la rougeole est une maladie à
déclaration obligatoire (MDO).
Sa confirmation biologique est un élément
de surveillance essentiel.
1. Le signalement doit être réalisé sans
delai par les cliniciens et les biologistes
qui suspectent (critères cliniques) ou dia-
gnostiquent (critères biologiques) un cas
de rougeole au MISP de la DDAS, par tout
moyen approprié (téléphone, fax). Il peut
être signalé à partir de la fiche de notifi-
cation obligatoire, même si elle est incom-
plète au départ.
CRITÈRES DE SIGNALEMENT
Cliniques : association d’une fièvre
O 38,5° C, une éruption maculopapu-
leuse et au moins un des signes suivants :
conjonctivite, coryza, toux, signe de Koplik.
Biologiques, en l’absence de vaccination
antirougeoleuse au cours des 2 mois pré-
cédents :
- détection d’IgM spécifiques de la rougeole
dans la salive ou le sérum ou ;
- séroconversion ou élévation (x 4) du titre
des IgG sériques entre la phase aigûes et la
phase de convalescence ou ;
- détection du virus par PCR sur prélève-
ment sanguin, rhino-pharyngé, salivaire ou
urinaire ou ;
- culture positive sur prélèvements sanguin,
rhino-pharyngé, salivaire ou urinaire.
2. La confirmation biologique des cas sus-
pectés cliniquement est désormais un élé-
ment essentiel de la surveillance.
3. La notification obligatoire est établie
et disponible par téléchargement (https://
www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/
cerfa_12554.do) (Fig.3).
4. Mesures à prendre par le médecin en
charge du malade :
a. identifier la source de contamination :
notion de contage dans les 7 à 18 jours
avant le début de l’éruption ;
b. éviction de la collectivité du malade
(confirmé ou pas) pendant la phase de
CONDUITE À TENIR PAR LE MÉDECIN FACE À UN CAS DE ROUGEOLE
Tableau 2 - Dénition des sujets contacts.
Personnes ayant côtoyé le malade pendant sa période de contagiosité, soit 5 jours
avant et jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption.
• Contacts proches :
- entourage familial (personnes de la famille vivant sous le même toit) ;
- enfants et adultes de la même section en crèche ou halte-garderie ;
- enfants et adultes exposés au domicile de garde quand celui-ci est gardé par une
assistante maternelle.
• Contacts dans les autres collectivités.
Toutes personnes, enfants ou adultes, ayant partagé la même collectivité, notam-
ment : école, collège, lycée, internat, lieu de travail.
Toutes personnes ayant fréquenté de manière concomitante les mêmes locaux que
le malade (classe, cantine, dortoir, bureau…), quelle que soit la durée.
ADOLESCENCE & Médecine Juillet 2012 numéro 4 7
VACCINATION
8 ADOLESCENCE & Médecine Juillet 2012 numéro 4
compte tenu de sa moindre incidence,
d’être confirmée biologiquement
pour mettre en place les mesures pré-
ventives autour de cas. Il existe deux
moyens.
A partir de la salive
A partir d’un prélèvement de salive (kit
salivaire) (non invasif), délivré par la
DDASS et à adresser au CNR et des pa-
ramixoviridae respiratoires par enve-
loppe pré-affranchie. Il s’agit de l’ap-
proche alternative recommandée par
le plan d’élimination de la rougeole :
- à partir d’un écouvillon mousse que
l’on passe sur la gencive pendant une
minute ;
- permet la recherche d’ARN viral
(PCR) et des IgM et IgG spécifiques ;
- les résultats peuvent être adressés au
médecin prescripteur et à la DDASS en
moins de 3 jours ;
- il est nécessaire de s’assurer de l’ab-
sence de vaccination anti-rougeole
dans les 2 mois précédant ce prélève-
ment.
Par sérologie
Par sérologie sur prélèvement de sang :
- technique la plus simple si résultat
obtenus en 3 jours ;
Parent du Châtelet I, Antona D, Freymuth F et al. Spotlight on measles
2010: Update on the ongoing measles outbreak in France, 2008-2010.
Euro Surveill 2010 ; 15.
Gaudelus J, Cohen R, Lepetit H et al. Vaccinoscopie : couverture
vaccinale chez les adolescents en 2009. Méd.Enf 2010 ; 387-91.
InVs. Nouveau calendrier vaccinal : haro sur la rougeole. BEH 22 mars
2011/n°10-11.
INPES. Recrudescence en France de la rougeole. Mars 2009. http://
www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1172.pdf.
InVs. Extrait du calendrier vaccinal. http://www.ars.paca.
sante.fr/fileadmin/PACA/Doc/Actu_2011/Rougeole/Rougeole_
CalendrierVaccinal-2011.pdf.
POUR EN SAVOIR PLUS
- par méthode ELISA, les IgM spéci-
fiques sont détectées au moment de
l’éruption et jusqu’à 60 jours plus tard.
Les IgG apparaissent peu après ;
- une sérologie négative dans les 3 pre-
miers jours de l’éruption doit être
confirmée 8 jours plus tard ;
- il est cessaire de sassurer de l’ab-
sence de vaccination anti-rougeole dans
les 2 mois pcédant ce pvement.
La détection par PCR dans le rhynopha-
rynx, les lymphocytes de l’ARN viral
est réalisable de quelques jours avant le
but de linfection à 12 jours après.
L’intérêt des immunoglobulines poly-
valentes en post-exposition à un cas
confirmé est évalué au cas par cas,
chez des sujets à risque, en lien avec
un service hospitalier (pédiatrie, in-
fectiologie) et elles doivent être admi-
nistrées dans les 6 jours qui suivent le
contage, par voie IV, pour une protec-
tion estimée d’un mois. Il est recom-
mandé au décours, après un délai d’au
moins 3 mois, une vaccination par le
vaccin trivalent.
CONCLUSION
La circulation très active du virus de-
puis 2008 s’accompagne d’une recru-
descence des cas de rougeole chez des
sujets plus âgés, modifiant le statut de
la rougeole d’une fièvre éruptive de
l’enfant à celle aussi de l’adolescent
et de l’adulte jeune. L’augmentation
du pourcentage de la population ré-
ceptive par insuffisance de la couver-
ture vaccinale est à la source de cette
récidive, de même que la possibili
de transmission en milieu de soins, et
la méconnaissance du signalement
et des actions associées. Aussi, notre
participation médicale active à la cam-
pagne de prévention en recomman-
dant le ROR selon un calendrier sim-
plifié : « (e) après 1980 : 2 doses de
ROR », doit elle permettre de revenir à
un niveau d’infection maîtrisé, avant
la dissémination rapide du virus à une
population exposée et à risque de com-
plications potentiellement graves. l
MOTS-CLÉS :
Rougeole, Vaccination,
Epidémie, France,
Recommandations, ROR
contagiosité (jusqu’à 5 jours après le début
de l’éruption), surtout vis-à-vis des sujets
non vaccinés ou n’ayant pas fait la rou-
geole ;
c. recherche d’autres cas dans l’entourage
familial par l’interrogatoire, que ce cas soit
confirmé ou non et ce dans les 24 heures
qui suivent le signalement ;
d. vérification du statut vaccinal et vacci-
nation si nécessaires des sujets contacts
(Tab. 2). En l’absence de carnet de santé,
de vaccination, ou d’antécédent noté
de rougeole, la personne est considérée
comme non immunisée et potentiellement
réceptive à la rougeole.
5. Prise en charge en ville
Traitement symptomatique et étiologique
des complications peu sévères, associé à la
surveillance du patient. Si l’état du patient
et son environnement le permettent, retour
au domicile il devra garder la chambre
(lavage des mains, aération régulière de la
chambre etc.). En cas d’hospitalisation né-
cessaire, prévenir l’équipe hospitalière de
l’arrivée d’un cas de rougeole pour la mise
en place des mesures préventives.
La vaccination, si elle est réalisée dans
les 72 heures qui suivent le contact avec
un cas, peut éviter la survenue de la ma-
ladie, justifiant la mise en œuvre précoce
et rapide de ces actions.
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