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N°134 du 23 au 29 avril 2009
Julien est un chat mâle castré européen de 4 ans. Il souffre
d'insuffisance rénale chronique modérée depuis 6 mois
(Biochimie sanguine : urée 0,87 g/l ; créatinine 22 mg/l ;
P 39 mg/l ; Ca 103 mg/l ; protéines totales 75 g/l). Avant
le diagnostic, cet animal recevait un aliment de super-
marché et de temps en temps des crevettes, et du poisson.
Depuis que l'IRC a été mise en évidence, un aliment
à objectif spécial a été prescrit mais Julien le refuse
obstinément.
Que faire ?
Toutes les études montrent que les chats en insuffisance
rénale chronique bénéficient grandement d'une alimen-
tation spécifique diététique pour IRC, avec une espé-
rance de vie augmentée (Elliott et al., 2000), moins
d'épisodes urémiques (Ross et al., 2006), une moindre
hyperparathyroïdie (Barber et al., 1999).
Mais...ces études montrent aussi qu'environ 50% des chats
en IRC refusent de consommer un aliment destiné à leur
pathologie !
De plus, il ressort de ces études que l'absence de conseil,
lorsque le chat est en IRC, est néfaste. En effet, la
plupart de ces études montrent l'intérêt d'un aliment
diététique sec ou humide, en laissant les chats qui refu-
sent un aliment diététique consommer ce qu'ils veulent
(sans précision). Dans une étude, l'intérêt de la consom-
mation d'aliments IRC (très restreints en protéine -55 à
60 g/Mcal- et en phosphore -0,67 à 0,71 g/Mcal) est
démontré par comparaison à celle d'un aliment d'entre-
tien extrêmement riche en protéines (120g/Mcal) et en
phosphore (4,77gP/Mcal)... alors qu'il y a un consensus
international (ACVIM) pour dire qu'une restriction en
phosphore à 1g/Mcal avec un ratio Ca/P supérieur à 2 voire
2,5 (Pastoor et al., 1994) sont les valeurs à rechercher en
association avec une couverture du besoin protéique
autour de 70g/Mcal.
Que faut-il donc retirer de ces études ?
1. Un aliment diététique destiné au chat en IRC est bénéfique.
Mais 50 % des chats en IRC refusent l'aliment diététique
pour chat en IRC !
2. L'anorexie elle-même génératrice d'acidose et de
malnutrition est à éviter à tout prix.
3. Un aliment entretien, ou l'absence d'indication nutri-
tionnelle, est néfaste à l'évolution clinique de l'IRC.
4. Dans l'hypothèse où le chat refuse le passage à un
aliment destiné à un chat en IRC, il est possible de
proposer, quand le chat l'accepte, une solution alternative
avec une ration ménagère adaptée à la pathologie et aux
goûts du chat.
Que faire en pratique ?
Application à Julien
1. Proposer une forme d'aliment proche des habitudes
(fait ici en première intention, avec des aliments humides
pour chat en IRC)
2. Proposer une ration ménagère adaptée (notamment si
les propriétaires en font la demande) :
• pour couvrir le besoin énergétique
• apporter assez de protéines, mais pas trop
• limiter l'apport en phosphore (<1gP/Mcal)
• avec un ratio Ca/P de 2,5
• juste assez de sodium (<1g/Mcal), et assez de
potassium (>1gK/Mcal)
• assez d'acides gras omega 3 (huile de poisson et
omega6/omega3 proche de 1)
3. chélater le phosphore
4. fractionner la ration en 3 ou 4 repas tièdes
Propositions de ration (avec poisson/crevette) :
BE(4,6) = 50 x 4,6 = 230 kcal
G75 g saumon (frais ou congelé)
1 cuil. à café d'huile de colza
10 g lentilles très cuites
20 g riz blanc cuit
1 & 1/2 doses (6 g) de Vit'i5 Feline Ca
Insuffisance rénale chronique
Définition d'une ration ménagère
Chacun sait que le régime alimentaire est la base de la gestion de l'IRC chez le Chat. Pour autant, tous les animaux
n'acceptent pas les aliments à objectifs spéciaux. L'alternative est alors la ration ménagère dont la préparation n'est
pas si contraignante, même s'il faut respecter le cahier des charges : assez de protéines mais pas trop, chélation du
phosphore, couverture suffisante du besoin énergétique.
CAS CLINIQUE
Julien souffre d'IRC mais demeure en relativement bon état général.
Géraldine BLANCHARD
DVM, PhD, dipl. ECVCN
Animal Nutrition Expertise
Conseil expert et Audit en
Nutrition
33 avenue Ile de France
92160 Antony
N 134-EXE 17/04/09 14:44 Page 12