F O C U S Enquête de satisfaction La préparation à la naissance: une activité utile? La préparation à la naissance en milieu hospitalier mérite d’être plus visible afin que son utilité soit mieux comprise. Dans ce contexte, une équipe de sages-femmes du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) s’est fixée comme objectifs de décrire les prestations offertes aux couples, d’en Anne Michaud: CHUV, Département de gynéco- évaluer la satisfaction avant et après la naissance et enfin, de diffuser les logie obstétrique. Infirmière Sage-femme, coordinatrice préparation à la naissance. Serge Gallant: CHUV, Direction des Soins. Responsable Service Formation Continue. résultats de l’enquête réalisée entre 2004 et 2007. Selon le point de vue adopté, préparer à la naissance (PAN) signifie: informer, former, accompagner, éduquer, enseigner ou encore formater les futurs parents. Interpellées par l’augmentation des demandes de préparation à la naissance (+100% entre 1997 et 2006) et, dans une perspective de développement continu de la qualité de leurs prestations, les sages-femmes du CHUV ont réalisé une enquête de satisfaction auprès des couples ayant suivi les cours de PAN. Une enquête de satisfaction Depuis les travaux menés par Linder-Pelz [2], nous savons que la satisfaction est un «indice fortement corrélé à des comportements de santé». Par conséquent, nous avons choisi de mesurer la satisfaction1 comme étant un indice de l’utilité des cours de PAN. L’enquête de satisfaction par questionnaires2 a été réalisée auprès des couples ayant suivi les cours classiques de PAN (voir encadré). Une première phase d’évaluation s’est déroulée à la fin des cours mais avant l’accouchement (T1) et une deuxième phase (T2) quelques semaines après l’accouchement. Sur les 858 futurs parents concernés, 472 (55%) ont complété le questionnaire de satisfaction. La majorité des répondants sont des femmes (57%) dont l’âge moyen est de 31 ans, attendant leur 1er enfant (95%), et qui sont accompagnées à toutes les séances de PAN (71,9%) par leur conjoint. Les couples participent pour la première fois à un cours de PAN (97,8%) et plus de la moitié du collectif (58,7%) est d’origine suisse. Le questionnaire de T2 a été envoyé aux 472 personnes qui ont rempli le 1er questionnaire et a été complété par 158 personnes (33,5%) dont 86 femmes et 72 hommes. Maternité du CHUV Offre de préparation à la naissance Depuis 2002, l’équipe de sages-femmes de la PAN du CHUV offrent des prestations centrées sur le couple [1]. Les principaux besoins exprimés par les couples concernent: • l’information liée au déroulement physiologique et pathologique concernant la grossesse, l’accouchement, l’allaitement et le post-partum • la compréhension du langage médical • les aspects légaux (assurance-maternité) • l’apprentissage de la parentalité • la connaissance du réseau de soins • l’apprentissage de méthodes de prépa- 36 Hebamme.ch 1/2009 Sage-femme.ch ration physique (positions, relaxation, respiration, etc.) Au-delà des besoins exprimés par les couples, la sage-femme dépiste les signes de dépression pré ou post-partum et oriente les couples vers les professionnels du réseau. Elle participe à la prévention de la prématurité en informant des symptômes et des traitements. Pour ce faire, deux offres de PAN en groupe sont proposées au CHUV: le cours classique et le cours piscine. Ces deux offres, structurées différemment, durent 11 heures, soit 9 heures avant l’accouchement et 2 heures un mois environ après la naissance. Résultats Tout d’abord, nous observons que non seulement les femmes mais aussi les hommes sont globalement satisfaits de ces rencontres de préparation à la naissance puisque, à la question Recommanderiezvous ce cours à un(e) ami(e) proche?, 80,4% des femmes et 78,3% des conjoints lui attribuent le score maximal, soit Tout à fait. Après la naissance (T2), deux répondants sur trois (64% des femmes et 62% des hommes) maintiennent cette appréciation. Avant le cours de PAN, 45% des futurs parents se disent Assez, voire Très inquiets concernant le déroulement de la grossesse, l’accouchement, l’allaitement et le retour à domicile. Les résultats de l’enquête sont présentés ci-dessous en fonction de ces thématiques. Concernant la grossesse, les éléments perçus comme les plus satisfaisants pour les futurs parents sont d’avoir pu Savoir à qui d’adresser en cas de problèmes (81%) et Connaître les signes qui requièrent une consultation d’urgence (78,4%). Ceci est d’autant plus pertinent que dans le collectif étudié au T2, plus d’une femme sur cinq a expérimenté l’apparition de signes cliniques tels que des contractions utérines avant la 37ème semaine de grossesse et/ou la perte de liquide amniotique. Dans la très grande majorité de ces situations (77,5%), les femmes savaient effectivement comment réagir 1 Pour l’enquête que nous évoquons ici, nous adoptons la définition de la satisfaction proposée par Cleary et Mc Neil [3]: «une mesure d’attitude, de croyance et de vécu liée à la perception qu’ont les patients de la pertinence, de l’expérience et de l’effet des services de santé qu’ils ont reçus». 2 Les auteurs tiennent à remercier les couples qui ont participé à l’enquête, l’équipe de sages-femmes de la PAN du CHUV, Nicolas Jayet et Danielle Bouchard pour leur précieuse relecture de l’article. puisque 90% d’entre elles ont consulté. Près de la moitié d’entre elles considèrent qu’elles l’ont fait grâce aux informations reçues durant la PAN. Concernant l’accouchement, le plus satisfaisant pour les futurs parents est d’avoir pu Comprendre le déroulement de l’accouchement (78,7%) et Comprendre à quel moment venir à la maternité (76,6%). D’ailleurs, les principales raisons qui ont poussé les femmes à se rendre à la maternité pour accoucher sont: Des contractions régulières rapprochées (43%) et La perte du liquide amniotique (23%). Si c’était à refaire, 7 femmes sur 10 reviendraient à la maternité au même moment. Le fait d’avoir été informé de la prise en charge qui les attend en salle d’accouchement est perçu très favorablement par 76,7% des femmes. Plus de 80% des femmes estiment qu’elles ont su rester calmes au moment où les contractions sont devenues fortes. Les réponses montrent que les parturientes utilisent principalement les techniques de respiration et de positionnement pratiquées durant la PAN. Les informations reçues durant la PAN permettent aussi aux conjoints de rester calmes (81,2%) et les aident ainsi à mieux accompagner leur femme. Pour l’allaitement, le plus satisfaisant pour les futurs parents est d’avoir pu comprendre la mise en route de l’allaitement (70,1%), anticiper les joies et les contraintes de l’allaitement (66,8%), identifier un réseau de soutien en cas de difficultés liées à l’allaitement (67,3%). Près de 9 femmes sur 10 considèrent que la PAN les a éclairées dans le choix de l’alimentation à donner à leur bébé. Malgré la bonne compréhension de la mise en route de l’allaitement, une femme sur deux (51%) dit avoir rencontré des difficultés (crevasses, douleurs, tétées insuffisantes, fatigue) au début de son allaitement. Les informations abordées durant la PAN ont été utiles aux femmes pour débuter l’allaitement. Pour le retour à domicile, les éléments perçus comme les plus satisfaisants pour les futurs parents sont d’avoir pu identifier un réseau de soutien en cas de difficultés liées aux soins de l’enfant (69,3%), détecter les signes du baby blues (56%), comprendre les rythmes sommeil/éveil de l’enfant (51,6%). 73% des femmes considèrent que la PAN leur a fourni des informations utiles concernant leurs propres besoins après l’accouchement. Lorsqu’elles ont expérimenté le découragement (22,7%), l’incapacité à se réjouir (10,9%) ou encore le manque d’intérêt à s’occuper de leur bébé (3,4%), les femmes ont surtout demandé de l’aide à leurs proches (40%) et à une sage-femme indépendante (14,8%). Cette aide a été qualifiée d’utile par 99% des femmes. Photo: CEMCAV-CHUV, P. Dutoit Un stress différent pour les nouveaux parents Les sages-femmes de la PAN constatent que les couples d’aujourd’hui, lorsqu’ils attendent leur 1er enfant, vivent un niveau de stress3 élevé (4,5). Lorsqu’on leur demande d’évoquer la situation qui a été la plus stressante pour eux dans le processus de parentalité, c’est l’accouchement qui est cité pour presque la moitié des pères (44%) alors que le post-partum constitue le principal facteur de stress des mères (53%). Quoique ces données doivent être interprétées avec précautions, les couples affirment que la PAN contribue à réduire leur niveau général d’inquiétude en la faisant passer de 45% (au début des cours) à 16% (à la fin des cours). Favoriser des comportements de santé Le lien entre la satisfaction et l’adoption de comportements de santé étant établi, les résultats démontrent que la PAN, en préconisant un modèle d’accompagnement, améliore la capacité des couples à mobiliser leurs ressources cognitives, comportementales et émotives durant le processus de parentalité (grossesse, accouchement, post-partum). Pour Vial et Mencacci [6], l’accompagnement professionnel concerne des praticiens exerçant une fonction éducative et suppose que l’accompagnateur soit une personneressource qui met ses compétences au service de l’accompagné pour favoriser le potentiel de celui-ci. Or, en augmentant la capacité des couples à participer aux décisions entourant la naissance de leur enfant, la PAN peut contribuer à creuser l’écart entre ces futurs parents et l’environnement hospitalier pour lequel, le partenariat 4 soignantsoigné demeure un défi [7]. Effectivement, le soignant contemporain doit constamment adapter sa pratique entre le patient soumis d’hier et le patient empouvoiré5 de demain. A l’instar de toutes pratiques visant la prévention et la promotion de la santé, la PAN ne peut assumer l’entière responsabilité du bon ou du mauvais déroulement de la grossesse, de l’accouchement ou du post-partum. Par contre, en proposant des moyens aux couples pour mieux faire face à des situations caractérisées par une partie d’imprévus et d’imprévisible, la PAN représente une opportunité indéniable de faire se rencontrer, en milieu hospitalier, la promotion de la santé et le soin. Bibliographie [1] FEDERATION SUISSE DES SAGES-FEMMES. Fonctions, objectifs de formation et qualifications-clés. Berne, 1998. http://www.sagefemme.ch/x_dnld/doku/funktionenf.pdf (consulté le 11 juillet 2007). [2] LINDER-PELZ S. (1982) Toward a theory of patient satisfaction. Social Science and Medicine, 16, 577–579. [3] CLEARY P. D., McNEIL B. J. (1988): Patient satisfaction as an indicator of quality care. Inquiry, 25, 25–36. [4] QUINTARD B. (1994): Du stress objectif au stress perçu. In BRUCHON-SCHWEITZER, DANTZER, R. Introduction à la psychologie de la santé, Presses Universitaires de France PUF, Paris, p. 43–66. [5] LAZARUS R. S., FOLKMAN S. (1984): Stress, appraisal, and coping. New-York, Springer. [6] VIAL M., CAPARROS-MENCACCI N. (2007). L’accompagnement professionnel? Méthode à l’usage des praticiens exerçant une fonction éducative. Bruxelles, De Boeck. [7] LEFEBVRE H. Les rouages de la communication. Perspective infirmière, juillet/août 2008, vol. 5, no 6. 3 Les auteurs adoptent le point de vue qui veut que le stress ne soit «ni une caractéristique des situations ni une caractéristique des individus» (Bruchon-Schweitzer in Quintard, 1994) mais plutôt «une transaction particulière entre la personne et l’environnement dans laquelle la situation est évaluée par la personne comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être» (Lazarus et Folkman, 1984, p.19) En d’autres termes, le stress ne peut être réduit à la notion de stimulus ou de réponse au stimuli mais englobe les moyens mis en œuvre par la personne pour faire face aux événements. 4 Le partenariat est défini ici comme «l’association d’une personne, de ses proches, des infirmières [sages-femmes], qui reconnaissent leurs expertises et leurs ressources réciproques dans la prise de décision par consensus en visant la réalisation du projet de vie de la personne. Il [le partenariat] s’actualise par l’appropriation de compétences nécessaires menant à l’autodétermination de chacun». (Lefebvre, 2008). 5 Selon l’European multilingual thesaurus on health promotion, l’empowerment se traduit par l’empouvoirement, soit la capacité d’un individu à prendre des décisions et à exercer un contrôle sur sa vie personnelle. (B. Israël et al. 1994). Hebamme.ch Sage-femme.ch 1/2009 37