Les nombres complexes - Olivier Castéra

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LES NOMBRES COMPLEXES
OLIVIER CASTÉRA
C
Résumé. Le corps des nombres complexes forme une extension
quadratique du corps des nombres réels . Les nombres complexes
qui est isomorphe
de la forme (x, 0) forment un sous-corps de
au corps , par l’application qui à (x, 0) fait correspondre x.
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R
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Table des matières
1. Groupe
1.1. Produit direct de groupes
1.2. Morphisme de groupes
2. Anneau
2.1. Anneau intègre
2.2. Sous-anneau
2.3. Morphisme d’anneaux
3. Corps
3.1. Sous-corps
4. Racines Carrées
5. L’anneau L
6. Eléments inversibles d’une extension quadratique
7. Le corps des nombres réels
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1. Groupe
Un groupe est une structure algébrique relativement simple puisqu’elle ne contient qu’une seule opération. Elle est utilisée dans beaucoup d’autres structures algébrique.
Définition 1.1. Un ensemble non vide G muni de l’opération ◻, est
un groupe, noté (G, ◻), ssi
(1) l’opération binaire ◻ est une loi de composition interne : à
chaque paire d’éléments de G, elle associe un élément de G
∀(a, b) ∈ G2 ,
a◻b ∈G
(2) l’opération ◻ est associative
∀(a, b, c) ∈ G3 ,
a ◻ (b ◻ c) = (a ◻ b) ◻ c
Date: 4 mai 2015.
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(3) Il existe un élément neutre (ou identité) e dans G, pour l’opération ◻
∃e ∈ G / ∀a ∈ G,
e◻a= a◻e =a
(4) Tout élément a de G possède un symétrique b dans G
∀a ∈ G, ∃b ∈ G / a ◻ b = b ◻ a = e
Pour un groupe multiplicatif, la loi de composition est notée par une
juxtaposition des éléments. L’élément neutre est l’unité. Le symétrique
de a est appelé inverse de a, et noté a−1 .
Pour un groupe additif, la loi de composition est notée par +. L’élément
neutre est l’élément nul ou zéro. Le symétrique de a est appelé l’opposé
de a, et noté −a.
Théorème 1.1. Quel que soit le groupe (G, ◻), l’élément neutre est
unique.
Démonstration. Supposons que e et e′ soient les éléments neutres du
groupe (G, ◻)
∀x ∈ G, x ◻ e = e ◻ x = x
(x = e′ ) ⇒ (e′ ◻ e = e ◻ e′ = e′ )
∀x ∈ G, x ◻ e′ = e′ ◻ x = x
(x = e) ⇒ (e ◻ e′ = e′ ◻ e = e)
(e′ ◻ e = e′ et e′ ◻ e = e) ⇒ (e′ = e)
Définition 1.2. Un groupe (G, ◻) est dit abélien ssi l’opération ◻ est
commutative
∀(a, b) ∈ G2 ,
a◻b =b◻a
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Exemples. Les ensembles des entiers naturels , des rationnels , et
des réels , sont des groupes abéliens pour l’addition +. Les ensembles
des rationnels privés de zéro (zéro n’a pas d’inverse), ∗ , et des réels
privés de zéro, ∗ , sont des groupes abéliens pour la multiplication ×.
R
Q
R
1.1. Produit direct de groupes.
Définition 1.3. Soient (G, ⋆) et (H, ⋆) deux groupes munis de la
même loi de composition interne ⋆. Considérons le produit cartésien
G × H des ensembles G et H, c’est à dire l’ensemble des paires ordonnées {g ∈ G, h ∈ H, (g, h)}. On munit le produit cartésien G × H de
l’opération ⍟
∀(g1 , g2 ) ∈ G2 , ∀(h1 , h2 ) ∈ H 2 ,
(g1 , h1 ) ⍟ (g2 , h2 ) = (g1 ⋆ g2 , h1 ⋆ h2 )
LES NOMBRES COMPLEXES
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(G × H, ⍟) est appelé produit direct de G et H.
Théorème 1.2. Le produit direct (G × H, ⍟) forme un groupe.
Démonstration.
(1) l’opération ⍟ est une loi de composition interne
(G, ⋆) est un groupe ∶ ∀(g1 , g2 ) ∈ G2 , (g1 ⋆ g2 ) ∈ G
(H, ⋆) est un groupe ∶ ∀(h1 , h2 ) ∈ H 2 , (h1 ⋆ h2 ) ∈ H
∀(g1 , h1 ) ∈ (G × H), ∀(g2 , h2 ) ∈ (G × H),
(g1 ⋆ g2 , h1 ⋆ h2 ) ∈ (G × H)
(g1 , h1 ) ⍟ (g2 , h2 ) ∈ (G × H)
(2) l’opération ⍟ est associative
∀(g1 , h1 ), (g2 , h2 ), (g3 , h3 ) ∈ (G × H)3 ,
(g1 , h1 ) ⍟ [(g2 , h2 ) ⍟ (g3 , h3 )] = (g1 , h1 ) ⍟ [(g2 ⋆ g3 , h2 ⋆ h3 )
= [g1 ⋆ (g2 ⋆ g3 ), h1 ⋆ (h2 ⋆ h3 )]
et,
[(g1 , h1 ) ⍟ (g2 , h2 )] ⍟ (g3 , h3 ) = (g1 ⋆ g2 , h1 ⋆ h2 )] ⍟ (g3 , h3 )
= [(g1 ⋆ g2 ) ⋆ g3 , (h1 ⋆ h2 ) ⋆ h3 ]
= [g1 ⋆ (g2 ⋆ g3 ), h1 ⋆ (h2 ⋆ h3 )]
où l’on a utilisé l’associativité de la loi ⋆ dans G et dans H.
Par conséquent,
(g1 , h1 ) ⍟ [(g2 , h2 ) ⍟ (g3 , h3 )] = [(g1 , h1 ) ⍟ (g2 , h2 )] ⍟ (g3 , h3 )
(3) l’opération ⍟ admet un élément neutre dans G × H.
Soit e l’élément neutre du groupe G, et soit e′ l’élément neutre
du groupe H
∀(g, h) ∈ (G × H), (e, e′ ) ⍟ (g, h) = (e ⋆ g, e′ ⋆ h)
= (g, h)
(g, h) ⍟ (e, e′ ) = (g ⋆ e, h ⋆ e′ )
= (g, h)
Théorème 1.3. Si (G, ⋆) et (H, ⋆) sont des groupes abéliens, alors le
produit direct (G × H, ⍟) forme un groupe abélien.
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OLIVIER CASTÉRA
Démonstration.
(G, ⋆) est un groupe abélien ∶ g1 ⋆ g2 = g2 ⋆ g1
(H, ⋆) est un groupe abélien ∶ h1 ⋆ h2 = h2 ⋆ h1
∀(g1 , h1 ), (g2 , h2 ) ∈ (G × H)2 , (g1 , h1 ) ⍟ (g2 , h2 ) = (g1 ⋆ g2 , h1 ⋆ h2 )
= (g2 ⋆ g1 , h2 ⋆ h1 )
= (g2 , h2 ) ⍟ (g1 , h1 )
1.2. Morphisme de groupes.
Définition 1.4. Soient deux groupes (G, ∗) et (G′ , ⋆). L’application
f de (G, ∗) dans (G′ , ⋆) est un morphisme de groupes ssi
f ∶ G → G′
∀(x, y) ∈ G2 , f (x ∗ y) = f (x) ⋆ f (y)
f est un isomorphisme de groupes ssi f est un morphisme bijectif. Dans
ce cas, f −1 est aussi un morphisme de groupes.
2. Anneau
Définition 2.1. Un ensemble A muni de deux opérations, notées ⊕ et
⊙, est un anneau, noté (A, ⊕, ⊙), ssi
(1) (A, ⊕) est un groupe abélien
(2) l’opération ⊙ est une loi de composition interne
∀(a, b) ∈ A2 , a ⊙ b ∈ A
(3) l’opération ⊙ est associative
∀(a, b, c) ∈ A3 , a ⊙ (b ⊙ c) = (a ⊙ b) ⊙ c
(4) l’opération ⊙ admet un élément neutre e′ dans A
∃e′ ∈ A / ∀a ∈ A, e′ ⊙ a = a ⊙ e′ = a
(5) l’opération ⊙ est distributive à gauche et à droite par rapport
à l’opération ⊕
∀x, y, z ∈ A3 , a ⊙ (b ⊕ c) = (a ⊙ b) ⊕ (a ⊙ c)
∀x, y, z ∈ A3 , (b ⊕ c) ⊙ a = (b ⊙ a) ⊕ (c ⊙ a)
Définition 2.2. Un anneau (A, ⊕, ⊙) est dit commutatif ssi l’opération
⊙ est commutative
∀(a, b) ∈ A2 , a ⊙ b = b ⊙ a
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Règles de calcul. Quel que soit l’anneau (A, ⊕, ⊙)
Soit e l′ élément neutre de la loi ⊕ ∶ ∀x ∈ A, e ⊙ x = x ⊙ e = e
Soit ⊖ y le symétrique de y pour la loi ⊕ ∶
∀(x, y) ∈ A2 , x ⊙ (⊖y) = ⊖(x ⊙ y)
∀(x, y, z) ∈ A3 , x ⊙ (y ⊖ z) = (x ⊙ y) ⊖ (x ⊙ z)
Si (A, ⊕, ⊙) est un anneau commutatif, binôme de Newton ∶
∀n ∈
N, ∀(x, y) ∈ A2,
n
(x ⊕ y)n = ∑ Cnk xk ⊙ y n⊖k
k=0
2.1. Anneau intègre.
Définition 2.3. Un élément non nul a d’un anneau (A, ⊕, ⊙) est un
diviseur de zéro à gauche, ssi
∃b ≠ e ∈ A / a ⊙ b = e
Définition 2.4. Un élément non nul a d’un anneau (A, ⊕, ⊙) est un
diviseur de zéro à droite, ssi
∃b ≠ e ∈ A / b ⊙ a = e
Définition 2.5. Un anneau (A, ⊕, ⊙) est intègre s’il est différent de
l’élément nul {e}, commutatif, et sans diviseur de zéro.
Théorème 2.1. Pour tout anneau (A, ⊕, ⊙) intègre
∀(a, b) ∈ A2 , (a ⊙ b = e) ⇒ (a = e ou b = e)
2.2. Sous-anneau.
Définition 2.6. Toute partie A′ de l’ensemble A est un sous-anneau
de l’anneau (A, ⊕, ⊙) ssi
(1) (A′ , ⊕, ⊙) est un anneau
(2) A′ est stable pour la loi ⊕
∀(a, b) ∈ A′2 , a ⊕ b ∈ A′
(3) A′ est stable pour la loi ⊙
∀(a, b) ∈ A′2 , a ⊙ b ∈ A′
2.3. Morphisme d’anneaux.
Définition 2.7. Soient deux anneaux (A1 , ⊕, ⊙) et (A2 , ⊞, ⊡), et soient
e1 l’élément neutre de ⊙ dans A1 , et e2 l’élément neutre de ⊡ dans
A2 . L’application f de (A1 , ⊕, ⊙) dans (A2 , ⊞, ⊡) est un morphisme
d’anneaux ssi
(1) ∀(x, y) ∈ A21 , f (x ⊕ y) = f (x) ⊞ f (y)
(2) ∀(x, y) ∈ A21 , f (x ⊙ y) = f (x) ⊡ f (y)
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(3) f (e1 ) = e2
f est un isomorphisme d’anneaux ssi f est un morphisme bijectif. Dans
ce cas, f −1 est aussi un morphisme d’anneaux.
3. Corps
Définition 3.1. Un ensemble K muni de deux opérations, notées ⊕ et
⊙, est un corps, noté (K, ⊕, ⊙), ssi
(1) (K, ⊕, ⊙) est un anneau
(2) tout élément non nul a de K possède un inverse, noté a−1 , dans
K pour l’opération ⊙
∀a ≠ e ∈ K, ∃a−1 ∈ K / a ⊙ a−1 = a−1 ⊙ a = e′
Définition 3.2. Un corps (K, ⊕, ⊙) est dit commutatif ssi l’opération
⊙ est commutative
∀(a, b) ∈ K 2 , a ⊙ b = b ⊙ a
Théorème 3.1. Si (K, ⊕, ⊙) est un corps alors il n’a pas de diviseur
de zéro.
Démonstration. D’après la définition 3.1, si (K, ⊕, ⊙) est un corps
∀a ≠ e ∈ K, ∃a−1 ∈ K / a ⊙ a−1 = a−1 ⊙ a = e′
Pour démontrer que
(a ⊙ b = e) ⇒ (a = e ou b = e)
nous allons montrer que si a ⊙ b = e alors il est impossible d’avoir
a ≠ e et b ≠ e
∀(a, b) ∈ K 2 , a ⊙ b = e
∀a ≠ e ∈ K, a−1 ⊙ a ⊙ b = a−1 ⊙ e
e′ ⊙ b = e
b=e
et par symétrie des rôles de a et b, si b ≠ e alors a = e.
3.1. Sous-corps.
Définition 3.3. Toute partie K ′ de l’ensemble K est un sous-corps du
corps (K, ⊕, ⊙) ssi
(1) (K ′ , ⊕, ⊙) est un corps
(2) K ′ est stable pour la loi ⊕
∀(a, b) ∈ K ′2 , a ⊕ b ∈ K ′
(3) K ′ est stable pour la loi ⊙
∀(a, b) ∈ K ′2 , a ⊙ b ∈ K ′
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4. Racines Carrées
Soit (K, ⊕, ⊙) un anneau commutatif. Nous dirons qu’un élément α
de K est un carré dans K ssi
∃x ∈ K / x2 = α
x est appelée racine carrée de α dans (K, ⊕, ⊙). Si x est une racine
carrée de α dans K alors il en est de même de ⊖x, car (⊖x)2 = α. Si
l’anneau (K, ⊕, ⊙) est intègre, α ne peut admettre plus de deux racines
carrées dans K, car la relation x2 = y 2 , qui s’écrit dans tous les cas sous
la forme (x ⊖ y)(x ⊕ y) = e, implique soit x = y, soit y = ⊖x.
R
Exemples. Si (K, ⊕, ⊙) est le corps des nombres réels ( , +, ×), α est
un carré dans K ssi α ⩾ 0, par exemple pour α = 2. Si (K, ⊕, ⊙) est le
corps des nombres rationnels ( , +, ×), 2 n’est pas un carré.
Q
On est ainsi conduit à examiner le problème suivant :
Soit (K, ⊕, ⊙) un anneau commutatif et α un élément de K qui n’est
pas un carré dans K. Est-il possible de construire un anneau commutatif (L, ⊞, ⊡) possédant les propriétés suivantes :
K est un sous-anneau de L, et α est un carré dans L ?
Soit α un élément d’un anneau commutatif (K, ⊕, ⊙), qui n’est pas un
carré dans K. Supposons le problème résolu et désignons par (L, ⊞, ⊡)
un anneau commutatif dont K soit un sous-anneau
(K, ⊕, ⊙) ⊆ (L, ⊕, ⊙)
et par ω une racine carrée de α dans L
ω2 = α
Désignons par L′ l’ensemble des éléments z de l’anneau commutatif L
possédant la propriété
∀z ∈ L′ , ∃(x, y) ∈ K 2 / z = x ⊕ (ω ⊙ y)
Notation. Nous posons que la loi de composition ⊙ est prioritaire sur
la loi de composition ⊕, et nous omettrons souvent le symbole ⊙ pour
faciliter la lecture. Par conséquent, nous écrirons
z = x ⊕ ωy
Théorème 4.1. (L′ , ⊕, ⊙) est un sous-anneau de (L, ⊞, ⊡) contenant
(K, ⊕, ⊙) et ω.
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OLIVIER CASTÉRA
Démonstration. En utilisant les propiétés des lois de composition internes d’un anneau, données en définition 2.1, nous avons
∀(x′ ⊕ ωy ′) ∈ L′ et ∀(x′′ ⊕ ωy ′′) ∈ L′ ,
(x′ ⊕ ωy ′) ⊕ (x′′ ⊕ ωy ′′) = x′ ⊕ ωy ′ ⊕ x′′ ⊕ ωy ′′
= x′ ⊕ x′′ ⊕ ωy ′ ⊕ ωy ′′
= (x′ ⊕ x′′ ) ⊕ ω(y ′ ⊕ y ′′ ) ∈ L′
(1)
(x′ ⊕ ωy ′) ⊙ (x′′ ⊕ ωy ′′) = x′ x′′ ⊕ x′ ωy ′′ ⊕ ωy ′x′′ ⊕ ωy ′ωy ′′
= x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′ ⊕ x′ ωy ′′ ⊕ ωy ′x′′
= (x′ x′′ ⊕ αy ′y ′′ ) ⊕ ω(x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ ) ∈ L′
(2)
D’après la définition 2.6, (L′ , ⊕, ⊙) est un sous-anneau de (L, ⊞, ⊡). De
plus, l’anneau L′ contient l’anneau K (poser y = e), et il contient aussi
ω (poser x = e et y = e′ ).
Ce résultat montre que si le problème admet une solution, alors on
peut construire l’anneau commutatif (L, ⊞, ⊡) de telle sorte que chacun
de ses éléments s’écrive sous la forme x ⊕ ωy avec (x, y) ∈ K 2 .
Autrement dit, si nous introduisons l’application f , telle que
f ∶K ×K →L
alors f est surjective
f (x, y) = x ⊕ ωy
∀u ∈ L, ∃(x, y) ∈ (K × K) / f (x, y) = u
Remarque. Si (K, ⊕, ⊙) est un corps et si α n’est pas un carré dans
(K, ⊕, ⊙), l’application f est en outre injective
∀(x′ , y ′ )∈K 2 , ∀(x′′ , y ′′ )∈K 2 , f (x′ , y ′ ) = f (x′′ , y ′′ ) ⇒ (x′ = x′′ , y ′ = y ′′ )
Démonstration. En posant x = x′ ⊖ x′′ et y = y ′ ⊖ y ′′, nous avons
f (x′ , y ′ ) = f (x′′ , y ′′ )
x′ ⊕ ωy ′ = x′′ ⊕ ωy ′′
(x′ ⊖ x′′ ) ⊕ ω(y ′ ⊖ y ′′ ) = e
x ⊕ ωy = e
Raisonnons par l’absurde en supposant y ≠ e.
y est inversible dans K, puisque par hypothèse K est un corps, et y est
aussi inversible dans L puisque (K, ⊕, ⊙) ⊆ (L, ⊞, ⊡).
Par conséquent
ω = ⊖xy −1 ∈ K
contrairement à l’hypothèse que α n’est pas un carré dans K.
Donc y = e. Par conséquent x = e, x′ = x′′ , y ′ = y ′′ et f est injective. LES NOMBRES COMPLEXES
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En introduisant l’application f , les égalités (1) et (2) s’écrivent
f (x′ , y ′ ) ⊕ f (x′′ , y ′′) = f (x′ ⊕ x′′ , y ′ ⊕ y ′′ )
f (x′ , y ′ ) ⊙ f (x′′ , y ′′) = f (x′ x′′ ⊕ αy ′y ′′ , x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ )
Ces égalités, obtenues en supposant le problème résolu, vont maintenant nous servir de point de départ pour construire une solution au
problème posé.
5. L’anneau L
Soit α un élément d’un anneau commutatif (K, ⊕, ⊙), qui n’est pas
un carré dans K. Nous allons construire un nouvel anneau (L, ⊞, ⊡)
dans lequel α est un carré. Soit l’ensemble L, produit cartésien de
K × K, tel qu’un élément (x, y) de L soit une paire ordonnée de deux
éléments x et y de K.
Définition 5.1. Les deux opérations ⊞ et ⊡ dans (L, ⊞, ⊡) sont définies
comme suit
(x′ , y ′ ) ⊞ (x′′ , y ′′ ) = (x′ ⊕ x′′ , y ′ ⊕ y ′′)
(x′ , y ′ ) ⊡ (x′′ , y ′′ ) = (x′ x′′ ⊕ αy ′y ′′ , x′ y ′′ ⊕ y ′x′′ )
lesquelles font intervenir à la fois l’élément α et les lois de composition
dans l’anneau (K, ⊕, ⊙).
Théorème 5.1. L’ensemble L muni des lois de composition internes
⊞ et ⊡ est un anneau.
Démonstration. Suivons les cinq points de la définition 2.1.
(1) Montrons que (L, ⊞) est un groupe abélien.
L’ensemble K muni de la loi de composition ⊕ est un groupe
abélien. D’après le théorème 1.3, le produit direct des groupes
abéliens K ×K est un groupe abélien, donc (L, ⊞) est un groupe
abélien.
(2) Montrons que ⊡ est une loi de composition interne.
∀x′ , y ′ , x′′ , y ′′ , quatre éléments de l’anneau K.
x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′ ∈ K et x′ y ′′ ⊕ αy ′ x′′ ∈ K
Si l’on pose a = (x′ , y ′ ) et b = (x′′ , y ′′ ), on a :
∀(a, b) ∈ L2 , a ⊡ b ∈ L
(3) Montrons que la loi ⊡ est associative.
En utilisant la définition 5.1
(x, y) ⊡ [(x′ , y ′ ) ⊡ (x′′ , y ′′ )] = (x, y) ⊡ (x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′, x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ )
= (x(x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′)⊕ αy(x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ ), x(x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ )⊕ y(x′ x′′ ⊕ αy ′y ′′ ))
= (xx′ x′′ ⊕ xαy ′ y ′′ ⊕ αyx′ y ′ ⊕ αyy ′x′′ , xx′ y ′′ ⊕ xy ′ x′′ ⊕ yx′ x′′ ⊕ yαy ′y ′′ )
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OLIVIER CASTÉRA
et d’autre part
[(x, y) ⊡ (x′ , y ′ )] ⊡ (x′′ , y ′′ ) = (xx′ ⊕ αyy ′, xy ′ ⊕ yx′ ) ⊡ (x′′ , y ′′ )
= [(xx′ ⊕ αyy ′)x′′ ⊕ α(xy ′ ⊕ yx′ )y ′′, (xx′ ⊕ αyy ′)y ′′ ⊕ (xy ′ ⊕ yx′ )x′′ ]
= (xx′ x′′ ⊕ αyy ′x′′ ⊕ αxy ′ y ′′ ⊕ αyx′ y ′′, xx′ y ′′ ⊕ αyy ′y ′′ ⊕ xy ′ x′′ ⊕ x′ yx′′ )
L’associativité s’obtient en comparant les résultats.
(4) Montrons que la loi ⊡ admet (e′ , e) comme élément neutre
(e′ , e) ⊡ (x, y) = (e′ x ⊕ αey, e′ y ⊕ ex)
= (x ⊕ αe, y ⊕ e)
= (x, y)
(5) Montrons que la loi ⊡ est distributive à gauche par rapport à
la loi ⊞
(x, y) ⊡ [(x′ , y ′ ) ⊞ (x′′ , y ′′ )] = (x, y) ⊡ (x′ ⊕ x′′ , y ′ ⊕ y ′′)
= (x(x′ ⊕ x′′ ) ⊕ αy(y ′ ⊕ y ′′), x(y ′ ⊕ y ′′) ⊕ y(x′ ⊕ x′′ ))
= (xx′ ⊕ xx′′ ⊕ αyy ′ ⊕ αyy ′′, xy ′ ⊕ xy ′′ ⊕ yx′ ⊕ yx′′ )
= ((xx′ ⊕ αyy ′) ⊕ (xx′′ ⊕ αyy ′′), (xy ′ ⊕ yx′ ) ⊕ (xy ′′ ⊕ yx′′ ))
= (xx′ ⊕ αyy ′, xy ′ ⊕ yx′ ) ⊞ (xx′′ ⊕ αyy ′′, xy ′′ ⊕ yx′′ )
= [(x, y) ⊡ (x′ , y ′ )] ⊞ [(x, y) ⊡ (x′′ , y ′′ )]
De même pour la distributivité à droite.
Théorème 5.2. (L, ⊞, ⊡) est un anneau commutatif.
Démonstration. Montrons que la loi ⊡ est commutative
(x, y) ⊡ (x′ , y ′ ) = (xx′ ⊕ αyy ′, xy ′ ⊕ yx′ )
= (x′ x ⊕ αy ′y, x′ y ⊕ y ′ x)
= (x′ , y ′ ) ⊡ (x, y)
D’après la définition 2.2, l’ensemble L muni des lois de composition ⊞
et ⊡ est donc un anneau commutatif.
Théorème 5.3. L’anneau (L, ⊞, ⊡) contient un sous-anneau isomorphe à l’anneau (K, ⊕, ⊙).
Démonstration. Considérons l’application
f ∶K →K ×K
f (x) = (x, e)
A tout élément (x, e) de l’ensemble K×K correspond un élément unique
x de l’ensemble K par f . Par conséquent f est bijective
∀(x, e) ∈ (K × K), ∃! x ∈ K / f (x) = (x, e)
LES NOMBRES COMPLEXES
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De plus, nous avons les relations suivantes
f (x′ ) ⊞ f (x′′ ) = (x′ , e) ⊞ (x′′ , e)
= (x′ ⊕ x′′ , e ⊕ e)
= (x′ ⊕ x′′ , e)
= f (x′ ⊕ x′′ )
f (x′ ) ⊡ f (x′′ ) = (x′ , e) ⊡ (x′′ , e)
= (x′ x′′ ⊕ αee, x′ e ⊕ x′′ e)
= (x′ x′′ , e)
= f (x′ x′′ )
f (e′ ) = (e′ , e)
D’après la définition 2.7, f est un isomorphisme de l’anneau (K, ⊕, ⊙)
sur un sous-anneau de l’anneau (L, ⊞, ⊡).
Notation. Comme f transforme les lois de compositions de l’anneau
(K, ⊕, ⊙) en celles du sous-anneau f (K) de l’anneau (L, ⊞, ⊡), il n’y a
aucun inconvénient à identifier chaque élément x de l’anneau (K, ⊕, ⊙)
à l’élément f (x) de l’anneau (L, ⊞, ⊡). Nous utiliserons la notation
(fausse) suivante
(x, e) = x
or
(x, y) = (x ⊕ e, e ⊕ y)
= (x, e) ⊞ (e, y)
= (x, e) ⊞ (ey ⊕ αe′ e, ee ⊕ e′ y)
= (x, e) ⊞ [(e, e′ ) ⊡ (y, e)]
d’où la notation suivante
(x, y) = x ⊕ ωy
(3)
avec en particulier,
(e′ , e) = e′
(e, e′ ) = e ⊕ ωe′
=ω
En utilisant cette notation, les définitions 5.1 s’écrivent
(x′ ⊕ ωy ′) ⊕ (x′′ ⊕ ωy ′′) = (x′ ⊕ x′′ ) ⊕ ω(y ′ ⊕ y ′′)
(x′ ⊕ ωy ′) ⊙ (x′′ ⊕ ωy ′′) = (x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′) ⊕ ω(x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ )
(4)
(5)
12
OLIVIER CASTÉRA
Il reste à montrer que α est un carré dans l’anneau (L, ⊞, ⊡). Considérons l’élément ω = (e, e′ ) de l’anneau (L, ⊞, ⊡). On a alors
ω 2 = (e, e′ )(e, e′ )
= (ee ⊕ αe′ e′ , ee′ ⊕ e′ e)
= (α, e)
=α
puisqu’on a convenu d’identifier chaque élément x de l’anneau (K, ⊕, ⊙)
à l’élément f (x) de l’anneau (L, ⊞, ⊡).
√
L’anneau (L, ⊞, ⊡) se note √
K[ α] et s’appelle une extension quadratique de K. On dit que K[ α] s’obtient par adjonction à K d’une
racine carré de α.
6. Eléments inversibles d’une extension quadratique
Soient K un anneau commutatif
√ et α un élément de K. On considère
l’extension quadratique L = K[ α].
Définition 6.1. Soit z = (x, y) = x ⊕ ωy ∈ L. On appelle conjugué de
z, l’élément z̄ de L, tel que
z̄ = (x, ⊖y)
= x ⊖ ωy
Définition 6.2. Soit z = x ⊕ ωy ∈ L. On appelle norme de z, l’élément
N(z) = z̄z
= (x ⊖ ωy) ⊙ (x ⊕ ωy)
= x2 ⊖ ω 2 y 2
= x2 ⊖ αy 2
On remarque que N(e′ ) = e′ .
Théorème 6.1.
z ′ ⊕ z ′′ = z̄ ′ ⊕ z̄ ′′
Démonstration.
z ′ ⊕ z ′′ = (x′ ⊕ ωy ′) ⊕ (x′′ ⊕ ωy ′′)
= (x′ ⊕ x′′ ) ⊕ ω(y ′ ⊕ y ′′ )
= (x′ ⊕ x′′ ) ⊖ ω(y ′ ⊕ y ′′ )
= (x′ ⊕ x′′ ) ⊕ [⊖ωy ′ ⊕ (⊖ωy ′′)]
= (x′ ⊖ ωy ′) ⊕ (x′′ ⊖ ωy ′′)
= z̄ ′ ⊕ z̄ ′′
LES NOMBRES COMPLEXES
13
Théorème 6.2.
z ′ z ′′ = z̄ ′ z̄ ′′
Démonstration.
z ′ z ′′ = (x′ ⊕ ωy ′) ⊙ (x′′ ⊕ ωy ′′)
= (x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′) ⊕ ω(x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ )
= (x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′) ⊖ ω(x′ y ′′ ⊕ y ′ x′′ )
= (x′ x′′ ⊕ αy ′ y ′′) ⊕ [⊖ωx′ y ′′ ⊕ (⊖ωy ′ x′′ )]
= (x′ ⊖ ωy ′) ⊙ (x′′ ⊖ ωy ′′)
= z̄ ′ z̄ ′′
Théorème 6.3.
N(z ′ z ′′ ) = N(z ′ )N(z ′′ )
Démonstration.
N(z ′ z ′′ ) = z ′ z ′′ ⊙ z ′ z ′′
= z ′ ⊙ z ′′ ⊙ z ′ ⊙ z ′′
= z ′ ⊙ z ′ ⊙ z ′′ ⊙ z ′′
= z ′ z ′ ⊙ z ′′ z ′′
= N(z ′ )N(z ′′ )
Théorème 6.4. Soient K un anneau
commutatif, α un élément de K,
√
et z un élément
de
l’anneau
K[
α].
Pour que z soit inversible dans
√
l’anneau K[ α], il faut et il suffit que N(z) le soit dans K. On a alors
z −1 = N(z)−1 z̄
(6)
Démonstration. Supposons z inversible, alors
z −1 z = e′
N(z −1 z) = N(e′ )
N(z −1 )N(z) = e′
N(z) est donc bien un élément inversible de l’anneau K.
Inversement, supposons N(z) inversible dans K, alors
z̄z = N(z)
−1
N(z) z̄z = e′
N(z)−1 z̄ = z −1
donc z est inversible.
14
OLIVIER CASTÉRA
7. Le corps
R
R
R des nombres réels
corps des nombres réel, et α = −1. D’après
Prenons le cas où K = , √
le théorème 6.4, l’anneau [ −1] est un corps commutatif. Il s’appelle
corps des nombres complexes et se note . Un nombre complexe est un
couple de nombres réels (x, y). Les calculs sur les nombres complexes
se font grâce aux égalités 4 et 5.
C
Propriétés. Dans la pratique on utilise seulement les propriétés suivantes des nombres complexes
(1) les nombres complexes forment un corps commutatif
(2) le corps
R des nombres réels est un sous-corps de C
C
(3) il existe un nombre complexe i (cette notation remplace la notation ω utilisée pour les extensions quadratiques générales), tel
que
i2 = −1
R
(4) ∀(x, y) ∈ 2 , tout nombre complexe z s’écrit d’une façon et
d’une seule, sous la forme
z = x + iy
x + iy est appelée forme algébrique du nombre complexe (x, y).
x est la partie réelle de z, et y est sa partie imaginaire.
On utilise les notations suivantes
x = Re(z)
y = Im(z)
C
Nous pouvons vérifier que tout élément non nul de admet un inverse.
Soit z = x + iy un nombre complexe. D’après la définition 6.2, sa norme
s’écrit
N(z) = x2 − αy 2
= x2 + y 2
et d’après le théorème 6.4, son inverse s’écrit
z −1 = N(z)−1 z̄
x
y
= 2
−i 2
2
x +y
x + y2
le dénominateur ne peut s’annuler que si x = y = 0, c’est à dire si z = 0.
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