DIARRHEES BACTERIENNES Dr E. Hodille, AHU Faculté de Médecine Lyon-Sud Charles Mérieux 21 Septembre 2015 Objectifs du cours Clinique et grands syndromes Pathogènes et physiopathologie : syndrome cholériforme syndrome dysentérique Principes de prise en charge individuelle et collective Objectifs du cours Clinique et grands syndromes Pathogènes et physiopathologie : syndrome cholériforme syndrome dysentérique Principes de prise en charge individuelle et collective Définition Clinique • Diarrhée = émission d’au moins 3 selles liquides et/ou molles par jour pertes hydro-électrolytiques • Toutes les diarrhées ne sont pas infectieuses ▫ Toutes les diarrhées infectieuses ne sont pas bactériennes (virale, parasitaires) Toutes les diarrhées bactériennes ne sont pas dues à des bactéries spécifiques (diarrhée par dysmicrobisme importance du microbiote intestinal) Définition clinique • Piège ▫ selle liquide ≠ diarrhée ▫ signes d’accompagnement enfant +++ (atteinte ORL) sepsis: pneumopathie, pyélonéphrite, paludisme… • Dans le monde ▫ 4ème cause de mortalité ▫ Dans les PED : diarrhée infectieuses responsables du tiers des décès par déshydratation Bactéries spécifiques : Deux mécanismes, deux syndromes Mécanisme toxinogène Mécanisme entéro-invasif toxine préformée ou produite in situ agit sur les entérocytes invasion / destruction de l’épithélium + inflammation Syndrome cholériforme Syndrome dysentérique selles aqueuses pas / peu de fièvre selles glairo-sanglantes fièvre Bactéries spécifiques : Deux mécanismes, deux syndromes Mécanisme toxinogène Mécanisme entéro-invasif toxine préformée ou produite in situ agit sur les entérocytes invasion / destruction de l’épithélium + inflammation Syndrome cholériforme Syndrome dysentérique selles aqueuses pas / peu de fièvre selles glairo-sanglantes fièvre Mécanisme cytotoxique Clostridium difficile E. coli enteropathogène (EPEC) Objectifs du cours Clinique et grands syndromes Pathogènes et physiopathologie syndrome cholériforme syndrome dysentérique Principes de prise en charge individuelle et collective Bactéries toxinogènes Syndrome cholériforme TOXINE PRODUITE IN SITU TOXINE PREFORMEE • La bactérie adhère à l’épithélium et produit localement la toxine • On peut rechercher la bactérie dans les selles • La toxine est présente dans l’aliment contaminé • Escherichia coli entérotoxinogène = ETEC (tourista) • Vibrio cholerae • Staphylococcus aureus • Bacillus cereus • Clostridium perfringens • On ne recherche pas la bactérie dans les selles TOXINE PRODUITE IN SITU • Adhésion à l’épithélium digestif • Synthèse de toxines : ENTEROTOXINE ▫ Perturbation du métabolisme des entérocytes (augmentation de la production d’AMPc et/ou GMPc) ▫ Excès de sécrétion aqueuse ETEC • Contamination par l’eau et nourriture souillée (réservoir : Homme) ▫ PVD : Cause majeure de diarrhée infantile ▫ PD : 1er cause de turista (diarrhée du voyageur) • Adhésion à l’épithélium digestif et production d’enterotoxine thermolabile / thermostable Nataro J P , Kaper J B Clin. Microbiol. Rev. 1998; doi: Choléra (Vibrio cholerae) BGN incurvés • Contamination par l’eau et nourriture contaminée (Réservoir : Homme, cas asymptomatiques fréquents) • Epidémiologie : estimation de 1,4 à 1,3 millions de cas en 2012 • Incubation courte : 1 à 5 jours • Symptômes : diarrhée aqueuse aigue sévère pouvant être fatale en quelques heures par déshydratation intense • Production d’une entérotoxine thermolabile Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique Mécanisme d’action de la toxine cholérique TOXINE PREFORMEE • Délai d’incubation court après le repas contaminant (1 à 4 heures) • Staphylococcus aureus ▫ Crème pâtissière • Bacilleus cereus ▫ Plats préparés, traiteurs (riz +++) • Clostridium perfringens ▫ Viandes en sauce Mécanisme cytotoxique : Clostridium difficile • Diarrhée post-antibiotiques (Infections liées aux soins) BGP anaérobie, sporulés ▫ Antibiotique : diminution de la résistance à la colonisation de C. difficile ▫ importance du microbiote intestinal • PAS DE CONTAMINATION ALIMENTAIRE ▫ Transmission interhumaine (Réservoir : Homme) règles d’hygiène • Pathologie liée à la production de toxines in situ, entérotoxine A et cytotoxine B ▫ Destruction des jonctions serrées des entérocytes réaction inflammatoire ▫ Clostridium difficile non toxinogène = non pathogène • Diagnostic : recherche des toxines responsables par PCR et test immunochromatographique Mécanisme cytotoxique : E. Coli entéropathogène (EPEC) • Contamination par ingestion d’eau ou d’aliment souillés, contamination inter-humaine (Réservoir : Homme et animal) ▫ PVD : Cause majeures de diarrhées infantiles ▫ PD : Petites épidémies enfants et adultes • Responsable de lésions d’adhésion/effacement Clarke S C et al. Clin. Microbiol. Rev. 2003 Objectifs du cours Clinique et grands syndromes Pathogènes et physiopathologie syndrome cholériforme syndrome dysentérique Principes de prise en charge individuelle et collective Bactéries entéro-invasives Syndrome dysentérique • Adhésion aux entérocytes • Invasion et destruction des cellules de la muqueuse colique ▫ Inflammation fièvre ▫ Glaires, sang et pus retrouvés dans les selles • Dose infectante élevée (>106 bactéries) ▫ ▫ ▫ ▫ Campylobacter Salmonella Yersinia enterocolitica E. coli entéroinvasive, EIEC • Dose infectante faible (10 bactéries) ▫ Shigella dysenteriae Shigella sp • 4 espèces : Shigella dysenteriae, flexneri, boydii, sonnei • Contamination féco-orale par eau ou nourriture contaminée (réservoir : Homme) ▫ PVD : épidémie explosive, plusieurs millions de cas annuel, mortalité 10% chez les enfants < 5 ans ▫ PD : incidence très faible, en France espèce Shigella sonnei et Shigella flexneri retrouvées majoritairement Destruction des entérocytes D’après A. Kerleguer, J. Maslin Même mécanisme physiopathologique pour EIEC. Salmonella sp Salmonelloses majeures • Fièvre typhoïde et paratyphoïdes S. typhi, paratyphi A, B, C • Epidémio : ▫ Féco-orale • Symptômes : ▫ Bactériémie avec sepsis sévère ▫ Signes neurologiques ▫ Diarrhées • Physiopathologie : bactéries résistant à la phagocytose après passage de la muqueuse digestive gagnent la circulation sanguine • Déclaration obligatoire Salmonelloses mineures Salmonella sp Salmonelloses majeures • Fièvre typhoïde et paratyphoïdes S. typhi, paratyphi A, B, C • Epidémio : ▫ Féco-orale • Symptômes : ▫ Bactériémie avec sepsis sévère ▫ Signes neurologiques ▫ Diarrhées • Physiopathologie : bactéries résistant à la phagocytose après passage de la muqueuse digestive gagnent la circulation sanguine • Déclaration obligatoire Salmonelloses mineures • Autres sérovars de Salmonella • Transmission par nourriture contaminée ▫ PD : Cause la plus fréquente de diarrhée bactérienne • Tableau de gastro-entérite fébrile • Physiopathologie : ▫ Pas de destruction des entérocytes Campylobacter sp • Contamination par ingestion d’aliment contaminé mal cuit ou cru ▫ Réservoir : tube intestinal des certains animaux, oiseaux pour C. jejuni, porc pour C. coli, bovins et ovins pour C. fetus • Tableau de gastro-entérite fébrile • Bactériémie possible si ID Yersinia enterolitica • Contamination par ingestion d’aliment (viande porc) contaminé mal cuit ou cru ▫ Réservoir : Porc • Tableau d’entérocolite Cas particulier de syndrome dysentérique : EHEC (E. coli entero-hémorragique) et SHU (syndrome Anémie hémolytique urémique) hémolytique mécanique • SHU : maladie gravissime (schizocytes) • Due à la production de shigatoxines SHU • Epidémiologie : Insuffisance Rénale Aigue Thrombopénie périphérique Essentiellement les enfants de moins de 2 ans Petites épidémies dans tous les pays du monde ou cas sporadiques ++ Contamination par nourriture contaminée Maladie des hamburgers SHU : physiopathologie Réponse inflammatoire, production de IL-8 Chimiotactisme PNN Transport par les PNN, plaquettes, GR Mort cellulaire Endothélium pro-coagulant proinflammatoire micro-thrombi - Thrombopénie périphérique - Anémie hémolytique mécanique (Schizocytes) - IRA Cellules Endothéliales rénales, intestinales, cérébrales : ↑ expression du Gb3 EHEC (E. coli entero-hémorragique) et SHU (syndrome hémolytique urémique) • Types particuliers d’E. coli : ▫ Classiquement O157:H7 (steacks hachés) ▫ Récemment O104:H4 (graines germées) • Diagnostic par PCR sur demande spécifique Diagnostic microbiologique Coproculture • Difficulté d’isoler un pathogène au milieu d’une flore variée ▫ utilisation de milieux sélectifs Identification présomptive • J0 : Examen direct à la recherche de mucus, sang, pus Ensemencement ▫ Recherche coproculture standard : Salmonelle (milieu Hektoen) Shigelle (milieu Hektoen, BCP) Campylobacter (milieu Karmali) Yersinia enterolitica (milieu CIN) Diagnostic microbiologique Coproculture • J1, Sur colonie suspecte : ▫ Identification du germe MALDI-TOF (spectrométrie de masse) Identification par des galeries biochimiques Sérotypage pour Salmonelle/Shigelle Salmonelle Campylobacter • J2/J3 : Antibiogramme Yersinia enterolitica Diagnostic microbiologique Demandes spécifiques • Diarrhée post-antibiotique : recherche de Clostridium difficile toxinogène directement à partir de l’échantillon de selle ▫ Test Immuno-chromatographique : recherche de l’antigène et des toxines ▫ Biologie moléculaire : recherche des gènes codants toxines (exemple : GenXpert) • Diarrhées sanglantes : recherche de SHU (EHEC) ▫ Recherche des gènes codant les shigatoxines (stx1, stx2) directement dans les selles par PCR Examen direct Sang +/- pus Shigella+++ EHEC Mucus +/- sang Salmonella+++ Campylobacter Yersinia C. difficile Virus Fécal puis eau de riz Virus+++ Toxine S. aureus Toxine C. perfringens Vibrio cholerae Bactérie Source Aliment Incubation Selle E. coli homme animal eau aliment variable variable coquillage, viande hachée, œufs, eau 0.5 à 2 jours variable Salmonella homme animal Shigella homme interhumaine 1 à 2 jours sang / leucos Yersinia porc viande 1 à 5 jours variable Vibrio homme eau contaminée eau, aliment, coquillage, homme 1 à 5 jours liquide, eau de riz Campylobacter animal volaille 1 à 3 jours sang Objectifs du cours Clinique et grands syndromes Pathogènes et physiopathologie : syndrome cholériforme syndrome dysentérique Principes de prise en charge individuelle et collective Critères de gravité Déshydratation > 8% du poids corporel Fièvre mal tolérée / sepsis Décompensation de co-morbidité Vomissements incoercibles Age < 3 mois Isolement social Critères de gravité Déshydratation > 8% du poids corporel Fièvre mal tolérée / sepsis Décompensation de co-morbidité Vomissements incoercibles Age < 3 mois Isolement social HOSPITALISATION PEC individuelle • Réhydratation • ATB indiqués devant ▫ Shigella ▫ Gravité • Si ATB : ▫ Azithromycine ▫ Céphalosporine 3ème génération ▫ Fluoroquinolone (adulte) PEC collective • DECLARATION ARS OBLIGATOIRE SI ▫ TIAC (Toxi-infection alimentaire collective) ▫ Fièvre typhoïde / paratyphoïde ▫ Choléra • Voir www.invs.sante.fr/surveillance/mdo/ • DECLARATION INVS ▫ SHU • Voir www.invs.sante.fr/surveillance/shu/ TIAC • Toxi-infection alimentaire collective (TIAC) ▫ Syndrome gastro-intestinal (diarrhée et/ou vomissement) ▫ Cas groupés (au moins 2 personnes), symptômes similaires, même repas ▫ nécessite une enquête de l’ARS • Agents responsables : ▫ TIAC d’incubation courte (1 à 4h) : toxines préformées de S. aureus, Bacillus cereus ▫ TIAC d’incubation longue (12 à 72h) : Salmonelle, Campylobacter,… Prévention • Vaccination disponible S. typhi (voyage) • Prévention du péril fécal (hygiène) • Prévention des TIAC : surveillance des aliments (services d’hygiène, services vétérinaires) Points essentiels • Contamination alimentaire ? Prise d’antibiotique ? • Syndrome cholériforme ▫ ▫ ▫ ▫ Mécanisme entérotoxinogène et entéropathogène Diarrhée liquide, pas ou peu de fièvre Pas de leucocytes dans les selles Toxine bactérienne, E. coli, V. cholerae ▫ ▫ ▫ ▫ Diarrhée avec pus, mucus, sang Fièvre Leucocytes dans les selles Shigella, Salmonella, Campylobacter, Yersinia, E. coli, C. difficile • Syndrome dysentérique • Coproculture (bactérie , toxines CD) +/- hémoculture • Réhydratation +++ • ATB non systématiques sauf Shigella ou forme sévère ▫ fluoroquinolones, C3G, azithromycine • Déclaration à l’ARS : TIAC, fièvre typhoïde, choléra Microbiote intestinal • Ensemble des micro-organismes qui colonisent le tube digestif humain ▫ 1 humain = 1014 bactéries dans tractus digestif (10 fois plus que de cellules eucaryotes) : côlon +++ ▫ Composition : un millier d’espèce/individu Firmicutes (Gram positif, Clostridium) 14 à 31% Bacteroidetes (Gram négatif, Bacteroides) 16 à 22% Actinobacteria (Bifidobacterium) 0,7 à 10% Entérobactéries, lactobacilles, streptocoques ▫ Diversité interindividuelle Nourriture Pays de naissance Âge … ▫ Etude par biologie moléculaire Etude métagénomique Microbiote intestinal • Rôle dans l’organisme ++++++ http://www.snfge.org/sites/default/files/S NFGE/Formation/chap-13_fondamentauxpathologie-digestive_octobre-2014.pdf Microbiote intestinal et pathologie • Thème de recherche en plein essor • A retenir : ▫ Relation microbiote/obésité ▫ Relation microbiote/dépression ▫ Relation microbiote/maladie inflammatoire de l’intestin ▫ Relation microbiote/allergie ▫ Microbiote : protection contre les diarrhées infectieuse (Clostridium difficile ++++) Application en thérapeutique : transplantation fécale [email protected]