N. Bazin L’Encéphale, 2006 ;
32 :
1099-101, cahier 4
S 1100
Les patients présentant des troubles thymiques mixtes
délirants vont présenter des thèmes variables soit con-
gruents à une humeur gaie, soit congruents à une humeur
triste.
NOTION DE TROUBLE PSYCHIATRIQUE INAUGURAL
Cette notion est particulièrement importante parce
qu’elle est déterminante pour le diagnostic, pour la prise
en charge, pour le traitement et pour le pronostic à court
et à long terme.
Il s’agit de distinguer deux situations très différentes :
celle dans laquelle il existe une maladie psychiatrique de
l’adulte, ancienne, connue, évoluant chez le sujet âgé et
celle dans laquelle on ne retrouve aucun antécédent psy-
chiatrique et dans laquelle donc il s’agit d’un trouble psy-
chiatrique inaugural.
Si on se situe dans le cadre d’une Maladie Maniaco-
Dépressive déjà connue, le diagnostic de décompensa-
tion thymique sera plus facilement évoqué, bien sûr après
avoir éliminé une étiologie somatique. Les questions
posées seront les mêmes que les questions que l’on se
pose à tout âge d’une Maladie Maniaco-Dépressive au
moment d’une rechute : choix du traitement de la crise
(traitement antidépresseur pour un épisode dépressif, trai-
tement neuroleptique ou thymorégulateur pour un épisode
maniaque), traitement thymorégulateur préventif à main-
tenir ou à changer, recherche du ou des facteurs déclen-
chant et/ou favorisant de la rechute…
Dans le cas de trouble psychiatrique inaugural, la pre-
mière démarche très importante est d’éliminer une patho-
logie somatique qui est là encore plus fréquemment
retrouvée que dans la situation clinique précédemment
évoquée.
Ensuite, une fois l’étiologie somatique éliminée, la
question posée est celle d’un éventuel diagnostic tardif de
Maladie Maniaco-Dépressive. Pour cela il convient de
reconstruire avec le patient et son entourage, l’histoire de
la maladie. Il n’est pas rare de retrouver chez des patients,
à l’occasion d’un épisode thymique survenant alors qu’ils
sont âgés, des antécédents d’épisodes dépressifs récur-
rents qui ont été diagnostiqués ou pas, traités ou pas,
éventuellement même de virage maniaque, d’hypomanie
ou d’instabilité de l’humeur. Tous ces éléments, s’ils sont
retrouvés à l’interrogatoire, permettent de reconstruire
une histoire de la maladie faisant penser à une Maladie
Maniaco-Dépressive et de poser tardivement un diagnos-
tic pour une maladie qui existait déjà à l’âge adulte. Les
questions qui se posent alors sont les mêmes que celles
que l’on se pose lors d’une MMD déjà diagnostiquée.
Parfois, la situation est plus véritablement celle d’un
trouble inaugural c’est-à-dire qu’on ne retrouve ni antécé-
dents psychiatriques, ni étiologie somatique. Le diagnos-
tic de MMD est alors posé : on parle de MMD à début tardif.
Très peu d’études nous renseignent sur ces formes tar-
dives de MMD, mais il semblerait qu’elles soient plus fré-
quentes chez les femmes, qu’on retrouverait moins sou-
vent des antécédents familiaux de MMD, et qu’elles soient
de plus mauvais pronostic avec une plus grande fré-
quence des décompensations (5) et des décompensa-
tions plus sévères nécessitant des hospitalisations plus
longues (3).
QUESTIONS POSÉES PAR LE VIEILLISSEMENT
D’UN PATIENT PRÉSENTANT UNE MMD
Premièrement la question des rechutes : il est classique
de dire que les Maladies Maniaco-Dépressives font de
moins en moins de rechutes, et que ces rechutes sont de
moins en moins riches sur le plan symptomatique. On a
vu qu’elles étaient plus souvent mixtes et plus souvent
délirantes. Néanmoins il ne faut pas négliger la possibilité
de survenue d’un épisode mélancolique ou d’un épisode
maniaque typiques chez les sujets âgés.
La deuxième question qui se pose est celle de l’enkys-
tement des délires. En effet, chez des patients qui ont,
durant leur vie adulte, présenté plusieurs épisodes thymi-
ques, en particulier lorsqu’ils ont présenté des épisodes
thymiques délirants et en particulier encore, lorsqu’ils ont
présenté des épisodes maniaques délirants, peut s’instal-
ler un délire enkysté. Ces patients ne reviennent pas à des
états intercritiques stables et asymptomatiques, mais pré-
sentent en intercritique (c’est-à-dire entre les épisodes
thymiques) des éléments délirants persistants qui sont en
général des éléments délirants peu invalidants, peu ver-
balisés, cachés par le patient à son entourage et ayant
finalement assez peu de conséquences. Ils ne remettent
pas en cause le diagnostic de MMD et ne nécessitent que
rarement un traitement spécifique.
La troisième question posée par les MMD qui vieillissent
est celle de l’évolution vers la démence. La question se
pose, on le sait, pour les épisodes dépressifs inauguraux
chez le sujet âgé avec un risque d’évolution vers la
démence important. La question se pose aussi pour les
patients qui ont une Maladie Maniaco-Dépressive et qui
vieillissent. Peu d’études encore nous permettent d’avoir
des données fiables sur une évolution éventuelle vers une
démence, mais l’expérience clinique semble aller dans ce
sens pour certains de nos patients (2).
CONCLUSION
La MMD justifie d’une prise en charge spécifique qui
ne peut se mettre en place que si l’on pose le diagnostic,
tant de décompensation aiguë (maniaque, dépressive ou
mixte), que de maladie de fond c’est-à-dire de MMD. C’est
en premier lieu la difficulté à laquelle nous sommes con-
frontés en psychiatrie du sujet âgé, conséquence de situa-
tions cliniques atypiques et/ou dans lesquelles les patho-
logies somatiques sont volontiers intriquées.
Dans le deuxième temps, les questions thérapeutiques
peuvent être complexes aussi. Les choix thérapeutiques
seront faits en fonction de la gène occasionnée par les
décompensations psychiatriques (intensité, fréquence,
gravité des troubles du comportement…) et de l’état