Les industriels chocolatiers Menier
à Noisiel
La chocolaterie Menier de Noisiel (Seine-et-Marne) témoigne du
développement d’une entreprise familiale liée à l’essor industriel et
urbain depuis le début du XIXe siècle. Ses différents bâtiments, classés
et habilités, sont des exemples d’architectures des XIXe
et
XXe
siècles (structure métallique, décors de briques émaillées, béton
Hennebique, etc.).
Ce dossier, constitué par le service d’animation du patrimoine de
Noisiel, Ville d’art et d’histoire, comprend :
• Raconte-moi l’ancienne usine de chocolat pages 2 à 13
Naissance et évolution de l’entreprise
Du moulin à l’usine, l’évolution du site
La fabrication du chocolat
Les timents classés monuments historiques
La réhabilitation
• Émile-Justin Menier (1826-1881) pages 14 à 17
• Généalogie de la famille Menier page 18
La cité ouvrière : petit lexique architectural pages 19 à 21
Lancienne mairie pages 22 à 25
Lécole à Noisiel autrefois pages 26 à 29
RACONTE –MOI L’ANCIENNE USINE DE CHOCOLAT
HISTOIRE DE L’ENTREPRISE MENIER
Jean Antoine Brutus Menier (1795-1853) :
naissance de l’entreprise
C’est après être entré au service de la pharmacie du Val de Grâce que
Jean Antoine Brutus Menier (JAB), originaire d’une famille commerçante
de Bourgueil, fonde son entreprise de droguerie. Ayant pour ambition
de fabriquer industriellement des poudres pharmaceutiques tout en
garantissant une qualité rarement avérée à cette époque, il va s’attacher à
moderniser sa production et à s’agrandir.
C’est ainsi qu’il décide en 1825 d’acheter le moulin hydraulique de Noi-
siel qui offre grâce à sa roue pendante, l’avantage d’un gain énergétique
supérieur aux meules à chevaux de sa petite fabrique parisienne.
La roue, en s’adaptant au niveau de la Marne, permet en effet une
production annuelle constante.
Emile Justin Menier (1826-1881) :
L’empire du chocolat
Succédant à la mort de son père en 1853, Emile Justin Menier (EJM)
oeuvre à l’essor ritable de l’empire industriel. Déplaçant la produc-
tion pharmaceutique à Saint Denis pour l’abandonner définitivement en
1867, EJM décide de orienter son entreprise pour se consacrer unique-
ment à la production de masse de chocolat.
Souhaitant n’être tributaire daucun intermédiaire, il entreprend dans les
années 1860 l’achat de terres au Nicaragua afin d’y cultiver des planta-
tions de cacaoyer. Le cacao ainsi produit est ramené en France par une
flotte de navires appartenant aux Menier. Parallèlement Menier se dote
d’une sucrerie à Roye dans la Somme, alimentée par les champs de bette-
raves à sucre seine-et-marnaises dont il se rend également propriétaire.
Les terrains alentours garantissent également la possibilité pour le droguiste de s’agrandir. Dès lors lusine ne
cessera d’évoluer, servant de base à la constitution de l’empire industriel de la famille Menier. Produit de luxe, le
chocolat est à l’époque recommandé pour ses qualités reconstituantes mais également utilisé dans la composition
de médicaments ou comme enrobage des pilules. Dès lors l’histoire du chocolat et celle de Noisiel se trouve intime-
ment liées.
Les difficultés d’approvisionnement en cacao à l’époque ne permet à JAB de faire du chocolat quune production
secondaire. Néanmoins attacà diffuser cette denrée en grand nombre, JAB lance en 1836 la tablette de chocolat
Menier , enveloppée dans le fameux papier jaune reproduisant les médailles récompensant la qualité des produits
Menier. Cette année marque également la naissance de la marque Menier, destinée à garantir la qualité et la prove-
nance de tous les produits Menier.
Au même moment l’usine de Noisiel subit les premières
grandes transformations. Souhaitant rationaliser la produc-
tion, il fait appel aux meilleurs ingénieurs et architectes tels
que Jules Saulnier, chargés de construire de nouveaux bâti-
ments, ordonnés selon un schéma qui suit le processus de
fabrication tout en le structurant. Emile Justin Menier, tou-
jours au fait des dernières inventions et entouré des meilleurs
scientifiques, introduit dans son usine, les dernières innova-
tions techniques du moment, quelles soient physiques, chimi-
ques ou architecturales, faisant de la chocolaterie de Noisiel,
une usine à la pointe du progrès.
La construction d’une usine à Londres (1870), l’achat d’un
entrepôt à New York et de comptoirs dans le monde entier
confirmeront la vocation internationale de l’entreprise.
DOSSIER N°2
2
HISTOIRE DE L’ENTREPRISE MENIER
L’apogée de l’entreprise Menier :
Henri et Gaston Menier
Jusqu’à la veille de la première guerre mondiale, l’entreprise poursuit sa
croissance, les fils Menier s’appliquant à perfectionner sans cesse la chaîne
de production en introduisant de nouvelles machines, comme en réorgani-
sant les circuits d’approvisionnement en matières premières.
1893 représente sans doute l’apogée de l’entreprise, date à laquelle l’usine de
Noisiel est consacrée, lors de l’Exposition Universelle de Chicago, plus
grande chocolaterie du Monde en terme de production.
Autre signe de croissance : la publicité. Si JAB et EJM avaient déjà compris
l’intérêt de celle-ci, ce sont les fils Menier qui lui donneront un ritable im-
pact tout en systématisant son emploi par un maillage sans précédent sur
tout le territoire. Ils seront également parmi les premiers à lui donner autant
de force en identifiant leurs produits à une image simple et efficace, la
« petite fille » (dessinée par Bouisset en 1892), celle-ci devenant l’ambassa-
drice de la marque dans le monde entier.
Les expositions universelles seront également l’occasion d’affirmer leur
puissance grâce à des mises en scène spectaculaires, relayées par la mise en
place d’un tourisme industriel, faisant de lusine de Noisiel un véritable outil
de communication. La construction de nouveaux bâtiments comme la Cathé-
drale, au but du XXème siècle, en sera le reflet.
1914-1959 :
La mort de l’aîné Henri en 1913, place son cadet Gaston à la tête
de l’entreprise, jusqu’à son décès en 1934.
Malgré la construction de nouveaux bâtiments et les effets d’une
stratégie publicitaire présente sur tous les fronts, l’entreprise
familiale se trouve confrontée au lendemain de la guerre à un
contexte économique marqué par une concurrence accrue des
chocolateries étrangères, une stagnation durable de la consom-
mation et, plus encore, par une évolution de la demande à
laquelle l’entreprise peinera à répondre.
Si les années 20 et 30 sont marquées par le lancement d’une
gamme rénovée de produits, soutenue par des stratégies publici-
taires renouvelées, la modernisation trop tardive du matériel et
le manque d’attachement à la quali allaient avoir raison des
efforts de redressement de l’entreprise, fragilisée par le décès de
Gaston Menier.
Tournant au ralenti durant la seconde guerre mondiale, l’entre-
prise retrouvera une vigueur toute relative dans les années 50,
après de longues années de pénuries.
Après 1959 :
En pit d’une nouvelle stratégie amorcée dès 1954 , basée sur le marketing et 3 plans de modernisation des équipements
qui entraînèrent d’importantes vagues de licenciements, les chiffres exponentiels du déficit sonnèrent le glas des espéran-
ces de redressement de l’entreprise familiale.
Après le départ des Menier en 1959, l’usine de Noisiel, témoin contemporain d’un mouvement durable de concentration
industrielle, se trouve ballottée dun repreneur à l’autre : Cacao Barry (1960), Ufico-Perrier (1965), puis
Rowntree Mackintosh (1975).
En 1988, enfin, le groupe Nestlé, en rachetant Rowntree devient propriétaire de la marque Menier ainsi que de l’usine de
Noisiel. Les mesures de protection au titre des Monuments Historiques engagées en 1986 et 1992 évitèrent des destruc-
tions inconsidérées. Néanmoins l’usine ferme finitivement ses portes en 1991, la production étant déplacée à Dijon,
avant de s’offrir une nouvelle jeunesse en accueillant, après une réhabilitation exemplaire, le siège social de Nestlé
France dès 1996.
Henri Menier (1853-1913)
Gaston Menier (1855-1934)
3
EVOLUTION DU SITE DE L’USINE
Du moulin à l’usine :
Lorsque JAB arrive à Noisiel en 1825, il y trouve un village comportant un port et un moulin qui, s’il n’était doté d’une roue pen-
dante, ressemblerait à tant d’autres.
Il décide alors dy transplanter son activité parisienne de fabrication de poudres pharmaceutiques, achète un fonds de
chocolaterie dans la région et poursuit l’activité de meunerie originelle. Les 3 étages du moulin permettent à ces activités de
rester séparées. En 1842 le moulin est agrandi accompagnant ainsi l’augmentation de la production.
A la mort de JAB, son fils EJM acquiert des terrains face à l’usine auprès du duc de Levis pour y construire un hôtel particulier,
« le petit château », dominant le site usinier.
Le moulin est une nouvelle fois agrandi en 1855 et la production d’énergie améliorée par le remplacement de la roue pendante par
des turbines à hélices Girard.
200 personnes réparties entre l’usine et le siège social à Paris sont alors employées par EJM.
A partir de 1860, la production pharmaceutique déménage à
Saint Denis et permet à Menier de gagner de la place pour
développer comme il le souhaite la production chocolatière.
En effet, à partir de 1860, il étend le site usinier afin de re-
construire l’usine sur un plan nouveau, occupant bientôt
tout le terrain de l’ancien village. Jules Saulnier, architecte-
ingénieur, aménage à sa demande, pour le personnel, des
logements qui s’avèreront rapidement insuffisants.
Le village originel de Noisiel disparaîtra bientôt définitive-
ment pour renaître quelques centaines de mètres plus loin
sous une nouvelle forme, celle dune cité ouvrière.
La mairie lavoir offerte à la commune en 1861 par EJM, cons-
truite sur un terrain mitoyen de l’usine constituera jusqu’en
1899, date de sa destruction, l’une des dernières traces de
l’ancien village.
A partir de 1864, Jules Saulnier conçoit de nouveaux
bâtiments, ordonnés selon un processus qui suit le
déroulement de la fabrication et le structure, le ratio-
nalise.
Pour suppléer l’énergie hydraulique en régime de
basses eaux, EJM fait également ajouter une chau-
dière à vapeur avec une élégante cheminée en bri-
ques (aujourd’hui détruite) qui en est le symbole.
La mise en place d’un barrage en 1869 permettra
d’accroître la puissance des turbines du moulin qui
sera reconstruit par Jules Saulnier en 1872.
Après les grands travaux menés par ce dernier,
l’usine subit de nouvelles transformations sous la
conduite de Jules Logre et de son fils Louis, archi-
tecte.
L’une des grandes améliorations des années 1880 est sans
conteste le raccordement de l’usine au réseau ferré natio-
nal par un chemin de fer reliant l’usine à l’échangeur
d’Emerainville (1881).
Cette amélioration se répercuta et se prolongea à l’intérieur
de l’usine, par l’installation d’un réseau de voies étroites
reliant les ateliers entre eux (1889) mais également, par une
réorganisation spatiale toujours plus rationnelle. De nou-
veaux espaces de stockage sont créés en amont et couverts
d’une verrière permettant de décharger les matières premiè-
res à l’abri des intempéries . Celles-ci sont également ache-
minées par péniches accostant sur les 500 m de quais amé-
nagés à cette époque.
Des améliorations sont aussi apportées à la phase délicate
du refroidissement des tablettes :
Une halle métallique construite vers 1882-83 abrite désor-
mais de nouvelles machines produisant de l’air froid :
la halle des refroidisseurs.
4
EVOLUTION DU SITE DE L’USINE
Au tournant du XXème siècle, la production chocolatière
ne cessant de s’accroître, les Menier décident de construire
un nouveau bâtiment pour le mélange du sucre et du ca-
cao, opération auparavant effectuée dans le moulin.
Implantée sur l’île à l’emplacement d’une usine à gaz qui
sera détruite, la nouvelle chocolaterie, surnommée par les
ouvriers la Cathédrale , sera reliée aux ateliers de dressage
et empaquetage sur l’autre rive, par un pont couvert d’une
verrière : le pont Hardi.
Afin de conserver son hégémonie, largement entamée par
des concurrents étrangers sur un marché en cours de diver-
sification, lentreprise procède dès le début du XXème siè-
cle à l’étoffement de son catalogue, en proposant notam-
ment des produits nouveaux tels que les confiseries. Ceux-
ci sont alors fabriqués dans un nouveau timent cons-
truit dans les années 1920 sur lîle, près de la
Cathédrale et de l’imprimerie.
Dans les années qui suivent le départ des Menier en 1959, l’usine est peu à peu désaffectée et seuls quelques ate-
liers conserveront une activi, sous la direction de la société Rowntree Mackintosh.
La lente agonie de l’usine est bientôt stoppée par la reconnaissance de la richesse patrimoniale et historique du site.
Parallèlement, la prise de conscience nationale de l’intérêt de préserver, conserver, voire réhabiliter le patrimoine
industriel, permet à certains bâtiments de l’ancienne chocolaterie de faire l’objet de procédures de protection par
leur inscription sur linventaire supplémentaire des Monuments Historiques ou leur classement. Ce fut le cas de la
halle des refroidisseurs, de la Cathédrale et du Pont Hardi ainsi que du moulin Saulnier.
Après le rachat de Rowntree par Nestlé en 1988, le site de la chocolaterie tombe naturellement dans le panier de la
multinationale suisse, qui décide en 1991, l’arrêt total de l’activité de l’usine.
De nombreuses inquiétudes quant à l’avenir du site se font jour. Acteurs locaux et amoureux du patrimoine se
voient proposer de nombreux projets, notamment de complexes touristiques et hôteliers. Cependant, la direction de
Nestlé France à la recherche d’un site installer son siège social et réunir l’ensemble des unités opérationnelles
du groupe propose de s’y réinstaller, d’une tout autre manière. (voir chapitre sur la réhabilitation)
Le bruit des grues remplace bientôt celui des machines de la chocolaterie pour faire de l’usine une des réhabilita-
tions les plus exemplaires du moment, menée par le cabinet d’architectes Reichen et Robert.
De nombreux éléments parasites sont abattus (cheminée, centrale thermique), certains bâtiments, désormais
inadaptés sont totalement vidés et réaménagés, tandis que les édifices les plus somptueux, sont minutieusement
nettoyés et restaurés (le moulin, la halle des refroidisseurs, la Cathédrale). Tout en respectant l’environnement
végétal et architectural du site, de nouveaux bâtiments, d’un aspect résolument moderne, sont ajoutés, achevant de
replacer l’usine dans notre époque.
Pendant la seconde guerre mondiale, les ate-
liers sont partagés afin d’accueillir l’empa-
quetage de tabac et la fabrication de tisanes
venus s’ajouter à celle du chocolat, afin de
compenser une baisse inéluctable de la
consommation durant le conflit.
Si l’entreprise retrouve une certaine crois-
sance après la guerre, certains bâtiments
comme la Cathédrale, bien quépargnés par
les destructions de la guerre, n’en seront pas
moins désaffectés, victime de la perte des
parts de marcdu chocolat Menier. L’usine
est bientôt en surcapacité de production face à
une diminution de la demande, entraînant les
premières vagues massives de licenciements.
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