20 Théorème de Rolle et égalité des accroissements finis

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Théorème de Rolle et égalité des
accroissements finis. Applications
20.1 Le théorème de Rolle sur un espace vectoriel normé
Pour ce paragraphe, on se donne un espace vectoriel normé (E, k·k).
Le théorème de Rolle est basé sur les deux théorèmes suivants, relatifs à des problèmes
d’extremum.
Théorème 20.1 Si Kest un compact de Eet fune fonction continue Kdans R,elle est
alors bornée et atteint ses bornes, c’est-à-dire qu’il existe αet βdans Ktels que :
f(α) = inf
xKf(x), f (β) = sup
xK
f(x).
Théorème 20.2 Si Oest un ouvert non vide de Eet fune fonction de Odans Rdifférentiable
en un point α∈ O et admettant un extremum local en αalors df (α) = 0.
Théorème 20.3 (Rolle) Soient Kun compact de Ed’intérieur non vide, fune fonction
continue de Kdans Rdifférentiable sur l’intérieur de Ket constante sur la frontière de K,
Fr (K) = K\
K. Il existe alors un élément c
Ktel que df (c) = 0.
Démonstration. Si fest constante, alors sa différentielle est nulle.
On suppose donc fnon constante.
La fonction fétant continue sur le compact Kest bornée et atteint ses bornes, c’est-à-dire
qu’il existe α, β dans Ktels que f(α) = inf
xKf(x)et f(β) = sup
xK
f(x).Si α, β sont dans Fr (K)
on a alors f(α)f(x)f(β) = f(α)pour tout xKet fest constante contrairement à
l’hypothèse de départ, on a donc α
Kou β
K, ce qui entraîne df (α) = 0 ou df (β) = 0.
La classique version réelle de ce théorème est la suivante.
Théorème 20.4 (Rolle) Si fest une fonction à valeurs réelles définie sur un intervalle com-
pact [a, b]non réduit à un point, continue sur cet intervalle et dérivable sur l’intervalle ouvert
]a, b[avec f(a) = f(b),il existe alors un point c]a, b[tel que f0(c) = 0.
Remarque 20.1 Il n’y a pas, a priori, unicité du point ctel que f0(c) = 0 (figure 20.1).
Remarque 20.2 La fonction x7→ 1x2sur [1,1] nous donne un exemple de situation où
fn’est pas dérivable au bord (figure 20.2).
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416 Théorème de Rolle et égalité des accroissements finis. Applications
Fig. 20.1 – y= sin (x)
11
1
Fig. 20.2 – y=1x2
Remarque 20.3 Le théorème n’est plus vrai si fn’est pas continue au bord comme le montre
l’exemple de la fonction fdéfinie par f(x) = xsur ]0,1] et f(0) = 1 (figure 20.3).
Remarque 20.4 Le théorème n’est plus vrai si fn’est pas dérivable sur ]a, b[tout entier comme
le montre l’exemple de la fonction fdéfinie par f(x) = |x|sur [1,1] (figure 20.4).
Le théorème de Rolle pour les fonctions d’une variable réelle est encore valable sur une
demi-droite fermée. Précisément on a le résultat suivant.
Théorème 20.5 Si fest une fonction à valeurs réelles définie sur un intervalle fermé [a, +[,
continue sur cet intervalle et dérivable sur l’intervalle ouvert ]a, +[avec lim
x+f(x) = f(a),
il existe alors un point c]a, +[tel que f0(c) = 0.
Démonstration. Le changement de variable t=exnous ramène à un intervalle compact.
On définit donc la fonction gsur [0, ea]par :
g(t) = ½f(ln (t)) si t]0, ea],
f(a)si t= 0.
Le théorème de Rolle sur un espace vectoriel normé 417
11
1
Fig. 20.3 –
11
1
Fig. 20.4 – y=|x|
Cette fonction est continue sur ]0, ea]comme composée de fonctions continues et avec lim
t0g(t) =
lim
x+f(x) = f(a),on déduit qu’elle est continue en a. Elle est dérivable sur ]0, ea[avec
g0(t) = f0(ln (t))
t.
Enfin avec g(0) = g(ea) = f(a),on peut utiliser le théorème de Rolle pour dire qu’il existe
d]0, ea[tel que g0(d) = 0 et c=ln (d)]a, +[est tel que f0(c) = 0.
On peut aussi utiliser la fonction gdéfinie sur h0,π
2ipar :
g(t) =
f(a+ tan (t)) si th0,π
2h,
f(a)si t=π
2.
Cette fonction est continue sur h0,π
2hcomme composée de fonctions continues et avec lim
tπ
2
g(t) =
lim
x+f(x) = f(a),on déduit qu’elle est continue en π
2.Elle est dérivable sur i0,π
2havec
g0(t) = (1 + tan2(t)) f0(a+ tan (t)) .Enfin avec g(0) = g³π
2´=f(a),on peut utiliser le
théorème de Rolle pour dire qu’il existe di0,π
2htel que g0(d) = 0 et c=a+tan (d)]a, +[
est tel que f0(c) = 0.
On a également le résultat suivant pour les fonctions définies sur R.
418 Théorème de Rolle et égalité des accroissements finis. Applications
Théorème 20.6 Si f:RRest dérivable avec lim
x→−∞ f(x) = lim
x+f(x),alors il existe c
dans Rtel que f0(c) = 0.
Démonstration. Le changement de variable t= arctan (x)nous ramène à un intervalle
compact.
On définit la fonction gsur hπ
2,π
2ipar :
g(t) =
f(tan (t)) si tiπ
2,π
2h,
`= lim
x→±∞ f(x)si t=±π
2.
Cette fonction est continue sur iπ
2,π
2hcomme composée de fonctions continues et avec
lim
t→±π
2
g(t) = lim
x→±∞ f(x) = `, on déduit qu’elle est continue en ±π
2.Elle est dérivable sur
iπ
2,π
2havec g0(t) = (1 + tan2(t)) f0(tan (t)) .Le théorème de Rolle nous dit alors qu’il existe
diπ
2,π
2htel que g0(d) = 0 et c= tan (d)est tel que f0(c) = 0.
La version itérée suivante du théorème de Rolle est souvent utile (voir l’interpolation de
Lagrange et les polynômes orthogonaux).
Théorème 20.7 Si fest une fonction à valeurs réelles de classe Cmsur un intervalle réel I,
mest un entier naturel, qui s’annule en m+ 1 points de Idistincts, alors il existe un point
cdans Itel que f(m)(c) = 0.
Démonstration. Si m= 0 le résultat est évident. On suppose donc que mest non nul.
Si a, b sont deux racines distinctes de f, le théorème de Rolle nous dit alors qu’entre ces deux
racines il existe une racine de f0.On en déduit que la fonction f0admet mracines distinctes
dans I. Une récurrence finie nous permet alors de montrer que la dérivée d’ordre m, f(m)admet
au moins une racine dans I.
On peut donner une démonstration du théorème de Rolle basée sur un principe de dichotomie
(voir [66]).
20.2 Applications du théorème de Rolle
Le théorème de Rolle est important pour ses nombreuses applications.
20.2.1 Quelques exercices classiques
Exercice 20.1 Soient f, g deux fonctions à valeurs réelles non nulles, continues sur [a, b],
dérivables sur ]a, b[,avec f(a)g(b) = f(b)g(a).Montrer qu’il existe un réel c]a, b[tel que
f0(c)
f(c)=g0(c)
g(c).
Solution 20.1 La fonction hdéfinie sur [a, b]par g(x) = f(x)
g(x)est continue sur [a, b],dérivable
sur ]a, b[avec :
h0(x) = g(x)f0(x)f(x)g0(x)
g(x)2,
h(a) = h(b).
Applications du théorème de Rolle 419
Le théorème de Rolle nous dit alors qu’il existe un réel c]a, b[tel que g0(c) = 0,ce qui équivaut
àf0(c)
f(c)=g0(c)
g(c).
Pour gconstante égale à 1,on retrouve le théorème de Rolle.
Exercice 20.2 Montrer que si f: [0,1] Rest telle que Z1
0
f(t)dt =1
2,alors fa un point
fixe dans ]0,1[ .
Solution 20.2 La fonction gdéfinie sur [0,1] par g(x) = Zx
0
f(t)dt x2
2est continue sur
[0,1] ,dérivable sur ]0,1[ avec g(0) = g(1) = 0.Le théorème de Rolle nous dit alors qu’il existe
c]0,1[ tel que g0(c) = 0,ce qui signifie f(c) = c.
20.2.2 Sur les racines de polynômes réels
Théorème 20.8 Si Pest un polynôme réel de degré n2scindé sur Ralors il en est de
même de son polynôme dérivé.
Précisément si λ1< λ2<··· < λpsont les racines réelles distinctes de Pavec p2,la racine
λjétant de multiplicité mj1(p
P
j=1
mj=n), alors le polynôme dérivé P0admet les réels λj
pour racines de multiplicités respectives mj1,pour 1jp(une multiplicité nulle signifie
que λjn’est pas racine de P0) et des racines simples µj]λj, λj+1[pour 1jp1.
Démonstration. Pour j∈ {1,··· , p}tel que mj2, λjest racine d’ordre mj1du
polynôme P0.Ce qui donne p
P
j=1
(mj1) = npracines réelles pour P0.D’autre part, le
théorème de Rolle nous dit que pour tout jdans {1,··· , p 1}il existe µj]λj+1, λj[tel que
P0(µj) = 0,ce qui donne p1racines réelles supplémentaires et distinctes pour P0.On a donc
un total de n1racines réelles pour P0et les µjsont nécessairement simples.
On peut remarquer que toutes les racines de P0sont dans l’intervalle [λ1, λp].
De manière plus générale, si Pest un polynôme non constant à coefficients complexes, alors
les racines du polynôme dérivé P0sont dans l’enveloppe convexe de l’ensemble des racines de
P(théorème de Lucas).
Exercice 20.3 Soient n2, a, b réels et P(x) = xn+ax +b. Montrer que si nest pair alors
Pa0,1ou 2racines réelles et si nest impair alors Pa1,2ou 3racines réelles.
Solution 20.3 On utilise la conséquence suivante du théorème de Rolle : si fest une fonction
dérivable sur un intervalle Iet à valeurs réelles telle que f0admette exactement pracines réelles
distinctes avec p0,alors fa au plus p+ 1 racines réelles distinctes. En effet, si fap+ 2
racines réelles λ1< λ2<··· < λp+2,le théorème de Rolle nous assure l’existence d’au moins
une racine réelle sur chaque intervalle ]λk, λk+1[pour kcompris entre 1et p+ 1,ce qui donne
au moins p+ 1 racines distinctes pour f0.
Supposons npair. On a alors P00 (x) = n(n1) xn2>0pour tout réel non nul xet P0est
strictement croissante sur Rde degré impair, elle s’annule donc une fois (théorème des valeurs
intermédiaires) et une seule (P0est injective). Avec le théorème de Rolle on déduit alors que P
s’annule au plus 2fois.
Supposons nimpair. Alors P0est strictement décroissante sur ]−∞,0[ ,strictement croissante
sur ]0,+[,avec P0(0) = a. Il résulte que P0a2racines réelles ρet ρ > 0si a < 0,0pour
unique racine réelle si a= 0 et pas de racine réelle si a > 0.Avec la théorème de Rolle, on
duit alors que Pa au plus 3racines réelles.
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