Les médicaments actuels de la démence – Dr Olivier Matinaud, Pr

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Département de neurologie
CMRR
Les médicaments actuels de la démence – Dr Olivier
Matinaud, Pr Didier Hannequin
Contact : Olivier.[email protected]
Le traitement des démences a fait l'objet d'avis d'experts colligés au sein d'un rapport parlementaire (1)
reprenant les recommandations de l'American Psychiatric Association (APA) (2), enrichies de données
concernant de nouvelles molécules utilisées dans la prise en charge globale du syndrome démentiel.
L'objectif de cet article est de présenter les stratégies thérapeutiques actuelles concernant la MA et les
autres formes de démences, en se référant aux autorisations de mise sur le marché (AMM) et aux avis
d'experts en l'absence de consensus.
I- Traitement médicamenteux de la maladie d'Alzheimer
On distingue les traitements 'spécifiques' des troubles cognitifs de la MA et les traitements symptomatiques
des troubles comportementaux et de l'humeur.
I-1. Traitement 'spécifiques'.
L'"hypothèse cholinergique" a permis le développement de la première classe médicamenteuse
disponible pour le traitement de la MA : les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase (IAChE). Selon cette
théorie, la destruction des neurones cholinergiques responsables du déficit de transmission cholinergique
centrale rendrait compte pour une bonne part des caractéristiques de la maladie. Les IAChE contribuent au
maintien de l'activité cholinergique en diminuant la dégradation d'acétylcholine et ont montré un effet
modeste mais significatif sur le ralentissement de l'évolution de la maladie. Trois molécules sont
disponibles en France (table 1). Leur efficacité a été démontrée contre placebo sur la plus lente
dégradation des fonctions cognitives et de l'autonomie, l'allongement du délai d'apparition des troubles du
comportement, la diminution de leur fréquence et de leur intensité, et une entrée plus tardive en institution
(1). Ce bénéfice a été obtenu dans les stades léger à modéré de la MA mais se maintiendrait dans les
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formes sévères (3). Les 3 IAChE ont donc obtenu l'AMM en cas de MA avec un score au Mini Mental State
(MMS) entre 10 et 26 (table 1). Peu d'études ont comparé directement l'efficacité des trois IAChE mais il
semblerait qu'ils soient globalement semblables, au moins à court terme, c'est à dire 3 mois (4). Sur le plan
pharmacologique en revanche, il existe des différences d'action (table 1) : outre l'effet commun sur
l'acétylcholinestérase, la rivastigmine agit également sur la butyrylcholinestérase et la galantamine se
lierait quant à elle à un site allostérique des récepteurs nocotiniques de l'acétylcholine. Le donépézil se
prend en une seule fois le soir avant le coucher; la rivastigimine se donne matin et soir au moment des
repas et la galantamine sous forme à libération prolongée s'administre en une fois le matin de préférence
avec de la nourriture. L'essentiel des effets indésirables comprend les troubles digestifs (nausées,
vomissements, diarrhée), l'anorexie, les céphalées, la rhinorrhée, l'aggravation d'une incontinence urinaire
et l'asthénie. En règle, les effets indésirables digestifs disparaissent après quelques jours bien qu'il soit
parfois nécessaire d'associer des traitements anti-nauséeux ou anti-diarrhéique. Leur fréquence serait de 1
à 18 % supérieure à celle observée sous placebo en fonction des études et de la molécule (1). La
surveillance du poids est essentielle compte-tenu du risque d'anorexie sous IAChE. Il n' y a en revanche
pas d'intolérance croisée, les effets secondaires pouvant survenir avec l'une des molécules et pas les
autres. Il est important de prévenir le patient du risque d'intolérance dans les premiers jours mais de la
nécessité de ne pas interrompre le traitement. Si celui-ci doit être arrêté plusieurs jours, il doit alors être
repris à la dose initiale et à nouveau titré. La prescription initiale doit être faite par un spécialiste
(neurologue, gériatre, psychiatre ou un médecin spécialiste en médecine générale titulaire de la capacité
de gérontologie) mais le renouvellement peut être fait par un généraliste dans l'année qui suit.
L'insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 9 ml/mn) contre-indique la galantamine, ainsi que
l'insuffisance hépatique sévère (score de Child-Pugh > 9) qui contre-indique également la rivastigmine. La
posologie de la rivastigmine doit être adaptée en cas d'insuffisance rénale, même si elle est légère à
modérée. Par ailleurs, il convient de prendre en compte les rares effets bradycardisants, en particulier en
cas d'anomalies de conduction supra-ventriculaire. Il semble donc utile de réaliser au moins un
électrocardiogramme avant prescription. Il est aussi recommandé de prescrire les IAChE avec précaution
en cas d'obstacle urétro-prostatique, d'asthme ou de maladie pulmonaire obstructive (5). Enfin, les
médicaments avec activité anti-cholinergique doivent être proscrits compte-tenu des interactions délétères
avec les IAChE. Cet antagonisme n'est pas suffisamment pris en compte car une étude a montré que près
du tiers de patients traités présenteraient une telle association (6). On citera en particulier les
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antidépresseurs tricycliques, certains produits prescrits dans l'incontinence (oxybutynine par exemple) ou
anti-nauséeux (métoclopramide ou métopimazine).
Une autre molécule, la mémantine, modulateur des récepteurs NMDA agissant sur le glutamate,
a prouvé son efficacité dans la MA à des stades plus évolués, modérément sévères à sévères (table 1). Sa
tolérance est bonne bien que l'on puisse parfois observer des vertiges (6,3% versus 5,6% sous placebo),
des céphalées (5,2% versus 3,9%), une asthénie (3,4% versus 2,2%) et plus rarement (< 1%) une
confusion ou des hallucinations. Une étude a montré l'intérêt d'ajouter la mémantine chez des patients
ayant une MA dans les formes modérément sévères à sévères et traités depuis au moins 6 mois par
donépézil (7). Il est recommandé d'être prudent en cas d'insuffisance rénale sévère, d'antécédents
d'épilepsie, d'infarctus du myocarde récent, d'insuffisance cardiaque décompensée, d'hypertension
artérielle non contrôlée, ou de prise concomitante d'antagoniste NMDA (amantadine, kétamine ou
dextrométhorphane) (5).
I-2. Traitement symptomatiques.
Il est possible de recourir à plusieurs classes médicamenteuses différentes : les benzodiazépines
(BZD), les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), les thymorégulateurs, les
neuroleptiques typiques et atypiques. L'utilisation de psychotropes au long cours ne concerne que ce qu'il
est actuellement convenu d'appeler les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence
(SCPD) (3). Toute modification comportementale nécessite d'avoir d'abord éliminé une autre cause
organique, iatrogène ou environnementale pouvant expliquer les troubles avant de se résoudre à
l'utilisation de thérapeutiques médicamenteuses. Par ailleurs, les techniques de relaxation, la simulation de
la présence d'un proche, l'aménagement des lieux de vie, et surtout l'adoption de règles de vie pratique,
telles que horaires fixes ou promenades régulières, contribuent à diminuer les troubles du comportement,
en particulier les troubles du sommeil et la déambulation (8). Les IAChE sont efficaces dans le traitement
des SCPD. Chez un patient sous IAChE, il est donc important de s'assurer qu'il bénéficie de la dose
maximale tolérable avant d'utiliser une autre classe thérapeutique.
L'anxiété peut être diminuée grâce aux BZD mais leur prescription doit être limitée à une situation
aiguë et à quelques jours au maximum afin de diminuer les risques de chutes et de dégradation cognitive.
Le diazépam (Valium) est utilisé jusqu'à la dose de 30 mg par jour (à raison de 0,1 à 0,2 mg/kg jusqu’à 4
fois par jour), ainsi que le clorazepate dipotassique (Tranxène) de 20 à 90 mg (9). Il est nécessaire de
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surveiller le risque de troubles respiratoires et d'adapter les doses au poids et à l'âge du patient. Il est tout
particulièrement recommandé chez le sujet âgé de diminuer les posologies initiales de moitié et de
privilégier les substances d'action intermédiaire et sans métabolite actif (10). L'oxazepam (Seresta) est
ainsi utilisable à faible dose jusqu'à 20 mg (11).
Il existe des perturbations des rythmes circadiens responsables de troubles du sommeil dans la
MA. Ceux-ci peuvent être favorisés par la prise d'IAChE le soir, administration qui ne respecte pas les
données physiologiques liées aux fluctuations nycthémérales de la transmission cholinergique (12). En cas
d'insomnie chez des patients sous donépézil, il est licite d'essayer de prendre ce médicament le matin. Par
ailleurs, la forme à libération prolongée de la galantamine permettrait d'éviter les pics de taux
d'acétylcholine en fin de journée, ce qui réduirait le risque de troubles du sommeil. Si l'utilisation de
somnifère s'avère néanmoins indispensable, on privilégiera l'utilisation de zopiclone (Imovane) ou de
zolpidem (Stilnox) (10).
L'efficacité des IRS a été démontrée non seulement sur la tristesse de l'humeur, l'irritabilité et la
peur, mais aussi sur l'hostilité et les idées délirantes (3). Cela semble surtout vérifié avec le citalopram
(Seropram) qui est recommandé aux doses de 20 à 40 mg/j, et qui existe également en solution buvable
(4mg pour 0,1ml) (13). La sertraline (Zoloft) est surtout efficace sur la dépression et la tristesse (13). Ces
produits semblent globalement bien tolérés bien qu'il soit exceptionnellement rapporté des syndromes
extrapyramidaux et qu'il faille surveiller le risque d'hyponatrémie. L'utilisation des antidépresseurs
tricycliques est en revanche délétère dans la MA compte-tenu de leur effet anticholinergique. De même, la
fluoxetine (Prozac) et la paroxetine (Deroxat) sont à éviter pour leur action inhibitrice sur le métabolisme du
donépézil et de la galantamine par inhibition du cytochrome P2D6 (3). La poursuite de la galantamine est
possible mais en réduisant les doses (5). En revanche, cette interaction ne concerne pas la rivastigmine
pour laquelle les isoenzymes principales du cytochrome P450 ne participent que de façon mineure au
métabolisme (5).
Les thymorégulateurs, avec en premier lieu la carbamazepine (Tégrétol) et l'acide valproïque
(Dépamide ou Dépakote), pourraient diminuer l'agitation et l'agressivité (3) mais cela a été discuté (13) et
au prix d'effets secondaires et d'interactions médicamenteuses rendant leur utilisation délicate dans la MA,
en particulier concernant la carbamazepine.
Concernant les neuroleptiques, les formes classiques sont à proscrire compte tenu de leur faible
efficacité et de leurs fréquents effets secondaires à type de somnolence et de syndrome extrapyramidal (2,
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3, 13, 14). Les neuroleptiques dits atypiques sont donc préférentiellement utilisés mais à réserver aux
seules manifestations psychotiques (10) à cause de leur effet délétère sur les fonctions cognitives, du
risque de syndrome malin mais aussi des risques cardiovasculaires, en particulier d'accident vasculaire
cérébral (15). La risperdone (Risperdal) est surtout efficace sur l'agressivité mais moins à faible dose, c'est
à dire 0,5mg, sur les hallucinations, tandis que l'olanzapine (Zyprexa) l'est sur les manifestations
psychotiques dès la dose de 5mg par jour (3). L'effet secondaire principal fréquent des deux molécules est
la somnolence (12,2% pour la risperidone entre 0,5 et 4mg par jour et 13 à 19% pour l'olanzapine entre 5
et 15mg par jour) mais il ne semble pas y avoir d'effet sur le score du MMS. Le risque de syndrome
extrapyramidal est équivalent au placebo avec les deux molécules (15% avec la risperidone versus 11%
avec placebo) mais les chutes sont plus fréquemment rapportées avec l'olanzapine (9 à 11%). Il est
recommandé de commencer par les doses les plus faibles (table 2). La prescription de ces médicaments
doit être en permanence contrôlée et il convient de surveiller l'espace QT à l'électrocardiogramme et
l'apparition d'effets anticholinergiques. Le traitement doit être régulièrement réévalué, par exemple toutes
les semaines, pour être si possible de courte durée, 10 à 15 jours maximum (recommandation AFSSAPS
du 09/03/2004). En cas de traitement prolongé, la dose minimale efficace sera recherchée.
II- Traitement médicamenteux des autres types de démence
II-1. Démence vasculaire.
Le premier traitement de la démence vasculaire repose sur la prévention et le contrôle des
facteurs de risque cardiovasculaires. Il est donc impératif de préconiser l'exercice physique et la diminution
de la surcharge pondérale, de contrôler la tension artérielle, le bilan lipidique et la glycémie. Le traitement
par antiagrégants plaquettaires est recommandé ainsi que celui par statines chez les patients à haut risque
vasculaire en cas de taux de LDL-cholestérol > 1g/l (16).
La galantamine et le donépézil ont fait l'objet de plusieurs études dans le cadre des démences
vasculaires et des démences mixtes, selon les critères du NINDS-AIREN (17). Ces deux molécules
seraient efficaces sur le plan cognitif (1) mais seule la galantamine a vérifié en étude ouverte la maintien
du bénéfice à 1 an dans les formes légères à modérément sévères.
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