les lieux en janvier ou février, chanter afin d’affirmer que cet espace est déjà occupé. Information
que les congénères vont prendre à la lettre ou pas. A cette période lorsque tous les mâles sont en
train de conquérir un territoire, on observera des luttes « bec et griffes » qui parfois entraînent des
blessures physiques... plume en moins ou plaie. Cette période est relativement courte, rapidement
les choses se calment. Le chant, seul, va permettre aux passereaux de « maintenir la pression » sur
les congénères, voisins ou intrus. Ce qui est beaucoup plus économique que de se battre à chaque
fois qu’on voit un congénère. L’oiseau va donc passer beaucoup de temps à chanter afin
d’affirmer son « titre de propriété ».
Cela ne peut fonctionner qu’à un certain nombre de conditions.
- D’abord le chant doit être audible jusqu’aux limites du territoire et même au-delà. Voilà pourquoi
ils sont souvent puissants. L’intensité du son est élevée.
- Ensuite le message doit être clair, non ambigu et affirmé souvent. Pour cela, le chant comporte des
éléments (des phrases : voir la description des chants ci-dessous) répétés parfois pendant des
heures. On a tous observé et écouté un pinson sur sa branche répéter la même ritournelle
indéfiniment ! « Certains oiseaux reprennent plus d’un millier de fois par jour inlassablement la
même phrase » (Bossus et Charron 2003)
- Autre condition : le chant, élément de communication dans une espèce, doit être reconnaissable par
les autres membres de l’espèce (mâles et femelles). Pour cette raison les mâles d’une espèce ont, du
moins en apparence, un chant identique. Ce qui permettra de reconnaître un congénère de l’espèce.
Et nous permettra, nous humains, par la même occasion de reconnaître une espèce par le chant.
- Pour que le système fonctionne, il faut enfin que les individus voisins puissent se reconnaître entre
eux ! Ceci est possible car il existe d’infimes variations entre les chants de chaque individu.
Variations que nous ne sommes pas capables de percevoir, ou alors avec beaucoup d’entraînement.
Cette fonction est importante : imaginez qu’à chaque fois qu’on rencontre le voisin près de la
frontière du territoire on ne le reconnaisse pas ; cela entraînerait des bagarres permanentes très
coûteuses en énergie qu’il vaudra mieux dépenser à rechercher de la nourriture. La reconnaissance
individuelle permet de s’assurer que les voisins sont toujours bien là, et de distinguer un voisin d’un
intrus. (Leroy, 1979)
La possession du territoire est donc la première fonction du chant, et il y en a d’autres.
- Seconde fonction : La qualité du chant va renseigner les congénères sur les aptitudes du
chanteur. S’il est fort, vigoureux, répété, le chanteur est en général en bonne forme physique, ce
qui dissuadera les intrus potentiels. Par contre s’il n’a pas ces caractéristiques l’animal est
probablement soit jeune, soit malade. Là, un intrus ou un voisin n’hésitera pas à tester la résistance
de ce mâle et éventuellement à lui prendre le territoire en le chassant tout simplement.
- Une troisième fonction du chant est liée à la rencontre des partenaires. En effet comme chez
beaucoup d’espèces animales, c’est la femelle qui choisit son partenaire. Et justement chez nos
oiseaux chanteurs la qualité du chant sera un des critères de choix de la femelle. Un autre critère
pourra être par exemple le plumage ou la qualité du territoire. Un chant clair, puissant et répété est
un critère de bon état physique, et donc potentiellement reflète un territoire de qualité et bien
défendu.
- La quatrième fonction que l’on peut évoquer est liée à la physiologie de la reproduction. La
femelle qui entend inlassablement son partenaire chanter va être stimulée d’un point de vue
hormonal, et va avoir tendance à libérer plus d’ovules et plus tôt qu’une femelle moins stimulée.
Cela doit donc entraîner une descendance plus nombreuse et plus précoce.
Dans tous les cas nous voyons que le chant est lié de près ou de loin à la survie des jeunes.
Voici un schéma de synthèse des adaptations du chant territorial des passereaux.
En aucun cas (ou alors personne ne l’a encore prouvé) le chant n’exprime la gaieté de l’oiseau.