Environnement - Fasken Martineau

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Environnement
Été 2006
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Le « droit à la qualité de l’environnement » : un droit protégé par la Charte
des droits et libertés de la personne ?
Par Charles Kazaz et Gaël C. Gravenor
La Loi sur le développement durable 1 a été adoptée le 13 avril 2006 et sanctionnée le 19 avril 2006.
Au mois de décembre 2004, Thomas J. Mulcair, alors ministre québécois du Développement durable de
l’Environnement et des Parcs, avait publié le plan du développement durable du Québec sous forme de
document de consultation2 et déposé la Loi sur le développement durable sous forme de projet de loi3.
Depuis la publication de ces documents, des consultations publiques avaient été tenues partout au Québec au
printemps 2005 concernant le plan proposé et le projet de loi.
Cette nouvelle législation met sur pied un nouveau cadre de gestion au sein du gouvernement du Québec
pour s’assurer que les pouvoirs et les responsabilités de l’Administration publique soient exercés de manière
à assurer le développement durable. Un cadre formel au sein de l’Administration publique est dorénavant
instauré pour réaliser le développement durable sur la base de principes clairement établis, dont la promotion
de la santé et de la qualité de vie ainsi que la protection de l’environnement.
Un des aspects importants de la loi est l’ajout d’un nouveau droit aux droits économiques et sociaux
énumérés à la Charte des droits et libertés de la personne 4 du Québec (la « Charte québécoise »). Ce
nouveau droit se lit de la manière suivante:
« 46.1 Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de
vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. »
Notons qu’un « droit à la qualité de l’environnement » existe déjà depuis 1978 en vertu de la Loi sur la
qualité de l’environnement 5 du Québec (la « LQE ») qui prévoit, entre autres, que toute personne physique
domiciliée au Québec qui fréquente un lieu – ou le voisinage immédiat de ce lieu – à l’égard duquel une
contravention à la LQE est alléguée peut exercer ce droit par voie d’injonction6. Ainsi, le droit peut être
exercé par un large éventail de personnes. Ce droit est prévu aux articles 19.1 et 19.2 de la LQE, qui se lisent
comme suit :
« 19.1. Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la
sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les
règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l'un ou
l'autre des articles de la présente loi ainsi que, en matière d'odeurs inhérentes aux activités
agricoles, dans la mesure prévue par toute norme découlant de l'exercice des pouvoirs prévus
au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article 113 de la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme (chapitre A-19.1).»
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« 19.2. Un juge de la Cour supérieure peut accorder une injonction pour empêcher tout acte
ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'exercice d'un droit
conféré par l'article 19.1. »
Concrètement, l’inclusion d’un droit à la qualité à l’environnement dans la Charte québécoise ouvrira la
porte à des dommages-intérêts punitifs (autrefois appelés « exemplaires ») pour toute violation illicite et
intentionnelle de ce droit. En effet, l’article 49 de la Charte québécoise se lit de la manière suivante :
« 49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à
la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou
matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des
dommages-intérêts punitifs. »
Une atteinte est considérée « illicite » lorsqu’un comportement fautif viole un droit. Une atteinte est
considérée « intentionnelle » lorsque le contrevenant a le désir ou la volonté de causer les conséquences
qu’aura sa conduite fautive ou encore s’il pose des gestes en pleine connaissance des conséquences
immédiates, naturelles ou extrêmement probables que cette conduite sera susceptible d’engendrer. Ce critère
est plus souple que l’intention particulière, mais dépasse néanmoins la simple négligence.
En principe, les dommages-intérêts punitifs sont accordés lorsque la mauvaise conduite du défendeur est si
malveillante et abusive qu'elle choque le sens de la dignité. Ce type de dommages n’a aucun lien avec ce que
le demandeur pourrait être fondé à recevoir au titre d'une compensation fondée sur l’article 1457 du Code
civil du Québec (« C.c.Q. »), disposition à la base des règles de la responsabilité civile. Ces dommages visent
non pas à compenser le demandeur, mais à punir le défendeur. Par ailleurs, l’article 1621 C.c.Q. prévoit que
les dommages-intérêts punitifs s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, dont la
gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est
déjà tenu envers le créancier.
Par ailleurs, le fait que le législateur ait employé l'expression « en outre » indique qu’un recours en
dommages-intérêts punitifs doit être l'accessoire, soit d'un recours principal visant à obtenir condamnation du
préjudice moral ou matériel, soit d’un recours en injonction. Une personne qui se considère lésée par une
violation de l’article 46.1 de la Charte québécoise pourra également intenter un recours en jugement
déclaratoire.
La personne lésée fera son choix sur la base de différents facteurs dont les délais pour intenter les différents
recours qui peuvent varier d’un recours à l’autre : dans un « délai raisonnable » pour une action en jugement
déclaratoire et dans les délais prescrits par le droit commun pour un recours en dommages-intérêts.
Notons également que, bien que la théorie des dommages punitifs en droit canadien s’apparente à celle en
droit américain, leurs applications pratiques diffèrent considérablement, les dommages punitifs accordés en
droit canadien étant habituellement plus prévisibles et plus modestes que ceux accordés aux États-Unis.
Toutefois, telle que rédigée, la loi n’a pas l’effet d’insérer ce « droit à la qualité de l’environnement » dans
une division de la Charte québécoise qui le mettrait au rang de « droit quasi-constitutionnel ». En effet, la
Charte québécoise, conformément à son article 52, confère un statut supérieur et même quasi-constitutionnel
aux articles 1 à 38, alors que le droit à la qualité de l’environnement est prévu à l’article 46.1. Seules les
dispositions mentionnées à l’article 52 ont préséance sur les autres lois, ce qui crée une certaine hiérarchie
entre les différents droits prévus dans la Charte québécoise. Ainsi, des conflits risquent de surgir en rapport
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aux autres droits fondamentaux, tels que le droit à la jouissance paisible et à la libre disposition des biens,
droit prévu à l’article 6 de la Charte québécoise : une personne pourrait soulever son droit à la jouissance
paisible de ses biens à l’encontre de quelqu’un qui exercerait le droit prévu à l’article 46.1.
Certains diront que le droit que le gouvernement tente d’établir n’offre pas plus que ce qui est déjà prévu par
la LQE, compte tenu notamment des restrictions imposées par la hiérarchie entre les différents droits prévus
dans la Charte québécoise. D’autres prétendront au contraire que le nouveau droit prévu à l’article 46.1
s’ajoute aux droits prévus par la LQE en donnant droit à des dommages punitifs. Ce sera aux tribunaux de
donner l’orientation voulue de l’article 46.1 de la Charte québécoise.
Charles Kazaz conseille les clients en matière de droit de l'environnement dans tous les secteurs industriels. Il est
consulté par les entreprises au sujet d'activités nécessitant l'obtention d'autorisations de diverses autorités
gouvernementales régissant l'environnement et les ressources naturelles, des systèmes de gestion
environnementale, incluant des vérifications environnementales et la conformité à la réglementation
environnementale, minière et de l'exploitation forestière de façon générale.
On peut communiquer avec Me Charles Kazaz au 514 397 4348 ou au 416 868 3517. Ses adresses électroniques
sont : [email protected] ou [email protected].
Gaël C. Gravenor exerce le droit environnemental, de l'énergie et des ressources naturelles. Il fournit des
conseils dans le cadre d'opérations commerciales soulevant des questions environnementales ou nécessitant des
vérifications environnementales. Il conseille également les clients sur la conformité aux lois et règlements en
matière d'environnement et l'obtention d'autorisations et de permis.
On peut communiquer avec Me Gaël Gravenor au 514 397 7524 ou à [email protected].
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1) L.Q. 2006, c. 3;
2) Plan de développement durable du Québec - Document de consultation - Québec - Novembre 2004. Voir :
http://mddep.gouv.qc.qc/developpement/2004-2007/plan-consultation.pdf;
3) P.L. 118. Voir : http://www.assnat.qc.ca/fra/37legislature1/Projets-loi/Publics/05-f118.htm;
4) L.R.Q., c. C-12;
5) L.R.Q., c. Q-2;
6) Id., article 19.3.
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