La mammite est décidément une
maladie trop familière de l’industrie
laitière. Elle est la plus coûteuse et
celle qui requiert l’usage le plus fré-
quent d’antibiotiques parmi toutes les
maladies des vaches laitières. Estimés
à 180 $ par cas, les profits perdus peu-
vent devenir assez substantiels au
cours d’une année. Ils résultent prin-
cipalement du rejet de lait dû à la pré-
sence d’antibiotiques et à son appa-
rence anormale.
Plusieurs producteurs traitent auto-
matiquement les cas de mammite dès
leur apparition dans l’espoir que la
vache guérira rapidement et pour pré-
venir les pertes de production de lait
à long terme. Mais tous les antibio-
tiques n’ont pas été créés égaux et ce
ne sont pas tous les cas de mammite
qui en nécessitent. En fait, les diffé-
rents antibiotiques présents sur les
tablettes de votre armoire sont des-
tinés à tuer des bactéries bien spéci-
fiques. Si un cas de mammite est causé
par autre chose qu’une de ces bacté-
ries, alors l’antibiotique n’est d’aucune
utilité pour éliminer l’infection.
BACTÉRIES GRAM POSITIF
OU GRAM NÉGATIF?
Au moment d’écrire ces lignes, c’est
l’été à l’Île-du-Prince-Édouard et les
moustiques de tout acabit sont nom-
breux comme d’habitude! Plusieurs
sont faciles à tuer
d’un bon coup de
« tapette » tandis
que d’autres de man dent plus d’efforts
à cause d’une quelconque carapace.
La différence entre les bactéries est
similaire à celle observée entre ces bes-
tioles.
Les bactéries Gram négatif possè-
dent une coquille protectrice externe
qui empêche la plupart des antibio-
tiques de pénétrer la bactérie pour la
tuer. Par chance, cette armure protec-
trice n’est pas invincible, le système
immunitaire de la vache étant capable,
dans la plupart des cas, d’attaquer et
de tuer la bactérie. Voilà pourquoi cer-
taines vaches atteintes d’une mam-
mite à coliformes, légère à modérée,
peuvent guérir rapidement sans le
recours aux antibiotiques. Dans les cas
où la mammite ne guérit pas, il faut
consulter votre médecin vétérinaire
pour convenir d’un traitement antibio-
tique ciblé. Les coliformes E. coli,
Klebsiella et Entero -
bacter sont de type
Gram négatif.
Les bactéries Gram
positif sont comme les
moustiques : quelquefois
difficiles à attraper, mais
lorsqu’ils sont bien en
vue, ils sont facilement
écrasés. Ces bactéries
n’ont pas la coquille pro-
tectrice des coliformes,
ce qui facilite la pénétra-
tion de la cellule par les anti-
biotiques et leur élimination. La persis-
tance de certaines infections découle
de la capacité de ces bactéries à se
cacher à l’intérieur des cellules du pis
où ni les antibiotiques ni le système
immunitaire de la vache ne peuvent les
trouver. Le risque encouru, si on ne
traite pas les infections à Gram positif
aussitôt qu’elles sont détectées, est
qu’elles peuvent devenir persistantes
et réduire la production laitière ou
servir de réservoir pour infecter les
autres vaches du troupeau. Les bacté-
ries Staph. aureus, les streptocoques et
différents staphylocoques sont de type
Gram positif.
UNE INFECTION FANTÔME
Les producteurs laitiers sont sou-
vent déconcertés devant des résultats
de laboratoire négatifs alors que le lait
PERTES DE LAIT ET DE PROFITS
Les antibiotiques
sont-ils tous
nécessaires?
SANTÉ ANIMALE
Par KIM MACDONALD, médecin vétérinaire,
doctorante, Université de l’Île-du-Prince-
Édouard, GREG KEEFE, médecin
vétérinaire, directeur, Maritime Quality Milk,
Université de l’Île-du-Prince-Édouard et
ANNE-MARIE CHRISTEN, agente
de transfert, RCRMB, FMV, Université
de Montréal.
Et s’il existait un moyen de réduire
l’usage des antibiotiques?
NOVEMBRE 2010 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
40
est clairement anormal et que les
vaches présentent indéniablement une
mammite. Comment est-ce possible?
Dans certains cas, la cause de la mam-
mite peut être une espèce de bactérie
qui ne se cultive pas facilement en
laboratoire. Mais la plupart du temps,
la bactérie a déjà été éliminée par
l’armée de cellules somatiques qui
envahit le pis lors d’une infection.
Durant la bataille, des dommages sont
occasionnés aux parois du quartier
infecté et des morceaux de tissus
endommagés sont relâchés. Ce sont
ces tissus jumelés au nombre élevé de
cellules somatiques qui donnent au lait
son apparence anormale. Au moment
de l’observation de ce lait, l’infection
est habituellement « guérie » (c.-à-d.
qu’il y a absence de la bactérie respon-
sable) et se résorbera en quelques
jours, sans traitement. Pour ces cas,
l’usage d’antibiotiques n’est pas béné-
fique, car il n’y a plus de bactéries à
tuer. Jusqu’à 40 % des cas de mammite
au Canada ne présentent plus de bac-
téries au moment où ils sont détectés.
On ne peut déterminer l’espèce de
la bactérie responsable d’une mam-
mite en ne se fiant qu’à l’apparence du
lait ni savoir si l’infection a déjà été éli-
minée par la vache. Pour identifier
l’agent responsable et pour connaître
le traitement approprié, il faut procéder
à une culture bactériologique du lait.
L’idéal est d’envoyer des échantillons
de lait à un laboratoire où des techni-
ciens expérimentés vous confirmeront
l’espèce bactérienne. De plus, le
résultat permettra de cibler des stra-
tégies de prévention basées sur cette
bactérie. L’ennui est que vous devez
faire parvenir les échantillons de lait au
laboratoire et que l’obtention des résul-
tats peut prendre plusieurs jours. Pour
NOVEMBRE 2010 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 41
UNE TOUTE
NOUVELLE
FICHE
ILLUSTRÉE
Le RCRMB a récemment
concocté une toute
nouvelle fiche technique
illustrée s’intitulant
« Outil rapide d’identifi-
cation à la ferme des
bactéries causant la
mammite », en collabora-
tion avec les D
rs
MacDonald et Keefe de
l’Université de l’Île-du-
Prince-Édouard. Cette
fiche s’inspire directe-
ment du projet de
recherche mentionné
dans cet article et décrit
en images, étape par
étape, l’utilisation des
plaques de numération
Petrifilm
MC
de 3M
Canada comme système
décisionnel pour le
traitement de la mam-
mite. Cette fiche est
disponible gratuitement,
en format PDF impri-
mable, sur le tout
nouveau site Internet du
RCRMB – www.reseau
mammite.org – dans la
section Boîte à outils.
Une description du projet
de recherche peut
également être consultée
dans la section
Recherche.
Les producteurs qui ont utilisé le système de
culture au moins une fois par mois ont été
capables de bien identifier et de traiter 87,5 %
des infections à Gram positif.
être des plus efficaces, les décisions de
traitement devraient être prises dans
les 24 heures suivant la détection de
la mammite. Il s’agit d’éviter que les
cas qui nécessitent des antibiotiques
s’aggravent ou qu’ils évoluent vers une
infection chronique. Un système simple
pouvant être utilisé à la ferme pour le
diagnostic des cas qui nécessitent ou
non un traitement pourrait s’avérer
une solution intéressante…
LE RCRMB ET LE MQM
À LA RESCOUSSE!
Récemment, des chercheurs du
Réseau canadien de recherche sur la
mammite bovine (RCRMB) et du
Maritime Quality Milk (MQM) ont réa-
lisé un essai clinique dans 48 fermes
laitières réparties dans sept provinces
canadiennes. Ils ont testé un système
de culture composé de plaques de
numération Petrifilm
MC
(3M Canada)
et d’un arbre décisionnel simple. Ce
système permettait de classer les infec-
tions selon qu’elles étaient à traiter
(bactéries Gram positif) ou à ne pas
traiter (coliformes et absence de crois-
sance). Les résultats ont montré que
40 % de tous les cas de l’essai clinique
n’ont pas présenté de croissance bac-
térienne significative, 11 % des cas
étaient causés par des coliformes et
que seulement 41 % des cas de mam-
mite étaient causés par des bactéries
Gram positif d’où la nécessité d’un trai-
tement.
EST-CE QUE CE SYSTÈME DE
CULTURE POURRAIT ÊTRE
UTILISÉ À LA FERME POUR
DÉTECTER DE FAÇON PRÉCISE
LES BACTÉRIES GRAM POSITIF,
LES COLIFORMES ET LES
ABSENCES DE CROISSANCE?
Les producteurs qui ont utilisé le
système de culture au moins une fois
par mois ont été capables de détecter
et de traiter 87,5 % des infections à
Gram positif. Ils ont aussi relevé, avec
une précision de 90 %, les cas qui ne
nécessitaient pas de traitement, c’est-
à-dire ceux comportant des coliformes
et des absences de croissance. Toute -
fois, les producteurs qui ont utilisé le
système moins d’une fois par mois
obtenaient des résultats un peu moins
précis, probablement par manque d’ex-
périence pour l’identification des colo-
nies de bactéries et par des manipula-
tions faites de manière non stérile.
EST-CE QUE LE TRAITEMENT
SÉLECTIF DES INFECTIONS
À GRAM POSITIF A AFFECTÉ
LA CAPACITÉ DES VACHES
À GUÉRIR?
Pour comparer le traitement sélectif
et le traitement universel de tous les
cas, la moitié des vaches de chaque
ferme a été traitée dès l’apparition de
la mammite. L’autre moitié a été sou-
mise à la culture avec le système
Petrifilm
MC
et traitée après 24 heures
seulement si une infection à Gram
positif était diagnostiquée. Les pro-
ducteurs ont noté le nombre de jours
requis pour le retour à la normale de
l’apparence du lait et pour le retour du
lait dans le réservoir. La plupart des cas
de mammite ont guéri à l’intérieur de
deux à trois jours, peu importe si les
vaches avaient été traitées immédia-
tement ou traitées seulement si elles
avaient une infection à Gram positif.
Quelques cas du groupe de culture ont
nécessité un jour de plus pour la gué-
rison, cela étant probablement dû au
délai de 24 heures fixé avant le début
du traitement. Cependant, il n’y avait
aucune différence dans les taux de
guérison bactériologique
1
résultant de
ce délai, car 80 % ou plus des mam-
mites étaient exemptes de bactéries
jusqu’à six semaines après le traite-
ment sans égard aux protocoles de trai-
tement.
AVANTAGES ÉCONOMIQUES ET
SOCIÉTAIRES
Les antibiotiques utilisés pour le
traitement de la mammite sont simi-
laires à ceux utilisés pour traiter les
infections communes chez les humains.
À chaque fois qu’un antibiotique est
utilisé chez des gens ou des animaux,
on donne l’occasion aux bactéries de
devenir résistantes. Lorsque cela se
produit, l’infection devient plus difficile
à éliminer et un antibiotique différent
peut être requis. Pour cette raison, il
est important d’utiliser les antibio-
tiques seulement lorsqu’ils sont néces-
saires. De cette façon, ils demeureront
efficaces lorsque requis… et des éco-
nomies seront réalisées.
Grâce au traitement sélectif, 36 %
des cas de mammite de l’étude n’ont
pas reçu d’antibiotiques. L’évaluation
économique initiale des données de
recherche a montré que le coût moyen
d’un traitement antibiotique jumelé au
retrait du lait du réservoir était de 139 $
si l’infection était traitée immédiate-
ment sans la réalisation d’une culture.
L’avantage économique de l’utilisation
de la culture à la ferme dépend de la
proportion d’infections à Gram positif
versus à Gram négatif et des cas d’ab-
sence de croissance. Plus le nombre de
cas non traités est élevé, plus le poten-
tiel de retour économique est grand. En
moyenne, les propriétaires de trou-
peaux ayant « un peu de tout» peuvent
espérer épargner environ 30 $ en frais
d’antibiotiques et pertes de lait pour
chaque tranche de 10 $ investie dans
la technologie de la culture de lait
incluant le temps requis pour les mani-
pulations.
Pour plus d’information sur la cul-
ture de lait à la ferme ou sur le
« Système décisionnel pour le traite-
ment de la mammite » utilisant les
plaques Petrifilm
MC
, veuillez contacter
votre médecin vétérinaire. Des informa-
tions sont aussi disponibles en ligne au
www.milkquality.ca.
1 Il s’agit d’une confirmation faite par une
analyse de suivi que la bactérie a été
éliminée.
NOVEMBRE 2010 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
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SANTÉ ANIMALE
Pour identifier la bactérie responsable de la
mammite et pour connaître le traitement
approprié, il faut procéder à une culture
bactériologique du lait avec un échantillon de
lait stérile.
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