actualité, info lu pour vous Coordination : Dr Jean Perdrix, PMU ([email protected]) Détecter et éradiquer H. pylori chez les sujets sains asymptomatiques pour prévenir le cancer gastrique ? Helicobacter pylori (Hp) colonise l’estomac de 50% des humains, constituant ainsi l­’infection chronique la plus prévalente qui soit. Chez 1% des personnes infectées par Hp, une cascade histologique bien connue mène de la gastrite chronique au cancer ­gastrique. Les individus testés positivement pour le Hp sont 3 à 6 fois plus enclins à ­développer un cancer gastrique compara­ tivement à des contrôles non infectés. Se pose alors la question de savoir si l’éradication de ce germe pourrait réduire la survenue du cancer qui lui est lié ? Cette revue systématique et méta-analyse identifie neuf publications rapportant des données sur six études randomisées contrôlées où des sujets adultes, sans plainte gastro-intestinale, mais testés positivement pour Hp se sont vus ­proposer un traitement éradicateur reconnu versus placebo ou aucun traitement, puis un suivi. 51 des 3294 patients ayant reçu un traitement éradicateur ont développé un ­cancer gastrique (1,6%), comparés à 76 des 3203 patients qui ont reçu un placebo ou rien (2,4%). La recherche et l’éradication d’Hp chez des sujets sains asymptomatiques réduisent donc le risque de développer un cancer gastrique de manière significative (risque relatif 0,66, intervalle de confiance à 95% allant de 0,46 à 0,95). Cet effet est d’autant plus intéressant que le patient provient d’une population à risque, avec un «nombre nécessaire à traiter» (NNT) aussi bas que 15,1 chez les hommes chinois ­(population à très forte incidence de cancer gastrique). Commentaire : En Suisse, les seuls patients asymptomatiques qui se voient proposer le dépistage et l’éradication du Hp sont la parenté de patients atteints de cancer gastrique. Toutes les études retenues pour cette métaanalyse hormis une ont été conduites en Asie, rendant difficile l’évaluation de l’effet de l’éradication du Hp sur la survenue du cancer dans une population occidentale. Mais qu’en est-il de nos populations immigrées en provenance d’Asie : devrait-on considérer le ­dépistage du Hp comme prévention primaire du cancer gastrique ? Dr Claire Élise Burdet Policlinique médicale universitaire, Lausanne Ford AC, et al. Helicobacter pylori eradication therapy to prevent gastric cancer in healthy asymptomatic infected individuals : Systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2014;348:g3174. 1636 58_61.indd 3 avancée thérapeutique Lutter contre l’épidémie d’hépatite C : leçons égyptiennes L’hépatite virale de type C est une maladie éminemment moderne. Transmissible par voie sanguine, elle s’est répandue à l’ombre des pratiques médicales usant des injections. En dépit des progrès majeurs qu’elle a accom­ plis, la virologie n’a identifié l’agent causal qu’en 1989. Et on a, depuis peu, découvert de nouvelles thérapeutiques antivirales d’une efficacité remarquable ; des médicaments dont les prix exorbitants ruinent (pour l’heure et pour longtemps) tout espoir d’éradication. L’OMS estime à cent cinquante millions le nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite C (VHC) dans le monde, et à trois cent cinquante mille le nombre de décès annuels liés à ce virus. C’est dans ce contexte qu’il convient de situer la publication d’un groupe de chercheurs franco-égyptiens, dirigés par le Pr Arnaud Fontanet (Institut Pasteur de Paris, Unité épidémiologie des maladies émergentes) dans la dernière livraison de The Lancet Global Health.1 concerné entre trois et cinq millions de personnes âgées de plus de six ans. Un taux ­élevé de transmission du VHC continue à être o ­ bservé. Des situations épidémiologi­ ques similaires sont observées au Gabon et au Cameroun. Depuis un an, l’arrivée des nouveaux traitements antiviraux rend possible la guérison de plus de 90% des patients. Ces traitements, du fait de leur grande efficacité, pourraient avoir un impact majeur sur la transmission du virus en diminuant le «réservoir viral» que constituent les personnes infectées. C’est là une nouvelle donne qui confère une nouvelle actualité aux stratégies de prévention et de prise en charge les plus efficaces pour réduire la transmission de l’hépatite C en Egypte. C’est à ce travail que se sont attachés des chercheurs de l’Unité d’épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut Pasteur de Paris travaillant en collaboration avec des chercheurs égyptiens. Ils expliquent … Un taux élevé de transmission du VHC avoir travaillé sur des données épidémiologiques recueillies depuis dix ans continue à être observé … par les équipes égyptiennes du site de Le respect des mesures d’hygiène et des recherche sur les h ­ épatites virales basé au actions de dépistage systématique ont per- Caire. Les auteurs confirment que l’essentiel mis, dans de nombreux pays, de réduire la de la transmission du virus en Egypte s’est diffusion du VHC observée via les injections produit lors de soins médicaux percutanés intraveineuses et les transfusions de produits pratiqués dans des conditions non stériles. sanguins. La diffusion du virus y demeure «Plus de 50% de ces soins médicaux con­ toutefois d’actualité dans certaines popula- cernent 5% de la population, essentiellement tions de toxicomanes usant de la voie intraveineuse. Il n’en va pas de même dans certains pays où la prévalence de l’infection ­atteint des niveaux considérables. C’est notamment le cas au Cameroun, en Mongolie et en Egypte où plus de 10% de la population adulte est aujourd’hui directement con­ cernée. En Egypte, on estime ainsi que 15% de la population âgée de 15 à 59 ans est porteuse d’anticorps anti-VHC et que 10% (soit environ cinq millions de personnes) souffrent d’une infection hépatique chronique. Ce sont là, pour l’essentiel, des chiffres qui sont le reflet de pratiques anciennes ne respectant pas les règles d’hygiène. Plusieurs travaux ont mis en évidence la responsabilité de campagnes de traitement de masse de la bilharziose, affection endémique dans ce pays.2 Ces ­ cam­pagnes à base d’injections intraveineu­ ses (matériels insuffisamment stérilisés) ont Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 septembre 2014 01.09.14 11:33 D.R. pédiatrie Chez l’enfant, surpoids et manque de sommeil seraient liés Une association significative entre manque de sommeil (moins de 10 heure par nuit) et surpoids chez l’enfant. C’est ce que montre l’étude d’une équipe de l’Illinois publiée en avril dans Frontiers in psychology. Trois cent trente-sept enfants de deux à quatre ans ont ainsi vu leur poids et leur taille mesurés. Un parent a, de plus, rempli un question­ ocumentant son propre naire d IMC et surtout les habitudes protectrices contre l’obésité ayant cours dans le foyer. Pour les parents, ces h­ abitudes étaient un sommeil adéquat (M 7 heures/nuit) et une qualité de repas en famille supérieure à la médiane (définie selon plusieurs points, notamment leur régularité et la présence simultanée des membres de la famille pour le r­ epas). Pour les enfants, les habitudes protectrices étaient un sommeil adéquat (M 10 heures/nuit), une qualité de repas en ­famille supérieure à la médiane, un temps d’écran limité (M 2 heures/jour de TV, vidéo, DVD) et le fait de ne pas avoir de télévision dans sa chambre. De manière prévisible, obésité chez les parents et surpoids chez les enfants étaient significativement associés. Pour ce qui est des habitudes protectrices cependant, la seule à stade ? A quels prix ? Pour quels bénéfices collectifs ? En France, le débat est ouvert. On sait que 370 000 personnes sont porteuses d’anticorps anti-VHC dont environ les deux tiers sont virémiques et seulement la moitié savent qu’elles sont infectées. Le nombre annuel de décès attribuables au VHC est d’environ 2600. Le Sovaldi (Gilead) est à 60 000 euros le traitement, intégralement pris en charge par la collectivité. L’efficacité n’est obtenue qu’en combinaison (notamment avec le simeprevir de Janssen), ce qui conduit à un traitement unitaire de l’ordre de 90 000 euros. Des médecins cherchent à gérer au mieux la pénurie à venir en élaborant, eux aussi, des modèles mathématiques pour savoir quand le traitement peut être coût-efficace. La situation est d’autant plus compliquée que la France est engagée depuis plusieurs années (dans la foulée des affaires du sang contaminé) dans une vaste entreprise de dépistage des personnes infectées par le VHC. C’est ainsi qu’en 2011, plus de 2,6 millions de faire chez l’enfant une différence significative est le sommeil adéquat ; selon une analyse ajustée pour le sexe du parent, son âge, son «ethnie», son revenu et le fait qu’il élève seul ou non son enfant. Ainsi, le rapport de cotes du risque d’être en surpoids ou obèse d’un enfant ne bénéficiant pas d’un sommeil adéquat est de 2,87 (IC 95% : 1,50-5,49) par rapport à un enfant qui dort dix heures ou plus par nuit. Les auteurs jugent par ailleurs qu’il pourrait D.R. des sujets atteints de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, métaboliques ou rhumatologiques) ayant un recours fréquent au système de santé, expliquent les auteurs de la publication. Ces sujets sont les premiers à être infectés, devenant alors la principale source d’infections pour les personnes exposées aux mêmes soins médicaux.» Sur cette base, un modèle mathématique développé par Romulus Breban, premier signataire de la publication, montre que le fait de cibler les actions de prévention et de traitement sur ces 5% de la population particulièrement exposée permettrait de réduire de manière beaucoup plus efficace la transmission du virus qu’une approche non ciblée. «Dépister les patients atteints de maladies chroniques, éduquer les personnels soignants ainsi que les patients sur des procédures d’injections sûres et mettre sous traitement les malades chroniques, infectés par le VHC, sont trois étapes essentielles à la mise en place d’une stratégie efficace pour limiter l’épidémie en Egypte» souligne le Pr Arnaud Fontanet. Il ajoute que ce sont là des pistes essentielles pour les responsables sanitaires égyptiens. Mais aussi pour les responsables des pays dont les ressources économiques sont limitées et qui, avec l’arrivée des nouveaux traitements aux coûts ahurissants, vont devoir adapter leur stratégie nationale de santé. A dire vrai, ce travail ne concerne pas que les pays défavorisés. L’arrivée des nouveaux antiviraux et les prix réclamés par les fabricants (la firme américaine Gilead Sciences notamment) imposent également aux pays riches de reposer les termes de l’équation médicale et solidaire. Qui traiter ? A quel être souhaitable que les interventions contre l’obésité infantile s’appliquent à la famille entière, notamment pour ce qui concerne l’hygiène de sommeil. Benoît Perrier Jones L, Fiese BH, et al. Parent routines, child routines, and family demographics associated with obesity in parents and prechool-aged children. Front Psychol 2014; 5;374. sérologies VHC ont été réalisées en France. On découvre ainsi progressivement le nombre et l’identité des personnes infectées tandis qu’aucune proposition éclairée n’est faite pour savoir qui peut et doit être soigné, le ministère français de la Santé semblant comme étranger à l’affaire. Et la France n’est pas la seule concernée par ce dilemme. De ce point de vue, le travail publié dans The Lancet Global Health gagnera à être développé bien au-delà des frontières égyptien­nes. Jean-Yves Nau [email protected] 1 Breban R, Arafa N, Leroy S, et al. Modelling the impact of preventive and curative interventions on HCV transmission in a high prevalence setting : The case of Egypt. Lancet Glob Health août 2014. 2 Frank C, Dipl G, Mostafa KM,et al. The role of parenteral antischistosomal therapy in the spread of hepatitis C virus in Egypt. Lancet 2000;355:887-91. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 septembre 2014 58_61.indd 4 1637 01.09.14 11:33