1636 Revue Médicale Suisse
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3 septembre 2014
actualité, info
Lutter contre l’épidémie d’hépatite C :
leçons égyptiennes
L’hépatite virale de type C est une maladie
éminemment moderne. Transmissible par
voie sanguine, elle s’est répandue à l’ombre
des pratiques médicales usant des injections.
En dépit des progrès majeurs qu’elle a accom-
plis, la virologie n’a identifié l’agent causal
qu’en 1989. Et on a, depuis peu, découvert
de nouvelles thérapeutiques antivirales d’une
efficacité remarquable ; des médicaments dont
les prix exorbitants ruinent (pour l’heure et
pour longtemps) tout espoir d’éradication.
L’OMS estime à cent cinquante millions le
nombre de personnes infectées par le virus
de l’hépatite C (VHC) dans le monde, et à
trois cent cinquante mille le nombre de décès
annuels liés à ce virus. C’est dans ce contexte
qu’il convient de situer la publication d’un
groupe de chercheurs franco-égyptiens, di-
rigés par le Pr Arnaud Fontanet (Institut
Pasteur de Paris, Unité épidémiologie des
maladies émergentes) dans la dernière li-
vraison de The Lancet Global Health.1
Le respect des mesures d’hygiène et des
actions de dépistage systématique ont per-
mis, dans de nombreux pays, de réduire la
diffusion du VHC observée via les injections
intraveineuses et les transfusions de produits
sanguins. La diffusion du virus y demeure
toutefois d’actualité dans certaines popula-
tions de toxicomanes usant de la voie intra-
veineuse. Il n’en va pas de même dans cer-
tains pays où la prévalence de l’infection
atteint des niveaux considérables. C’est no-
tamment le cas au Cameroun, en Mongolie
et en Egypte où plus de 10% de la popula-
tion adulte est aujourd’hui directement con-
cernée.
En Egypte, on estime ainsi que 15% de la
population âgée de 15 à 59 ans est porteuse
d’anticorps anti-VHC et que 10% (soit environ
cinq millions de personnes) souffrent d’une
infection hépatique chronique. Ce sont là,
pour l’essentiel, des chiffres qui sont le reflet
de pratiques anciennes ne respectant pas les
règles d’hygiène. Plusieurs travaux ont mis
en évidence la responsabilité de campagnes
de traitement de masse de la bilharziose,
affection endémique dans ce pays.2 Ces
cam pagnes à base d’injections intraveineu-
ses (matériels insuffisamment stérilisés) ont
concerné entre trois et cinq millions de per-
sonnes âgées de plus de six ans. Un taux
élevé de transmission du VHC continue à
être observé. Des situations épidémiologi-
ques similaires sont observées au Gabon et
au Cameroun.
Depuis un an, l’arrivée des nouveaux trai-
tements antiviraux rend possible la guérison
de plus de 90% des patients. Ces traitements,
du fait de leur grande efficacité, pourraient
avoir un impact majeur sur la transmission
du virus en diminuant le «réservoir viral»
que constituent les personnes infectées. C’est
là une nouvelle donne qui confère une nou-
velle actualité aux stratégies de prévention
et de prise en charge les plus efficaces pour
réduire la transmission de l’hépatite C en
Egypte.
C’est à ce travail que se sont attachés des
chercheurs de l’Unité d’épidémiologie des
maladies émergentes de l’Institut Pasteur
de Paris travaillant en collaboration avec des
chercheurs égyptiens. Ils expliquent
avoir travaillé sur des données épidé-
miologiques recueillies depuis dix ans
par les équipes égyptiennes du site de
recherche sur les hépatites virales basé au
Caire. Les auteurs confirment que l’essentiel
de la transmission du virus en Egypte s’est
produit lors de soins médicaux percutanés
pratiqués dans des conditions non stériles.
«Plus de 50% de ces soins médicaux con-
cernent 5% de la population, essentiellement
avancée thérapeutique
lu pour vous
Coordination : Dr Jean Perdrix, PMU
Helicobacter pylori (Hp)
colonise l’estomac
de 50% des humains, constituant ainsi
l’infection chronique la plus prévalente qui
soit. Chez 1% des personnes infectées par
Hp
, une cascade histologique bien connue
mène de la gastrite chronique au cancer
gastrique. Les individus testés positivement
pour le
Hp
sont 3 à 6 fois plus enclins à
développer un cancer gastrique compara-
tivement à des contrôles non infectés. Se
pose alors la question de savoir si l’éradica-
tion de ce germe pourrait réduire la survenue
du cancer qui lui est lié
? Cette revue systé-
matique et méta-analyse identifie neuf publi-
cations rapportant des données sur six
études randomisées contrôlées où des sujets
adultes, sans plainte gastro-intestinale, mais
testés positivement pour
Hp
se sont vus
proposer un traitement éradicateur reconnu
versus placebo ou aucun traitement, puis un
suivi. 51 des 3294 patients ayant reçu un
traitement éradicateur ont développé un
cancer gastrique (1,6%), comparés à 76 des
3203 patients qui ont reçu un placebo ou
rien (2,4%). La recherche et l’éradication
d’Hp chez des sujets sains asymptomatiques
réduisent donc le risque de développer un
cancer gastrique de manière significative
(risque relatif 0,66, intervalle de confiance à
95% allant de 0,46 à 0,95). Cet effet est
d’autant plus intéressant que le patient pro-
vient d’une population à risque, avec un
«nombre nécessaire à traiter» (NNT) aussi
bas que 15,1 chez les hommes chinois
(population à très forte incidence de cancer
gastrique).
Commentaire :
En Suisse, les seuls patients
asymptomatiques qui se voient proposer le
dépistage et l’éradication du
Hp
sont la parenté
de patients atteints de cancer gastrique.
Toutes les études retenues pour cette méta-
analyse hormis une ont été conduites en
Asie, rendant difficile l’évaluation de l’effet de
l’éradication du
Hp
sur la survenue du cancer
dans une population occidentale. Mais qu’en
est-il de nos populations immigrées en pro-
venance d’Asie : devrait-on considérer le
dépistage du
Hp
comme prévention primaire
du cancer gastrique
?
Dr Claire Élise Burdet
Policlinique médicale universitaire, Lausanne
Ford AC, et al. Helicobacter pylori eradication the-
rapy to prevent gastric cancer in healthy asympto-
matic infected individuals : Systematic review and
meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ
2014;348:g3174.
Détecter et éradiquer H. pylori
chez les sujets sains asymptoma-
tiques pour prévenir le cancer
gastrique ?
… Un taux élevé de transmission du VHC
continue à être observé …
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