On peut soigner des ligaments du genou déchirés sans opérer

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On peut soigner des ligaments
du genou déchirés sans opérer
Orthopédie Après deux opérations au genou, lAméricaine championne de ski Lindsey Vonn a fait
un come-back époustouflant. Mais le passage par la chirurgie n’est pas indiqué dans tous les cas.
Benoît Perrier
benoit.perrier@planetesante.ch
On croit tomber, la jam-
be se tord, un «crac»
retentit. On ne chute
pas à coup sûr mais le
genou «flotte» et se dé-
robe. A ski, une telle
sensation est souvent le
signe que les ligaments sont atteints. C’est
ce qui a éloigné la skieuse Lindsey Vonn de
la compétition durant près de deux ans.
Chaque année en Suisse, selon l’assurance-
accidents, près de 4400 personnes se dé-
chirent le ligament croisé antérieur du ge-
nou (LCA). Le traitement? De la physiothé-
rapie, des exercices à domicile et, parfois,
une opération.
Le genou a quatre ligaments principaux,
qui relient le fémur au tibia et au péroné. En
enserrant l’articulation, ils contrôlent son
mouvement. Le ligament croisé antérieur
est le plus souvent touché, explique le
Dr Stéphane Borloz, médecin du sport à la
clinique Bois-Cerf, à Lausanne. Il peut se
déchirer après une très forte torsion du ge-
nou – le ski part dans une direction, le corps
du skieur dans l’autre ou si le genou se tend
plus que la normale, lors d’un shoot qui rate
le ballon, par exemple.
Après un tel accident, la perte de stabilité
du genou ou la douleur conduisent chez le
médecin. «Une fois le diagnostic de déchi-
rure posé, il faut démarrer la physiothérapie
le plus tôt possible, qu’une opération soit en-
visagée ou non, explique José Milliet, phy-
siothérapeute répondant en orthopédie au
Centre hospitalier universitaire vaudois
(CHUV). Le but étant d’abord de diminuer
la douleur et lépanchement, puis de retrou-
ver une bonne mobilité et une force satisfai-
sante.»
Exercices quotidiens
Cette physiothérapie doit être intensive. A
raison de deux ou trois séances hebdoma-
daires, il s’agit de renforcer la musculature
globale de la jambe, en travaillant sélective-
ment le quadriceps et les ischio-jambiers.
C’est en effet la musculature de la jambe qui
assure la stabilité du genou. Cette recons-
truction de la musculature fait aussi partie
des suites à donner à une intervention chi-
rurgicale, si c’est le traitement qui est choisi.
Par ailleurs, la physiothérapie vise à amélio-
rer deux sens importants pour une bonne
utilisation de l’articulation: l’équilibre et la
proprioception (la perception de la position
dans lespace des différentes parties du
corps).
Il existe enfin des programmes qui indi-
quent, semaine après semaine, d’une part
les mouvements qu’il est possible de prati-
quer sans risque (voir infographie) et dautre
part les exercices à pratiquer chez soi. «Je
prescris généralement cinq exercices spéci-
fiques quotidiens, explique José Milliet. Ils
ne prennent pas plus d’une demi-heure
Les cyclistes exemptés
Si une opération chirurgicale s’avère néces-
saire, elle peut être pratiquée dès qu’une
mobilité et une musculature satisfaisantes
ont été récupérées. Il faut par ailleurs que la
douleur soit très réduite ou nulle, explique
le Dr Laurent Gillain, orthopédiste à Lau-
sanne. Dans la majorité des cas, l’interven-
tion se déroule alors dans un délai d’un à
deux mois après laccident.
Le type et l’intensité de l’activité physi-
que que souhaite retrouver le patient sont
les principaux critères pour décider ou non
d’opérer, reprend le Dr Gillain. Les sportifs
qui ne sollicitent pas leur LCA (cyclistes ou
nageurs, par exemple) ainsi que les person-
nes sédentaires nen retirent qu’un faible
bénéfice et doivent privilégier la physiothé-
rapie intensive. A l’opposé, des individus
très sportifs ou qui pratiquent des sports dits
de pivot (ski, volley-ball, basket-ball, bad-
minton, etc.) ont de meilleures chances de
pouvoir continuer leur activité sportive avec
un LCA reconstruit.
«Une fois
le diagnostic
de déchirure
posé, il faut
démarrer
la physiothé-
rapie le plus
tôt possible,
qu’une
opération soit
envisagée
ou non»
José Milliet,
physiothérapeute
au CHUV
Dautres facteurs sont déterminants.
Certains patients, par exemple, narrivent
pas à s’astreindre à une physiothérapie in-
tensive, d’autres ont une activité profession-
nelle qui exige un genou renforcé. «Un char-
pentier prend d’énormes risques si son ge-
nou lâche alors qu’il travaille sur un toit»,
observe le Dr Borloz. Tous ces facteurs sont
discutés lors d’un rendez-vous avec le chi-
rurgien. Mais «choisir un traitement autre
que chirurgical n’est pas du tout abandon-
ner son patient, bien au contraire», insiste le
Dr Gillain.
Lopération proprement dite consiste en
une autogreffe de tendon. «Il sagit d’ôter le
ligament croisé antérieur du genou et de le
remplacer par du tissu aux caractéristiques
proches, prélevé ailleurs sur le patient, pour-
suit le médecin. Cela peut être une partie
des tendons des muscles ischio-jambiers,
du quadriceps ou de la rotule.» Le choix dé-
pend de l’activité du patient: si le greffon est
prélevé au niveau de sa rotule, un carreleur
peinera à s’agenouiller. Pour la même rai-
son, on ne fait pas de prélèvement sur les
tendons des ischio-jambiers des sportifs qui
les sollicitent fortement, comme les dan-
seurs ou les joueurs de water-polo.
Assidu mais prudent
Létape suivante consiste à greffer ce tendon
à la place du ligament croisé lésé, détaille
l’orthopédiste. Pour ce faire, le chirurgien
perce des tunnels dans le fémur et le tibia et
y accroche le greffon avec des vis ou des bro-
ches. L’intervention est effectuée au moyen
de petites ouvertures dans le genou et dure
en moyenne une heure.
Après l’opération, les patients suivent
quatre mois de rééducation. La sollicitation
du genou doit se faire en respectant des éta-
pes, explique José Milliet. «La cicatrisation
du genou prend du temps: si l’on «tire» trop
sur le tendon greffé, une petite laxité risque
de se créer au niveau de ses points de fixa-
tion, ce qui nuira à la protection qu’il devra
fournir. Il faut parfois savoir freiner ceux qui
veulent aller trop vite.»U
De quoi on parle
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Les faits
Février 2013, Autriche, la skieuse américaine
Lindsey Vonn chute aux championnats du mon-
de et se déchire les ligaments du genou droit.
Opération, rééducation. Six mois plus tard, elle
chute à l’entraînement et est réopérée.
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La suite
Après vingt mois sans compétition, Lindsey
Vonn fait un retour gagnant en décembre 2014 à
Lake Louise au Canada. Deux victoires en des-
cente et deux en super-G plus tard, elle est
désormais la skieuse la plus titrée de l’histoire.
«The Climb», un documentaire diffusé sur NBC,
retrace son retour jusqu’au sommet.
Les femmes sont naturellement plus exposées
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On estime que les skieuses professionnel-
les ont cinq fois plus de risque de rupture
du ligament croisé antérieur du genou
que leurs homologues masculins, explique
le Dr Gérald Gremion, médecin-chef
du Swiss Olympic Medical Center.
Plusieurs éléments l’expliquent. Dabord,
les genoux féminins sont souvent plus
souples et leurs muscles ischio-jambiers
plus élastiques: la stabilisation du genou
tend donc à être plus faible et plus tardive.
Ensuite, les femmes ont généralement
une moins bonne réception après les sauts.
Elles sont en effet plus nombreuses à avoir
des genoux dits recurvatum, c’est-à-dire
qui se plient partiellement vers l’arrière.
Elles ont de même plus fréquemment
un genou dit valgum, incliné vers l’inté-
rieur. Enfin, leurs muscles fessiers et
les abducteurs de la hanche sont
en moyenne plus faibles que ceux
des hommes.
Cependant, dans la population fémini-
ne générale, ce risque accru s’accompagne
sans doute d’un comportement plus
prudent. Car en Suisse, les femmes comp-
tent pour seulement un tiers des ruptures
du ligament croisé antérieur du genou.
70 Le Matin Dimanche | 8mars 2015Médecine
En collaboration avec: www.planetesante.ch
Lindsey Vonn lors du super-G en Autriche
le 5 février 2013, juste avant son
accident. Fabrice CoffrinI/AFP
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