9:HSMBLA=U^Z[XX:
221
7
Cancers
Introduction
Les données épidémiologiques françaises et internationales confirment l’augmentation
de l’incidence de cancer chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) constatée depuis la
fin des années 1990 [1, 2]. L’augmentation du risque de cancer dans cette population fait
intervenir la réplication du VIH, l’immunodépression (nombre et nadir de CD4), l’exposition
à des virus oncogènes (HPV, VHB, VHC, EBV) et la forte consommation de toxiques (tabac,
alcool, cannabis). Un traitement précoce de l’infection par le VIH, un contrôle efficace de la
réplication virale, une restauration de l’immunité au-dessus de 500 CD4/mm3, une préven-
tion des infections à virus oncogènes (chaque fois que possible) (cf. chapitre « Infections
chez l’adulte: prophylaxies et traitements curatifs ») et un sevrage/réduction de la consom-
mation de toxiques oncogènes (cf.chapitre « Suivi de l’adulte vivant avec le VIH, prévention
et gestion des comorbidités ») doivent constituer désormais les axes forts de la prévention
contre le cancer chez les PVVIH.
Si le diagnostic d’une affection maligne est bien souvent réalisé par l’équipe en charge
de l’infection par le VIH, le traitement est quant à lui assuré par les équipes d’oncologie
moins expérimentées dans la prise en charge des PVVIH. Or les spécificités liées à l’infec-
tion par le VIH sont nombreuses : immunodépression (passée ou actuelle), comorbidités
(hépatites virales chroniques B et C, troubles métaboliques, insuffisance rénale, pathologies
cardiovasculaires), risques d’interactions médicamenteuses et de toxicité additive avec les
molécules antirétrovirales. Mais l’affection maligne peut aussi être révélatrice de l’infection
par le VIH. Et dans cette phase parfois aiguë de la maladie carcinologique, l’oncologue doit
être à même de réaliser le bilan initial de séropositivité. Inversement, les modalités de sur-
veillance et d’accompagnement d’un patient sous traitement à visée carcinologique sont
mal connues par les équipes médicales en charge du suivi de l’infection par le VIH.
C’est pourquoi, la rédaction de ce chapitre a été organisée afin de permettre une
double lecture par des oncologues et des spécialistes de l’infection par le VIH:
Les recommandations de bonnes pratiques de prise en charge communes à tous les
cancers (dispositif d’annonce, réunions de concertation pluridisciplinaire et prise en charge
de la douleur) et devant être appliquées aux PVVIH sont ainsi rappelées. Dans ce sous-
chapitre, la nécessité d’une articulation étroite entre les équipes d’oncologie, les services
référents pour la prise en charge de l’infection par le VIH et le médecin traitant au travers
d’un parcours de soin individualisé est soulignée en rappelant que le programme person-
nalisé de soins (PPS) doit être élaboré en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)
impliquant médecins spécialistes de l’infection par le VIH, pharmacologues, virologues et
oncologues.
Les règles de base à appliquer pour la prise en charge d’une PVVIH atteinte d’un
cancer sont également détaillées dans un sous-chapitre spécifique « Prise en charge d’une
PVVIH atteint d’un cancer ». Le lecteur y trouvera notamment la « check-list » des actions à
mettre en œuvre avant d’initier un traitement carcinologique ainsi que le parcours de soin
pendant et après le traitement du cancer.
222
PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH
Les interactions médicamenteuses entre les traitements pour le cancer (chimiothé-
rapie et traitements de confort) et le traitement antirétroviral font l’objet d’un sous-chapitre
spécifique qui rappelle notamment la possibilité d’interactions d’ordre pharmacocinétique
et/ou pharmacodynamique pouvant réduire l’efficacité et/ou majorer la toxicité de l’une ou
l’autre des molécules. Les tableaux résumant les interactions médicamenteuses connues
à ce jour sont positionnés dans l’annexe « Interactions médicamenteuses » de l’ouvrage.
Les modalités de prise en charge et de dépistage des cancers les plus fréquents à ce
jour chez les PVVIH sont présentées en fin de chapitre incluant un calendrier de prise en
charge carcinologique et un calendrier de dépistage des cancers.
Données épidémiologiques
Dans l’enquête Mortalité 2010 conduite en France, les cancers représentaient 36% des
causes de décès, soit très largement, la première cause de décès. Si la part relative des
décès a diminué de 10% à 7% pour les lymphomes malins non hodgkinien (LMNH) entre
2000 et 2010, la part des carcinomes hépatocellulaires liés aux hépatites B et C est restée
stable (4%) tandis que celle des cancers non classant Sida et non liée aux hépatites B et C
a progressé de 11à 22% dans la même période. Les cancers bronchopulmonaires repré-
sentaient en 2010 la première cause de décès par cancers (9%), suivi des LMNH (7%), des
carcinomes hépatocellulaires (4%), des cancers digestifs (3%), ORL (3%) et anaux (3%) [3].
L’incidence des cancers non classant Sida chez les PVVIH reste supérieure d’un facteur
2à 3à celle de la population générale, même s’il existe de fortes disparités selon le type de
cancer. Ainsi, les cancers de l’anus et la maladie de Hodgkin ont une incidence plus de 20
fois supérieure à celle observée dans la population générale alors que d’autres cancers ont
des niveaux de risque proches de ceux observés en population générale (cancers digestifs,
vessie, sein, prostate, rein, utérus) [4]. On retrouve, avec des risques intermédiaires plus
élevés chez les PVVIH que dans la population générale, les cancers liés au tabac (poumons,
cancers ORL) et aux co-infections virales (carcinomes hépatocellulaires liés au VHB et VHC ;
vulve, vagin et pénis liés aux HPV) ainsi que les cancers cutanés. Les cancers classant
Sida font également partie de cette catégorie de cancers viro-induits (Lymphome et EBV,
maladie de Kaposi et HHV8, cancer du col utérin et HPV). L’incidence globale des cancers
chez les PVVIH était de 14pour1000 PA dans la cohorte FHDH ANRS CO4 en 2006 dont
61% de cancers non classant sida [2].
Outre les facteurs de risque classiques de cancers, il a été montré dans plusieurs études
de cohorte, notamment françaises, une association avec l’immunodépression, même
modérée (dès 500 CD4/mm3) dans l’excès de risque des principaux cancers observés chez
les PVVIH [5, 6]. Dans certaines études de cohorte, le surrisque de cancer lié à l’immuno-
dépression semble effacé par la restauration immunitaire des CD4à plus de 500/mm3 sous
traitement antirétroviral (ARV), sauf dans le cas particulier du cancer de l’anus et de la
maladie de Hodgkin [6, 7].
Néanmoins, l’amélioration du statut immunitaire des PVVIH ces dernières années ne
semble pas s’associer de façon évidente à une diminution de l’incidence des cancers car
dans le même temps la population VIH vieillit, et l’exposition aux facteurs de risque de cancer
reste très importante [4]. À ce titre, la lutte contre le tabagisme et la consommation de
cannabis doivent constituer une priorité pour les soignants prenant en charge les PVVIH [8].
La réplication du VIH est également associée à certains cancers. Ceci est bien démontré
pour les cancers classant sida pour lesquels, indépendamment du niveau de CD4, il existe
un excès de risque de cancers en cas de réplication virale, en particulier pour les LMNH [5],
et le cancer anal [6]. Enfin, le rôle de l’inflammation chronique, de la dysfonction immuni-
taire et de l’immunosénescence dans le risque de cancer chez les PVVIH reste encore mal
compris et doit faire l’objet de programmes de recherche.
La prévention des cancers chez les PVVIH passe donc par deux axes principaux. D’une
part la lutte, comme en population générale, contre les facteurs de risque de cancers : outre
la lutte contre le tabagisme et la consommation de cannabis, les mesures hygiénodiété-
tiques au sens large doivent être systématiquement intégrées au suivi des PVVIH et le rôle
223
Cancers
de l’éducation thérapeutique renforcé dans cette optique (cf. chapitre « Suivi de l’adulte
vivant avec le VIH, prévention et gestion des comorbidités ») ; D’autre part, le maintien
d’une charge virale indétectable et la restauration immune constituent des mesures indis-
pensables justifiant l’initiation la plus précoce possible du traitement ARV chez les PVVIH
(cf. chapitre« Traitement antirétroviral de l’adulte »). Il persiste néanmoins des inconnues
quant au rôle potentiellement pro-oncogène de certains ARV. Ainsi, la toxicité cellulaire des
inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et leur rôle mutagène in vitro
ne s’est pas traduit à ce jour par une incidence accrue de leucémie ou myélodysplasie.
De même, le cytochrome P450 est la voie métabolique de nombreux carcinogènes. Ainsi,
certains polymorphismes du CYP 450 ont été associés à de nombreux cancers (poumons,
ORL, digestifs, etc.) et l’impact du ritonavir (ou du cobicistat) sur le métabolisme de ces
carcinogènes et sur le risque de cancer chez les PVVIH reste à déterminer [9]. Une étude
de cohorte a trouvé une association entre la prescription d’inhibiteurs non nucléosidiques
de la transcriptase inverse (INNTI) et maladie de Hodgkin et deux études de cohortes ont
identifié une association entre les inhibiteurs de protéase (IP) et le risque de survenue de
cancer anal alors que les IP restent protecteurs du cancer du col utérin dans une de ces
deux études [10,11]. Les mécanismes physiopathologiques de telles associations, si elles
étaient confirmées, restent donc à préciser.
Ces données épidémiologiques soulignent la nécessité d’un dépistage de l’infection par
le VIH lors du bilan initial de tout cancer. Ce dépistage permettra notamment la prescription
encadrée d’un traitement immunosuppresseur ou cytotoxique à un patient potentielle-
ment immunodéprimé [12].
Recommandations de bonnes pratiques de prise
en charge communes à tous les cancers
Toute PVVIH atteinte d’un cancer doit bénéficier des recommandations de bonnes pra-
tiques de prise en charge communes à tous les cancers. Ces recommandations s’articulent
autour de trois volets :
le dispositif d’annonce et de pluridisciplinarité ;
la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) ;
la prise en charge de la douleur.
Le dispositif d’annonce
Comme défini dans le plan Cancer, toute PVVIH atteinte de cancer doit bénéficier du
dispositif d’annonce réglementaire [13].
Ce dispositif d’annonce est organisé en quatre temps :
un temps médical qui correspond à l’annonce du diagnostic de cancer et de la pro-
position de la stratégie thérapeutique établie après discussion au cours de la RCP. Cette
stratégie thérapeutique exposée par le médecin, expliquée de manière claire et intelligible,
sera aussi remise sous forme d’un programme personnalisé de soins (PPS) ;
un temps d’accompagnement soignant, accessible aussi pour les proches, et qui est le
temps le cas échéant d’orientation vers des associations de patients agréées. Ce temps
est très important car il offre au patient le temps nécessaire pour parler de lui et de ses
proches ;
un temps consacré à l’accès à une équipe impliquée dans les soins de support ;
un temps d’articulation avec la médecine de ville.
L’élaboration d’un parcours de soin apparaît ainsi essentielle à cette phase aiguë de la
maladie impliquant plusieurs équipes soignantes. Il permettra de limiter les risques d’inter-
ruption de suivi de l’infection par le VIH.
224
PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH
La réunion de concertation pluridisciplinairecancer/VIH :
une organisation particulière
Comme évoqué au cours du dispositif d’annonce, dans le souci constant d’optimisation
de la prise en charge de PVVIH atteinte de cancer, le dossier médical doit être présenté en
RCP afin de définir un PPS qui intégrera les spécificités liées à l’infection par le VIH et ses
comorbidités.
Le cadre réglementaire des RCP en cancérologie, notamment sa composition et son
fonctionnement, est bien défini [14, 15]. Dans le cadre de la prise en charge d’une affection
maligne chez une PVVIH, l’objectif d’une RCP est d’assurer une prise en charge carcinolo-
gique optimale et identique à celle proposée en population générale (comorbidités/immu-
nodépression prises en compte). La RCP doit permettre par ailleurs de limiter le risque
d’interactions médicamenteuses entre les ARV et le traitement carcinologique (adaptation
du traitement antirétroviral, monitoring pharmacologique) ainsi que la survenue de compli-
cations liées à l’immunodépression secondaire (chimioprophylaxie des infections opportu-
nistes) et aux comorbidités (décompensation d’une hépatopathie, insuffisance rénale…).
La RCP nationale Cancer-VIH en cours de mise en place et soutenue par l’Institut national
du cancer (INCa) va permettre de répondre à cette spécificité de soins, associant à l’équipe
d’oncologues, un panel de médecins référents de l’infection par le VIH, de pharmacologues
et de virologues. À ce jour, les modalités de fonctionnement de cette RCP ne peuvent être
détaillées.
Les RCP de recours Cancer-Sida développées dans certaines régions pourront s’appuyer
sur cette RCP nationale et participeront au recueil épidémiologique des cancers chez les
PVVIH.
La prise en charge de la douleur
La prise en charge de la douleur doit être adaptée au profil de chaque patient et notam-
ment à son exposition antérieure ou actuelle à des opiacés ou des produits de substitution
et tenir compte des interactions entre antalgiques et antirétroviraux (cf. paragraphe « Le
traitement d’une affection maligne chez une PVVIH : aspects pharmacologiques ; Gestion
des traitements d’appoint et de confort »).
Prise en charge d’une PVVIH atteinte d’un cancer
Bilan au diagnostic de cancer chez une PVVIH : une spécificité
Au bilan carcinologique initial qui doit être identique à celui pratiqué en population géné-
rale, vient s’ajouter un bilan de l’infection par le VIH, réalisé en concertation entre l’onco-
logue et le médecin spécialiste du VIH (cf. tableau1). Pour les cas où le cancer est l’événe-
ment inaugural de la séropositivité VIH, le bilan initial de séropositivité tel que décrit dans
le chapitre « Suivi de l’adulte vivant avec le VIH, prévention et gestion des comorbidités »
devra être réalisé.
Tableau1. Bilan lors du diagnostic d’un cancer chez une PVVIH
Données de Suivi de l’infection VIH Informations à recueillir / Examens à réaliser
Antécédentsd’évènements classant sidadont
Infections
Cancers
Le type de pathologies et dates de survenue
Pour les cancers :
si chimiothérapie antérieure : molécules et doses totales
administrées ;
si radiothérapie antérieure : dose totale reçue.
Nadir de CD4 À défaut, stade CDC 1, 2 ou 3
Antécédents de thrombopénie Dernier taux de plaquettes
1 / 30 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !