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PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH
– Les interactions médicamenteuses entre les traitements pour le cancer (chimiothé-
rapie et traitements de confort) et le traitement antirétroviral font l’objet d’un sous-chapitre
spécifique qui rappelle notamment la possibilité d’interactions d’ordre pharmacocinétique
et/ou pharmacodynamique pouvant réduire l’efficacité et/ou majorer la toxicité de l’une ou
l’autre des molécules. Les tableaux résumant les interactions médicamenteuses connues
à ce jour sont positionnés dans l’annexe « Interactions médicamenteuses » de l’ouvrage.
– Les modalités de prise en charge et de dépistage des cancers les plus fréquents à ce
jour chez les PVVIH sont présentées en fin de chapitre incluant un calendrier de prise en
charge carcinologique et un calendrier de dépistage des cancers.
Données épidémiologiques
Dans l’enquête Mortalité 2010 conduite en France, les cancers représentaient 36% des
causes de décès, soit très largement, la première cause de décès. Si la part relative des
décès a diminué de 10% à 7% pour les lymphomes malins non hodgkinien (LMNH) entre
2000 et 2010, la part des carcinomes hépatocellulaires liés aux hépatites B et C est restée
stable (4%) tandis que celle des cancers non classant Sida et non liée aux hépatites B et C
a progressé de 11à 22% dans la même période. Les cancers bronchopulmonaires repré-
sentaient en 2010 la première cause de décès par cancers (9%), suivi des LMNH (7%), des
carcinomes hépatocellulaires (4%), des cancers digestifs (3%), ORL (3%) et anaux (3%) [3].
L’incidence des cancers non classant Sida chez les PVVIH reste supérieure d’un facteur
2à 3à celle de la population générale, même s’il existe de fortes disparités selon le type de
cancer. Ainsi, les cancers de l’anus et la maladie de Hodgkin ont une incidence plus de 20
fois supérieure à celle observée dans la population générale alors que d’autres cancers ont
des niveaux de risque proches de ceux observés en population générale (cancers digestifs,
vessie, sein, prostate, rein, utérus) [4]. On retrouve, avec des risques intermédiaires plus
élevés chez les PVVIH que dans la population générale, les cancers liés au tabac (poumons,
cancers ORL) et aux co-infections virales (carcinomes hépatocellulaires liés au VHB et VHC ;
vulve, vagin et pénis liés aux HPV) ainsi que les cancers cutanés. Les cancers classant
Sida font également partie de cette catégorie de cancers viro-induits (Lymphome et EBV,
maladie de Kaposi et HHV8, cancer du col utérin et HPV). L’incidence globale des cancers
chez les PVVIH était de 14pour1000 PA dans la cohorte FHDH ANRS CO4 en 2006 dont
61% de cancers non classant sida [2].
Outre les facteurs de risque classiques de cancers, il a été montré dans plusieurs études
de cohorte, notamment françaises, une association avec l’immunodépression, même
modérée (dès 500 CD4/mm3) dans l’excès de risque des principaux cancers observés chez
les PVVIH [5, 6]. Dans certaines études de cohorte, le surrisque de cancer lié à l’immuno-
dépression semble effacé par la restauration immunitaire des CD4à plus de 500/mm3 sous
traitement antirétroviral (ARV), sauf dans le cas particulier du cancer de l’anus et de la
maladie de Hodgkin [6, 7].
Néanmoins, l’amélioration du statut immunitaire des PVVIH ces dernières années ne
semble pas s’associer de façon évidente à une diminution de l’incidence des cancers car
dans le même temps la population VIH vieillit, et l’exposition aux facteurs de risque de cancer
reste très importante [4]. À ce titre, la lutte contre le tabagisme et la consommation de
cannabis doivent constituer une priorité pour les soignants prenant en charge les PVVIH [8].
La réplication du VIH est également associée à certains cancers. Ceci est bien démontré
pour les cancers classant sida pour lesquels, indépendamment du niveau de CD4, il existe
un excès de risque de cancers en cas de réplication virale, en particulier pour les LMNH [5],
et le cancer anal [6]. Enfin, le rôle de l’inflammation chronique, de la dysfonction immuni-
taire et de l’immunosénescence dans le risque de cancer chez les PVVIH reste encore mal
compris et doit faire l’objet de programmes de recherche.
La prévention des cancers chez les PVVIH passe donc par deux axes principaux. D’une
part la lutte, comme en population générale, contre les facteurs de risque de cancers : outre
la lutte contre le tabagisme et la consommation de cannabis, les mesures hygiénodiété-
tiques au sens large doivent être systématiquement intégrées au suivi des PVVIH et le rôle