LES
CELLULES
SOUCHES
HÉMATOPOÏÉTIQUES
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alloréactifs. Dans cette forme de tolérance aussi appelée « tolérance centrale », la
prise de greffe stable des cellules du donneur dans les sites hématopoïétiques
(macrochimérisme) du receveur induit l’élimination des lymphocytes T spécifi-
ques du donneur durant leur différenciation. Ce processus de sélection négative
est identique à celui aboutissant à la délétion clonale des lymphocytes T autoréac-
tifs survenant au cours de l’éducation thymique. La seconde forme de tolérance
appelée « tolérance periphérique », consiste en l’inactivation, en périphérie, des
lymphocytes T alloréactifs causant des dommages à la greffe. On suppose que ce
phénomène résulterait du microchimérisme défini comme la persistance de faibles
quantités de cellules du donneur à des sites distants de la greffe (peau, sang, gan-
glions lymphatiques). Les mécanismes impliqués dans la tolérance périphérique
incluent l’apoptose, l’anergie, l’immunodéviation avec production préférentielle
de cytokines suppressives commme l’IL-10.
Microchimérisme et tolérance
La relation entre microchimérisme et tolérance a d’abord été suggérée par
l’observation de l’effet bénéfique des transfusions sanguines avant transplantation.
Cette procédure résulte en une amélioration de 5 à 10 p. 100 de la survie des gref-
fons [15, 16]. Plus récemment, Starzl et coll. ont décrit une relation entre micro-
chimérisme et survie à long terme (27-29 ans) du greffon hépatique ou rénal
[17, 18]. Cette équipe a suggéré que les leucocytes du donneur pouvaient induire
chez le receveur une tolérance périphérique par l’anergie des lymphocytes T
induite par des cellules présentatrices d’antigène non professionnelles [19]. De
plus, certaines cellules du donneur peuvent exercer un effet veto résultant en l’inac-
tivation des lymphocytes T anti-donneur [20, 21]. Dans de nombreux modèles, on
a pu montrer que cette forme de tolérance dépendait d’une balance instable entre
microchimérisme et immunité anti-donneur. Ainsi, l’élimination des leucocytes du
donneur est corrélée au rejet de greffe [22, 23]. Cependant, la pertinence clinique
du microchimérisme est toujours matière à controverse et les données actuelles de
la littérature indiquent que ce type de chimérisme représente plus une conséquence
qu’une cause de la survie du greffon à long terme. De fait, le rejet aigu de greffe
peut survenir chez des patients présentant un microchimérisme stable [24, 25] et
dans cette situation, la disparition du microchimérisme après l’enlèvement du gref-
fon suggère qu’il reflète une libération constante de cellules du donneur de la greffe
[20]. Quoiqu’il en soit, ce champ intense de recherches a encouragé de nombreux
groupes à évaluer des protocoles cliniques de greffe combinée de CSH du donneur
et d’organe dans le but d’augmenter le microchimérisme. La greffe cellulaire était
réalisée en conjonction avec la mise en place d’une immunosuppression conven-
tionnelle, c’est-à-dire sans préconditionnement du receveur par des agents myélo-
toxiques. En transplantation hépatique, de tels protocoles ont permis d’augmenter
la survie du greffon [26]. Cependant, la vraie tolérance n’a pu être induite car
l’immunosuppression post-greffe n’a pu être arrêtée et les tests in vitro suggéraient
une immunosuppression non spécifique [27]. Des inquiétudes en ce qui concerne
la sécurité ont aussi été soulevées par ces essais. En transplantation rénale, l’infu-
sion de CSH du donneur non manipulée était associée à une augmentation de la
mortalité due à des infections virales [28]. Dans notre propre expérience, l’admi-
nistration de cellules CD34+ purifiées chez 10 receveurs de rein fut bien tolérée
bien qu’aucun chimérisme à long terme n’ait pu démontré, probablement du fait