DOSSIER Avec l`Expo Shanghai 2010, la Chine souhaite obtenir un

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L’ÉBULLITION CHINOISE
Avec l’Expo Shanghai 2010, la Chine souhaite obtenir un retentissement
mondial comparable à celui des Jeux Olympiques de Pékin et propulser ainsi
Shanghai sur le devant de la scène internationale. La manifestation,
qui déclinera la thématique “Better city, better life” du 1er mai au 31
octobre, se psente comme la plus grande exposition universelle de tous les
temps. Plus de 200 pays et organisations participants sont attendus,
ainsi que 100 millions de visiteurs.
Shanghai est à l’image du pays : en pleine ébullition, ambitieuse et
prometteuse. Cette dynamique inégalable attire évidemment un nombre
croissant de diplômés HEC, tandis que les partenariats entre HEC Paris et
les business schools chinoises gagnent en intensité. Devenue incontournable
dans bien des secteurs, la Chine n’est pourtant pas un marché facile.
Comment travaille-t-on dans l’empire du Milieu ? Quels sont les atouts
et les faiblesses de l’économie chinoise ? Quels sont les opportunités
professionnelles, les pièges à éviter, les rouages à connaître ?
Hommes & Commerce vous livre les clés d’une Chine très éveillée.
Le monde du business chinois
et ses subtilités
Portraits de diplômés La Chine, une priorité
pour HEC Paris
Analyses : multinationales
chinoises, PMI chinoises,
finances en Chine...
SOMMAIRE
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Expertises Business en Chine :
un défi culturel !
L
usine du monde ne cesse de multiplier
les records. Avec des exportations attei-
gnant les 1200 milliards de dollars en
2009, la Chine a détrôné lAllemagne de
la plus haute marche du podium des exporta-
teurs mondiaux. En 2010, lempire du Milieu,
dont la croissance dépassera largement celle
des pays occidentaux les plus industrialisés,
deviendra vraisemblablement le dauphin des
États-Unis en termes de PIB nominal.
“Para-
doxalement, la Chine a
accéléré sous leffet de la
crise ses gains de produc-
tivité dont la croissance
moyenne de 1990 à 2008
est à 4 %, soit quatre fois
supérieure à celle de notre
pays
, souligne Paul Clerc-
Renaud (H.70), Managing Director de Fargo.
La Chine est-elle pour autant un Eldorado où
les entreprises doivent simplanter impérati-
vement, une terre d’expatriation ?
“Dans le
panorama émergent global de nombreux sec-
teurs, le marché chinois devient incontourna-
ble. Toutefois, la décision de sy développer
ne doit pas résulter d’un effet de mode. Il faut
un plan soigneusement élaboré, des moyens
nanciers et humains conséquents, ainsi que
l’implication personnelle du chef dentreprise
et des cadres supérieurs concers
, pour-
suit-il. Éric Goujon (H.84), associé de Pricewa-
terhouseCoopers Audit & Conseil à Pékin
et président du groupement HEC Pékin,
conseille la même prudence avisée :
“Entre
3000 et 5000 jeunes diplômés arrivent à Shan-
ghai chaque année pour trouver un emploi ;
beaucoup d’entre eux repartent au bout de six
mois. Il existe de nombreuses opportunités,
mais sans un projet professionnel bien écha-
faudé, sans expertise et sans parler chinois,
c’est dif cile.
EXPLORER LA CULTURE CHINOISE
Une fois préparé, l’expatrié ou le chef dentre-
prise peut aborder le marché chinois, à condi-
tion de s’armer de patience.
“C’est le maître
mot !
, insiste Paul Haouzi
(MBA.98), président de
Bluebell Greater China et
président du groupement
HEC Hong Kong.
Il faut
laisser du temps au temps,
car tout est plus compliqué
ici de par l’histoire, les
problèmes de langue et les différences cultu-
relles.
Lapprentissage du chinois, sil est
recommandé, nest pas toujours indispensable.
En revanche, les expatriés doivent se plonger
dans la culture chinoise.
“Si un Occidental
ne comprend pas notre culture, il est alors très
diffi cile de travailler ensemble !”
, juge Li-Ya
Qiu (H.84), VP chez Total Raffinage Mar-
keting Chine.
La quête du consensus et
labsence de conflits sont
deux principes primor-
diaux.
“Après avoir ét é
discutées en groupe, les
décisions sont prises lors
des réunions. Il faut par-
venir à bâtir un consensus et éviter de se fâcher
ou de critiquer quelquun en public. Cela peut
avoir des effets contre-productifs
, prévient
Man-Ying Lee (D.01), professeur, consultant
en stratégie d’entreprise et président du grou-
pement HEC Taipei.
Il faut toujours garder
la face,
enchérit Leo Lui
(H.84), président dHer-
mès Chine.
Souvent, lors
d’une réunion, les Chinois
ne refusent pas explicite-
ment mais communiquent
leurs souhaits indirecte-
ment, car un refus est une
infraction en Chine. Il faut alors prêter atten-
tion à la communication non verbale (comme
le langage corporel).
Les expatriés s’avouent
souvent surpris par cette communication indi-
recte, comme le remarque Éric Goujon :
“À
une question directe, en France, on obtient
généralement une réponse directe. Pas en
Chine. La réponse pourra prendre la forme
d’une anecdote qui vous paraîtra décalée ou
de propos
circulaires
qui, peu à peu, vous
laissent deviner l’intention de votre interlo-
cuteur.
La Chine valorise également le respect et la
hiérarchie.
“Lorsquon sadresse à un homme
daffaires ou à un haut fonctionnaire, on lap-
pelle par son nom et son titre. Par exemple,
Monsieur le Président Chen. Lors de réunions
ou de négociations, les cartes de visite sont
obligatoires : elles doivent être reçues des deux
mains, examinées puis déposées sur la table.
Il serait extrêmement impoli de les jeter sur la
table sans leur prêter attention ! Il est aussi
considéré comme une politesse de faire un petit
cadeau à un partenaire d’affaires lors de la
première réunion. En revanche, il serait irres-
pectueux d’envoyer un jeune cadre français à
une réunion avec un interlocuteur chinois
senior : cela voudrait dire que lentreprise
française ne considère pas sérieusement son
partenaire chinois
, détaille Leo Lui.
RELATIONS ET TRANSACTIONS
Pour illustrer les différences culturelles saillan-
tes entre Français et Chinois, Hao Guan
(MBA.87), Managing Director China pour
VSL et président du groupement HEC Shan-
ghai, conte une anecdote :
“Supposez quun directeur
envoie son subordonné lui
acheter un paquet de ciga-
rettes. En France, on dira
que c’est un abus de pou-
voir, alors qu’ici ce sera
considéré comme une
marque de confiance.
Or, en Chine, la
confiance mutuelle savère centrale dans les
relations professionnelles. Les cadeaux, les
conversations qui démarrent les réunions avant
“La quête du consensus et
l’absence de confl its sont deux
principes primordiaux.”
“Un refus est une infraction en
Chine : il faut prêter attention à
la communication non verbale.
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de plonger dans le vif du business, le sens de
l’écoute sont autant de tentatives pour tisser
des relations autres que purement profession-
nelles. Un bémol toutefois : selon Man-Ying
Lee, il faut
“faire con ance
aux gens, mais ne pas
avoir une confi ance aveu-
gle dans leurs actions
,
d’ l’importance d’un bon
système de contrôle.
Les réseaux (“guanxi”)
restent un trait fort du pay-
sage des affaires, malgré l’ouverture de la Chine
et la professionnalisation des relations d’affai-
res.
“Lef cacité de la relation daffaires dépend
de la qualité des guanxi : il convient de culti-
ver ses relations en recherchant toujours la
perception partagée d’une situation équilibrée
où les deux parties trouvent leur compte,
observe Paul Clerc-Renaud.
Simple étape dans
cette relation, le contrat peut connaître des
rééquilibrages consensuels si les circonstances
évoluent. C’est là toute lambiguïté des affai-
res avec la Chine, ce qui implique une dispo-
nibili et une capaci d’écoute du partenaire
au plus haut niveau de la hiérarchie.
UNE EXPÉRIENCE FASCINANTE
Travailler en Chine nest pas pour autant mis-
sion impossible. Au
contraire.
“Vivant depuis
nombre dannées en Chine
et confrontés chaque jour
à cette différence, nous
nentendons pas la nier
mais quel autre pays nest
pas différent ?
, interroge
Éric Goujon. Si les circonstances et contrain-
tes varient dun pays à lautre, les objectifs
économiques et principes de gestion demeurent
quant à eux rigoureusement semblables.
LES FRANÇAIS VUS PAR LES CHINOIS
Le romantisme, la tour Eiffel, le luxe et l’art de vivre sont des images souvent
associées aux Français. L’envers de la médaille ? Nos compatriotes sont également
taxés d’arrogance et de mesquinerie. Selon Éric Goujon, la collaboration franco-
chinoise n’est pas évidente : Alors que les Chinois ont une vision holistique, les
Français se démarquent par le souci du détail. Les Chinois ne comprennent pas
pourquoi nous nous attachons à certains points contractuels et non pas à l’esprit
du contrat. Car s’ils sont nécessaires, ce n’est pas seulement en signant des contrats
que l’on fait du business en Chine !” Paul Clerc-Renaud considère que les Français
souffrent aussi d’un déficit de sérieux. “Nous avons la réputation de ne pas réa-
gir rapidement. Par ailleurs, les 35 heures, perçues comme un symbole de décadence
et de paresse, ont nui à notre image.
té business, les marques françaises liées au luxe et à la mode sont célèbres en
Chine, tout comme l’enseigne de grande consommation Carrefour. En revanche,
les autres secteurs dexcellence de lHexagone, tels que le nucléaire, les transports
ou encore les travaux publics, demeurent plut méconnus.
LE RÉSEAU HEC EN CHINE :
4 GROUPEMENTS
612 DIPLÔMÉS HEC EN CHINE
Shanghai, 135 diplômés
Pékin, 164 diplômés
Hong Kong, 144 diplômés
Taipei, 30 diplômés
Autres villes en Chine, 139 diplômés
La Chine attire de plus en plus de diplômés HEC. Les opportunités de carrière
y sont nombreuses et prometteuses, à condition de bien préparer son projet
et de savoir s’adapter aux spécifi cités culturelles. Sept diplômés HEC
décortiquent pour vous le monde des affaires chinois et ses subtilités.
“Ici, il faut faire confi ance aux
gens, mais ne pas avoir une
confi ance aveugle dans leurs
actions.”
Les diplômés HEC installés dans la région
savouent parfois surpris ou déstabilisés, mais
tous font part de leur fascination pour ce pays
qui marie traditions culturelles et profondes
évolutions économiques.
Il est très agréable
de travailler avec des Chinois, car cest une
culture qui privilégie encore l’humain par
rapport au résultat. Et quand un Chinois sent
que vous appciez sa culture, il vous le rend
au centuple”
, conclut Paul Haouzi.
“Simple étape dans une relation d’affaires, le contrat
peut connaître des rééquilibrages consensuels si les
circonstances évoluent.”
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Témoignages Parcours et regards
sur la Chine
LA FINANCE EN QUÊTE D’EFFECTIFS
Deepak Rao (H.95), Managing Director au bureau
de Hong Kong de Goldman Sachs
Vous vous déclarez fasciné par la Chine. Pourquoi ?
Voici plus de 13 ans que je travaille en Asie, dont 10 à
Hong Kong. Durant cette période, nous avons vécu
des événements susceptibles d’inquiéter sa croissance
(la reprise de Hong Kong en 1997, la crise asiatique de
1998, l’épidémie du SRAS en 2003). Cependant, la
Chine est ressortie plus forte à chaque reprise. D’un
point de vue financier, chaque année a fourni plus
d’opportunités de croissance que l’année précédente.
Aujourd’hui, la Chine est selon moi le pays au monde
qui a le mieux compris le capitalisme !
Quelles sont les opportunités dans le secteur finan-
cier ?
La Chine représente le plus impor-
tant marché de consommateurs au
monde, le plus important déten-
teur de réserves de dollars, et
conserve un bilan très peu endetté.
Son économie croît de plus de 10 %
par an depuis 2000. Cette crois-
sance a besoin d’être encadrée,
financée et mise en œuvre, ce que
s’efforcent d’assister les financiers basés en Asie. Voici
déjà plusieurs décennies, les banques occidentales
ont installé leur QG asiatique à Hong Kong, recrutant
expatriés et locaux. Un expatrié basé en Asie béné-
ficie souvent, pour une expérience donnée, d’un voire
de deux niveaux de responsabilités plus élevés qu’en
Europe ou aux États-Unis, et les carrières peuvent se
monter rapidement.
Quel a été l’impact de la crise en Chine ?
Rappelons-nous que l’Asie a vécu sa propre crise,
bien plus douloureuse, en 1998. Forte des leçons
qu’elle en avait tirées et grâce à sa puissance fiscale
actuelle, la Chine a disposé pour amortir la crise
récente de nombreux moyens qui,
dans l’ensemble, ont fonctionné
très rapidement. C’est à se deman-
der si la crise a jamais eu lieu en
Asie ! Plus subtilement peut-être,
cette crise a été pour la Chine l’op-
portunité d’accélérer la mise en
place de jalons nécessaires à faire
évoluer son positionnement d’“usine du monde” vers
celui de fournisseur de produits et services à haute
valeur ajoutée. La Chine ne fait que se réveiller…
UN MARCHÉ CONTRAIGNANT
Jacques Ponty (H.86), directeur général Danone Waters Chine
Expatrié en Chine depuis un an, Jacques Ponty porte un regard neuf sur ce
marché aux nombreux défis. “La taille du pays, la vitesse de croissance de
la consommation (de 15 à 20 % sur le secteur des boissons),
le caractère ts concurrentiel et compétitif du marché
et l’organisation de la distribution encore traditionnelle
et complexe nécessitent une remise en question de nos
méthodes et de nos stratégies de développement”, sou-
ligne-t-il. Lempire du Milieu, “plus challenging et
contraignant que d’autres marchés”, s’avère très grati-
fiant en termes de business : “Même avec des positions
de niche, on peut réussir à créer des business significatifs
dans des délais assez rapides et regarder l’avenir sur du long terme en res-
tant très optimiste.
LE FILON DU VIN
David Chow (MBA.96), fondateur d’Altavis Fine Wines
Quel est votre parcours ?
J’ai passé la quasi-totalité de ma vie professionnelle en Asie,
pour de grands groupes comme Peugeot, Pernod
Ricard, LVMH et DuPont. Il y a cinq ans, j’ai décidé
de devenir entrepreneur. J’ai commencé par gérer
des projets liés aux biotechnologies, avant de
fonder une société d’importation de vins, Alta-
vis Fine Wines.
Pourquoi avoir choisi ce secteur ?
Je connais bien ce domaine pour avoir dirigé les
vins Dragon Seal du groupe Pernod Ricard. Le potentiel est
énorme : la Chine est déjà le septième producteur mondial de
vin, et le dixième en termes de consommation. Dans les dix
années à venir, la Chine figurera vraisemblablement parmi les
trois premiers marchés mondiaux.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées en tant
qu’entrepreneur ?
Il ne faut pas se limiter à une vision simpliste de la Chine, à
savoir un marché énorme où le PNB explose. En réalité, il est
difficile de trouver sa place sur ce marché atomisé, concurren-
tiel et immature, où chaque zone nécessite un marketing et une
distribution différents. Il faut donc se démarquer en apportant
le professionnalisme et l’expertise du vin. Quant aux capitaux,
le système de prêts bancaires est beaucoup plus complexe qu’en
Europe.
“La Chine est selon moi
le pays au monde
qui a le mieux compris
le capitalisme !”
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