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HOMMES
ET
COMMERCE
•
AVRIL
-
MAI
2010
DOSSIER
CHINE
Expertises Business en Chine :
un défi culturel !
L
’usine du monde ne cesse de multiplier
les records. Avec des exportations attei-
gnant les 1200 milliards de dollars en
2009, la Chine a détrôné l’Allemagne de
la plus haute marche du podium des exporta-
teurs mondiaux. En 2010, l’empire du Milieu,
dont la croissance dépassera largement celle
des pays occidentaux les plus industrialisés,
deviendra vraisemblablement le dauphin des
États-Unis en termes de PIB nominal.
“Para-
doxalement, la Chine a
accéléré sous l’effet de la
crise ses gains de produc-
tivité dont la croissance
moyenne de 1990 à 2008
est à 4 %, soit quatre fois
supérieure à celle de notre
pays”
, souligne Paul Clerc-
Renaud (H.70), Managing Director de Fargo.
La Chine est-elle pour autant un Eldorado où
les entreprises doivent s’implanter impérati-
vement, une terre d’expatriation ?
“Dans le
panorama émergent global de nombreux sec-
teurs, le marché chinois devient incontourna-
ble. Toutefois, la décision de s’y développer
ne doit pas résulter d’un effet de mode. Il faut
un plan soigneusement élaboré, des moyens
fi nanciers et humains conséquents, ainsi que
l’implication personnelle du chef d’entreprise
et des cadres supérieurs concernés”
, pour-
suit-il. Éric Goujon (H.84), associé de Pricewa-
terhouseCoopers Audit & Conseil à Pékin
et président du groupement HEC Pékin,
conseille la même prudence avisée :
“Entre
3000 et 5000 jeunes diplômés arrivent à Shan-
ghai chaque année pour trouver un emploi ;
beaucoup d’entre eux repartent au bout de six
mois. Il existe de nombreuses opportunités,
mais sans un projet professionnel bien écha-
faudé, sans expertise et sans parler chinois,
c’est diffi cile.”
EXPLORER LA CULTURE CHINOISE
Une fois préparé, l’expatrié ou le chef d’entre-
prise peut aborder le marché chinois, à condi-
tion de s’armer de patience.
“C’est le maître
mot !
, insiste Paul Haouzi
(MBA.98), président de
Bluebell Greater China et
président du groupement
HEC Hong Kong.
Il faut
laisser du temps au temps,
car tout est plus compliqué
ici de par l’histoire, les
problèmes de langue et les différences cultu-
relles.”
L’apprentissage du chinois, s’il est
recommandé, n’est pas toujours indispensable.
En revanche, les expatriés doivent se plonger
dans la culture chinoise.
“Si un Occidental
ne comprend pas notre culture, il est alors très
diffi cile de travailler ensemble !”
, juge Li-Ya
Qiu (H.84), VP chez Total Raffinage Mar-
keting Chine.
La quête du consensus et
l’absence de conflits sont
deux principes primor-
diaux.
“Après avoir ét é
discutées en groupe, les
décisions sont prises lors
des réunions. Il faut par-
venir à bâtir un consensus et éviter de se fâcher
ou de critiquer quelqu’un en public. Cela peut
avoir des effets contre-productifs”
, prévient
Man-Ying Lee (D.01), professeur, consultant
en stratégie d’entreprise et président du grou-
pement HEC Taipei.
“Il faut toujours garder
la face,
enchérit Leo Lui
(H.84), président d’Her-
mès Chine.
Souvent, lors
d’une réunion, les Chinois
ne refusent pas explicite-
ment mais communiquent
leurs souhaits indirecte-
ment, car un refus est une
infraction en Chine. Il faut alors prêter atten-
tion à la communication non verbale (comme
le langage corporel).”
Les expatriés s’avouent
souvent surpris par cette communication indi-
recte, comme le remarque Éric Goujon :
“À
une question directe, en France, on obtient
généralement une réponse directe. Pas en
Chine. La réponse pourra prendre la forme
d’une anecdote qui vous paraîtra décalée ou
de propos
“circulaires”
qui, peu à peu, vous
laissent deviner l’intention de votre interlo-
cuteur.”
La Chine valorise également le respect et la
hiérarchie.
“Lorsqu’on s’adresse à un homme
d’affaires ou à un haut fonctionnaire, on l’ap-
pelle par son nom et son titre. Par exemple,
Monsieur le Président Chen. Lors de réunions
ou de négociations, les cartes de visite sont
obligatoires : elles doivent être reçues des deux
mains, examinées puis déposées sur la table.
Il serait extrêmement impoli de les jeter sur la
table sans leur prêter attention ! Il est aussi
considéré comme une politesse de faire un petit
cadeau à un partenaire d’affaires lors de la
première réunion. En revanche, il serait irres-
pectueux d’envoyer un jeune cadre français à
une réunion avec un interlocuteur chinois
senior : cela voudrait dire que l’entreprise
française ne considère pas sérieusement son
partenaire chinois”
, détaille Leo Lui.
RELATIONS ET TRANSACTIONS
Pour illustrer les différences culturelles saillan-
tes entre Français et Chinois, Hao Guan
(MBA.87), Managing Director China pour
VSL et président du groupement HEC Shan-
ghai, conte une anecdote :
“Supposez qu’un directeur
envoie son subordonné lui
acheter un paquet de ciga-
rettes. En France, on dira
que c’est un abus de pou-
voir, alors qu’ici ce sera
considéré comme une
marque de confiance.”
Or, en Chine, la
confiance mutuelle s’avère centrale dans les
relations professionnelles. Les cadeaux, les
conversations qui démarrent les réunions avant
“La quête du consensus et
l’absence de confl its sont deux
principes primordiaux.”
“Un refus est une infraction en
Chine : il faut prêter attention à
la communication non verbale.”