Pourquoi bêtamimétiques et corticoïdes conjuguent leurs actions*

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Asthme
Pourquoi bêtamimétiques et
corticoïdes conjuguent leurs actions*
Par Pr. Philippe Devillier (Département de pharmacologie, CHU de Reims)
les cellules inflammatoires (mastocytes,
éosinophiles). Leur activation inhibe la
libération des médiateurs synthétisés par
ces cellules. (2)
De plus, des données récentes suggèrent
que les agonistes β2 pourraient potentialiser, in vitro, l'effet anti-inflammatoire
des corticoïdes (9).
L
’asthme associe une contraction
des muscles lisses et une inflammationbronchique chronique .
Les β2-stimulants adrénergiques,
bronchodilatateurs, et les glucocorticoïdes, anti-inflammatoires, jouent un rôle
important dans la prise en charge de cette
affection. Les données actuelles montrent
que leur association n'est pas seulement
additive, mais permet une conjugaison de
leurs actions.
LES BÊTA-MIMÉTIQUES: PAS SEULEMENT
BRONCHODILATATEURS
Les β2-stimulants adrénergiques agissent
spécifiquement sur les récepteurs β2 présents sur les muscles lisses bronchiques,
des grosses bronches jusqu'aux bronchioles.
L'effet principal des β2-stimulants dans le
traitement de l'asthme demeure la relaxation du muscle lisse bronchique in vitro et
l'effet bronchodilatateur in vivo (1-5).
La relaxation des muscles lisses induite
par la stimulation des récepteurs β2 est
liée à trois réponses: une diminution des
concentrations en calcium cytosolique,
une inhibition des interactions actinemyosine et l'ouverture de canaux potassiques Ca++ dépendant de conductance
élevée (BKCa), conduisant à une hyperpolarisation et à une mise au repos de la
cellule (2,4,6,7).
Mais il est apparu depuis quelques années
que les β2-stimulants possèdent d'autres
effets in vitro, passant par l'activation de
récepteurs β2 situés ailleurs que sur les
cellules musculaires lisses (4).
Certains sont localisés au niveau des
glandes à mucus et des cellules épithéliales des bronches humaines. La fixation
des β2- agonistes sur ces récepteurs augmente la sécrétion de mucus et d'eau et
la fréquence des battements ciliaires,
accroissant ainsi la clairance mucociliaire
(2. 4).
Des récepteurs β2 sont situés sur les cellules de Clara et le s pneumocytes de type
II. Leur activation induit une sécrétion de
lipides et de surfactant qui pourrait prévenir l'atélectasie des bronches terminales
(2.4).
Des récepteurs β2 sont aussi exprimés sur
LES CORTICOÏDES: UN EFFET ANTI-INFLAMMATOIRE SURTOUT LIÉ À LEUR
ACTION SUR LES CYTOKINES
Les glucocorticoïdes sont des hormones
circulantes impliquées notamment dans
le métabolisme glucidoprotidique. Par
ailleurs, ils exercent de puissants effets
antiinflammatoires qui sont mis à profit en thérapeutique et expliquent qu'ils
soient, par voie inhalée des anti-inflammatoires indiqués en traitement de fond
de l'asthme persistant (10) .
Ces effets ont conduit au développement
de molécules de synthèse ayant une activité anti-inflammatoire très supérieure à
celle des hormones naturelles (cortisol,
c ortisone) et une activité minéralocorticoïde réduite.
Les propriétés anti-inflammatoires des
corticoïdes peuvent être expliquées par
la conjonction d'effets stimulants sur la
synthèse de protéines ayant des activités
anti-inflammatoires et d'effets inhibiteurs
sur la synthèse de protéines ayant des
activités pro-inflammatoires (11, 13).
Les glucocorticoïdes (GC) exercent leurs
effets anti-inflammatoires par l'intermédiaire d'un seul type de récepteur, le récepteur de type IIα des glucocorticoïdes
(GCRIIα).
C'est un récepteur cytoplasmique qui
forme un complexe multimoléculaire
avec des protéines chaperons. Celles-ci
empêcheraient la migration du récepteur
dans sa forme libre vers le noyau et/ou sa
dimérisation.
Les corticoïdes pénètrent dans la cellule
puis se fixent sur leurs récepteurs, provoquant un changement de leur conformation et leur dissociation des protéines
chaperons. Ces complexes GC-récepteurs
peuvent alors pénétrer dans le noyau et
exercer leur action anti-inflammatoire (11).
L'essentiel de l'action anti-inflammatoire
des glucocorticoïdes passe par l'inhibition
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directe, sans fixation à l'ADN, de la transcription de gènes codant pour les cytokines proinflammatoires induite par des
facteurs tels que AP-1 et NF-KB (11,12,14).
Ces facteurs de transcription, AP-1 et
NF-KB, se fixent sur des sites spécifiques
au niveau de l'ADN, qui contrôlent la
synthèse de la très grande majorité des
cytokines proinflammatoires (IL-lβ, TNFα,
IL-3, IL-4, IL-5, IL-Il, GM-CSF, chimiokines)
impliquées dans la réaction inflammatoire
bronchique (12).
Les GC peuvent interagir directement
avec ces facteurs de transcription, bloquant ainsi leurs effets stimulants sur la
synthèse de ces protéines inflammatoires.
De plus, les complexes GC-récepteurs
migrent dans le noyau, où ils se fixent sur
l'ADN sur des sites spécifiques (GRE, pour
Glucocorticoïd Responsive Element) au
niveau de la région régulatrice de gènes
cibles(15).
Cette fixation entraîne l'activation de la
transcription (ou transactivation) des
gènes cibles. Certains codent pour différentes molécules pouvant jouer un rôle
dans l'inhibition de l'inflammation: la lipocortine 1, l'endopeptidase 24.11 ou le SLPI
(Secretory Leucocyte Protease Inhibitor). On a longtemps cru que ces actions
étaient le principal mécanisme de l'effet
anti-inflammatoire des corticoïdes, mais il
apparaît aujourd’hui que ce rôle est principalement dévolu à l’action inhibitrice
sur les cytokines.
De plus, au-déla de cette acivité anti-inflammatoire, il est apparu que les glucocorticoïdes favoriseraient, in vitro, l’action
des β 2-mimétique (27)
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BÊTA 2-MIMÉTIQUES ET CORTICOÏDES:
UNE POTENTIALISATION RÉCIPROQUE…
Des données récentes, in vitro, sont en
faveur d’une potentialisation réciproque β
2-mimétiques et des glucocorticoïdes.
1/ Les agonistes bêta 2 pourraient potentialiser l’effet anti-inflammatoire des corticoïdes.
Cette potentialisation a été démontrée sur
des monocytes humains en culture (8) visà-vis de la production de cytokines proinflammatoires. Cette production, réduite
sous corticoïdes , diminue plus fortement
en cas d’association avec un bêta-mimétique.
Un début d’explication de ce phénomène
a été apporté par une étude in vitro sur
des fibroblastes de poumon humain, démontrant une pré-activation (priming) du
récepteur des corticoïdes par agonistes β2
(9).
La fixation des corticoïdes sur leur récepteur serait ainsi facilitée et leur effet antiinflammatoire serait potentialisé.
2/ les glucocorticoïdes
favorisent l’action des bêta 2-mimétiques.
Parmi les gènes cibles activés par le complexe glucorticoïdes/récepteur figurent
notament les gènes codant pour les récepteurs β2 (2).
En effet, la stimulation prolongée d’un récepteur β2-adrénergique peut induire une
diminution progressive des effets bronchoprotecteurs et de la durée des effets
bronchodilatateurs des β2-stimulant: il
s’agit d’une désensibilisation homologue.
Les mécanismes impliqués, sur le plan biochimique, sont un découplage fonctionnel,
précoce, et une diminution du nombre
de récepteurs, à plus long terme (17,18).
Une baisse de l’efficacité protectrice des
β2-stimulants vis-à-vis des agents bronchoconstricteurs (métacholine, histamine,
adénosine, exercice, air froid, allergène)
est bien documentée (17,18) (la traduction
clinique reste incertaine).
L’administration simultanée de corticoïdes
diminue le risque de désensibilisation, car
ces substances induisent une régulation
positive des récepteurs 2-adrénergiques,
d’après des études in vitro et in vitro chez
l’animal et in vitro l’homme (19).
L’intérêt des corticoïdes vis-à-vis de
la réponse in vitro aux agoniste β2adrénergiques dépasse la seule prévention du risque de désensibilisation homologue lors de traitements prolongés. En
effets, les médiateurs de l’inflamation
(histamine, IL-1β …) peuvent aussi altérer la
fonction des récepteurs β2-adrénergiques,
par phosphorylation des récepteurs et diminution des capacités de stimulation de
l’adénylate-cyclase (20, 21).
Cette désensibilisation, qualifiée d’hétérologue, pourrait explique en partie
la réponse faible et retardée aux β2mimétiques lors des crise l’asthme sévère
(20, 21).
Les corticoïdes peuvent là encore restaurer la fonction des récepteurs β2adrénergiques, cette fois en diminuant la
synthèse des médiateurs de l’inflammation (20,21).
...EN CLINIQUE
De nombreux travaux cliniques ont montré l’intérêt de l’association entre un β2mimétique de longue durée d’action et un
corticoïde inhalé.
Dans ces études, l’adjonction au corticoïde du β2 mimétique de longue durée
d’action permettait un meilleur contrôle
de l’asthme que le doublement de la dose
quotidienne de corticoïdes inhalés (25,28).
Elle apportait de plus, une réduction du
nombre des exacerbations, suggérant
aussi un meilleur contrôle de l’inflammation bronchique (25).
Réciproquement, les corticoïdes préservent l’activité des β2-mimétiques. Cet
effet des corticoïdes a été vérifié récemment en clinique avec le salmétérol.
L’effet protecteur de ces β2-mimétiques
de longue durée d’action vis-à-vis d’une
provocation (à l’allergène et à l’adénosine
respectivement) est maintenu par l’administration de corticoïdes inhalés (23,24).
Ainsi, la conjugaison d’action entre β2mimétique et corticoïde inhalé est manifeste. Leur association, telle que celle
entre salmétérol et propionate de fluticasone (SERETIDE Discuse); se traduit par
une amélioration tant de la symptomalogie que de la fonction respiratoire (26).
Le traitement de l’asthme persistant repose sur l’association d’un
bêta-mimétique et d’un corticoïde sait aujourd’hui que ces classes
thérapeutiques sont non seulement complémentaire, mais conjuguent
aussi leurs actions. L’interêt de l’association d’un corticoïde inhalé et d’un
bronchodilatateuren est renforcé.
BÊTA 2-MIMÉTIQUE ET CORTICOÏDES
UNE
POTENTIALISATION
RÉCIPROQUE
Les agoniste β2 pourraient potentialiser
l’effet anti-inflammatoire des corticoïdes
en entrainant une pré-aciva- tion (priming) de leurs récepteurs, facilitant ainsi
leur fixation in vitro (9).
D’autre part les glucocorticoïdes favorisent l’action des β2-mimétiques en activant l’expression de gènes codant pour
leurs récepteurs (in vitro), diminuant ainsi
le risque de désenbilisation à l’action des
β2-mimétiques lors de leur administration
répétée.
Cette potentialisation réciproque justifierait en clinique l’association des deux
principes actifs.`
Cette potentialisation réciproque justifierait en clinique l’association des deux
principes actifs.
Références
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