Pourquoi bêtamimétiques et corticoïdes conjuguent leurs actions*

L’asthme associe une contraction
des muscles lisses et une inflam-
mationbronchique chronique .
Les β2-stimulants adrénergiques,
bronchodilatateurs, et les glucocorti-
coïdes, anti-inflammatoires, jouent un rôle
important dans la prise en charge de cette
aection. Les données actuelles montrent
que leur association n'est pas seulement
additive, mais permet une conjugaison de
leurs actions.
LES BÊTA-MIMÉTIQUES: PAS SEULEMENT
BRONCHODILATATEURS
Les β2-stimulants adrénergiques agissent
spécifiquement sur les récepteurs β2 pré-
sents sur les muscles lisses bronchiques,
des grosses bronches jusqu'aux bron-
chioles.
L'eet principal des β2-stimulants dans le
traitement de l'asthme demeure la relaxa-
tion du muscle lisse bronchique in vitro et
l'eet bronchodilatateur in vivo (1-5).
La relaxation des muscles lisses induite
par la stimulation des récepteurs β2 est
liée à trois réponses: une diminution des
concentrations en calcium cytosolique,
une inhibition des interactions actine-
myosine et l'ouverture de canaux potas-
siques Ca++ dépendant de conductance
élevée (BKCa), conduisant à une hyper-
polarisation et à une mise au repos de la
cellule (2,4,6,7).
Mais il est apparu depuis quelques années
que les β2-stimulants possèdent d'autres
eets in vitro, passant par l'activation de
récepteurs β2 situés ailleurs que sur les
cellules musculaires lisses (4).
Certains sont localisés au niveau des
glandes à mucus et des cellules épithé-
liales des bronches humaines. La fixation
des β2- agonistes sur ces récepteurs aug-
mente la sécrétion de mucus et d'eau et
la fréquence des battements ciliaires,
accroissant ainsi la clairance mucociliaire
(2. 4).
Des récepteurs β2 sont situés sur les cel-
lules de Clara et le s pneumocytes de type
II. Leur activation induit une sécrétion de
lipides et de surfactant qui pourrait préve-
nir l'atélectasie des bronches terminales
(2.4).
Des récepteurs β2 sont aussi exprimés sur
les cellules inflammatoires (mastocytes,
éosinophiles). Leur activation inhibe la
libération des médiateurs synthétisés par
ces cellules. (2)
De plus, des données récentes suggèrent
que les agonistes β2 pourraient potentia-
liser, in vitro, l'eet anti-inflammatoire
des corticoïdes (9).
LES CORTICOÏDES: UN EFFET ANTI-IN-
FLAMMATOIRE SURTOUT LIÉ À LEUR
ACTION SUR LES CYTOKINES
Les glucocorticoïdes sont des hormones
circulantes impliquées notamment dans
le métabolisme glucidoprotidique. Par
ailleurs, ils exercent de puissants eets
antiinflammatoires qui sont mis à pro-
fit en thérapeutique et expliquent qu'ils
soient, par voie inhalée des anti-inflam-
matoires indiqués en traitement de fond
de l'asthme persistant (10) .
Ces eets ont conduit au développement
de molécules de synthèse ayant une acti-
vité anti-inflammatoire très supérieure à
celle des hormones naturelles (cortisol,
c ortisone) et une activité minéralocorti-
coïde réduite.
Les propriétés anti-inflammatoires des
corticoïdes peuvent être expliquées par
la conjonction d'eets stimulants sur la
synthèse de protéines ayant des activités
anti-inflammatoires et d'eets inhibiteurs
sur la synthèse de protéines ayant des
activités pro-inflammatoires (11, 13).
Les glucocorticoïdes (GC) exercent leurs
eets anti-inflammatoires par l'intermé-
diaire d'un seul type de récepteur, le ré-
cepteur de type IIα des glucocorticoïdes
(GCRIIα).
C'est un récepteur cytoplasmique qui
forme un complexe multimoléculaire
avec des protéines chaperons. Celles-ci
empêcheraient la migration du récepteur
dans sa forme libre vers le noyau et/ou sa
dimérisation.
Les corticoïdes pénètrent dans la cellule
puis se fixent sur leurs récepteurs, pro-
voquant un changement de leur confor-
mation et leur dissociation des protéines
chaperons. Ces complexes GC-récepteurs
peuvent alors pénétrer dans le noyau et
exercer leur action anti-inflammatoire (11).
L'essentiel de l'action anti-inflammatoire
des glucocorticoïdes passe par l'inhibition
Asthme
Pourquoi bêtamimétiques et
corticoïdes conjuguent leurs actions*
Par Pr. Philippe Devillier (Département de pharmacologie, CHU de Reims)
Santé-MAG
N°34 - Novembre 2014
DOSSIER
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directe, sans fixation à l'ADN, de la trans-
cription de gènes codant pour les cyto-
kines proinflammatoires induite par des
facteurs tels que AP-1 et NF-KB (11,12,14).
Ces facteurs de transcription, AP-1 et
NF-KB, se fixent sur des sites spécifiques
au niveau de l'ADN, qui contrôlent la
synthèse de la très grande majorité des
cytokines proinflammatoires (IL-lβ, TNFα,
IL-3, IL-4, IL-5, IL-Il, GM-CSF, chimiokines)
impliquées dans la réaction inflammatoire
bronchique (12).
Les GC peuvent interagir directement
avec ces facteurs de transcription, blo-
quant ainsi leurs eets stimulants sur la
synthèse de ces protéines inflammatoires.
De plus, les complexes GC-récepteurs
migrent dans le noyau, où ils se fixent sur
l'ADN sur des sites spécifiques (GRE, pour
Glucocorticoïd Responsive Element) au
niveau de la région régulatrice de gènes
cibles(15).
Cette fixation entraîne l'activation de la
transcription (ou transactivation) des
gènes cibles. Certains codent pour dié-
rentes molécules pouvant jouer un rôle
dans l'inhibition de l'inflammation: la lipo-
cortine 1, l'endopeptidase 24.11 ou le SLPI
(Secretory Leucocyte Protease Inhibi-
tor). On a longtemps cru que ces actions
étaient le principal mécanisme de l'eet
anti-inflammatoire des corticoïdes, mais il
apparaît aujourd’hui que ce rôle est prin-
cipalement dévolu à l’action inhibitrice
sur les cytokines.
De plus, au-déla de cette acivité anti-in-
flammatoire, il est apparu que les gluco-
corticoïdes favoriseraient, in vitro, l’action
des β 2-mimétique (27)
BÊTA 2-MIMÉTIQUES ET CORTICOÏDES:
UNE POTENTIALISATION RÉCIPROQUE…
Des données récentes, in vitro, sont en
faveur d’une potentialisation réciproque β
2-mimétiques et des glucocorticoïdes.
1/ Les agonistes bêta 2 pourraient poten-
tialiser l’eet anti-inflammatoire des cor-
ticoïdes.
Cette potentialisation a été démontrée sur
des monocytes humains en culture (8) vis-
à-vis de la production de cytokines pro-
inflammatoires. Cette production, réduite
sous corticoïdes , diminue plus fortement
en cas d’association avec un bêta-mimé-
tique.
Un début d’explication de ce phénomène
a été apporté par une étude in vitro sur
des fibroblastes de poumon humain, dé-
montrant une pré-activation (priming) du
récepteur des corticoïdes par agonistes β2
(9).
La fixation des corticoïdes sur leur récep-
teur serait ainsi facilitée et leur eet anti-
inflammatoire serait potentialisé.
2/ les glucocorticoïdes
favorisent l’action des bêta 2-mimétiques.
Parmi les gènes cibles activés par le com-
plexe glucorticoïdes/récepteur figurent
notament les gènes codant pour les ré-
cepteurs β2 (2).
En eet, la stimulation prolongée d’un ré-
cepteur β2-adrénergique peut induire une
diminution progressive des eets bron-
choprotecteurs et de la durée des eets
bronchodilatateurs des β2-stimulant: il
s’agit d’une désensibilisation homologue.
Les mécanismes impliqués, sur le plan bio-
chimique, sont un découplage fonctionnel,
précoce, et une diminution du nombre
de récepteurs, à plus long terme (17,18).
Une baisse de l’ecacité protectrice des
β2-stimulants vis-à-vis des agents bron-
choconstricteurs (métacholine, histamine,
adénosine, exercice, air froid, allergène)
est bien documentée (17,18) (la traduction
clinique reste incertaine).
Ladministration simultanée de corticoïdes
diminue le risque de désensibilisation, car
ces substances induisent une régulation
positive des récepteurs 2-adrénergiques,
d’après des études in vitro et in vitro chez
l’animal et in vitro l’homme (19).
L’intérêt des corticoïdes vis-à-vis de
la réponse in vitro aux agoniste β2-
adrénergiques dépasse la seule préven-
tion du risque de désensibilisation homo-
logue lors de traitements prolongés. En
eets, les médiateurs de l’inflamation
(histamine, IL-1β …) peuvent aussi altérer la
fonction des récepteurs β2-adrénergiques,
par phosphorylation des récepteurs et di-
minution des capacités de stimulation de
l’adénylate-cyclase (20, 21).
Cette désensibilisation, qualifiée d’hé-
térologue, pourrait explique en partie
la réponse faible et retardée aux β2-
mimétiques lors des crise l’asthme sévère
(20, 21).
Les corticoïdes peuvent là encore res-
taurer la fonction des récepteurs β2-
adrénergiques, cette fois en diminuant la
synthèse des médiateurs de l’inflamma-
tion (20,21).
...EN CLINIQUE
De nombreux travaux cliniques ont mon-
tré l’intérêt de l’association entre un β2-
mimétique de longue durée d’action et un
corticoïde inhalé.
Dans ces études, l’adjonction au corti-
coïde du β2 mimétique de longue durée
d’action permettait un meilleur contrôle
de l’asthme que le doublement de la dose
quotidienne de corticoïdes inhalés (25,28).
Elle apportait de plus, une réduction du
nombre des exacerbations, suggérant
aussi un meilleur contrôle de l’inflamma-
tion bronchique (25).
Réciproquement, les corticoïdes pré-
servent l’activité des β2-mimétiques. Cet
eet des corticoïdes a été vérifié récem-
ment en clinique avec le salmétérol.
Leet protecteur de ces β2-mimétiques
de longue durée d’action vis-à-vis d’une
provocation (à l’allergène et à l’adénosine
respectivement) est maintenu par l’admi-
nistration de corticoïdes inhalés (23,24).
Ainsi, la conjugaison d’action entre β2-
mimétique et corticoïde inhalé est mani-
feste. Leur association, telle que celle
entre salmétérol et propionate de flutica-
sone (SERETIDE Discuse); se traduit par
une amélioration tant de la symptomalo-
gie que de la fonction respiratoire (26).
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BÊTA 2-MIMÉTIQUE ET CORTICOÏDES
UNE POTENTIALISATION RÉCI-
PROQUE
Les agoniste β2 pourraient potentialiser
l’eet anti-inflammatoire des corticoïdes
en entrainant une pré-aciva- tion (pri-
ming) de leurs récepteurs, facilitant ainsi
leur fixation in vitro (9).
D’autre part les glucocorticoïdes favo-
risent l’action des β2-mimétiques en acti-
vant l’expression de gènes codant pour
leurs récepteurs (in vitro), diminuant ainsi
le risque de désenbilisation à l’action des
β2-mimétiques lors de leur administration
répétée.
Cette potentialisation réciproque justi-
fierait en clinique l’association des deux
principes actifs.`
Cette potentialisation réciproque justi-
fierait en clinique l’association des deux
principes actifs.
Références
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28) Panwels R et al.N Engl J Med 1997;337: 1405-11.
Le traitement de l’asthme persistant repose sur l’association d’un
bêta-mimétique et d’un corticoïde sait aujourd’hui que ces classes
thérapeutiques sont non seulement complémentaire, mais conjuguent
aussi leurs actions. L’interêt de l’association d’un corticoïde inhalé et d’un
bronchodilatateuren est renforcé.
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