Pourquoila prise en charge du patient diabétique est

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éditorial
Pourquoi la prise en charge du
patient diabétique est-elle si difficile ?
Editorial
J. Philippe
Articles publiés
sous la direction
du professeur
Médecin-chef
Service d’endocrinologie,
diabétologie et nutrition
HUG, Genève
et du docteur
Médecin-adjoint
Service d’endocrinologie,
diabétologie et métabolisme
CHUV, Lausanne
Jacques Philippe
Juan Ruiz
D
e nombreuses études ont maintenant clairement démontré l’impact
positif d’un bon contrôle glycémique, d’une baisse du LDL-cholestérol et de la tension artérielle sur la prévention des complications micro et macro-angiopathiques du diabète. Sur la base de ces données, de nombreuses associations nationales et internationales ont fixé des buts de traitement qui sont pour le diabète une hémoglobine glyquée inférieure à 7%, pour
les lipides un LDL-cholestérol inférieur à 2,6 mmol/l et pour la tension artérielle des valeurs inférieures à 130/80 mmHg. Malheureusement, la plupart des
patients diabétiques n’atteignent pas
«… Pourquoi alors de telles
les valeurs recommandées. Plusieurs en­
quêtes aussi bien américaines qu’eurodifficultés dans la prise en
péennes ont démontré en effet qu’en
charge d’une maladie qui
général moins de 50% des patients diadevient de plus en plus frébétiques atteignaient une hémoglobine glyquée inférieure à 7% ; dans cerquente ? …»
taines populations des pourcentages
allant de 21 à 43% des patients avaient des hémoglobines glyquées supérieures à 9,5%. En outre, de 22 à 46% seulement des patients diabétiques atteignaient des valeurs de LDL-cholestérol inférieures à 2,6 mmol/l et environ le
même pourcentage des valeurs de tension artérielle inférieures à 130/80
mmHg. Si l’on prend l’ensemble des critères aussi bien glycémiques, lipidiques que de tension artérielle, moins de 10% des patients diabétiques les
remplissent. Pourquoi alors de telles difficultés dans la prise en charge d’une
maladie qui devient de plus en plus fréquente puisque l’on sait maintenant
que la progression de cette maladie aux Etats-Unis est d’environ 90% sur dix
ans. En effet, entre 1995-97 et 2005-07, selon les chiffres du Center for Disease
Control and Prevention, l’incidence annuelle ajustée pour l’âge a passé de 4,8
pour mille en 1995-97 à 9,1 en 2005-07. Cette augmentation alarmante est con­
firmée par une autre organisation, la National Health and Nutrition Examination
Survey qui indique que la prévalence du diabète chez les personnes âgées de
plus de vingt ans est de 12,9% dont 40% ne sont pas diagnostiqués. Le pourcentage de diabète diagnostiqué a augmenté de 5,1% dans la période 1988-94
à 7,7% dans la période 2005-06. Si l’on se réfère à l’ensemble des patients qui
ont un trouble du métabolisme du glucose en incluant l’intolérance au glucose, on arrive à un pourcentage de personnes affectées supérieur à 40%. Lorsqu’on s’intéresse plus spécifiquement à la population âgée, le diag­nostic de
diabète ou de prédiabète est observé chez trois quarts de ces personnes !
Il y a de nombreux facteurs qui peuvent expliquer les difficultés de la prise
en charge du diabète de type 2. Certains de ces facteurs sont bien connus
comme l’observance thérapeutique dans un contexte de maladie souvent
asymptomatique, l’importance de la participation du patient dans sa propre
prise en charge et le fait que la plupart des traitements n’atteignent pas un
objectif cardinal dans la prise en charge de ces patients, la perte de poids.
Mais est-ce que notre système médical est adapté à la prise en charge de
ces patients ?
Probablement pas. Et pourquoi ? Le diagnostic est pourtant simple, il
n’existe pas d’acte technique impliquant l’habileté du médecin, les choix de
traitement sont restreints, les antidiabétiques oraux étaient au nombre de
deux classes jusqu’il y a une dizaine d’années et même si leur nombre a augRevue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 juin 2009
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menté, ces deux classes restent largement les plus utilisées aujourd’hui. Enfin
la disponibilité de recommandation a beaucoup facilité le traitement et le
suivi de ces patients.
Le problème est que le médecin soigne des problèmes non douloureux
qui sont souvent la résultante d’une vie de plaisirs compensatoires avec pour
but la prévention de complications encore souvent inexistantes.
La constatation d’une difficulté réelle de prise en charge des patients diabétiques ne date pas d’aujourd’hui. De nombreuses études ont tenté de dé­
finir les approches qui pouvaient améliorer cette prise en charge. Force est de
constater que la plupart de ces approches ont un impact limité qui peut se
quantifier sur le contrôle glycémique par une variation de 0,2 à 0,5% d’hémoglobine glyquée pour les plus efficaces. Par
«… Le fait que plusieurs per- exemple, une récente méta-analyse de l’imsonnes interviennent diminue pact des interventions psychologiques dans le
contrôle du diabète indique une amélioration
ainsi le risque de lassitude
de l’hémoglobine glyquée de 0,3%.
dans le contact médecinPar contre, l’approche a un impact plus important.
Le succès de cette intervention est
patient …»
pro­bablement lié à plusieurs facteurs mais un
de ces facteurs est certainement le temps limité que consacre le médecin à la
prise en charge du patient diabétique. D’une part, la durée de la consultation
est souvent inférieure à 20 minutes, et parfois largement inférieure, et d’autre
part le suivi se résume très souvent à une consultation tous les trois mois.
L’approche en question est une intervention par une équipe. En effet, non
seulement le médecin intervient mais aussi l’infirmière spécialisée et la diététicienne. En effet, la grande majorité des études qui ont examiné l’impact
d’une prise en charge multidisciplinaire médicale et paramédicale ont démontré l’impact positif de cette intervention avec des diminutions d’hémoglobine glyquée parfois supérieures à 1% par rapport au groupe de contrôle.
Le grand avantage de la prise en charge multidisciplinaire est que les changements ou les adaptations de traitement se font rapidement avec des explications détaillées et un suivi serré, la plupart du temps qui peut se faire par
appel téléphonique. Des approches similaires ont aussi été développées par
communication au moyen d’internet ; les premiers résultats sont très prometteurs. Le fait que plusieurs personnes interviennent diminue ainsi le risque de
lassitude dans le contact médecin-patient, augmente la rapidité de l’intervention et l’aspect pratique prodigué par les infirmières spécialistes, les diététiciennes et d’autres professionnels paramédicaux et permet l’abord de problèmes moins directement liés à l’aspect médical mais qui peuvent jouer un
rôle majeur dans l’observance thérapeutique ; l’ensemble de ces facteurs
contribue probablement à l’amélioration substantielle de cette prise en charge.
Si cette approche multidisciplinaire semble être attractive, elle a néanmoins
des contraintes, et non des moindres. Par exemple, une modification structurelle considérable des soins et un coût important. Dans le futur, notre système
de santé devra trouver un juste équilibre entre un système de prise en charge
des patients diabétiques de type 2 plus performant et un coût acceptable pour
la société, particulièrement dans un contexte où la prévalence de cette maladie augmente considérablement et pour laquelle la prévention reste l’option
de choix pour le futur. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 juin 2009
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 juin 2009
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