SUR LA PENSÉE ET L'ACTION www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo. fr harmattan [email protected] cg L'Harmattan, 2006 ISBN: 2-296-00468-7 EAN : 9782296004689 Ibrahim NAHAL SUR LA PENSÉE ET L'ACTION Regards et réflexions L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris FRANCE L'Hannattan Hongrie Espace L'Harmattan Kinshasa L'Harmattan Italia L'Harmattan Burkina Faso Konyvesbolt Fac..des Sc. Sociales, Pol. et Via Degli Artisti, 15 Kossuth L. u. 14-16 Adm. ~BP243, KIN XI Université de Kinshasa RDC 10124 Torino 12B2260 ITALIE Ouagadougou 12 1053 Budapest - 1200 logements villa 96 Biologie, Ecologie, Agronomie Collection dirigée par Richard Moreau professeur honoraire à l'Université de Paris XIL correspondant national de l'Académie d'Agriculture de France Cette collection rassemble des synthèses, qui font le point des connaissances sur des situations ou des problèmes précis, des études approfondies exposant des hypothèses ou des enjeux autour de questions nouvelles ou cruciales pour l'avenir des milieux naturels et de l'homme, et des monographies. Elle est ouverte à tous les domaines des Sciences naturelles et de la Vie. Déjà parus Maurice BONNEAU, La forêt française à l'aube du XXlè siècle, 2005. Alain DE L'HARPE, L'espace Mont-Blanc en question, 2005. René LE GAL, Comprendre l'évolution,2005. Dr Georges TCHOBROUTSKY, Comment nous fonctionnons, 2005. Jean TOTH, Le cèdre de France, 2005. France Pologne pour l'Europe, Les enjeux de la Politique agricole commune après l'élargissement du 1ermai 2004, 2005. Louis CRUCHET, Le ciel en Polynésie. Essai d'ethnoastronomie en Polynésie orientale, 2005. Henri LOZANO, Le sens des choses. une logique d'organisation de l'univers,2005. Pierre PIGNOT, Europe, Utopie ou Réalité ?, 2005. Pierre DE FELICE, L'image de la terre: les satellites d'observation, 2005. André NEVEU, Les grandes heures de l'agriculture mondiale, 2005. Philippe PREVOST (Sous la direction de), Agronomes et territoires, 2005. Claude MONNIER, L'agriculture française en proie à l'écologisme, 2005. Arnaud MAUL, Approche évolutionniste de la sexualité humaine, 2005. Laurent HERZ, Dictionnaire des animaux et des civilisations, 2004. Michel DUPUY, Les cheminements de l'écologie en Europe, 2004. René MONET, Environnement, l'hypothèque démographique, 2004. Ignace PITTET, Paysan dans la tounnente. Pour une économie solidaire, 2004. A Laura, ma petite-fille Avec l'espoir qu'elle aura une vie pleine de bonheur PREFACE DE L'AUTEUR Depuis des années, je pense écrire un livre sur la pensée et l'action. Mais ne paraîtra-t-il pas étrange, me disais-je, pour les lecteurs du 21e siècle de voir un écologue forestier écrire un livre sur ce sujet qui est d'habitude philosophes, des généralistes, des penseurs? l'affaire des En tant que spécialiste en Ecologie, je n'ai pas cantonné mon esprit et ma pensée dans cette discipline. Je ne me suis pas enfermé dans une tour d'argent en fermant les yeux sur tout ce qui est en dehors de cette discipline, qui est d'ailleurs ouverte sur plusieurs autres disciplines: Biologie, Biochimie, Physique, Socio-Économie etc Je n'ai pas oeuvré durant l'exercice de ma profession au fond d'une caverne. L'écologue dissèque la Nature, classe et décrit les écosystèmes qui la composent, et propose des méthodes pour leur exploitation rationnelle et durable. Pour arriver à cette fin, l'écologue doit regarder la Nature dans son ensemble où l'Homme fait partie intégrante de ses écosystèmes naturels ou artificialisés; il constitue avec sa pensée ce que Teilhard de Chardin appelle la Noosphère. Cette façon de voir la Nature nécessite de la part du pur spécialiste scientifique un effort de pensée transcendant qui lui permet de comprendre la Nature tout entière en généraliste, par delà les limites de son antre spécialisé. Car, ne l'oublions jamais, la Nature est une; rien ne peut être vraiment compris en étant séparé de tout le reste. Il lui faudra donc adapter sa pensée et son action à cette nouvelle façon de voir. Il devra s'habituer à faire de la synthèse, à avoir un esprit synthétique, en vue de concevoir la Nature dans son ensemble, par-dessus des études analytiques et des visions séparées des spécialistes. Bien que les spécialistes soient indispensables pour faire progresser les disciplines scientifiques et leurs applications, il nous faudra favoriser le développement d'esprits synthétiques qui auront la capacité de jeter un coup d'oeil panoramique sur l'ensemble de nos connaissances analytiques et d'en faire une synthèse, qui ne peut être faite que par un cerveau unique, qui seul sera capable d'articuler harmonieusement nos connaissances et de produire un portrait acceptable de l'ensemble des phénomènes. Pour former ces esprits analytiques et ces esprits synthétiques, intellectuels ou manuels, il faudra recourir à développer leurs pensées, à leur apprendre l'utilisation rationnelle du temps et comment passer de la pensée à l'action, d'où l'importance des systèmes d'éducation dans la formation de ces esprits. Mais pour arriver à cette fin, il faudra être convaincu de l'importance de la pensée dans la vie de l'individu et de la société, car certains se demandent pourquoi développer la pensée, cultiver la science, pourquoi s'imposer tant de travaux, de jour en jour, plus ardus. Est-ce que la pensée est nécessaire pour vivre? Est-ce sûrement une vie plus agréable, plus tranquille, plus conforme à notre goût naturel de bien-être et de moindre action, que la pensée nous procurera? Ne serait-ce pas plutôt une vie plus haute, plus noble, plus difficile, riche de luttes, de sensations et d'ambitions nouvelles, amoureuse notamment de la science et de la culture, c'est-à-dire de la recherche désintéressée, de la pure connaissance du vrai? Qu'est-ce que les joies intenses et supérieures de l'initiation à la recherche, de la découverte 8 principalement, sinon le triomphe d'un esprit qui réussit à pénétrer des secrets en apparence indéchiffrables et qui jouit de son labeur victorieux, à la manière de l'artiste? Qui peut donner à la pensée sicentifique son prix, sinon la libre décision d'un esprit qui, dominant l'esprit scientifique luimême, croit à un idéal esthétique et moral? Après maintes reflexions et hésitations, j'ai décidé d'écrire ce livre, en me disant que je dois sortir du fond de ma caverne de spécialiste professionnel, étant convaincu que la pensée et l'action sont en fait plus liées aux hommes qu'aux disciplines scientifiques et techniques. L'ambition de cet ouvrage est de présenter à ce qu'il est traditionnellement convenu d'appeler l'honnête homme/femme cultivé(e) certains problèmes d'intérêt toujours et, éternellement, actuel, en évitant l'érudition superflue et, autant que possible, la terminologie trop savante. Dans cet ouvrage qui n'est pas de la science pure, je n'ai pas voulu indiquer des références pour toutes les citations et les idées discutées, ni faire une bibliographie complète, comme il est d'usage dans les livres scientifiques; cela eût été pédant et aurait surchargé le texte. Mais j'ai cité dans le texte et en bas de page les titres et les auteurs de certains ouvrages qui me paraissaient particulièrement précieux. L'auteur Alep le 10 Août 2004 9 I. AUX SOURCES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE Les Babyloniens, et à leur suite les Chaldéens, sont les précurseurs du raisonnement scientifique. Pour aller aux sources de la pensée scientifique, nous devons faire un retour en arrière, au Ille millénaire av. I.-C. et nous placer en Mésopotamie, au Moyen-Orient et, en particulier, en Babylonie pour voir apparaître les prémices de la pensée scientifique, qui fut transmise par les Chaldéens, considérés comme les plus anciens des Babyloniens et les derniers représentants de leurs savants. On les considère comme les précurseurs du raisonnement scientifique. Ces Chaldéens formaient dans l'Etat une classe semblable à celle des prêtres de l'Egypte ancienne. Ils étaient associés aux plus hautes spéculations scientifiques, et sont parvenus à acquérir des notions scientifiques assez poussées, persuadés que leurs investigations pourraient un jour leur dévoiler le secret des dieux et de la Destinée humaine. Les Chaldéens étaient, de fait, les dépositaires de la Science sacrée qui contenait tous les domaines du savoir de cette époque. Mais les travaux des savants modernes ont pu séparer les résultats scientifiques qu'ils avaient obtenus des pratiques de la divination et de la magie. Ces anciens Babyloniens vivaient dans le pays de Sumer et d'Accad où se situera la Chaldée. La preuve incontestable de la valeur scientifique des Babyloniens est apportée par les mathématiques transmises par les Chaldéens et que Fr. Thureau-Dangin, dans son livre: Il Esquisse d'une histoire du système sexagésimal, publié à Paris en 1932, définissait ainsi: L'expression du nombre atteint dans le système savant chez les Babyloniens un degré de simplicité, d 'homogénéité et d'abstraction qui n 'ajamais était dépassé. La pensée des Babynoniens a rayonné au Moyen-Orient grâce à l'invention de l'écriture. Leurs écrits nous ont livré, non seulement leur pensée, mais ils nous ont permis de pénétrer dans un des domaines les plus étonnants du cerveau humain. Le Moyen-Orient devint à cette époque un foyer du savoir. Les Ecoles établies dans les colonies grecques de cette région (comme celle de Milet, patrie de Thalès, et Nicée où naquit Hipparque) brillèrent d'un éclat dont s'orgueillirent les premiers savants grecs et les philosophes. Il semble que Pythagore] n'ait quitté l'Asie Mineure qu'au moment des guerres médiques. Nombreux furent les mathématiciens, les astronomes et les philosophes grecs qui se rendirent en Asie Mineure aux sources du "savoir" en ce temps où l'on pouvait déjà bénéficier de découvertes, comme dans nos temps modernes. La diffusion de la pensée scientifique a été facilitée par l'invention de l'écriture. L'écriture cunéiforme (du latin cuneus, coin, clou) sur des tablettes d'argile, si particulière, que les Sumériens avaient apportée et que les Babyloniens ont toujours perfectionnée, leur a permis d'acquérir une force étonnante dans les "jeux de l'esprit", en Orient. 1 Rutten M., 1960- La science des Chaldéens. Que sais-je? Presses Universitaires de France, Paris. 12 Pour la transmission du savoir, les Babyloniens ont formé des scribes qui constituaient les élites du peuple. Le scribe faisait partie du clergé, mais si tous les prêtres étaient des scribes, tous les scribes n'étaient pas forcément des prêtres ni surtout des "sages". NAISSANCE DES SCIENCES Les textes cunéiformes qui nous sont parvenus mettent en évidence le rôle que les Babyloniens ont joué dans l'Histoire des Sciences, en particulier en ce qui concerne l'Organisation du temps, l'Astronomie et les Mathématiques. L'ASTRONOMIE Les Babyloniens introduisirent la date du Nouvel An avec le mois de Nisan (Avril), à l'équinoxe du printemps et l'année idéale de 360 jours divisée en 12 mois de 30 jours. Ils remarquèrent que cette année était trop courte: tous les six ans le décalage était d'un mois et, au bout de 36 ans, les saisons d'hiver et d'été auraient été inverties. Pour rattraper le décalage, les Babyloniens avaient institué des mois intercalaires qui étaient tantôt le 6e mois, tantôt le 12e mois, pour être en accord avec l'époque correspondant à la moisson (actuellement de mai à fin juin en Iraq) ou encore aux récoltes de dattes (actuellement de la mi-september à novembre), parce que les agriculteurs devaient rembourser leurs prêts à la moisson, d'après les contrats juridiques. Le jour était divisé en 12 heures, qui sont des heures de notre temps. Les heures étaient divisées en 60 (doubles des nôtres) et celles-ci en secondes. Or avons divisé le jour en 24 heures, nos montres 13 doubles minutes si nous et nos pendules ont conservé Babyloniens. le cadran de 12 heures des La division du temps en une année idéale de 360 jours, de 12 mois avec des mois intercalaires obligeait les astrologues à fixer le début de chaque mois. Pour fixer le temps, les Chaldéens avaient utilisé la lune comme point de repère parce qu'elle était plus commode à observer. Ils nous ont laissé dans les textes cunéiformes des documents extrêmement précieux pour déterminer à l'avance l'apparition de la nouvelle lune. Ils rendent compte du niveau scientifique des astronomes chaldéens, car il est difficile d'apercevoir le croissant lunaire dès sa première apparition. Kidinnou, le grand astronome chaldéen l, avait parfaitement calculé le mois lunaire synodique avec une exactitude étonnante à 0.60 seconde près: 29 jours 12 heures 44 minutes 3.3 secondes, corrigé par Hipparque en 29 jours 12 heures 44 minutes 2.5 secondes, alors qu'il a réellement 29 jours 12 heures 44 minutes 2.7 secondes. Ptolémée dans le livre IV indiquait: Ceux qui sont plus anciens (les Chaldéens) ont découvert que la lune en 6585 jours et 8 heures retourne 223 fois au soleil, 239 fois à son apogée, 242 fois à son noeud, et avec un excédent de 10°41',240 fois au même point de l'écliptique. Géminus disait que les Chaldéens avaient déterminé le mouvement moyen diurne de la lune de 13°10'35" (exact à l'' près). Les auteurs de l'Antiquité grecque et romaine, Strabon, Simplicius avaient une haute idée des astronomes chaldéens, héritiers des Babyloniens. Ils disaient qu'il y avait l M. Rutten, 1960- La science des Chaldéens. Que sais-je? Universitaires de France, Paris. 14 Presses en Babylonie une caste ou colonie de philosophes indigènes appelés "Chaldéens" qui s'occupent principalement d'astronomie, ce qui prouve qu'à côté des astrologues, il existait de vrais astronomes en Babylonie, au sens moderne du terme. Les Grecs connurent les travaux des Chaldéens sur l'astronomie et en ont profité. Aristote mentionne dans Le Ciel, au livre TI,au sujet de l'occultation de Mars par la lune, que les Egyptiens et les Babyloniens ont fait de semblables observations sur les autres astres pendant plusieurs années. Selon Sénèque (Nat. Quaest. Vil), Epigène avait étudié l'astronomie chez les Chaldéens. D'après M. Rutten, 1960, les documents cunéiformes des tablettes d'argile qui ont été exhumées par les fouilles ont permis de juger l'oeuvre grandiose accomplie par les astrologues et astronomes babyloniens, qui dépasse ce que les Grecs nous ont rapporté. Ils étaient plus que tous les autres hommes de l'Antiquité versés dans l'astrologie et l'astronomie, et ils ont cultivé cette science avec le plus grand soin. Leurs recherches et leurs observations démontrent un véritable esprit scientifique, comme nous l'entendons à notre époque. Toutefois, les connaissances qu'ils parvinrent à acquérir ne leur ont pas donné l'idée de rechercher l'explication des phénomènes dans l'ombre de la Physique; ils sont restés jusqu'au bout attachés à leurs doctrines religieuses auxquelles l'astrologie obéissait et la doctrine astronomique est restée purement descriptive, comme elle est illustrée dans le Poème babylonien de la création l et le récit de la Création du grand prêtre chaldéen du temple de Mardouk, au temps d' Antiochus Soter (281-261 avo J.-C.). Les Babyloniens étaient persuadés que tous les mouvements mystérieux des astres déterminaient l LABAT R., 1935- Le Poème babylonien de la création, Paris. 15 le sort des destinées humaines. C'est pourquoi ils se mirent à étudier très soigneusement leur marche, favorisés dans leurs observations par des conditions météorologiques exceptionnelles, avec un ciel presque toujours clair et sans nuages durant toute l'année. Concernant les planètes, la haute précision des calculs des Chaldéens avait obtenu des résultats remarquables signalés par Ptolémée qui les tenait d'Hipparque. Ils ont, en outre, réalisé le zodiaque ou plan de l'écliptique. A l'époque assyrienne, on trouve des configurations actuelles: le taureau, le lion, le capricorne, le scorpion etc... Les astrologues babyloniens ont déterminé les éclipses, comme ont pu se rendre compte les savants modernes, en utilisant le cercle (360°) zodiacal. Ils purent remarquer que la lune le coupe en deux endroits appelés "noeuds" et que c'est en ces endroits seulement que peuvent se produire les éclipses. Les recherches des astrologues babyloniens ont été poussées jusqu'aux "étoiles fixes" et aux constellations; elles fournissent la preuve que l'Astrologie, bien qu'ayant une forme "sacrée", fut conduite avec un esprit strictement scientifique. Al' époque des Séleucides, les documents astrologiques des Chaldéens faisaient preuve d'un très haut niveau scientifique. Il existait en Babylonie des traités d'Astronomie à l'usage des élèves qu'on a découverts sur des tablettes d'argile, ce qui donnait à l'Astronomie une autonomie par rapport à l'Astrologie. Les Grecs qui eurent connaissance des résultats obtenus par les Chadéens, tels que Pythagore, Thalès et Aristarque, s'en inspirèrent heaucoup dans leurs recherches en Astronomie. 16 Al' époque hellénistique, dans tout le Monde antique, les connaissances des phénomènes célestes détenues par les Chaldéens étaient notoires. LES MATHÉMATIQUES Les Babyloniens, et à leur suite les Chaldéens, furent incontestablement des grands mathématiciens. Ils étaient à l'origine de la pensée mathématique dans le Monde antiquel. Ils ont connu le système sexagésimal, système abstrait, hermétique et savant: la division du cercle en 3600, du jour en 24 heures, de 1'heure en 60 minutes de 60 secondes, que les Grecs nous ont transmis. Mais on attribue l'invention du système sexagésimal non pas aux Babyloniens mais aux Sumériens. Et les Babyloniens qui en héritèrent conservèrent ce système pour les textes scientifiques, tandis qu ils usaient couramment d'un système décimal, plus facile à utiliser. Les Grecs qui ont connu le système sexagésimal des Chaldéens le conservèrent pour les fractions. Ils y apportèrent une innovation, en introduisant le zéro initial qui a permis d'exprimer l'ordre de grandeur. Par les néo-platoniciens et les Arabes, ce système est arrivé en Europe grâce aux textes astronomiques. Ils ont élaboré des tables d'inverse qui étaient utilisées par les scribes et servaient aux divisions. Il existait aussi des tables de carrés des sexagésimales de 1 à 60. Les racines cubiques étaient aussi indiquées par des tables. 1 Thureau Dangin Fr., 1938- Textes mathématiques babyloniens (TMB), Leiden. 17 Selon E. M. Bruins 1, les Babyloniens ont trouvé l'approximation du rapport de la circonférence au diamètre 1l"= 3 18' (c'est-à-dire 3.125). Les Babyloniens connaissaient avant Pythagore la propriété des nombres pythagoriciens; ils utilisaient dejà les procédés rendus par la formule dite du gnomon de Pythagore: (x+lXy+l)=xy+x+y+1 Thureau-Dangin indiquait2 que les problèmes à résoudre étaient classés par ordre de difficulté progressive dans un ordre méthodique et uniquement didactique. Cependant, les Babyloniens n'avaient aucun moyen d'écrire une formule, mais sans poser l'équation, le scrible fait les opérations nécessaires pour en calculer les termes et en procurer la solution; l'équation à résoudre est en réalité livrée par l'énoncé. . .. Les procèdés utilisés sont ceux de l'algèbre (babylonienne), de l'élimination d'inconnues par la méthode de substitution et de l'introduction d'une inconnue auxiliaire. En ce qui concerne la Géométrie, les Babyloniens ont calculé le tronc de pyramide carrée; il s'agit en réalité d'une sorte de terre-plein pour y sécher des briques. Dans différentes tablettes d'argile, on trouve le calcul du volume du cylindre, du tronc, du cône etc.... D'autre part, E. M. Bruins, 1952 a mis en évidence que les mathématiciens babyloniens ont développé une Géométrie du 1 Bruins E. M., 1952- Nouvelles découvertes sur les mathématiques babyloniennes (Les Conférences du Palais de la Découverte, Série D, NQ Il), Paris. 2 Thureau-Dangin, 1938- Textes mathématiques babyloniens (TMB), Leiden. 18 fil à plomb tout à fait équivalente à la Géométrie euclidienne. Ils ont connu le théorème de Pythagore dans le triangle rectangle dès la première dynastie de Babylone, au début du nème millénaire av.J.C. Une application du théorème de Pythagore a été retrouvée en 1938 par Fr. Thureau-Dangin sur une tablette en argile. C'était probablement un problème à résoudre donné aux scribes à l'examen. Il ressort de ce qui précède que les Babyloniens, et à leur suite les Chaldéens, furent incontestablement des chercheurs, doués sans doute d'esprit scientifique et de raisonnement logique. Leur "Science sacrée" contenait en elle tous les germes des connaissances, et en pénétrant dans le monde grec puis dans le monde arabe, elle allait ouvrir la voie aux découvertes des temps modernes. La science des Babyloniens n'a été devoilée et connue de l'Occident et même de l'Orient qu'après les fouilles commencées en 1842 à Ninive, la capitale de l'Assyrie, par le fondateur de l'Assyriologie Botta, agent consulaire de France à Mossoul. Ces premières fouilles ont permis de découvrir le palais du roi d'Assyrie Sargon n (722-705 avoJ. C.). Les fouilles, interrompues par la révolution de 1848 en France, furent reprises sur le site de Ninive par les fouilleurs anglais: Layard, Loftus, Rawlinson aidés de Rassam, qui retrouvèrent les tablettes d'argile cunéiformes constituant la bibliothèque dite d'Assourbanibal. Les fouilleurs allemands explorèrent Assour, la première capitale des Assyriens puis Babylone, capitale de l'empire rival de l'Assyrie. L'exploration de la région continua et s'élargit grâce à des fouilleurs français, allemands, américains, aussi bien en Irak que dans les pays limitrophes de la grande Assyrie: à Suze en territoire iranien et surtout à Mari près d'Abou Kamal en 19 Syrie dont les fouilles ont été conduites par A. Parrot qui découvrit les archives du palais royal dont la traduction fut effectuée sous les auspices de G. Dossin. Dans le même temps, le déchiffrement de l'écriture cunéifonne et la traduction des tablettes continuaient des deux langues principales: le sumérien et l'accadien qui se scinda, plus tard, en babylonien et en assyrien. Pour conclure ce chapitre sur les sources de la pensée scientifique, nous pouvons dire que les Babyloniens, et à leur suite les Chaldéens, jouèrent un rôle de précurseurs, et par eux se sont transmises à travers le Monde antique des connaissances préscientifiques, ce qui a pennis aux Grecs de dresser une véritable science mathématique, aux Arabes d'inventer l'Algèbre, à René Descartes d'être indéniablement l'un des fonnateurs de l'esprit scientifique moderne et à Enstein d'élaborer la théorie de la Relativité. 20