La Russie de 1991 à nos jours

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La Russie de 1991 à nos jours
Contenu :
Introduction : L’indépendance de la Fédération de Russie ..................................................................... 1
I- La Russie d’Eltsine : des débuts difficiles ............................................................................................. 2
A) L’échec de la thérapie de choc et du virage libéral ........................................................................ 2
B) Un repli sur ses propres conflits internes ....................................................................................... 3
C) Un niveau de vie en baisse manifeste ............................................................................................. 4
II- Sous Poutine, vers un nouveau départ ?............................................................................................. 5
A) Une expansion économique remarquable ..................................................................................... 5
B) Un retour sur la scène internationale, mais tensions persistantes au sein de l’ex-URSS ............... 6
C) Un Etat-providence limité et une démocratie remise en cause : la Russie, Etat non-occidental ... 7
III- Un retour en force sur la scène internationale .................................................................................. 8
A) Une politique d’expansion à nouveau clairement visible ............................................................... 8
B) Un nouveau statut sur la scène internationale et la construction d’un bloc eurasiatique............. 9
C) L’économie russe, d’une crise à l’autre......................................................................................... 10
Conclusion : Une situation économique toujours instable, un retour en force sur l’échiquier mondial
............................................................................................................................................................... 11
A retenir................................................................................................................................................. 11
Personnages clés : ............................................................................................................................. 11
Chronologie synthétique : ................................................................................................................. 12
Pour approfondir… ................................................................................................................................ 12
A) Le semibankirchtchina ou les « sept banquiers » ......................................................................... 12
B) Gazprom ........................................................................................................................................ 13
Introduction : L’indépendance de la Fédération de Russie
Malgré les réformes engagées à la fin des années 1980 par Gorbatchev, l’URSS connaît de
profondes difficultés économiques au tournant des années 1990. Globalement, la situation
économique de l’URSS continue de s’aggraver au travers de lourds déficits, d’un
endettement croissant vis-à-vis de l’extérieur et de la hausse de l’inflation. D’autre part,
l’URSS connaît en son sein des dissensions de plus en plus manifestes sur le plan politique :
en 1990, toutes les Républiques, y compris la Russie, proclament leur souveraineté. En effet,
la Russie est elle aussi hostile au système fédéral car ce sont en réalité deux hommes qui
s’affrontent, Boris Eltsine pour la Russie et Mikhaïl Gorbatchev pour l’URSS.
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Eltsine, élu Président du Soviet suprême de la République socialiste fédérative soviétique de
Russie le 29 mai 1990, proclame le lendemain de son élection que la Russie sera
indépendante avant 100 jours. Beaucoup de Russes sont favorables à l’indépendance et
estiment que les autres Républiques vivent au crochet de la Russie. Gorbatchev souhaite
quant à lui contrer ces velléités sécessionnistes, et forme le projet d’une nouvelle
constitution soviétique qui offrirait plus d’autonomie pour les Républiques. Il mène alors une
course contre la montre face à la montée de ces revendications indépendantistes, mais
l’opposition conservatrice réalise un putsch le 19 août 1991 pour empêcher la signature de
ce nouveau traité d’Union. Gorbatchev, déclaré inapte à tenir son poste, est remplacé par
Guennadi Ianaïev, un conservateur qui était devenu vice-président grâce à lui.
Cependant, Boris Eltsine, élu Président de Russie le 12 juin 1991, s’oppose à ce putsch et
apparaît comme un sauveur. Les putschistes abandonnent leur action et Eltsine sort en
grand vainqueur de cet épisode, tandis que Gorbatchev est affaibli politiquement. Dès lors,
le Parti Communiste de l’Union Soviétique est rapidement dissout et, le 8 décembre, la
Russie, l’Ukraine et la Biélorussie signent le traité de Minsk qui crée la Communauté des
Etats Indépendants (CEI), proclamant également l’obsolescence de l’URSS. En décembre
1991, Gorbatchev démissionne lors d’un discours le 25 décembre et l’URSS est officiellement
dissoute.
I- La Russie d’Eltsine : des débuts difficiles
A) L’échec de la thérapie de choc et du virage libéral
Boris Eltsine, plutôt que de sauver le système économique hérité de l’URSS, décide de le
détruire, son but étant de mettre en place des réformes dures mais rapides : « la thérapie de
choc ». Aidés d’économistes, tels qu’Egor Gaïdar, il entreprend rapidement le passage à
l’économie de marché, inspiré de la fameuse « école de Chicago », ce qui permet à la Russie
de rejoindre les grandes instances internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds
Monétaire International (FMI) en 1992. Les réformes prévoient alors, avec l’aide du FMI, la
libéralisation des prix et des importations tout en contenant l’inflation, une politique
monétaire stricte, l’élimination du déficit budgétaire et la privatisation des entreprises
d’Etat, mesures à l’origine d’une contestation importante. Un environnement économique
propice est également mis en place, via des lois sur la faillite (1993) ou l’adoption d’un Code
civil (1995-1996), mais leur application reste difficile.
Afin de privatiser l’appareil de production, les citoyens russes se voient remettre un coupon
qu’ils peuvent utiliser pour acheter une part d’entreprise ou tout simplement vendre. Entre
1992 et 1994, plus de 15 000 entreprises sont ainsi privatisées auprès de quarante millions
de Russes, malgré le fait que la rapidité de ce processus ait empêché beaucoup d’entre eux
de comprendre et de participer. Les entreprises les plus importantes, notamment dans les
secteurs miniers et énergétiques, ne sont quant à elles pas concernées. Mais en 1995, les
problèmes économiques de l’Etat le poussent à accepter un prêt des grandes banques russes
en échange du contrôle de ces grandes entreprises. Ce pacte permet l’émergence des « sept
banquiers » (voir « Pour approfondir… »), un groupe d’oligarques contrôlant la quasi-totalité
de l’économie et de la vie médiatique russe. Elle permet en outre à Boris Eltsine de s’assurer
le soutien des oligarques russes face à Guennadi Ziouganov, candidat communiste à la
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présidentielle de 1996, première élection démocratique dans l’histoire russe post-soviétique.
Si ce dernier est largement en tête dans les sondages, Eltsine profite de l’aide économique
extérieure pour sa campagne et s’assure le soutien des médias et des autres candidats lors
du second tour pour l’emporter avec 53% des votes. Néanmoins, aujourd’hui encore, l’issue
de cette élection est controversée, des fraudes massives étant suspectées ou, dans certains
cas, avérées.
Durant la décennie, de nombreux problèmes économiques secouent la Russie. Tout d’abord,
le Rouble, monnaie héritée de l’URSS : si celle-ci ne peut être qu’imprimée par la Banque
centrale de Russie, les autres Etats de l’ancienne URSS peuvent continuer à délivrer des
crédits. La Russie n’a donc pas complètement le contrôle de sa monnaie, jusqu’à la création
du Rouble russe en juillet 1993. Dans le même temps, le troc, courant durant la période
soviétique, se développe particulièrement, empêchant les entreprises de payer leurs salariés
et l’Etat de collecter l’impôt. L’impôt, justement, consiste en une multitude de taxes qui,
additionnées entre elles, peuvent dépasser 100% des revenus des entreprises, d’où des
fraudes importantes, tandis que la plupart des particuliers refusent de payer un impôt sur les
revenus. Cette difficulté à faire entrer l’impôt rend alors difficile l’accomplissement des
obligations budgétaires russes. Ainsi, en 1998, un an après la crise asiatique, la Russie entre à
son tour en crise : le 17 août, le Premier ministre Sergueï Kirienko dévalue le Rouble de 34%
tout en demandant un moratoire pour payer ses dettes étrangères. Le Rouble est alors
considéré comme surévalué et la dette trop importante, notamment à court-terme.
Rapidement, l’économie russe sombre, la bourse russe décline de 90% entre 1997 et l’été
1998, et le chômage explose.
B) Un repli sur ses propres conflits internes
Contrairement à l’URSS, superpuissance au même titre que les Etats-Unis jusqu’à la fin des
années 1980, la Russie n’a pas, dans les années 1990, les moyens de rivaliser au plan
géopolitique sur la scène internationale. Certes, elle récupère le siège permanent de l’URSS
au Conseil de Sécurité de l’ONU ainsi que la majeure partie des infrastructures et
équipements militaires hérités de l’Union Soviétique. Mais ceux-ci sont vieillissants et ne
peuvent être remplacés du fait des difficultés économiques de l’Etat. La préoccupation
première de la Russie réside plutôt en l’établissement et la sécurisation de son propre
territoire, issu de l’éclatement de l’Union Soviétique. Mais la réalisation de son unité
territoriale est rendue difficile par les velléités indépendantistes de certains peuples, en
particulier dans la région du Caucase. Ainsi, un conflit en Ossétie du Nord entre Ingouches et
Ossètes éclate en 1992. En parallèle, de l’autre côté de la frontière, l’Ossétie du Sud déclare
son indépendance vis-à-vis de la Géorgie, tout en souhaitant se réunifier avec l’Ossétie du
Nord, située en Russie. La Première guerre d’Ossétie du Sud commence ainsi en 1991,
voyant s’affronter la Géorgie aux Ossètes du Sud, appuyés par l’Ossétie du Nord et la Russie.
En juin 1992, la Géorgie et la Russie signent finalement un traité rappelant l’intangibilité des
frontières de l’Etat de Géorgie. Une autre région sécessionniste, l’Abkhazie, pose par ailleurs
problème à la Géorgie : une guerre de six jours, la Guerre d’Abkhazie, éclate d’ailleurs en
1998. L’Arménie et l’Azerbaïdjan se disputent dès 1992 autour de la province du HautKarabagh. En 1992, un différend entre l’Ukraine et la Russie apparait aussi concernant la
Crimée, finalement reconnue comme étant ukrainienne en 1997 par le Kremlin en échange
d’un bail accordé à l’armée russe concernant la base navale de Sébastopol. Cette instabilité
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aux portes de la Russie met régulièrement Moscou en alerte. En outre, la Russie fait face à la
défiance des pays membres du GUAM, une organisation formalisée en 2001 et qui réunit la
Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie. Ces pays cherchent à se soustraire à
l’influence de Moscou et à se rapprocher de l’Occident (OTAN et Union Européenne).
Surtout, dès 1991, la Tchétchénie, petit territoire situé dans le Caucase, déclare son
indépendance par la voix de son leader, Djokhar Doudaïev. Ne parvenant pas à faire fléchir
ces volontés sécessionnistes, Boris Eltsine décide par surprise l’envoi de 30 000 soldats dans
la région tchétchène en décembre 1994. Cette intervention, la première de cette importance
pour la Fédération de Russie, doit être une démonstration de force pour cette nouvelle
Russie dont la Tchétchénie semble alors n’être qu’un petit caillou dans sa chaussure.
Pourtant, cette opération s’avère extrêmement piégeuse et tourne à l’échec militaire pour
Moscou qui fait face à l’abnégation sans borne des Tchétchènes. Après avoir fait des dizaines
de milliers de morts, essentiellement des civils, et n’ayant pu prendre durablement le
contrôle de Grozny, la Russie, vaincue, négocie un cessez-le-feu et retire ses troupes : mais
aucune indépendance n’est alors prévue. En 1999, des séparatistes tchétchènes envahissent
le Daguestan, région appartenant à la Fédération de Russie située entre la Tchétchénie et la
Mer Caspienne. Moscou est au même moment confrontée à une vague d’attentats à
l’origine de centaines de morts et attribuée aux indépendantistes tchétchènes. En
représailles, le Kremlin s’engage dans un nouveau conflit armé en Tchétchénie face aux
indépendantistes, guidés par Aslan Maskhadov, ce qui aboutit à la restauration du contrôle
russe sur le territoire en 2000, sans pour autant mettre fin aux actes de guérillas de la part
des moudjahidines caucasiens.
C) Un niveau de vie en baisse manifeste
Durant les années 1990, le niveau de vie des Russes recule fortement. Le chamboulement
social dû à la « thérapie de choc » a des conséquences directes sur la société, entrainant
notamment la hausse du chômage (inexistant sous l’ère soviétique), mais aussi de nombreux
suicides, la multiplication des cas d’alcoolisme, des violences, etc. En outre, le système de
santé n’est plus en mesure d’assurer la qualité de service d’autrefois. Les structures et
équipements vieillissent et deviennent obsolètes, la production de traitements devient
insuffisante. Des maladies telles que l’hépatite B, la tuberculose ou même le VIH gagnent en
importance. Le taux de mortalité, qui dépasse même les 16‰ à partir de 2002, est le double
de celui des Etats-Unis ou de la France. En conséquence, l’espérance de vie décline passant
de 69,5 ans en 1988 à 64,5 six ans plus tard, son niveau le plus bas. En 2005, l’espérance de
vie d’un homme tombe même en-dessous de 59 ans. Ainsi, cette espérance de vie connaît
un écart de plus de dix ans entre hommes et femmes dans les années 1990, un des écarts les
plus importants au monde.
Dans le même temps, le taux de natalité décline de plus de moitié (passant de 17,2‰ en
1987 à 8,3‰ en 1999) en raison du malaise profond né de la fin du communisme et de la
morosité dans lequel le pays se trouve. Le nombre de naissances en Russie est par ailleurs
divisé par deux entre 1987 et 1999, atteignant 1,2 million de naissances à l’aube du XXI ème
siècle. Le nombre de décès atteint quant à lui un pic en 1994, avec 2,2 millions d’âmes
perdues. Si l’immigration aide dans un premier temps à infléchir l’évolution négative de la
démographie, cela ne dure qu’un temps puisque le retour des Russes au pays intervient
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surtout les premières années après la chute du bloc soviétique. En outre, ces évolutions
entrainent le vieillissement de la population russe. Au final, symbole du déclin russe, la
population décline chaque année entre 1996 et 2009, passant cette année-là sous les 142
millions. Avec les problèmes économiques des années 1990, de nombreux services publics,
tels que la santé ou l’éducation, font face à une baisse de moyens significative. Au
changement de millénaire, le pays compte environ 30% de sa population en-dessous du seuil
de pauvreté. Et avec un Indice de Développement Humain (IDH) descendu à 0,675 en 1995,
la Russie connaît un réel déclin et ne peut être considéré comme un pays développé.
Face à son échec sur le plan économique et une société en pleine crise, Boris Eltsine renonce
à son poste le 31 décembre 1999 : pour renouveler une classe dirigeante vieillissante, il
nomme Vladimir Poutine (déjà devenu Premier Ministre en août 1999) pour le remplacer
jusqu’aux élections de mars 2000 au cours desquelles ce dernier sera élu avec l’appui de
Boris Eltsine et 53% des votes dès le premier tour.
II- Sous Poutine, vers un nouveau départ ?
A) Une expansion économique remarquable
Ancien haut dignitaire du KGB, Vladimir Poutine est pourtant peu connu jusqu’en 1999. Sa
fulgurante ascension, associée à ses relations étroites avec les oligarques, lui permet de
mettre la main sur le Kremlin. Vladimir Poutine met en œuvre une politique de nationalisme
économique qui marque un retour de l’Etat au premier plan, tout en dérégulant l’économie
afin de réduire la bureaucratie. On peut alors définir l’économie russe comme un capitalisme
d’Etat autoritaire et oligopolistique.
Suite à la crise de 1998, la Russie demande l’aide du FMI car elle est victime de la chute du
prix du baril qui est d’environ 40% en 1998. L’appauvrissement de la population est
catastrophique mais la situation semble s’améliorer à partir de 1999. La Russie voit sa
croissance repartir avec des taux de croissance de 6,5% et 10% respectivement en 1999 et
2000. Entre 1999 et 2007, le taux moyen de croissance annuelle en Russie est de l’ordre de
7%. Cela est lié au commerce extérieur russe qui s’améliore puisque la balance commerciale
devient excédentaire, portée par la chute du nouveau rouble qui favorise les exportations et
limite les importations qui deviennent plus chères. La santé des entreprises russes
s’améliore, tandis que la hausse des prix du pétrole et du gaz à partir de 2002 permet
d’enregistrer des excédents commerciaux et de réduire la dette publique, d’autant que
Poutine simplifie la fiscalité en instaurant à partir de 2001 un taux unique qui est de 13% afin
d’éviter l’évasion fiscale. De même, Poutine impose un impôt à taux unique sur les
entreprises de 24%, contre 35% auparavant.
On estime que la Russie possède, au milieu des années 2000, une classe moyenne qui
représente 20% de la population. En 2007, la Russie retrouve le PIB par habitant qu’elle avait
en 1991. Elle a par ailleurs profité d’une croissance solide pour réduire sa dette publique.
Vladimir Poutine tire de ces bons résultats économiques, qui se répercutent par une
augmentation du niveau de vie de la population, une popularité grandissante. Mais le pays
reste très dépendant des cours du pétrole et du gaz, et la chute de ceux-ci en 2008 font
plonger le rouble et freinent l’économie russe, encore trop peu diversifiée. En effet,
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l'économie du secteur du pétrole et du gaz représentait 40% du PIB russe à cette date. Par
ailleurs, même si depuis 2002, le système russe est reconnu comme étant lié à l’économie de
marché, il est très loin de la maturité de ceux des Etats-Unis et d’Europe. Un exemple facile
consiste à comparer le parc automobile russe avec celui d’un Etat occidental, les Russes
étant encore peu équipés en la matière.
B) Un retour sur la scène internationale, mais tensions persistantes au sein de l’ex-URSS
Avec cette stabilité économique retrouvée, la Russie, qui a remplacé l’URSS en tant que
membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU, entend revenir sur le devant de la
scène : Poutine espère réinstaurer une relation équilibrée avec l’Occident. Moscou n’a pas
oublié l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie dans les années 1990 (qui se prolonge
jusqu’en 1999 au Kosovo), à proximité du territoire russe. Pourtant, un rapprochement avec
les Etats-Unis s’opère suite aux événements du 11 septembre 2001, Poutine soutenant
George W. Bush et la lutte américaine contre le terrorisme. Cependant, à l’instar de la
France et de la Chine, la Russie oppose son veto au souhait américain d’intervenir en Irak en
2003. Afin de retrouver une dimension internationale, la Russie de Poutine mène une
politique pragmatique et s’impose en tant qu’intermédiaire précieux dans les pourparlers
liés aux dossiers nord-coréen, iranien ou israélo-arabe. Néanmoins, au cours de son second
mandat, la tension monte avec l’OTAN et avec Washington. Aux projets américains
d’installer des équipements en Europe de l’est, Poutine répond par la critique, constatant la
toute-puissance américaine et le caractère unipolaire du monde. Il s’oppose par ailleurs aux
volontés d’élargissement de l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie, par exemple en Ukraine.
La Russie soutient des pays anti-impérialistes en froid avec Washington, tels que le
Venezuela de Chavez. En outre, la Russie possède un caractère géostratégique majeur grâce
aux énormes quantités de ressources qu’elle possède (premier producteur mondial de gaz,
deuxième de pétrole) et qui sont exploitées par d’énormes entreprises telles que Gazprom
(voir « Pour approfondir… »), Rosneft ou Lukoil. Ces matières premières sont un atout
précieux pour la Russie, notamment dans ses relations avec l’Europe, son principal client :
Moscou peut ainsi ponctuellement couper les livraisons vers l’Ouest dès lors que les
critiques deviennent trop acerbes à l’égard de la Russie.
En Russie et à ses frontières, la situation reste néanmoins fortement instable. Si, dès 2000, la
Seconde guerre de Tchétchénie prend fin avec la prise de contrôle russe de la capitale
tchétchène, Grozny, une guérilla tchétchène se poursuit, faisant chaque année des centaines
de morts et poussant l’armée russe à intervenir régulièrement dans la région. Et la Russie est
régulièrement secouée par les exactions tchétchènes, comme en octobre 2002 lorsqu’une
cinquantaine de rebelles tchétchènes prennent en otages plus de 800 spectateurs dans un
théâtre à Moscou. Outre le problème persistant en Tchétchénie, des troubles éclatent
également en Géorgie, où se réfugient les djihadistes tchétchènes après la Seconde guerre
de Tchétchénie. Après les événements meurtriers du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis,
l’Amérique combat Al-Qaida directement en Afghanistan. Néanmoins, les Etats-Unis
s’inquiètent de l’influence de l’organisation islamiste dans le Caucase, et pressent la Géorgie
d’intervenir. Celle-ci s’engage alors, entre 2002 et 2003, dans des opérations armées sur son
propre territoire, dans la vallée du Pankissi. Mais par le déploiement de soldats aux portes
de la Russie, la tension monte avec Moscou. Et suite à un rapprochement entre Tbilissi et
l’OTAN découlant de l’élection du géorgien pro-occidental Mikheil Saakachvili, une forte
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crise entre la Russie et la Géorgie éclate en 2006. Or, la Géorgie compte, en son territoire
deux régions qui revendiquent leur indépendance : l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Ces
volontés sécessionnistes et les tensions croissantes entre Russie et Géorgie aboutissent, à la
faveur des Jeux Olympiques de Pékin en août 2008, à la Deuxième guerre d’Ossétie du Sud,
facilement remportée par Moscou. Par ailleurs, au cours des années 2000, la Russie fait face
aux révolutions colorées qui se propagent en Europe orientale et en Asie centrale afin de
contrebalancer l’influence russe : Révolution des Roses en Géorgie en 2003, Révolution
orange en Ukraine en 2004, Révolution des Tulipes en 2005 au Kirghizistan.
C) Un Etat-providence limité et une démocratie remise en cause : la Russie, Etat nonoccidental
En 1993, la Constitution russe proclame que la Russie est un état social, comme en France.
Ainsi, la Russie se vante de défendre son Etat-providence, l’article 7 de la Constitution
garantissant notamment un salaire minimum. Mais celui-ci est inférieur au revenu minimum,
lui-même inférieur, en roubles, à l’équivalent de 200€. Dans les années 1990, la thérapie de
choc et le recul économique qui en découle ont appauvri toute la société russe. Néanmoins,
de fortes disparités existent, puisqu’une petite minorité d’oligarques devenus milliardaires
dans les années 1990 possède une part importante des richesses du pays. En outre, le droit
de grève est inexistant en Russie, ce qui met à mal toute volonté de protestation salariale.
Néanmoins, avec l’aide du retour à la croissance, Vladimir Poutine engage la Russie dans de
nouvelles réformes. Un système de retraite par capitalisation est mis en place, tandis que
des moyens nouveaux sont accordés à la santé et à l’éducation, et que des décisions sont
prises afin de favoriser un retour à la croissance démographique. Mais l’écart avec les
puissances occidentales, en particulier européennes, reste immense en matière de
prestations sociales.
D’autres libertés fondamentales sont également restreintes. En particulier, la liberté
d’expression et la liberté de la presse sont passablement malmenées. Les principales chaines
de télévision sont, en effet, aux mains du pouvoir politique, et diffusent une information
souvent favorable au pouvoir en place. Les journalistes sont, quant à eux, sous le contrôle
étroit de l’Etat. En 2006, l’assassinat jamais véritablement élucidé de la journaliste Anna
Politkovskaïa, militante des droits de l’homme, est venu rappeler à quel point la situation de
la presse était critique en Russie. De même, l’emprisonnement en 2004 de l’oligarque
Mikhaïl Khodorkovski, considéré en Occident comme un opposant politique à Vladimir
Poutine, est parfois présenté comme un symbole de la partialité de la justice russe, même si
certains griefs qui lui ont été reprochés semblent avérés. Il faut dire que, contrairement à
Boris Eltsine, Vladimir Poutine se retourne rapidement contre l’oligarchie russe, à de rares
exceptions. Ainsi, Vladimir Goussinski, Boris Berezovski ou encore Roman Abramovitch
tombent en disgrâce et sont peu à peu contraints de s’exiler (généralement à Londres) peu
après l’accession au pouvoir de Poutine. En outre, la corruption gangrène toujours les
sphères économiques et politiques du pays. Dès lors, il est difficile de considérer qu’une
opposition politique crédible puisse être mise en place face à la toute-puissance du Kremlin
qui peut, par l’absence d’Etat de droit, nuire à la pluralité politique. N’atteignant même plus
la barre des 7% nécessaires pour être représenté à la douma, le principal parti d’opposition,
Iabloko, n’a qu’un rôle extrêmement limité. Ainsi, la démocratie a globalement reculé dans
les années 2000 en Russie. Pourtant, des sondages réguliers attribuent à Vladimir Poutine,
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qui a significativement renforcé les services de surveillance et de contrôle de l’information à
son arrivée au pouvoir, une cote de popularité dépassant parfois les 80%. Confirmant ces
sondages favorables, celui-ci est d’ailleurs réélu en 2004 avec 71% des votes dès le premier
tour des élections présidentielles. En 2008, il ne peut se représenter pour un troisième
mandat consécutif, et laisse son successeur, Dmitri Medvedev, l’emporter sur un score
comparable (70%). Ce dernier nomme alors Vladimir Poutine Premier ministre, qui devient
également Président de son parti, Russie Unie.
III- Un retour en force sur la scène internationale
A) Une politique d’expansion à nouveau clairement visible
Le début de mandat de Medvedev s’ouvre par un nouveau conflit en Géorgie, pays
stratégique avec la présence d’oléoducs et gazoducs majeurs, avec le déclenchement d’une
nouvelle guerre en Ossétie du Sud. Alors que le président géorgien Saakachvili ordonne le
bombardement de la province sécessionniste d’Ossétie du Sud afin d’en reprendre le
contrôle, la Russie décide de soutenir les sécessionnistes et d’envahir ce territoire ainsi que
l’Abkhazie, afin d’y défendre des populations russophiles. Le conflit aboutit rapidement aux
indépendances des deux territoires et à leur reconnaissance par Moscou. Globalement, au
cours du mandat de Medvedev, les relations avec l’Occident sont relativement peu tendues.
Dmitri Medvedev redevient Premier ministre en 2012 lors de la nouvelle élection de Vladimir
Poutine (au premier tour avec 64% des voix), pour un mandat de six ans rendu possible suite
à une réforme constitutionnelle.
Plus proche des intérêts russes, l’instabilité en Ukraine à partir de novembre 2013 (suite à la
décision du gouvernement de ne pas signer l’accord d’association avec l’Union Européenne)
aboutit à la Révolution ukrainienne en février 2014, durant les Jeux Olympiques de Sotchi, en
Russie. Suite à la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovytch, la Crimée, prorusse, décide de faire sécession et demande son rattachement à Moscou. Parallèlement, une
guerre civile éclate dans le Donbass, région de l’Est de l’Ukraine, entre séparatistes prorusses et l’Ukraine. En juillet 2014, les deux camps s’accusent l’un l’autre d’avoir abattu le
vol MH17 avec à son bord près de 300 civils. Au cours de ces manœuvres de dislocation de
l’Ukraine, la Russie est accusée d’ingérence par l’Occident et de soutenir logistiquement les
indépendantistes pro-russes, mais argue, quant à elle, qu’elle soutient cette partie de la
population qui n’a jamais accepté la destitution de Ianoukovitch. Elle a acté l’annexion de la
Crimée le 18 mars 2014, et des doutes persistent quant à la volonté de Moscou de soutenir
plus encore l’Est de l’Ukraine. Dès lors, alors que la Russie multiplie les manœuvres
(notamment aériennes mais aussi sous-marines) en Europe, d’autres Etats s’inquiètent de la
hausse des revendications russes qui pourraient s’étendre aux pays baltes, dans le Caucase
ou en Asie centrale. Elles pourraient également toucher la Transnistrie, cette région moldave
sécessionniste et pro-russe située à l’Ouest de l’Ukraine, qui a déjà demandé à être
rattachée à Moscou.
Face à cette situation, seule l’OTAN semble capable de garantir un minimum de sécurité à
ces Etats qui se sentent aujourd’hui vulnérables. La crise ukrainienne semble par ailleurs
donner une raison nouvelle à l’existence de l’Alliance Atlantique pour de nombreux Etats de
l’Est attirés par les sirènes occidentales. L’Union Européenne reste quant à elle trop divisée
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sur la posture à adopter vis-à-vis de Vladimir Poutine et incapable de parler et d’agir de
concert. Les Etats de l’Est (Pologne, pays baltes), effrayés par l’attitude russe, souhaitent
évidemment ne faire aucune concession à Moscou, alors que d’autres pays, notamment
ayant des liens économiques étroits avec la Russie, semblent plus modérés (Allemagne,
France, etc.) mais n’ont guère hésité à appliquer de fortes sanctions économiques, les
pensant nécessaires pour faire plier Moscou.
B) Un nouveau statut sur la scène internationale et la construction d’un bloc eurasiatique
Afin de regagner un statut de superpuissance perdu depuis les années 1990, la Russie
poursuit sa politique géostratégique à l’encontre de ce qu’elle considère être l’impérialisme
américain. Malgré la signature en 2010 du traité NEW START avec les Etats-Unis, visant à
limiter le nombre d’armes nucléaires des deux pays, la Russie se rapproche des Etats
qualifiés par l’Amérique de « voyous », tels que l’Iran, dont les doutes sont toujours plus
grands vis-à-vis d’un programme nucléaire civil et militaire. Mais elle ne peut rien lorsque
l’OTAN décide d’intervenir en Libye en 2011, sans un seul mandat de l’ONU, ce qui légitimera
pour partie les actions russes dans son environnement proche. De même, la Russie s’accorde
régulièrement avec la Chine lors de séances onusiennes, afin de faire contrepoids aux
velléités occidentales, Etats-Unis en tête. Afin d’affaiblir l’administration Obama, empêtrée
dans le scandale des écoutes de la NSA, Moscou offre en 2013 un refuge à Edward Snowden,
l’homme à l’origine des fuites sur cette affaire. En outre, suite au déclenchement de la
guerre civile syrienne en 2011, la Russie s’oppose à toute résolution ou sanction à l’égard du
régime de Bachar el-Assad, et se retrouve de facto considérée comme un allié du régime. Or,
même si plus de 200 000 personnes ont péri dans ce conflit à fin 2014, elle a parfois joué le
rôle de médiatrice au plus fort de la crise, au moment des accusations d’utilisation de gaz
chimique par le régime contre sa population, et a ainsi permis la liquidation des stocks du
régime en quelques mois.
Sur le plan de la diplomatie, la Russie crée en 2009 le BRIC avec le Brésil, l’Inde et la Chine,
devenu BRICS en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud. Ces pays sont considérés comme
des puissances émergentes amenées à jouer un rôle croissant dans l’économie mondiale. La
Russie participe également à d’autres organisations régionales, comme l’Organisation de
Coopération de Shanghai qu’elle rejoint à sa création en 2001. Cette organisation, qui
regroupe les Etats d’Asie centrale, la Russie ou encore la Chine, favorise la confiance et la
coopération entre Etats membres et cherche la création d’un nouvel ordre international. En
2002, l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) réunit la Russie, l’Arménie, la
Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan et fait office de bras armé de la
Communauté des Etats Indépendants (CEI), créée par 9 des 15 anciennes républiques
soviétiques en décembre 1991 : l’OTSC succède au Traité de Sécurité Collecte (TSC) signé en
1992. La CEI est également complétée par la Communauté économique eurasiatique
(Eurasec) dont l’objectif est de développer les relations commerciales et économiques entre
ses membres. Mais celle-ci a cessé ses opérations suite à la mise en place de l’Union
eurasiatique. En effet, une union douanière qui réunit la Russie, la Biélorussie et le
Kazakhstan est également instaurée en 2010, en guise de première étape d’une intégration
économique en Eurasie, union toujours refusée par l’Ukraine malgré de nombreuses
propositions, y compris sous l’ère Ianoukovitch. Après la création d’un espace économique
commun en 2012, avec notamment un accord de libre-échange, le Traité d’Astana signé en
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2014 institue l’Union économique eurasiatique (plus ou moins calquée sur l’Union
Européenne), dont l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Russie sont
membres.
C) L’économie russe, d’une crise à l’autre
Jusqu’à l’été 2008, la Russie connaît depuis près de dix ans une croissance exceptionnelle, de
l’ordre de 7% par an, favorisant le recul de la pauvreté (moins de 16% de la population sous
le seuil de pauvreté en 2008) et l’émergence d’une nouvelle classe moyenne. De retour dans
le top 10 des premières puissances économiques mondiales, la Russie possède alors les
troisièmes réserves mondiales de changes, accumulées notamment grâce à la vente
d’hydrocarbures. Le prix du baril atteint même quasiment les 150 dollars à l’été 2008, un
record historique, alimenté notamment par la forte demande mondiale, en particulier
chinoise. Mais la crise financière américaine, qui s’étend au monde entier, touche la Russie
dès l’automne, tandis que le conflit en Géorgie à l’été génère de fortes craintes de la part
des investisseurs. En outre, le cours du pétrole chute rapidement, le prix du baril passant
sous les 45 dollars dès décembre 2008, ce qui déstabilise fortement l’économie russe. En
effet, la crise met rapidement en valeur les carences de l’économie russe, en manque de
compétitivité, trop peu diversifiée et dont les exportations d’hydrocarbures occupent
toujours une place prépondérante. Mais malgré les troubles socio-économiques découlant
de cette crise (chômage, manifestations, etc.), l’exécutif jouit toujours d’une forte confiance
de la part de la population. A la fin du mandat de Dmitri Medvedev, la Russie a surmonté la
crise (son PIB de 2011 dépassant celui de 2008 malgré un recul de près de 8% en 2009), et ce
sans être tombé dans le piège de l’endettement, contrairement aux économiques
occidentales.
Néanmoins, la reprise de la croissance n’est pas vraiment au rendez-vous et n’atteint que
4,3% en 2011, 3,4% en 2012 et seulement 1,4% en 2013, des niveaux très inférieurs à la
période d’avant-crise, et qui menacent la modernisation du pays de l’aveu même de
Vladimir Poutine. Surtout, en décembre 2014, la Russie fait face à une (nouvelle) crise
monétaire majeure : d’une part, le prix du baril chute fortement et passe sous les soixante
dollars, d’autre part, la Russie doit faire face aux sanctions occidentales liées au conflit
ukrainien, dans lequel Moscou est accusé d’interférer abusivement et d’aider les
séparatistes pro-russes. Ainsi, alors que les recettes d’exportations russes diminuent
dangereusement, les capitaux étrangers fuient la Russie. Pour contrer cette évolution du
cours du rouble, en pleine chute, la Banque de Russie continue tout d’abord de racheter du
rouble sur les marchés, mais voit ses réserves de change s’amenuiser à vue d’œil et vend
même ses réserves en or. En conséquence, elle annonce la hausse de son principal taux
directeur de 10,5 à 17%, afin d’attirer les capitaux et soutenir le taux de change, mais sans
réel succès. Parallèlement, l’inflation dépasse les 10% en 2014 et les prévisions pour 2015
n’augurent rien de bon pour le pays (baisse des investissements, recul du PIB et du revenu
des ménages, etc.)…
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Conclusion : Une situation économique toujours instable, un retour en force
sur l’échiquier mondial
En 2013, le PIB par habitant atteint près de 15 000 dollars, plus du double de celui de la
Chine et plus de dix fois supérieur à celui de 1999. Si les années 1990 ont vu la pauvreté
s’étendre à une large part de la population, la croissance de l’économie russe depuis 1999,
même irrégulière, a permis l’émergence d’une nouvelle classe moyenne. Pourtant, la société
russe fait encore face à des défis gigantesques. Sa population est, certes, désormais en
croissance, mais encore inférieure à son niveau d’il y a dix ou vingt ans. Les inégalités sont
encore importantes et la pauvreté bien présente : les pensions sont bien trop faibles pour
subvenir aux besoins des retraités, le salaire minimum est encore bas, etc. En outre, la
corruption gangrène encore un pays où la démocratie est encore restreinte et contrôlée par
un pouvoir politique omnipotent.
Sur un plan international, la Russie a acquis un statut incontournable sur la scène
internationale et n’hésite pas à s’opposer aux désirs américains ou, plus généralement,
occidentaux. Défendre des gouvernements contestés est devenu chose courante pour le
Kremlin, qui redoute sans doute d’être à son tour en proie à un épisode d’instabilité sociale.
En outre, Moscou expose désormais au grand jour ses velléités expansionnistes de façon
concrète, d’abord dans le Caucase (Abkhazie, Ossétie du Sud) mais surtout aujourd’hui en
Ukraine, où elle a rattaché la Crimée. Mais elle manifeste également son désir de grandeur à
travers la formation d’un bloc eurasiatique qui aurait pour objectif de concurrencer le bloc
occidental et qui n’est pas sans rappeler le bloc soviétique en son temps. Or, ces orientations
pourraient encore s’affirmer à l’avenir, puisque Vladimir Poutine, qui en est à l’origine,
pourrait être réélu en 2018 pour un nouveau mandat présidentiel de six ans…
A retenir
Personnages clés :
Les dirigeants :
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Mikhaïl Gorbatchev (1931 – …) : leader soviétique de 1985 à 1991
Boris Eltsine (1931 – 2007) : Président de la Russie (1991 – 1999)
Vladimir Poutine (1952 – …) : Président de la Russie (1999 – 2008 et depuis 2012)
Dmitri Medvedev (1965 – …) : Président de la Russie (2008 – 2012)
Certains oligarques :
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Boris Berezovski (1946 – 2013) : ancien PDG de Sibneft
Mikhaïl Khodorkovski (1963 – …) : ancien PDG de Ioukos, emprisonné de 2004 à 2013
Roman Abramovitch (1966 – …) : PDG de Sibneft, propriétaire du Chelsea Football
Club à Londres
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Autres :
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Djokhar Doudaïev (1944 – 1996) : premier Président de la République tchétchène
Viktor Ianoukovytch (1950 – …) : quatrième Président d’Ukraine (pro-russe)
Chronologie synthétique :
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8 décembre 1991 : création de la Communauté des Etats Indépendants (CEI)
25 décembre 1991 : démission de Gorbatchev et dissolution de l’URSS
Années 1990 : « thérapie de choc »
1992 : la Russie adhère à la Banque mondiale et au FMI
1992 – 1994 : nombreuses privatisations en Russie
1994 – 1996 : Première guerre de Tchétchénie
1997 : la Russie reconnaît la Crimée comme ukrainienne et obtient un bail à la base
navale de Sébastopol
1998 : crise russe, chute de la bourse russe et dévaluation du rouble
1999 – 2000 : Seconde guerre de Tchétchénie
2000 : Vladimir Poutine élu Président de Russie (53% au premier tour)
2001 : création de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS)
2008 : Dmitri Medvedev élu Président de Russie (70% au premier tour) ; Vladimir
Poutine Premier ministre
2008 : Deuxième guerre d’Ossétie du Sud
2008 : la crise économique mondiale affecte la Russie
2009 : création du BRIC
2012 : Vladimir Poutine élu Président de Russie (64% au premier tour) ; Dmitri
Medvedev Premier ministre
Janvier – Février 2014 : Jeux Olympiques de Sotchi
Mars 2014 : la Crimée fait sécession et est rattachée à la Russie
Juillet 2014 : le vol MH17 abattu au-dessus du territoire ukrainien avec près de 300
civils à bord
Décembre 2014 : crise monétaire russe
Pour approfondir…
A) Le semibankirchtchina ou les « sept banquiers »
Le semibankirchtchina est un groupe de sept oligarques russes qui acceptent un pacte entre
leurs entreprises et Boris Eltsine en 1995. Ce groupe rassemble Boris Berezovski, Mikhaïl
Fridman, Vladimir Goussinski, Mikhaïl Khodorkovski, Vladimir Potanine, Alexandre Smolenski
et Vladimir Vinogradov. L’objectif pour Eltsine est d’obtenir des fonds afin de se faire réélire
aux élections présidentielles de 1996, alors que les sondages le placent en ballotage
défavorable face au candidat communiste, Guennadi Ziouganov. Une fois Eltsine réélu, ces
oligarques conservent voire augmentent leur influence sur la vie économique et politique
russe, exception faite d’Alexandre Smolenski qui ne se relèvera pas de la crise de 1998.
Il faut attendre la prise de pouvoir de Vladimir Poutine, en 2000, pour que certains d’entre
deux tombent en disgrâce. En effet, Poutine annonce vouloir mettre fin à la « mafia »
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oligarchique qui régit la vie des Russes. Boris Berezovski, magnat des médias et qui participe
à l’élection de Poutine en 2000, doit s’exiler en 2000 pour Londres. De même, Vladimir
Goussinski, également magnat des médias, quitte la Russie la même année, et s’exile en
Israël après avoir été dépossédé de son empire. De son côté, Mikhaïl Khodorkovski est
emprisonné entre 2004 et 2013 alors qu’il défendait l’avènement d’une société
démocratique. Par l’évincement des oligarques des médias, Poutine a pu accroître le
contrôle étatique sur les réseaux d’information.
D’autres oligarques existent, notamment Roman Abramovitch, qui a un temps récupéré
l’entreprise Sibneft, Mikhaïl Prokhorov, qui a dirigé les groupes Norilsk Nickel et Onexim, ou
encore Ioulia Timochenko, qui a de son côté mis son énergie au service la Révolution orange
en Ukraine. Citons également Alicher Ousmanov (Metalloinvest), Leonid Mikhelson
(Novatek), Viktor Vekselberg et Vaguit Alekperov (Lukoil), qui figurent aujourd’hui parmi les
plus grandes fortunes du monde.
B) Gazprom
Gazprom est une entreprise russe spécialisée dans l’extraction, le traitement et
l’acheminement du gaz naturel. Elle est aujourd’hui le numéro un mondial dans son secteur,
possède plus de 15% des réserves mondiales de gaz, emploie plus de 400 000 personnes et
appartient pour moitié à l’Etat russe. En 2005, le rachat de Sibneft lui permet de mettre un
pied dans l’industrie pétrolière. Outre l’Europe, Gazprom cherche aujourd’hui à diversifier sa
base de clients en Asie et en Amérique du Nord.
De par son appartenance à l’Etat russe, le caractère stratégique de son activité et son
importance au plan mondial, Gazprom est devenue une arme que Moscou se permet
d’utiliser ponctuellement. En effet, de nombreux pays d’Europe dépendent quasiment
entièrement du gaz russe délivré par Gazprom : le Kremlin peut ainsi infléchir la politique de
ces Etats en utilisant le fouet (une suspension de livraisons, comme en Ukraine en 2006 ou
en 2009) ou la carotte (des accords de livraisons de gaz à des tarifs avantageux). Mais cette
arme ne peut être utilisée que par de brefs épisodes : le réseau de gazoducs étant partagé
entre plusieurs pays, il est impossible de sanctionner un pays sans en affecter un autre. Par
ailleurs, cela affecte également les ventes de Gazprom.
Pour faire face à cette situation, de nouveaux projets de gazoducs sont en discussion : la
Russie souhaiterait ainsi construire des gazoducs alternatifs pour pouvoir approvisionner des
pays sans passer par l’Ukraine, où circule 80% du gaz à destination de l’Europe. Le projet
Nord Stream est achevé en 2011 et permet de relier la Russie à l’Allemagne par la mer
Baltique. Un projet South Stream, qui devait passer par la Mer Noire, a quant à lui été
abandonné en 2014.
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