Rôle de l`infirmier de psychiatrie aux urgences

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Le Congrès
Infirmiers. Infirmier(e)s d’urgence
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Rôle de l’infirmier de psychiatrie aux urgences
C. Massoubre1, P.L. Crouzet2, E. Desfonds2, M. Bendjeddou2
1Service des urgences psychiatriques, Hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne, Faculté de Médecine
Jacques Lisfranc, 42055 Saint-Étienne
2Service des urgences psychiatriques, Hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne
2Service de psychiatrie universitaire, Hôpital Bellevue, CHU de Saint-Étienne 42055 Saint-Étienne
POINTS ESSENTIELS
Il s’agit d’une pratique infirmière spécifique
Il travaille à la fois en autonomie et en binôme avec le psychiatre
L’infirmier accompagne le patient aux différents temps de la prise en charge aux
urgences
Il joue un rôle dans la hiérarchisation des demandes de consultations, dans le premier
accueil (observation/évaluation), dans la gestion de la crise et l’orientation
Il a une place importante dans l’écoute de la souffrance psychique de la personne et de
son entourage
Il prend des contacts avec les correspondants médicaux et paramédicaux du patient si
nécessaire
Il apporte des éléments de compréhension à l’équipe soignante des urgences générales.
L’urgence psychiatrique est définie par « une demande dont la réponse ne peut être différée,
nécessitant une réponse rapide et adéquate de l’équipe soignante afin d’atténuer le caractère
aigu de la souffrance psychique » (Commission des maladies mentales de l’urgence en
psychiatrie, 1991).
Nous allons dans un premier temps décrire les contours de l’urgence psychiatrique afin de
mieux cerner par la suite le rôle de l’infirmier de psychiatrie aux urgences.
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Depuis une dizaine d’années, les urgences psychiatriques ont fortement augmenté et
représentent en moyenne 10 à 20 % des urgences selon l’implantation urbaine ou rurale et
selon que l’on y inclut ou non les urgences psychosociales.
De multiples facteurs favorisent le recours aux structures d’urgence en psychiatrie : le
relâchement du lien social et familial, la souffrance au travail et l’augmentation de la
précarité, de la violence, des comportements agis et des conduites toxiques (alcool et autres
drogues). S’y ajoutent la mauvaise image de la psychiatrie qui retarde pour certains patients la
prise en charge, la politique de fermeture des lits en psychiatrie de secteur et les problèmes de
fonctionnement des structures ambulatoires avec des délais de rendez-vous qui s’allongent en
raison de la pénurie de psychiatres.
Parmi ces urgences psychiatriques, environ 30 % sont des urgences vraies et correspondent à
des décompensations aiguës ou subaiguës de pathologies psychiatriques connues ou
d’apparition récente : épisode dépressif majeur, accès d’agitation maniaque, bouffée délirante
aiguë, décompensation délirante chez le patient schizophrène ou paranoïaque.
Les autres situations (70 %) sont liées à des situations de crise où la clinique ne correspond
pas exactement à un diagnostic de pathologie psychiatrique avérée.
Il peut s’agir de symptômes psychiatriques aigus associés à une affection somatique, de
patients présentant des états toxiques dans le cadre de conduites addictives ou de conduites
toxiques à visée suicidaire, et plus largement de situations de crise ou de détresse
psychosociale à expression émotionnelle intense dans le cadre des troubles de l’adaptation
(deuils, pertes, chômage, problèmes financiers, problèmes judiciaires, conflits conjugaux,
professionnels, sentimentaux ou familiaux,…) pouvant aller jusqu’à une perturbation de
l’ordre public.
L’accueil et la prise en charge de sujets victimes d’évènements traumatiques individuels ou
collectifs fait aussi partie du travail des urgences psychiatriques, ainsi que l’examen de
personnes en garde à vue dans le cadre d’une réquisition judiciaire.
Les urgences psychiatriques comportent quelques spécificités par rapport aux urgences
médico-chirurgicales. En psychiatrie, il existe des contre-indications cliniques à
l’hospitalisation, ce qui est rarement le cas dans les autres disciplines. Certaines pathologies
peuvent en effet être aggravées par une hospitalisation : déséquilibre des troubles de la
personnalité, exclusion des modes de vie antérieures, chronicisation des séjours
hospitaliers,…
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Par ailleurs, l’hospitalisation sans consentement à la demande d’un tiers (SPDT) ou du
représentant de l’Etat (SPDRE) est une particularité de la psychiatrie. On peut tenter de
convaincre un patient qui refuse un traitement contre un cancer, mais on ne peut l’y
contraindre. Une hospitalisation en psychiatrie sous contrainte un peu trop vite décidée peut
être délétère pour la suite des soins.
L’urgence psychiatrique est davantage contextuelle (conjoncturelle, situationnelle) que
diagnostique et le diagnostic est souvent syndromique. La dangerosité et les aspects médico-
légaux (loi du 5 juillet 2011, sorties contre avis médical, fugues) sont aussi à prendre en
compte.
Les niveaux d’expression d’intensité symptomatique sont très variables posant le problème de
la disponibilité des intervenants. Le polymorphisme, le caractère trompeur, les intrications
médicopsychiatriques obligent à une prudence et donc une collaboration médecin
urgentiste/psychiatre.
Par ailleurs, l’entourage a une grande place en psychiatrie, car l’urgence est souvent en lien
avec des troubles du comportement si bien que les proches sont les premiers concernés. Ils
tentent alors un certain nombre d’actions et doivent prendre des décisions.
Entendre l’entourage est primordial, car les signes rapportés ou montrés par le malade ne sont
jamais pathognomoniques, de plus ils peuvent être changeants et très influencés par les lieux
et l’interlocuteur. Mais l’inverse est vrai aussi avec un entourage qui dramatise les éléments
de réalité. L’indication d’hospitalisation ou de non-hospitalisation ne dépend pas de la seule
appréciation clinique, le travail d’explication, de dédramatisation peut être d’autant plus long
qu’il est nécessaire de recourir parfois à de vraies négociations. La clinique est bien sûr
prééminente, mais du temps est gagné dans les soins ultérieurs chaque fois qu’un consensus
est trouvé dans les décisions d’orientation. N’oublions pas que pour environ la moitié des
patients examinés en urgence il s’agit du premier contact avec la psychiatrie. La consultation
de psychiatrie d‘urgence a donc un impact fort et engage fortement l’inscription dans la
démarche de soins et leur continuité.
Ce travail doit être immédiat et permet d’éviter nombre d’hospitalisations et surtout des
épreuves de force toujours préjudiciables au patient, à l’hôpital et à l’entourage et des renvois
multiples, des passages à l'acte répétés, des demandes de SPDT ou SPDRE,…
D’un point de vue pratique, l’accroissement des demandes psychiatriques au sein des services
d’urgence a amené les pouvoirs publics à fixer des orientations et des règles d’organisation
quant à leur prise en charge à l’hôpital général.
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Le décret du 9 mai 1995 établit de façon rigoureuse l’organisation du plateau technique et des
moyens en personnels médicaux et paramédicaux dans les SAU (Service d’Accueil et de
traitement des Urgences) et les UPATOU (Unité de Proximité d’Accueil de Traitement et
d’Orientation des Urgences). Dans les SAU, il est demandé la présence d’un psychiatre
24h/24 et d’un infirmier ayant acquis une expérience professionnelle dans un service de
psychiatrie et dans les UPATOU l’équipe médicale doit pouvoir faire venir un psychiatre à
tout moment (psychiatre d’astreinte), la présence d’un infirmier ayant acquis une expérience
dans un service psychiatrique est nécessaire.
Tout établissement siège d’un SAU ou d’un UPATOU doit être lié par convention à un
hôpital de secteur psychiatrique.
Il est prévu une organisation graduée de la prise en charge des urgences psychiatriques dans
les structures des urgences. D’une part une fonction d’accueil et d’orientation par des équipes
de psychiatrie dans des locaux adaptés, garantissant la confidentialité et la sécurité dans les
services des urgences en identifiant au mieux les patients relevant de la psychiatrie dès leur
arrivée et d’autre part une fonction de prise en charge de très courte durée dans des lits
individualisés au sein ou à proximité immédiate des urgences (pour les suicidants par
exemple). Cette prise en charge a lieu soit en ZSTCD (zone de surveillance de très courte
durée), soit au sein d’un éventuel centre d’accueil et de crise intersectoriel de 72 heures.
Une telle prise en charge est conseillée afin d’éviter une hospitalisation en psychiatrie chaque
fois que possible et en particulier les hospitalisations sous contrainte inadéquates.
L’objectif est donc d’obtenir une réponse coordonnée des urgentistes et des psychiatres. Elle
préconise également une meilleure formation du personnel des urgences à la problématique de
l’accueil des patients présentant des troubles allant de la souffrance psychique à la pathologie
mentale.
Les organisations proposées prévoient de fait quasi systématiquement une place et un rôle
déterminés pour les infirmiers chargés des urgences psychiatriques dans le cadre d‘une
pratique spécifique. La place de l’infirmier se situe à différents moments de la prise en charge
aux urgences, mais les dispositifs peuvent varier d’un établissement à l’autre.
L’infirmier peut travailler en binôme avec le psychiatre, mais également être en autonomie. Il
doit à la fois prendre des initiatives (toujours dans le cadre de sa fonction) et être aussi à
même de contenir la souffrance psychique du patient ou de la famille, qu’elle se manifeste par
de la tristesse, de l’anxiété, de l’agitation ou parfois même par de l’agressivité. L’aptitude à la
contention psychique comme à la contention physique s’acquiert progressivement. Il faut
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plusieurs années de pratique pour qu’un infirmier se sente « à l’aise » dans quasiment toutes
les situations, qu’il relativise la vision archétypique de la maladie mentale reçue à l’école et
pour développer un véritable sens clinique. L’infirmier, tout comme pour le psychiatre, se doit
de faire une analyse permanente de sa pratique.
L’infirmier de psychiatrie peut intervenir dès l’arrivée du patient en appui de l’IAO (Infirmier
d’Accueil et d’Orientation). Il permet ainsi d’établir une hiérarchie dans les consultations de
psychiatrie d’urgence.
L’infirmier peut faire un entretien en première ligne avant la consultation du psychiatre. Il est
alors chargé de faire l’anamnèse des troubles et de recueillir des éléments biographiques.
L’entretien vise à décrypter le contexte immédiat de l’urgence, moment où la communication
n’est souvent plus possible et où la détresse de l’individu ou de son entourage est mise en
acte.
L’infirmier peut aussi se rendre disponible pour renseigner la famille sur le temps d’attente
estimé avant la consultation du psychiatre. Il peut même s’entretenir un moment avec les
proches si certains semblent inquiets et/ou revendicateurs. Linfirmier pourra ainsi rapporter
au psychiatre son recueil d’informations et faire gagner un temps précieux lors de la
consultation.
La consultation en binôme médecin-infirmier est un dispositif privilégié qui a fait ses preuves
en France depuis trente ans. Le rôle de cette équipe est d’évaluer au mieux la souffrance du
sujet pour proposer une réponse la plus adaptée possible : hospitalisation, traitement, structure
sociale, adresse spécifique…
La crise qui a engendré le passage aux urgences favorise souvent la verbalisation et permet
une accroche. L’entretien est thérapeutique en lui-même. Il permet la mise en mots de la
souffrance et un début de restauration des défenses narcissiques du patient.
Ce dispositif peut paraître consommateur de temps soignant au premier abord. Le travail en
binôme est un gain de temps pour la suite : il n’y a pas de redite, l’infirmier a été témoin de la
décision médicale durant l’entretien. Les entretiens à deux évitent la focalisation du patient
sur un seul individu et permettent une réassurance mutuelle face à l’angoisse ou à la violence
du sujet en crise.
Avec le patient ce dispositif évite les manipulations et les incompréhensions. Il permet à
l’infirmier de connaître les démarches à effectuer ou actions dans les suites de la consultation
et de savoir dans quelle logique elles s’inscrivent.
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