Retard mental

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Résumés des conférences
Retard mental
Génétique et physiopathologie
des retards mentaux : frontières
entre retard mental et autisme
L
résumé de la conférence du Pr. Jamel Chelly1
e retard mental se traduit par une diminution des
performances intellectuelles touchant l’ensemble
des performances (APA, 2000).
Des anomalies cytogénétiques ou microdélétionnelles
peuvent être repérées à l’heure actuelle grâce à des outils
spécifiques dans 10-15 % des cas sporadiques.
Ce syndrome et sa sévérité peuvent être évalués en mesurant les performances intellectuelles dont le résultat est
exprimé sous forme de quotient intellectuel (QI). Une diminution du QI (< 70) entraîne une diminution des fonctions adaptatives de l’individu.
Parmi les causes génétiques, il existe des causes monogéniques : des maladies entraînant un retard mental telles
que des maladies métaboliques, développementales, dont
le syndrome est défini clairement (ex : maladie du X fragile, syndrome de Rett, syndrome d’ARX…). Il existe
également des maladies non syndromiques, c’est-à-dire
dont le cadre nosologique n’a pas encore été défini, à
l’origine du retard mental d’étiologie inconnue.
Dans la population générale, le retard mental touche
2 à 3% des individus. L’auteur précise qu’il existe des
troubles du comportement associé au retard mental, en
particulier de type autistique, chez 30% des personnes
atteintes. Un diagnostic précis permet alors une prise en
charge plus adaptée.
L’auteur souligne que le retard mental touche environ
70-80% des personnes autistes. Il pose donc la question
de l’existence d’une double pathologie (autisme et retard mental) ou l’existence d’une seule et même entité
exprimée avec des signes différents se situant dans un
continuum, eu égard au chevauchement de ces deux pathologies, en fonction des arguments issus des recherches
en génétique et physiopathologie.
Les causes du retard mental sont très hétérogènes et peuvent être liées à une naissance prématurée, une anoxie,
l’alcoolisme de la mère, etc.
L’origine génétique du retard mental serait impliquée
dans 40 à 50% des cas. Ainsi, les progrès liés à l’avancée
des techniques de la génétique moderne ont ébranlé le
diagnostic génétique des retards mentaux : des descriptions de certains cas semblables ont pu être expliquées à
la lumière d’une anomalie génétique dont l’origine était
inconnue jusqu’alors (par exemple, les syndromes de
Prader-Willi, d’Angelman…).
1
Aujourd’hui, de nombreuses recherches ont permis de
faire avancer nos connaissances, notamment concernant
les anomalies liées au chromosome X. Un consortium
européen (Euro MRX) a été créé en 1996 pour favoriser
les travaux collaboratifs dans ce domaine.
De plus, une équipe internationale composée d’Américains, d’Anglais et d’Australiens a travaillé sur le séquençage total des gènes du chromosome X sur 250 patients.
Parmi ces gènes, certains semblent être liés à l’apparition
d’un retard mental lorsqu’ils sont déficitaires ou mutés
tels que le NLGN4, CDKL5, AP1S2, ARX, PHF8…
Chacun de ces gènes pris isolément, lorsqu’il est mal exprimé, est lié à des cas de retard mental. Ces mutations
peuvent être héréditaires (maladies mendéliennes) ou pas
(sporadiques). Le syndrome du X fragile représente la
cause la plus fréquente des retards mentaux liés au chromosome X. A l’heure actuelle, dans près de 60% des cas
de retard mental lié à l’X, nous avons une identification
du gène responsable du phénotype observé.
Le repérage de ces anomalies sert à faciliter le diagnostic
clinique car, pour chaque gène muté identifié, sont observées les caractéristiques de l’enfant atteint de retard mental. Ainsi, pour les diagnostics futurs, un lien pourra être
Institut Cochin - Université Paris Descartes, Paris
le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008
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Résumés des conférences
…dans l’ensemble,
les troubles observés
sont fonctionnels
et non pas liés à des troubles
du développement. Par
conséquent, il serait un jour
possible d’agir pour rétablir
ces fonctions et améliorer
ainsi le fonctionnement
cognitif et le comportement
de l’individu atteint.
fait entre les manifestations comportementales de l’enfant, et le
gène à l’origine du
retard sans avoir à faire d’analyses génétiques poussées,
coûteuses et contraignantes pour l’enfant et sa famille.
Toutefois, un même gène peut entraîner des types de retards mentaux différents : par exemple, le syndrome de
West et le syndrome de Partington sont tous deux liés
à une mutation du gène ARX. Ce gène muté a la particularité d’engendrer des anomalies des mouvements des
mains et des troubles d’articulation. C’est d’ailleurs un
symptôme qui permet de penser, lorsqu’il est présent,
qu’une mutation du gène ARX est impliquée.
L’auteur souligne l’existence d’un effort de coordination
en France entre le versant clinique et le versant biologique autour du diagnostic de retard mental qui permet
une recherche systématique des gènes impliqués dans ces
atteintes et une connaissance approfondie de chaque cas.
Dans le syndrome de Rett par exemple, le gène MECP2
est reconnu comme étant impliqué. Il existe de surcroît
une variabilité dans ces mutations qui permet de déterminer la gravité du syndrome.
Dans certaines formes d’épilepsie, le gène BDNF semble
ne pas s’exprimer et entraîner cette pathologie (il s’agirait d’un polymorphisme non fonctionnel).
Des troubles métaboliques liés à la créatine semblent également engendrer des atteintes de retard mental, d’épilepsie ou encore de faiblesse musculaire. Dans ce cas, un
traitement substitutif de créatine par voie orale a l’air de
bien fonctionner. Cette piste est encourageante car elle
suppose qu’un repérage correct des anomalies génétiques
causant retard mental et autisme permettrait de pallier
leurs effets néfastes en les prévenant par une thérapeutique adaptée si un diagnostic précoce est réalisé.
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Des progrès dans la compréhension du retard mental ont
été réalisés en physiopathologie.
Certains gènes codant des protéines responsables de la
connexion neuronale, de la régulation de l’activité ou
de la plasticité synaptique, sont communs à des cas de
retard mental et d’autisme (NLGN4, DLG3, IL1RAPL,
OPHN1…).
Dans le syndrome du X fragile, il y aurait un défaut de
l’expression du gène FMRP et ce gène a une fonction
au niveau des synapses : c’est un régulateur du récepteur
au glutamate et au NMDA. Dans ce syndrome, le retard
mental serait donc causé par un problème synaptique, de
communication inter-neuronale.
Le gène OPHN1 entraîne une hypoplasie, c’est-à-dire
une réduction, des compartiments pré et post synaptiques. Lorsque ce gène est inactivé chez la souris (souris
dites Knock-Out), le nombre de synapses reste le même
que chez les souris saines mais va se développer avec un
problème de maturité pré et post synaptique. Pour l’espace présynaptique, nous pouvons observer une réduction
de 50% de l’endocytose. Il s’agit donc d’une anomalie
fonctionnelle à ce niveau.
Jamel Chelly pose aussi la question de la fonction du
gène IL1RAPL. Il pourrait agir en collaboration avec la
protéine NCS-1 et réguler l’activité du canal calcique synaptique.
L’auteur reste toutefois optimiste sur l’avenir des prises
en charge de cette pathologie à la lumière des nouvelles
découvertes, car, dans l’ensemble, les troubles observés
sont fonctionnels et non pas liés à des troubles du développement. Par conséquent, il serait un jour possible
d’agir pour rétablir ces fonctions et améliorer ainsi le
fonctionnement cognitif et le comportement de l’individu atteint.
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Retard mental :
aspects cliniques
L
’auteur souhaite apporter une dimension clinique
à la compréhension du retard mental, qu’il faut
articuler avec la recherche en biologie génétique.
Dans son équipe, les travaux portant sur les phénotypes
comportementaux dans des syndromes microdélétionnels
tentent de mettre en lien génotypes et phénotypes cliniques et cognitifs. C’est un travail coordonné utile pour
approfondir nos connaissances sur les différents cas de
retard mental.
La prévalence du retard mental dans la population générale se situe autour de 2-3% et il est souvent associé à
d’autres pathologies. A l’heure actuelle, 40% des cas de
retard mental ont une cause connue et ciblée grâce aux
recherches en génétique. L’auteur souligne qu’il existerait un déterminisme génétique prédominant dans cette
pathologie.
De manière générale, lorsqu’une personne est atteinte de
retard mental, cette atteinte est plus souvent modérée que
sévère. Néanmoins, à l’heure actuelle, les recherches ont
permis de connaître davantage les causes du retard mental sévère que du retard mental modéré. Les microdélétions chromosomiques et la monosomie sont les facteurs
les plus prépondérants du retard mental.
Les causes de cette pathologie sont multiples. Elles peuvent être anté, péri et post natales, ou génétiques. Pour
évaluer au mieux le retard mental, il est nécessaire de
procéder à des évaluations neurocognitives, morphologiques, ainsi qu’à des examens génétiques, métaboliques et
enfin de réaliser un électroencéphalogramme, mais dans
certaines conditions. Avant tout, ces évaluations doivent
être complémentaires de l’expertise clinique et de l’histoire de la personne. L’auteur souligne l’importance de
ne pas se lancer au hasard dans ces évaluations et d’écouter d’abord les informations anamnestiques que la famille
peut donner pour connaître les types d’examens à réaliser
ensuite. En effet, l’auteur déclare que toutes ces explorations ne sont porteuses de découvertes que dans moins de
1% des cas, alors qu’elles sont lourdes et pénibles à faire
passer. La rentabilité de la passation de tous ces examens
est donc remise en cause. C’est pourquoi il faut plutôt
adapter ces examens à l’expertise clinique réalisée auprès
de la famille.
résumé de la conférence du Pr. Didier Lacombe1
Les enquêtes familiales sont parfois difficiles à réaliser à
cause de certains tabous notamment, ou encore d’événements passés sous silence car jugés inutiles, et qui entravent la compréhension approfondie de l’origine du retard
mental évalué et des examens complémentaires utiles.
Dans l’histoire clinique de la personne, il est utile de
s’arrêter sur certains moments de vie plus éloquents que
d’autres. Par exemple, les cas de fausses couches spontanées dans la famille sont importants à élucider car ils
peuvent être liés à des microremaniements chromosomiques qui justifieraient, pour les futures grossesses, une
investigation au niveau chromosomique si un retard mental est suspecté. L’âge de la grossesse est important aussi
car, d’une part, l’âge de la mère est un facteur de risque
d’anomalies chromosomiques, telles que la trisomie 21
(entre 30 et 40 ans, 1 risque pour 1000, après 40 ans,
1 risque pour 100), et
d’autre part, l’âge du
Pour évaluer au mieux
père représente égale retard mental, il est
lement le facteur de
nécessaire de procéder à des
risque majeur de néoévaluations neurocognitives,
mutations génétiques
morphologiques,
en cause dans des
cas de retard mental.
ainsi qu’à des examens
L’embryofœtopathie
génétiques, métaboliques
est à présent mieux
et enfin de réaliser
contrôlé grâce à un
meilleur suivi des un électroencéphalogramme…
grossesses au niveau
gynécologique, et des cas dus à une rubéole ou à une
toxoplasmose contractée par la mère sont de moins en
moins observés. Cependant, il existe toujours une prévalence importante de cas dus à l’alcoolisme de la mère
et de nouveaux tératogènes (substance ou procédé qui
provoque des malformations fœtales lorsque la mère est
exposée) ont fait leur apparition. Des complications à
l’accouchement sont également importantes à rapporter.
Lors de ces complications, l’enfant a indubitablement été
en souffrance. De plus, lorsque celui-ci a déjà un terrain
génétique de susceptibilité à l’environnement, ces complications seront d’autant plus graves et l’enfant en sera
d’autant plus affecté. L’histoire pédiatrique doit aussi
être passée au crible pour évaluer, par exemple, des an-
1
Service de Génétique médicale, Hôpital Pellegrin-Enfants, CHU de Bordeaux et Laboratoire de Génétique Humaine, Université
Victor Segalen Bordeaux 2, Bordeaux
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Résumés des conférences
técédents d’eczéma, troubles gastro-intestinaux, atteinte
polyviscérale, etc. Tout comme pour les complications
liées à l’accouchement, ces affections auront un impact
plus important chez l’individu dont le terrain génétique
est favorable au développement d’un retard mental, considéré comme un facteur de vulnérabilité aux problèmes
environnementaux qui ne doit pas être négligé.
L’auteur attire notre attention sur les difficultés d’étudier
ces microdélétions car le niveau de résolution des techniques d’imagerie utilisées n’est pas assez élevé. A l’heure
actuelle, les techniques de cytogénétique ne permettent
pas d’observer les plus petites microdélétions qui pourraient pourtant expliquer possiblement nombre de cas de
retards mentaux.
Dès qu’il y a suspicion de retard mental chez un individu,
un test systématiquement réalisé est celui de la détection
d’un X fragile, car il représente la prévalence la plus importante de causes de retards mentaux.
En revanche, quelques techniques en cours d’évaluation
semblent pouvoir pallier ces difficultés. Parmi celles-ci,
les puces biologiques (ou puces ADN) semblent prometteuses. Elles font partie des techniques appelées CGHArray ou CGH-MicroArray. En France, une dizaine de
laboratoires vont travailler avec ces techniques pour tenter d’apporter de nouvelles données explicatives à certains cas de retard mental encore non spécifié à l’heure
actuelle.
Parmi les recherches de critères mineurs mais néanmoins
cruciaux à étudier, l’auteur souligne l’importance de
l’examen morphologique. Il propose même l’inclusion
de photos dans l’examen clinique des enfants. Selon lui,
elles devraient faire partie intégrante de l’évaluation diagnostique lors de suspicion de retard mental chez une
personne, car certaines dysmorphies sont très révélatrices
et renvoient au dysfonctionnement de certains gènes déjà
identifiés, donnant des pistes d’examens à réaliser. En
effet, certaines anomalies morphologiques, notamment
du visage, peuvent révéler une anomalie chromosomique. Ce sont de petits signes qui peuvent permettre de
poser un diagnostic précis améliorant la prise en charge
de l’enfant. Par exemple, lorsque la columelle du nez est
au-dessus des ailes, nous pouvons suspecter un syndrome
d’ATR-X, c’est-à-dire une alpha-thalassémie (un problème au niveau des globules rouges) et un retard mental lié
à l’X. Une asymétrie faciale aux pleurs peut révéler une
microdélétion du gène 22q11.2… Dans tous les cas, le
premier examen réalisé est le caryotype classique. Pour
observer ces microdélétions invisibles à l’œil nu, il existe
une technique d’hybridation par fluorescence.
En résumé, le spectre d’anomalies cliniques va orienter la
recherche d’anomalies génétiques.
L’auteur souligne ensuite l’importance de considérer les
régions sous-télomériques (c’est-à-dire les sous-parties
distales des chromosomes) pour approfondir nos connaissances des causes de retard mental, car dans cette
région, de nombreux gènes pourraient être impliqués. Ce
sont des parties hyper
variables.
…certaines anomalies
morphologiques, notamment
du visage, peuvent révéler une
anomalie chromosomique.
Ce sont de petits signes qui
peuvent permettre de poser un
diagnostic précis améliorant
la prise en charge de l’enfant.
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Parmi les retards mentaux les plus fréquents, la monosomie 1p3.6 représente un cas pour 10 000 naissances.
Elle engendre un retard mental très sévère, une hypotonie
dès la naissance, des troubles du comportement, une microcéphalie, une épilepsie souvent importante et une dysmorphie faciale. Ce retard mental ne pouvait être identifié avec l’examen classique caryotypique auparavant.
L’auteur souligne que les signes physiques sont très importants pour établir le phénotype et pour relier les anomalies physiques aux anomalies génétiques pour adapter
la prise en charge de manière optimale. Par exemple,
dans le syndrome de Prader-Willi, auparavant, seule la
macrophagie semblait révélatrice de cette pathologie. A
l’heure actuelle, nous savons qu’il existe également à la
naissance une hypotonie très spécifique de ce syndrome
et il peut donc être pris en charge, notamment au niveau
alimentaire, de manière beaucoup plus précoce qu’auparavant.
Dans le retard mental, il semblerait exister une prévalence des mutations des gènes MECP2 et ARX, qui sont
donc prioritaires à rechercher en cas de suspicion.
L’auteur termine en précisant l’importance de généraliser
ces techniques de mise en évidence des remaniements
subtélomériques pour tenter d’apporter des explications
aux cas de retards mentaux encore non spécifiés et qui
pourraient être reliés parfois à des cas d’autisme, ce qui
ferait avancer la recherche également de ce côté.
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