Ce dernier problème est accentué par la sélection
sur la vitesse de croissance qui s'est opérée de façon
plus ou moins spectaculaire selon les races. En effet,
d'une façon générale, une sélection sur la vitesse de
croissance conduit à des muscles plus gros et de ce
fait moins vascularisés, avec des fibres plus
glycolytiques et plus rapides et moins de lipides
intramusculaires. Ceci est actuellement un problème
pour les espèces à intervalles de génération court
(volailles et porcs) mais le devient pour le bovin. Par
exemple, la sélection des bovins des culards en race
Blanc Bleu Belge en Belgique a conduit à des
animaux produisant une viande sans saveur, ceci
d’autant plus qu'ils sont conduits en système taurillon
abattus jeunes. En Charolais, la sélection sur la
vitesse de croissance et l'efficacité alimentaire de
taurillons charolais (dispositif Vachotron de l'INRA)
conduit effectivement à des muscles plus
glycolytiques avec moins de lipides intra-musculaires
et une flaveur plus faible.
Les travaux menés à l’INRA pour appréhender la
variabilité d’origine génétique des caractéristiques
musculaires et des qualités des viandes chez les
bovins complètent les trop rares travaux disponibles
dans la littérature. L’estimation des paramètres
génétiques (h², rg et réponses à la sélection) nécessite
des dispositifs expérimentaux adaptés et l’essentiel
de nos résultats furent obtenus dans
l’expérimentation « Vachotron ». Les CM furent
celles qui étaient mesurables « en routine » sur près
de 300 taurillons : dosages des protéines, lipides,
collagène, pigments ; caractéristiques des fibres
musculaires (% myosine I par ELISA, activités
enzymatiques de la LDH et ICDH, taille des fibres
sur coupes histologiques), alors que les QV ne purent
être mesurées que sur un peu plus de 100 taurillons.
Le premier résultat à souligner est la forte
variabilité individuelle entre animaux de même race,
même sexe, même âge, même conduite alimentaire,
des caractéristiques musculaires, bien supérieure à
celle qui existe classiquement pour la composition
des carcasses (CV environ 15-20 %) ou la croissance
(CV environ 10%).
Les coefficients d’héritabilité sont plutôt moyens
(h²=0.20 en moyenne), un peu inférieurs à ceux des
aptitudes bouchères à l’abattage (h²=0.33 en
moyenne), mais surtout nécessitent d’être confortés
par de nouvelles estimées dans d’autres populations.
Les relations génétiques sont nettement plus
marquées que les relations phénotypiques. Les
teneurs en lipides et en pigments sont positivement
corrélées avec la teneur en dépôts adipeux des
carcasses. Sur ce même axe on retrouve positivement
la proportion de myosine lente et l’activité de l’ICDH
en opposition avec celle du LDH. Ces relations
génétiques sont confirmées par une étude sur 150
taurillons Limousins. Il existe aussi une association
négative entre la croissance musculaire d’une part et
la teneur en collagène et la taille des fibres d’autre
part.
De ce fait, une sélection sur la croissance
musculaire au détriment des dépôts adipeux, devrait
conduire à des muscles avec moins de lipides
intramusculaires, moins de collagène, des fibres plus
glycolytiques et plus rapides. Ce type de relation se
retrouve, mais d’une façon plus accentuée, lorsqu’on
compare des bovins culards à des bovins normaux en
race Blanc Bleu Belge.
Compte tenu des relations phénotypiques
observées entre les caractéristiques musculaires et les
qualités des viandes, on peut prédire que dans une
race à viande spécialisée telle que la race Charolaise,
la poursuite de la sélection sur la croissance
musculaire actuellement pratiquée à travers la
sélection sur la vitesse de croissance et l'efficacité
alimentaire doit conduire à des muscles dont les
caractéristiques musculaires sont compatibles avec
une meilleure tendreté, mais au détriment de la
flaveur et de la couleur (plus pâle) .
5 – Mise en place des caractéristiques
musculaires au cours de la vie fœtale
Le potentiel de croissance musculaire dépend,
dans sa dimension quantitative, du nombre total de
fibres musculaires. De même, la teneur en lipides de
la carcasse et en lipides intramusculaires dépendent
également du nombre d’adipocytes dans les différents
dépôts adipeux considérés. Par ailleurs, les
caractéristiques des fibres comme celles des autres
composantes du tissu musculaire (collagène,
adipocytes) déterminent les critères de la qualité de la
viande. Le déterminisme du nombre de fibres et
d’adipocytes ainsi que leurs caractéristiques s’opèrent
pour une grande part pendant les phases
embryonnaires et fœtales du développement.
Toute anomalie au cours du développement fœtal,
lié par exemple à une période de sous-nutrition
marquée de la mère et de son fœtus, peut avoir des
conséquences importantes et rémanentes sur le
développement des tissus et sur leur métabolisme
après la naissance, affectant ainsi la croissance et la
composition corporelle postnatales. C’est pourquoi,
on parle de « programmation nutritionnelle » de la
croissance et de la composition corporelle, concept
qui est de plus en plus accepté chez l’homme comme
chez l’animal. Ainsi, par exemple, chez l’homme, la
prédisposition à de nombreuses pathologies, telles
que l’obésité, le diabète non-insulino dépendant ou
les maladies cardiovasculaires sont liées à des
perturbations nutritionnelles qui seraient survenues
avant la naissance. Plus précisément, chez le porc,
une sous-nutrition de 40% de la truie gestante durant
la première moitié de la gestation conduit à une