Quelle production pour quelle qualité : que maîtrisons-nous

Quelle production pour quelle qualité : que maîtrisons-nous ?
J. F. HOCQUETTE, D. MICOL, G. RENAND*
Unité de Recherches sur les Herbivores, INRA, Centre de Clermont-Ferrand/Theix
*Station Génétique Quantitative Appliquée, INRA, Centre de Jouy-en-Josas
La variabilité non maîtrisée de la qualité
sensorielle de la viande bovine (tendreté, flaveur)
restent une préoccupation majeure de la filière. La
variabilité des caractéristiques musculaires peuvent
expliquer au moins 20% de la variabilité de la qualité
sensorielle de la viande bovine (revue de Dransfield,
1995). Cette proportion sera d’autant plus élevée que
les conditions d’abattage et de transformation du
muscle en viande seront maîtrisées, contrôlées et
standardisées, ce qui est de plus en plus le cas. C’est
pourquoi, l’INRA a engagé depuis plus de 10 ans des
recherches sur l’influence respective du type
génétique des animaux et de leurs conditions
d’élevage (ou systèmes de production) sur leurs
caractéristiques musculaires selon leur potentiel de
croissance. Cette approche implique de bien
connaître les relations entre les caractéristiques des
tissus et du muscle et les caractéristiques qualitatives
des viandes pour disposer de prédicteurs
biologiques de la qualité sensorielle de la viande,
c’est à dire les caractéristiques musculaires les plus
informatives. Comme on va le voir, cette question
sous-entend aussi de bien connaître la biologie et la
physiologie musculaires, y compris au niveau
moléculaire, justifiant ainsi la pertinence de
programmes de recherches plus fondamentaux et
prospectifs (Annexe 1).
I - Les Enjeux
Pour présenter les relations entre
caractéristiques musculaires et qualités sensorielles
de la viande bovine, les chercheurs se posent
plusieurs questions qui sont ensuite traduites en
programmes de recherches.
1. Quelles sont les caractéristiques musculaires
les plus explicatives de la qualité sensorielle de la
viande?
2. Pour répondre aux attentes de la filière, a-t-on
les moyens techniques de mesurer objectivement et
facilement quelques prédicteurs biologiques de la
tendreté et de la flaveur ? L’objectif serait alors de
pouvoir prédire individuellement la tendreté et la
flaveur potentielles d'un muscle à partir de ses
caractéristiques avant qu’il soit transformé en viande.
3. Se pose en parallèle le problème de
l'influence des facteurs d'élevage (choix du type
génétique des animaux, mode de conduite, nature et
niveau de l'alimentation) sur la variabilité des
caractéristiques musculaires et des qualités de la
viande qui en découle.
4. Par ailleurs, la sélection a besoin d’outils de
prédiction de la qualité afin de sélectionner les
animaux sur leur potentiel à produire une viande de
qualité. Toutefois, ceci n’est possible que si les
caractéristiques musculaires explicatives de la qualité
sont des caractères suffisamment héritables.
5. Se pose enfin le problème des moyens d'action
qu'a l'éleveur pour modifier la mise en place des
caractéristiques musculaires aux stades les plus
précoces de la vie (peut être en partie durant la vie
fœtale) afin d'induire des effets marqués et
rémanents tout au long de la vie de l’animal sur le
potentiel de croissance et les caractéristiques
musculaires déterminantes pour la qualité.
II Les acquis
1 – Les caractéristiques musculaires les plus
explicatives
Nous ne présenterons pas ici la diversité des
relations qui ont été décrites dans la littérature entre
les caractéristiques qualitatives des viandes (tendreté
et flaveur surtout) et les caractéristiques musculaires
(fibres, pH, protéases, lipides intramusculaires,
collagène). Nous soulignerons simplement les
difficultés majeures rencontrées dans nos travaux. En
effet, les relations entre les caractéristiques
musculaires et les critères de qualité dépendent des
causes de la source de variabilité observée, du
modèle d’interprétation utilisé pour établir ces
relations, et bien entendu, de la nature des mesures
réalisées, c’est à dire de l’identité des estimateurs
utilisés.
Tout d’abord, les études faisant appel à une
variabilité générée par des mesures sur plusieurs
muscles ne donnent pas les mêmes relations que les
études sur un seul muscle. Ainsi par exemple, les
teneurs en collagène sont très différentes entre
muscles, alors que la solubilité du collagène ne varie
pas de façon significative entre muscles mais varie
fortement entre individus pour un muscle donné
(revue de Valin et al., 1995). De plus, comme les
muscles réagissent différemment (Vestergaad et al.,
2000 ; Listrat et al., 2001 ; Cassar-Malek, et al.,
2001), c'est-à-dire de façon spécifique, à une source
de variabilité telle qu'elle soit (génétique ou
nutritionnelle), les relations valables pour un type de
muscle donné ne sont donc pas extrapolables à un
autre type de muscle. De même, une variabilité
générée par différents types génétiques d'animaux
(Brouard et al., 2001) ou par différentes conduites
d'élevage conduisent à des relations différentes et
particulière pour un muscle donné.
Du point de vue statistique, quand on dispose
d'une source de variabilité multifactorielle de la
qualité (génétique, nutritionnelle ou autre), il est
possible de s'affranchir de l'effet des facteurs de
variation contrôlés en travaillant sur les résidus de
l'analyse de variance qui prend en compte cet effet.
Ainsi, par exemple, connaissant l’origine génétique
des animaux, il est possible de s’affranchir de cet
effet afin d’exploiter la variabilité phénotypique non
liée à la génétique des caractéristiques musculaires
(Hocquette et al., 2001). L’analyse simultanée de la
variabilité entre facteurs de variation et intra facteur
de variation apporte des informations sur ces deux
sources de variation qui peuvent induire des relations
différentes.
Enfin, en travaillant sur une variable synthétique
résultant d'une combinaison de variables
mesurées, suite à une analyse en composante
principale par exemple, on obtient théoriquement une
meilleure prédiction de la qualité ou de variables
importantes pour la qualité : ainsi, par exemple,
environ 85% de la variabilité de la force de
cisaillement du muscle long dorsal peut être
expliquée par les différentes proportions de fibres
musculaires et le pH de la viande à 45 min et à 24 h
(revue de Valin, 1995). De même, environ 50% de la
variabilité du taux de lipides intramusculaires peut
être expliquée à partir d’une combinaison de 8
activités métaboliques chez le lapin (Gondret et al.,
2001). L’analyse en composantes principales est en
effet une méthode de choix pour avoir une vue
synthétique des multiples relations entre les
différentes variables qualitatives des muscles et des
viandes (Destefanis et al., 2000).
Mais un problème important réside aussi dans la
nature des estimateurs envisagés et des méthodes
de laboratoire utilisées. Par exemple, comment
estimer les propriétés contractiles et métaboliques des
fibres musculaires que l’on sait être importantes pour
la qualité de la viande ? Les propriétés contractiles
des fibres peuvent appréciées par immunocytochimie
(par coloration ATPase-SDH ou à l’aide d’anticorps)
ou par électrophorèse ou encore ELISA avec des
anticorps dirigés contre les différentes chaînes
lourdes de myosine (Picard et al., 1994) . Les
résultats sont souvent, dans le détail, différents
suivant les méthodes ou les outils utilisés ; de même,
les propriétés métaboliques sont estimées par des
enzymes glycolytiques ou oxydatives, mais suivant
les enzymes étudiées, on aura, là encore, des résultats
différents plus ou moins significatifs (Hocquette et
al., 1998, 2001).
Malgré l’ensemble de ces limitations, il est
généralement observé que la couleur est positivement
corrélée aux teneurs en fer héminique, que la teneur
en lipides intramusculaires est parmi les facteurs
importants qui influent sur la flaveur, et que la dureté
de base de la viande dépend de la trame conjonctive
alors que sa maturation dépend des caractéristiques
des fibres musculaires (type, surface, pH, protéases).
2 – Prédiction individuelle de la qualité
Contrairement au problème précédent, il ne
s’agit pas d’apporter des explications biologiques à la
variabilité de la qualité en mettant en évidence une
corrélation entre la variabilité de telle ou telle
caractéristique musculaire et tel ou tel critère de
qualité. Il faut aller beaucoup plus loin en établissant
une très forte corrélation afin d’établir une
véritable prédiction avec le moins de risque
d’erreur possible. C’est pourquoi, le coefficient de
la corrélation entre les deux variables d’intérêt doit
être élevé.
Pour un muscle donné (le longissimus thoracis)
issus de taurillons Charolais élevés dans les mêmes
conditions, il est possible aujourd’hui d’expliquer
seulement un quart à un tiers de la variabilité de la
tendreté ou de la flaveur par un ensemble de 11
caractéristiques musculaires dont certaines sont peu
explicatives (Renand et al., 2001). Les raisons en
sont multiples : 1) la variabilité non biologique (dues
à l’imprécision de la mesure) de la variable
dépendante à prédire (tendreté) est elle-même
beaucoup trop élevée (l'analyse sensorielle étant
relativement difficile à maîtriser), 2) les
caractéristiques musculaires mesurées ont leur propre
erreur de mesure, 3) certaines caractéristiques
musculaires importantes (activité des protéases, par
exemple) n’ont pas été prises en compte dans cette
étude.
En revanche, une autre étude sur le même muscle
de taurillons frisons mais dans différentes conditions
d’élevage a montré que 62% de la variabilité de la
tendreté pouvait être expliquée par la variabilité de
l’index de fragmentation myofibrillaire (Vestergaard
et al., 2000). Ce meilleur score de prédiction
s’explique probablement (i) par l’augmentation de la
variabilité due à l’introduction de différents systèmes
d’élevage comme expliqué précédemment, et (ii) par
le fait que l’indice de fragmentation myofibrillaire est
un indicateur direct de la protéolyse musculaire, et
non pas une caractéristique musculaire de l’animal
vivant.
3 – Influence du type de production sur les
caractéristiques musculaires et la qualité
Encadré :
A partir de son maximum atteint vers 1980 (> 30
kg Equivalent carcasse (EC) par hab), la
consommation intérieure de viande bovine a engagé
une décroissance notable et pérenne. Une
combinaison défavorable initiale
« prix/qualité/image » perçue par le consommateur
explique cette chute, relayée ces dernières années par
des raisons de manque d’innocuité et d’information
très négative sur ce produit (ESB, fièvre aphteuse
voire la maladie du Charbon tout récemment ), à tel
point que le niveau de consommation semble se
situer vers 20-22 kg EC/hab en 2000-1. La filière
bovine ou divers opérateurs ont réagi par une
segmentation du marché dans un souci d’ouverture
du choix pour le consommateur (démarcation des
produits, signes de qualité) et par une volonté de
réassurance sur la qualité du produit auprès de
l’acheteur final (étiquetage, origine, mode de
production, signes de qualité…) ; les deux démarches
se confondant ou se complétant dans la pratique.
Dans ce contexte, l’ensemble du processus de
production de l’animal (origine, génotype, type de
production, conduite et alimentation…) intéresse la
filière ou veut être maîtrisé par un élément de cette
filière. L’objectif général est d’abord une garantie
d’innocuité pour la consommation humaine, doublée
d’un souci de caractérisation ou d’amélioration des
qualités finales du produit consommé (qualités
sensorielles et nutritionnelles).
Pour le secteur amont, du sélectionneur bovin à
l’abatteur, ce souci correspond à vouloir maîtriser la
composition de l’animal (anatomique ou chimique) et
la structure et la composition du muscle, avant les
processus de transformation des muscles en viande et
les procédés technologiques dont ils peuvent
bénéficier.
Comparativement aux autres pays producteurs de
viande bovine, la France est très clairement
caractérisée par la diversité de ses systèmes de
production à partir de ses deux troupeaux laitier et
allaitant. On retrouve en France une production de
viande bovine à partir de bœufs comme dans les pays
anglo-saxons ou de jeunes bovins mâles comme chez
les pays d’Europe du Nord (Belgique, Allemagne…)
ou surtout, à partir de vaches de réforme de race
laitière ou à viande.
De nombreux travaux passés et plus récents
ont montré que les qualités finales des viandes
(sensorielles et nutritionnelles) sont sous la
dépendance initiale de la composition et des
caractéristiques du muscle. On peut résumer ici les
principaux facteurs de maîtrise liés à l’animal et à son
milieu qui peuvent influer sur ces caractéristiques
musculaires et par là sur la qualité finale du produit.
Leviers sur l’animal :
Age : Au cours de la croissance et du
vieillissement , la structure et la composition du
muscle évoluent avec l’âge, entraînant une
augmentation de la dureté, de l’intensité de la flaveur
et de la couleur. L’augmentation de la dureté est sous
la dépendance du collagène, à relier davantage à une
diminution de sa solubilité qu’à une augmentation de
sa teneur. Ces changements sont généralement
attribués à une augmentation progressive du nombre
de liaisons intermoléculaires stables .
Bien que le nombre de fibres musculaire soit
relativement fixé à la naissance chez les bovins, la
proportion des différents types de fibres n’est pas
constante. Durant la première partie de la vie (de la
naissance à la puberté du bovin mâle), une graduelle
réduction de la proportion des fibres IIA peut être
observée au bénéfice des fibres IIB. L’activité
glycolytique s’accroît. Ensuite, cette évolution se
ralentit puis s’inverse progressivement, l’activité
oxydative de développe alors que le nombre de fibres
à contraction lente (type I) semble rester constant
(revue de Micol et Picard, 1997).
Le type de fibres a également un rôle sur
l’intensité de la flaveur et de la jutosité avec l’âge.
Les fibres rouges lentes induisent une meilleure
flaveur et une plus forte jutosité. Ces fibres sont
associées à plus de lipides et d’acides gras que les
fibres rapides. Ainsi, l’accroissement au cours du
vieillissement de l’activité oxydative peut être relier
à l’augmentation de l’adiposité et par suite à celle de
l’intensité de la flaveur.
L’âge a une effet prononcé sur les différentes
caractéristiques de la couleur. La concentration en
myoglobine augmente au cours de la croissance, très
rapidement avant la puberté, jusqu’à un maximum
variable selon les muscles et le sexe de l’animal.
Dans le même temps, la luminosité de la couleur
diminue, la viande devient plus sombre. La stabilité
de la couleur se réduit, ainsi les muscles lents et plus
rouges deviennent plus instables.
Sexe : Au delà de la puberté, la viande de
mâles entiers est moins tendre que celle des mâles
castrés, elle même moins tendre que celle des
femelles. Ces différences s’expliquent dans une large
mesure par la teneur et la solubilité du collagène et en
partie par des différences de type métabolique et
contractile des fibres musculaires. Une plus forte
teneur en collagène s’observe cher le taurillon par
rapport au bouvillon, lui même présentant une teneur
et une chute de solubilité notable par rapport à des
génisses de même âge entre 13-24 mois. Les
androgènes augmentent la taille de toutes les fibres
musculaires et ralentissent à même âge la conversion
des fibres IIA en fibres IIB . La proportion de fibres
rouges à métabolisme oxydatif est donc plus
importante chez les mâles entiers que chez les
animaux castrés. La castration est associée à une
flaveur et une jutosité plus élevées en relation avec
une teneur en lipides intramusculaires plus
importante. Les caractéristiques liées à la couleur
semblent être peu affecté par la castration. La viande
de femelles est plus tendre que celle des mâles, à la
fois du fait d’une teneur plus faible en collagène des
muscles et de sa plus grande solubilité. Elles auraient
en outre moins de fibres de type I et un pourcentage
plus élevé de fibres glycolytiques et une plus faible
teneur en pigments. La teneur en pigments croit plus
rapidement chez les femelles, plus précoces que les
mâles (revue de Geay et Renand, 1994).
Leviers sur le mode de conduite :
Le niveau d’alimentation , permet de moduler les
phénomènes de croissance et de développement chez
l’animal. Les effets d’une variation du niveau
alimentaire sur le type métabolique et contractile des
fibres vont dépendre de la période à laquelle elle est
appliquée par rapport au stade de développement de
l’animal. Après sevrage, une restriction alimentaire
entraîne une réduction des fibres IIB au bénéfice des
fibres IIA, le métabolisme devient plus oxydatif. Une
réduction pendant la période de finition va de pair
avec une diminution de la vitesse de croissance, du
niveau de synthèse protéique et lipidique et de la
taille des fibres. Inversement lorsque le niveau
alimentaire s’accroît le métabolisme devient plus
glycolytique, la proportion de lipides déposés
augmente et par suite la flaveur des viandes (revue de
Geay et al., 2001).
Courbe de croissance : La modulation des niveau
d’alimentation qui se traduit par des courbes de
croissance discontinue (sous alimentation,
réalimentation, croissance compensatrice) permet de
maîtriser en partie les caractéristiques musculaires au
cours de la croissance (effet âge). Une alimentation
finale libérale chez un animal, auparavant limité, se
traduit, hormis une augmentation des performances,
par un métabolisme glycolytique associé à une
augmentation des fibres IIB, un accroissement du
dépôt de lipides intramusculaires et d’une proportion
de collagène néoformé plus soluble et plus
importante (revue de Geay et al., 2001). Ces
combinaisons « animal/mode de conduite »
permettent contrôler en partie les caractéristiques
finales des animaux, tout en générant certainement
des causes de variabilité accumulées au coures de sa
vie. Ainsi, par exemple, ces interactions
« animal/conduite » peuvent expliquer qu’un bœuf de
33 mois aura des caractéristiques de carcasses et des
muscles assez proches de son homologue de 24 mois
conduit sur un schéma un peu plus intensif ; ou
encore que les vaches de réforme Limousines, à fort
potentiel de synthèse musculaire et peu précoces,
sont acceptées dans le cahier des charges Label
Rouge malgré un âge avancé (9 ans) si elles
présentent les critères requis.
Nature de l’alimentation :
Comme chez d’autres espèces (monogastriques,
production laitière), de nombreux travaux ont eu pour
but de maîtriser les caractéristiques de carcasses et
des muscles par le biais de la nature de l’alimentation
ou des composants des rations alimentaires. Cette
approche est souvent entachée d’une confusion
rapide dans ces études entre des effets du niveau
d’alimentation per se et de la nature de la ration
(exemple souvent présenté de l’ensilage de maïs).
Les effets obtenus à partir des rations extrêmes (tout
paroi vs amidon, apports alimentaires azotés très
élevés, surcharge en pigments…) mettent en évidence
des effets assez peu notables sur ces caractéristiques,
sans commune mesure à ceux observés sur les autres
productions animales (porcs, volailles) et laisse donc
peu de place à une utilisation pratique efficace via la
stricte nature des aliments ou via la complémentation
en certains éléments régulateurs.
Récemment, des travaux engagés par URH sur
l’alimentation à l’herbe des bovins à viande mettent
cependant en évidence des différences sensibles sur
les caractéristiques des tissus et des muscles. Un
alimentation à l’herbe, incluant des phases de
pâturage, semble se traduire par une augmentation de
la solubilité du collagène, un métabolisme du muscle
plus oxydatif, une utilisation plus importante des
acides gras comme source énergétique, une
modification du métabolisme protéique (protéolyse)
et une augmentation du dépôt d’acides gras insaturés
n-3 (Jurie et al., 1999, 2000 et 2002).
4 – Variabilité d’origine génétique
Ce dernier problème est accentué par la sélection
sur la vitesse de croissance qui s'est opérée de façon
plus ou moins spectaculaire selon les races. En effet,
d'une façon générale, une sélection sur la vitesse de
croissance conduit à des muscles plus gros et de ce
fait moins vascularisés, avec des fibres plus
glycolytiques et plus rapides et moins de lipides
intramusculaires. Ceci est actuellement un problème
pour les espèces à intervalles de génération court
(volailles et porcs) mais le devient pour le bovin. Par
exemple, la sélection des bovins des culards en race
Blanc Bleu Belge en Belgique a conduit à des
animaux produisant une viande sans saveur, ceci
d’autant plus qu'ils sont conduits en système taurillon
abattus jeunes. En Charolais, la sélection sur la
vitesse de croissance et l'efficacité alimentaire de
taurillons charolais (dispositif Vachotron de l'INRA)
conduit effectivement à des muscles plus
glycolytiques avec moins de lipides intra-musculaires
et une flaveur plus faible.
Les travaux menés à l’INRA pour appréhender la
variabilité d’origine génétique des caractéristiques
musculaires et des qualités des viandes chez les
bovins complètent les trop rares travaux disponibles
dans la littérature. L’estimation des paramètres
génétiques (h², rg et réponses à la sélection) nécessite
des dispositifs expérimentaux adaptés et l’essentiel
de nos résultats furent obtenus dans
l’expérimentation « Vachotron ». Les CM furent
celles qui étaient mesurables « en routine » sur près
de 300 taurillons : dosages des protéines, lipides,
collagène, pigments ; caractéristiques des fibres
musculaires (% myosine I par ELISA, activités
enzymatiques de la LDH et ICDH, taille des fibres
sur coupes histologiques), alors que les QV ne purent
être mesurées que sur un peu plus de 100 taurillons.
Le premier résultat à souligner est la forte
variabilité individuelle entre animaux de même race,
même sexe, même âge, même conduite alimentaire,
des caractéristiques musculaires, bien supérieure à
celle qui existe classiquement pour la composition
des carcasses (CV environ 15-20 %) ou la croissance
(CV environ 10%).
Les coefficients d’héritabilité sont plutôt moyens
(h²=0.20 en moyenne), un peu inférieurs à ceux des
aptitudes bouchères à l’abattage (h²=0.33 en
moyenne), mais surtout nécessitent d’être confortés
par de nouvelles estimées dans d’autres populations.
Les relations génétiques sont nettement plus
marquées que les relations phénotypiques. Les
teneurs en lipides et en pigments sont positivement
corrélées avec la teneur en dépôts adipeux des
carcasses. Sur ce même axe on retrouve positivement
la proportion de myosine lente et l’activité de l’ICDH
en opposition avec celle du LDH. Ces relations
génétiques sont confirmées par une étude sur 150
taurillons Limousins. Il existe aussi une association
négative entre la croissance musculaire d’une part et
la teneur en collagène et la taille des fibres d’autre
part.
De ce fait, une sélection sur la croissance
musculaire au détriment des dépôts adipeux, devrait
conduire à des muscles avec moins de lipides
intramusculaires, moins de collagène, des fibres plus
glycolytiques et plus rapides. Ce type de relation se
retrouve, mais d’une façon plus accentuée, lorsqu’on
compare des bovins culards à des bovins normaux en
race Blanc Bleu Belge.
Compte tenu des relations phénotypiques
observées entre les caractéristiques musculaires et les
qualités des viandes, on peut prédire que dans une
race à viande spécialisée telle que la race Charolaise,
la poursuite de la sélection sur la croissance
musculaire actuellement pratiquée à travers la
sélection sur la vitesse de croissance et l'efficacité
alimentaire doit conduire à des muscles dont les
caractéristiques musculaires sont compatibles avec
une meilleure tendreté, mais au détriment de la
flaveur et de la couleur (plus pâle) .
5 – Mise en place des caractéristiques
musculaires au cours de la vie fœtale
Le potentiel de croissance musculaire dépend,
dans sa dimension quantitative, du nombre total de
fibres musculaires. De même, la teneur en lipides de
la carcasse et en lipides intramusculaires dépendent
également du nombre d’adipocytes dans les différents
dépôts adipeux considérés. Par ailleurs, les
caractéristiques des fibres comme celles des autres
composantes du tissu musculaire (collagène,
adipocytes) déterminent les critères de la qualité de la
viande. Le déterminisme du nombre de fibres et
d’adipocytes ainsi que leurs caractéristiques s’opèrent
pour une grande part pendant les phases
embryonnaires et fœtales du développement.
Toute anomalie au cours du développement fœtal,
lié par exemple à une période de sous-nutrition
marquée de la mère et de son fœtus, peut avoir des
conséquences importantes et rémanentes sur le
développement des tissus et sur leur métabolisme
après la naissance, affectant ainsi la croissance et la
composition corporelle postnatales. C’est pourquoi,
on parle de « programmation nutritionnelle » de la
croissance et de la composition corporelle, concept
qui est de plus en plus accepté chez l’homme comme
chez l’animal. Ainsi, par exemple, chez l’homme, la
prédisposition à de nombreuses pathologies, telles
que l’obésité, le diabète non-insulino dépendant ou
les maladies cardiovasculaires sont liées à des
perturbations nutritionnelles qui seraient survenues
avant la naissance. Plus précisément, chez le porc,
une sous-nutrition de 40% de la truie gestante durant
la première moitié de la gestation conduit à une
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