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d'un côté de la masse de cellules, et d'autres de l'autre côté).
La compréhension de plus en plus précise de ces mécanismes a permis de récapituler, en laboratoire
dans des boîtes de Pétri, la formation de structures complexes, hétérogènes (constituées de plusieurs
types cellulaires différents, et agencés de manière similaire à ce qu'on trouve dans un organe naturel).
En contrôlant finement les conditions de culture et de différenciation des cellules-souches, on finit par
obtenir de mini-organes (des mini-reins, mini-foies, mini-cerveaux, ...), qui ont une organisation
morphologique et un fonctionnement qui se rapprochent de ceux des organes naturels.
En quoi ces mini-organes sont une avancée de la science ? Quels sont leur utilité ?
Ces découvertes s'inscrivent dans une discipline très ancienne, qu'on appelle la « biologie du
développement », héritière de l'embryologie des siècles précédents. Le problème principal auquel
s'attaque la biologie du développement, c'est de comprendre comment, à partir d'une cellule unique
(l'ovule fécondé par un spermatozoïde), qui est un objet à symétrie essentiellement sphérique, les
phénomènes de division, de différenciation et de migration cellulaires aboutissent à un organisme
hétérogène et structuré, avec (c'est le cas de la plupart des espèces animales les plus courantes dans
notre environnement) un plan de symétrie entre la gauche et la droite. Sachant qu'à une échelle encore
plus fine, même cette symétrie planaire est perdue (le cœur est à gauche, le foie à droite, les intestins
se disposent d'une manière asymétrique, etc.).
Les mécanismes qui contrôlent la mise en place de ces structures, au cours du développement, sont
étudiés à différentes échelles (à l'échelle de l'embryon entier, avec des mouvements massifs et
coordonnés de structures entières dans l'embryon ; à l'échelle de la cellule, avec des divisions cellulaires
asymétriques, qui orientent les deux cellules-filles issues de la division dans des directions bien
précises ; à l'échelle de la molécule, avec des molécules diffusibles, émises à partir de certaines zones
bien précises de l'embryon, et dont la concentration locale déterminera la destinée des différentes
cellules : les cellules les plus proches de l'émission recevront plus de ce composé que les cellules les
plus éloignées). On s'aperçoit que les mécanismes responsables de la formation des organes dans un
embryon sont multiples, et le patient travail des biologistes du développement constitue la base
culturelle qui a été mise à profit pour produire ces fameux organoïdes, simplement en recréant
artificiellement les conditions de concentration en composés biochimiques et les contraintes mécaniques
qui aboutissent, in vivo, à l'apparition des organes.
L'une des utilités évidentes auxquelles on pense tout de suite, c'est la médecine régénérative. Quand un
patient souffre d'un organe défaillant et qu'il est impossible de le corriger par des médicaments, la
méthode actuelle consiste à greffer un nouvel organe, prélevé chez un donneur d'organe. Cette
méthode a de multiples inconvénients : d'une part, il faut trouver le donneur ; d'autre part, il faut que le
prélèvement de l'organe et son transport jusqu'au receveur préservent son intégrité et sa fonctionnalité ;
enfin, comme le greffon provient d'une personne différente, il sera reconnu comme un élément étranger
par le système immunitaire du receveur d'organe - il faut donc, pour que l'organe greffé ne soit pas
détruit par le système immunitaire du patient greffé, affaiblir considérablement le système immunitaire du
receveur. Ce qui a beaucoup d'effets secondaires, puisque le système immunitaire nous protège
habituellement contre les pathogènes ...
On peut donc rêver d'une méthode qui permettrait, à partir de cellules-souches prélevées chez le
receveur, de fabriquer un organe ex vivo, en laboratoire, et d'ensuite le greffer chez le patient. Si cet
organe est fabriqué à partir de ses propres cellules, il ne sera pas reconnu comme un élément étranger
par son système immunitaire ; et puisque la fabrication de l'organe est contrôlée en laboratoire, toute la
logistique du prélèvement et du transport du greffon sera simplifiée. Il faut bien préciser cependant qu'on
est encore loin de ce résultat : d'une part, les « organoïdes » obtenus à ce jour sont, comme leur nom le
signifie bien, des choses qui « ressemblent » à des organes naturels, mais qui s'en distinguent quand
même beaucoup (ne serait-ce que par leur taille : ce sont de petites structures, qui tiennent dans une
boîte de Pétri ; mais aussi par leur organisation interne : on ne parvient pas à récapituler précisément
tous les phénomènes qui contrôlent le développement naturel des organes, si bien que la structure des
organoïdes synthétiques ne reproduit pas fidèlement celle des organes naturels). D'autre part, seuls
quelques organes bien précis ont pu être copiés en « organoïdes », et on est loin de disposer du livre de
recettes qui permettrait, pour un organe quelconque, de savoir comment le fabriquer à partir de cellules-
souches.