Entre mythologie et archéologie :
les origines de la Chine
I. DE LA CHINE LÉGENDAIRE À LA
CHINE HISTORIQUE
« Vers l’est coule le grand fleuve dont les ondes ont emporté tant de héros de l’ancien monde. »
(Su Shi, poète du XIesiècle)
Lorsqu’on parle de l’histoire de la Chine, c’est gé-
néralement pour évoquer, et parfois invoquer, les
grands personnages et les célèbres dynasties qui
ont marqué la civilisation de cet immense pays.
Laozi (Lao Tseu) et Kongfuzi (Confucius) ; le pre-
mier empereur Qin Shi Huang Di et son armée de
terre cuite ; la puissante dynastie des Han ; l’é-
poque fastueuse des Tang ; les Ming et la Cité in-
terdite ; le dernier empereur Xuantong, plus connu
sous le nom de Puyi ; la Longue Marche des trou-
pes de Mao Zedong. Certes, c’est cela l’histoire de
la Chine ; mais ce n’est pas que cela. A l’époque de
Kongfuzi, la civilisation chinoise a déjà un long
passé derrière elle. Mais lorsqu’on se penche sur
ces premiers temps de la Chine, on se heurte à un
certain nombre de difficultés qui vont croissant à
mesure que l’on remonte le temps. La dynastie des
Zhou est encore assez bien connue ; celle des
Shang l’est déjà moins. Les choses vraiment sé-
rieuses commencent avec la dynastie précédente
dite des Xia car, petit à petit, on quitte le domaine
de l’histoire pour celui du mythe. On retrouve cer-
tes le nom des Xia dans de nombreux textes, qu’il
s’agisse de contes populaires ou de travaux d’his-
toriographes. Mais se pose alors la question :
quelle est la part de réalité historique de ces tex-
tes ? Qu’est-ce qui relève de la fable ou du récit de
fiction à des fins philosophiques ? D’un point de
vue archéologique, nous sommes à la fin du Néoli-
thique. Les fouilles ont certes fait grandement pro-
gresser les connaissances relatives à cette période.
Encore faut-il pouvoir mettre en parallèle toutes
les données disponibles : d’abord les témoins ob-
jectifs que sont les produits des fouilles, ensuite
les récits mythologiques et enfin les œuvres de
historiographes. C’est en comparant tous ces élé-
ments selon une méthode maintenant familière
aux lecteurs de KADATH, en les mettant en pers-
pective les uns par rapport aux autres, que l’on
peut espérer reconstituer, au moins partiellement,
ce qui s’est passé au tout début de l’histoire de la
Chine. On pourra m’objecter que cette probléma-
tique n’est pas propre à l’étude de l’histoire chi-
noise. L’origine de toutes les grandes civilisations
se dissimule pareillement derrière l’écran des my-
thes et des légendes. Mais pour qui s’intéresse de
près à l’aube des civilisations anciennes et plus
précisément aux mystères qui y sont liés, la diffé-
rence saute immédiatement aux yeux : alors que
les ouvrages contemporains consacrés aux pre-
miers temps de l’Egypte ou de certaines civilisa-
tions précolombiennes sont nombreux, peu de
choses sont dites sur les problèmes liés aux débuts
de la civilisation chinoise. Il faut bien l’admettre :
les mystères chinois ne retiennent guère l’atten-
tion des chasseurs d’énigmes archéologiques, tout
occupés qu’ils sont à étudier les pyramides de Gi-
zeh, les pistes de Nazca ou les statues de l’île de
Pâques. Il va de soi qu’il n’y a nulle critique dans
cette remarque. J’ai moi-même passé suffisam-
ment de temps à tourner autour de la Grande Pyra-
mide pour me dispenser de tout jugement quant au
choix d’un sujet d’étude. Je constate simplement
la carence en matière de recherches dans le do-
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reactivation
archeologique