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Diarrhées aiguës du nourrisson Vaccinations
anti-rotavirus
J. Schmitz
La diarrhée aiguë est une des principales causes de morbidité chez l'enfant ; elle serait responsable à cet
âge de plus de 3 millions de décès par an. Avant 1973, il était si peu fréquent de mettre en évidence l'agent
infectieux en cause qu'il était difficile d'envisager une stratégie visant à la prévenir.
En 1973, R-F. Bishop et ses collègues ont mis en évidence en microscopie électronique, pour la première
fois, des particules virales en forme de roue ("rota") dans la muqueuse intestinale d'enfants atteints de
gastroentérite aiguë. Depuis il est apparu clairement que le rotavirus était la principale cause de diarrhée
aiguë sévère de par le monde (11 à 71% des cas ; retrouvé chez 11 à 46% des enfants de moins de deux
ans ayant la diarrhée au Bangladesh). On admet que le rotavirus est responsable à lui seul du décès de 600
000 enfants par an.
Des études épidémiologiques récentes montrent qu'il a été la cause d'environ 55 000 admissions par an en
moyenne pour diarrhée aiguë aux Etats-Unis de 1979 à 1992 et de 50 à 20 décès par an de 1980 à 1991,
entraînant des soins dont le coût a été estimé aux Etats-Unis à environ 500 millions de dollars par an (1,2).
Le rotavirus touche essentiellement les nourrissons avant 3 ans pendant les mois à la température fraîche
dans les zones de climat tempéré (novembre - mars en Europe), tout le long de l'année sous les tropiques
(Asie, Afrique sub-Saharienne). Il était logique dans ces conditions, que, très vite après sa découverte et la
prise de conscience de sa part de responsabilité dans la morbidité et la mortalité liées aux gastroentérites
aiguës, des tentatives de prévention par vaccination des infections à rotavirus aient été envisagées.
Le rotavirus
Les rotavirus sont membres de la famille des reovirus et sont caractérisés par leur génome à double brin
d'ARN et leur structure eicosahedrique. Le génome comprend onze segments d'ARN codant chacun pour
une protéine. Cette segmentation est à l'origine des réassortiments possibles spontanément entre souches
virales et utilisés pour l'élaboration de vaccins (cf. plus loin) (3).
Le virion est formé de quatre protéines majeures qui encapsulent le génome viral en trois enveloppes. Les
deux couches les plus externes sont bien visibles en microscopie électronique ; elles sont constituées des
principales protéines du virion : VP4 et VP7, codées par les segments 4 et l'un des segments 7, 8 ou 9, selon
la souche, forment la capside externe. VP6, codée par le segment d'ARN 6, constitue à elle seule la capside
intermédiaire. La capside interne est formée essentiellement des protéines VP1, 2 (majeure) et 3 (3,4).
VP4, formant des épines saillant à la surface du virion, est responsable des réactions d'hémagglutination et
est un facteur déterminant de virulence. Pour que le virus puisse pénétrer dans les entérocytes VP4 doit être
scindée dans la lumière intestinale par la trypsine en deux sous-unités (VP5 et VP8). Les sérotypes liés à
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VP4 (sérotypes P) sont au nombre de 15, dont 2 sont plus fréquents (P4 et P8). VP7 est une glycoprotéine ;
elle détermine le principal sérotype viral (sérotype G). Il en existe 14 types, mais plus de 90% des souches
isolées chez l'homme appartiennent aux sérotypes 1-4, le sérotype 1 étant le plus fréquent. La plupart des
études indiquent que plusieurs sérotypes coexistent dans une communauté, que la répartition entre eux varie
dans le temps et l'espace et qu'ils sont également virulents. Un sérotype P est habituellement lié à un
sérotype G déterminé (ainsi par exemple P8 avec G1, 3 et 4, P4 avec G2) dans les rotavirus responsables
d'infection chez l'homme (3,4).
VP6 porte les déterminants antigéniques de groupe. Chez l'homme les rotavirus du groupe A sont de loin la
principale cause de diarrhée chez le nourrisson. Des souches de groupe B ont été responsables d'épidémie
en Chine chez l'adulte. Les souches de groupe C sont rarement en cause chez l'enfant (3,4).
L'immunité conférée par l'infection naturelle
De nombreuses études ont montré que si la primo-infection a rotavirus n'entraînait qu'une protection
incomplète contre une réinfection, éventuellement par un virus du même sérotype, elle protégeait
significativement contre les formes symptomatiques d'infection, en particulier les plus graves. Ainsi, une des
premières études sur ce sujet, comparant la fréquence de survenue d'infections à rotavirus durant les 3
premières années de la vie dans deux groupes d'enfants ayant (n=44) ou n'ayant pas (n=37) excrété du
rotavirus dans leurs selles durant les 2 premières semaines de vie, montre certes clairement que le taux de
séroconversion témoignant de l'infection est identique dans les 2 groupes (55 et 54% respectivement) mais
aussi que la fréquence de la diarrhée est diminuée de 55% (p=0,02) dans le groupe qui a fait la
primo-infection par rapport à l'autre.
La prévention vis à vis des diarrhées sévères est totale puisqu'aucun enfant n'en a présenté dans le premier
groupe contre 8 dans le deuxième, dont 3 ont dû être hospitalisés (5). Une étude plus importante, concernant
200 nourrissons de la banlieue de Mexico suivis prospectivement d'octobre 1987 à octobre 1988 et chez
lesquels des prélèvements de selles étaient réalisés toutes les semaines à la recherche de rotavirus de la
naissance à deux ans, a confirmé cette observation. Le dosage des anticorps antirotavirus IgG et IgA était
réalisé durant la première semaine de vie, puis tous les 4 mois.
Trois cent seize infections à rotavirus ont été dénombrées (177 par l'analyse des selles, 244 par la réponse
sérologique, 105 par les 2 méthodes) soit 1 infection par enfant par an. Cinquante deux pour cent des cas
(n=164) étaient des primo-infections au cours desquelles l'excrétion de rotavirus dans les selles était
significativement plus fréquente qu'au cours des épisodes ultérieurs (74% versus 36%, p < 0,001). Au fur et à
mesure des réinfections, la fréquence de la diarrhée diminuait significativement (affectant de 47% des
enfants lors de la primo-infection à 20% lors de la cinquième, p=0,009 pour la tendance) ; il en allait de même
pour sa gravité (6).
L'effet protecteur d'une infection antérieure était clairement démontré dans cette étude. L'incidence d'une
infection passait en effet de 11,3 pour 100 enfants - mois chez les enfants n'ayant jamais rencontré le virus à
4,2 pour 100 enfants - mois chez ceux ayant déjà eu 3 infections. La protection était supérieure contre les
formes avec diarrhée passant de 77% chez les enfants "naïfs" à 92% après 3 épisodes infectieux, voire à
100% contre les épisodes de diarrhée sévère. Fait intéressant, l'incidence d'une infection ultérieure était
identique que le premier épisode ait été symptomatique ou asymptomatique. Les réinfections étaient le fait le
plus souvent de virus de sérotype différent de celui de l'infection initiale (6).
Ainsi peut être déterminé l'effet optimal attendu d'une future vaccination : il est en effet peu probable que
celle-ci puisse être plus protectrice que l'infection naturelle. On attend donc de la vaccination qu'elle protège
de façon significative (à + de 66%) l'enfant vacciné contre toute diarrhée et si possible complètement contre
une diarrhée sévère, qu'elle évite toute hospitalisation (4). Cette vaccination devra être entreprise dans les
premiers mois de vie pour protéger l'enfant pendant ses 3 premières années.
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La réponse immunitaire aux infections à rotavirus
Il est tentant de penser que la connaissance de la réponse immunitaire à l'infection devrait permettre de
guider la conception des vaccins. Les études cherchant à corréler la réponse immunitaire et la protection
induite par une infection vaccinale sont cependant décevantes. Certes, la protection contre la maladie a
d'abord semblé corrélée, au décours d'infections naturelles, à l'élévation des titres d'anticorps antirotavirus
dans les selles et dans le sang, en particulier en ce qui concerne les anticorps neutralisant spécifiques de
sérotypes. Cependant, la protection était aussi bien associée à une élévation des anticorps hétérotypiques
qu'homotypiques, ce qui jetait un doute sur leur rôle exact : protecteurs ou simples marqueurs de l'infection.
Ultérieurement, l'association entre la protection et les titres d'anticorps neutralisant spécifiques n'était plus
retrouvée, ce qui laisse entendre que l'immunité conférée par la primo-infection est liée à d'autres facteurs.
Cette absence de corrélation entre taux d'anticorps et protection a été bien montrée dans une étude
impliquant un vaccin composé de 4 souches simiennes "réassortantes" exprimant la protéine VP7 humaine ;
comme l'infection naturelle, ce vaccin entraînait une protection de 50% contre toute infection et de 80%
contre les infections sévères. Chez la plupart des enfants vaccinés (90%) le taux des anticorps neutralisant
s'est élevé, cependant chez moins de 25% contre les souches humaines.
Chez la majorité d'entre eux, la réponse immunitaire concernait l'antigène VP4 commun aux souches rhésus.
Les réponses aux sérotypes humains G1-4 portés par VP7 étaient toujours faibles et sans relation à la
protection contre la maladie (7).
L'immunité humorale ne suffisant pas à expliquer la protection vaccinale, des études, menées
essentiellement chez la souris, ont tenté d'élucider le rôle de l'immunité cellulaire. Celle-ci a été étudiée en
particulier chez des souris dépletées en lymphocytes T CD8+ ou mutantes, incapables de produire des
cellules B fonctionnelles (souris JHD) et dont l'immunité humorale était déficiente. Il est apparu que si la
présence des lymphocytes cytotoxiques CD8+ était nécessaire à la guérison de l'infection (à l'arrêt de
l'élimination de virus dans les selles) ces derniers ne jouaient aucun rôle dans la prévention de la réinfection.
Le rôle de cellules T ayant une activité NK (natural killer) a été évoqué à ce sujet (7).
Les mécanismes de l'immunité antirotavirus demeurent donc pour l'instant mal connus, ce qui gène
considérablement la mise au point des vaccins dont l'efficacité, difficile à prévoir, doit de ce fait être testée
par des études sur le terrain impliquant des cohortes importantes d'enfants.
Les vaccins contre le rotavirus
C'est de façon empirique que le premier vaccin à vu le jour au début des années 80 en Finlande, à partir
d'une souche bovine de rotavirus après que des études aient montré qu'il existait chez le porcelet une
protection croisée contre les rotavirus humains et bovins. Dans les premières études publiées en 1983 et
1984, ce vaccin bovin vivant atténué (RIT 4237) est apparu bien toléré et efficace chez 178 nourrissons de 8
-11 mois, protégeant 50% d'entre-eux contre toute infection et 88% contre les infections sévères. Cependant,
ultérieurement le même vaccin, testé au Rwanda s'est avéré inefficace.
Au Pérou son efficacité à protéger contre une infection n'a été que de 40% contre toute infection, et de
58-75% contre une infection sévère. En Gambie, il ne s'est avéré protecteur contre toute infection que dans
33% des cas. Les mêmes constatations ont été faites concernant un autre vaccin bovin (souche WC3) : son
efficacité était de 75% à Philadelphie, 50% à Shanghai, nulle en République Centrafricaine.
Ces résultats décevants, peut-être liés à la faible immunogénicité des souches bovines ont poussé à utiliser
d'autres souches virales (4).
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La souche MMU-18006 isolée des selles d'un singe rhésus de 3 mois et demi ayant une diarrhée aiguë était
prometteuse, les rotavirus de sérotype 3 (porté par VP7) infectant l'homme et le rhésus ayant en commun un
antigène de surface. De fait, dans une étude comparant chez 51 nourrissons la tolérance et l'immunogénicité
des deux souches vaccinales (RT 4237 et la souche simienne RRV1) il est apparu qu'à un titre de 108.3
TCID50, le premier était moins immunogénique que le second à un titre de 105 pfu.
Ainsi la moyenne géométrique des titres post-vaccinaux était de 1/9,8 dans le groupe RRV1 contre 1/2,8
dans le groupe RT 4237, même si une réponse anticorps était notée dans un nombre non significativement
différent d'enfants dans les deux groupes (21/24 : 88% et 18/24 : 75% respectivement). L'excrétion du virus
dans les selles, témoignant de la réalité de l'infection était notée 8 jours après l'ingestion du vaccin, chez
84% des nourrissons ayant reçu le vaccin simien RRV1, mais seulement chez 21% de ceux ayant reçu le
vaccin bovin RT 4237. Cependant la vaccination par RRV1 était responsable de fièvre et de diarrhée chez
64% et 20% des nourrissons respectivement contre 17 et 0% chez ceux ayant été vaccinés par RT 4237 (8).
Plus immunogénique, mais moins bien toléré que le vaccin bovin, le vaccin simien a cependant déçu
ultérieurement : son efficacité à prévenir une infection quelle qu'elle soit variait en effet de 0 à 64% et à
prévenir une infection sévère de 0 à 85% selon les pays dans lesquels il était testé : Etats-Unis, Finlande,
Suède, Venezuela. D'autre part, son efficacité apparaissait maximale contre les infections dues aux rotavirus
de sérotype G3, alors que le vaccin optimal devrait protéger contre les 4 principaux sérotypes.
C'est pour élargir le spectre antigénique que les vaccins polyvalents (utilisant plusieurs souches)
"réassortant" entre souches rhésus et humaines ont été conçus. Les vaccins bovins (RT 4237, WC3) et
purement simiens (RRV1) ont alors été abandonnés.
Le vaccin le plus étudié depuis le début des années 90 est ainsi un vaccin tétravalent, associant 4 souches
simiennes dans le génome de 3 desquelles le gène codant pour VP7 a été remplacé par un gène humain
codant pour les 3 sérotypes G1, 2 et 4 que ne porte pas la souche rhésus, qui ne porte que le sérotype G3
commun aux souches infectant l'homme et le rhésus. Chaque souche est apportée à un titre de 104 ou 105
pfu.
Ce vaccin simien tétravalent, "réassortant" (RRV-TV : rhésus rotavirus vaccin-tétravalent) apparaît efficace
et bien toléré aux Etats-Unis et en Europe. Dans une grande étude randomisée en double aveugle,
multicentrique (24 sites) conduite aux Etats-Unis de Juillet 1991 à Janvier 1992 concernant 1278 nourrissons
suivis pendant un an, l'efficacité du RRV-TV (N=398) donné à 2, 4 et 6 mois à un titre de 4 X 105 pfu est
comparée à celle du vaccin monovalent RRV-S1 (n=404) et à un placébo (n=385) en ce qui concerne les
épisodes de diarrhée, leur sévérité selon un score validé, les séroconversions et l'élimination du virus dans
les selles à l'occasion de tout épisode de diarrhée.
Le vaccin RRV-TV était dans l'ensemble bien toléré même s'il était responsable de fièvre > 38°C chez 2,2%
des nourrissons (0,2% dans le groupe placebo, p=0,02) et de diarrhée dans 4,2% des cas (1,5% dans le
groupe RRV-S1, p=0,03). Cinquante et un (13% des enfants du groupe), 47 (12%) et 97 (25%) épisodes de
gastroentérite à rotavirus ont été constatés dans les groupes RRV-TV, RRV-S1 et placebo respectivement
(p<0,0001 pour les groupes vaccinés par rapport au groupe placebo, sans différence significative entre les 2
vaccins).
La protection induite par les vaccins RRV-TV et RRV-S1 contre toutes les gastroentérites à rotavirus était de
49 et 54%, contre les gastroentérites sévères de 68 et 56%, contre les très sévères de 80 et 69% et contre
les déshydratations de 100 et 85% respectivement. RRV-TV, plus efficace que RRV-S1 contre les sérotypes
3 (19% des cas), était cependant moins efficace que ce dernier contre le sérotype 1, le plus fréquent (71%
des cas). L'efficacité de RRV-TV constatée dans cette étude n'était pas supérieure à celle observée dans
une étude antérieure concernant le même vaccin lorsqu'il était donné à un titre de 4 x 104 pfu (9).
Quelques mois plus tard l'efficacité de RRV-TV était confirmée en Finlande dans une étude impliquant 2398
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nourrissons inclus de septembre 1993 à septembre 1994 et suivis pendant une à deux saisons jusqu'en juin
1995. Dans cette étude prospective randomisée contre placebo les enfants recevaient à 2, 3 et 5 mois, soit le
RRV-TV (4 x 105 pfu) (n=1191), soit le placebo (n=1207). L'effet du vaccin était apprécié sur la fréquence
des épisodes de diarrhée à rotavirus, leur gravité estimée selon un score validé, la présence de rotavirus
dans les selles, et dans un sous-groupe de 191 enfants, sur les taux sériques d'anticorps antirotavirus.
Deux cent cinquante six épisodes de gastroentérite à rotavirus ont été observés, 65 chez les enfants
vaccinés, 191 chez les enfants témoins. L'efficacité du vaccin était ainsi de 66%. Cent épisodes étaient
sévères, 8 chez les vaccinés, 92 chez les témoins (efficacité de 91%). L'efficacité de la vaccination était
maximale lorsqu'elle précédait immédiatement l'épidémie saisonnière, quoique de façon non significative.
La protection concernait aussi bien les rotavirus de sérotype G1 que G4 qui sont les plus souvent mis en
évidence en Finlande. Cependant près de 30% des nourrissons vaccinés ont eu une réaction fébrile, ont été
irritables après la première dose de vaccin. Même si aucune de ces réactions n'a eu de conséquence, elles
doivent être prises en compte dans l'évaluation du vaccin (10).
Le même vaccin n'a pas fait la preuve de la même efficacité dans un environnement moins privilégié, la
banlieue de Lima au Pérou. A cette latitude la présence du rotavirus est endémique. Six cent quarante
nourrissons ont été répartis au hasard entre l'un des 3 groupes suivants qui recevait : une dose de vaccin
RRV-TV (à un titre de 4 X 104 cfu) à 2, 3 et 4 mois d'âge (groupe 3 doses, n=209), une dose de vaccin, puis
2 doses de placebo (groupe 1 dose, n=212) ou 3 doses de placebo (groupe placebo, n=219). L'efficacité du
vaccin était appréciée comme précédemment sur la fréquence et la sévérité des épisodes de gastroentérite
aiguë, les taux de séroconversion, la recherche du rotavirus dans les selles lors de chaque épisode de
diarrhée.
Faits notables 1) 35% des nourrissons inclus avaient déjà des anticorps IgA antirotavirus au début de l'étude
(contre 0/191 dans l'étude finlandaise) et 2) le nombre d'épisodes de diarrhée par enfant-an était supérieur à
8 dans les 3 groupes alors qu'il était inférieur à 1 dans l'étude Finlandaise. Dans 41% des épisodes de
diarrhée à rotavirus un autre agent pathogène était mis en évidence.
Dans ces conditions, le vaccin, certes donné à un titre de 4 X 104 pfu (et non 4 X 105 ; mais aux Etats-Unis
cette augmentation de la charge virale n'avait pas entraîné d'augmentation de son efficacité), n'a pas diminué
significativement le nombre des épisodes de gastroentérite à rotavirus toutes gravités confondues : le
nombre d'épisodes était en effet de 64 dans le groupe 3 doses, 71 dans le groupe 1 dose et 87 dans le
groupe placebo (n=222 en tout). Par contre, la fréquence des épisodes les plus sévères, marqués par de la
fièvre, des vomissements, ou plus de 6 selles par jour était significativement abaissée dans le groupe 3
doses. Enfin, le vaccin prévenait avec une certaine efficacité (autour de 50%) la survenue d'un épisode dû au
sérotype G1, le plus fréquemment retrouvé (60%). La charge antigénique entérale beaucoup plus élevée,
comme probablement, correlativement, un état nutritionnel moins bon peuvent expliquer ce résultat deçevant
(11).
C'est peut-être parce que la situation sanitaire était moins mauvaise que la dernière grande étude, réalisée
au Venezuela dans une zone urbaine de niveau économique bas à moyen au sud-ouest de Caracas, a
montré une efficacité plus satisfaisante du vaccin RRV-TV. Dans cette étude impliquant 2480 nourrissons
inclus à partir de mars 1992 puis surveillés pendant 20 mois jusqu'en octobre 1995, un groupe (n=1247)
recevait une dose de vaccin (4 X 105 pfu) à 2, 3 et 4 mois de vie, alors que l'autre (n=1233) recevait aux
mêmes âges une dose de placebo. L'efficacité du vaccin était appréciée sur la fréquence et la gravité (selon
un score validé) de la diarrhée, le taux de séroconversion, la recherche de rotavirus dans les selles lors de
chaque épisode de diarrhée. Mille cinq cent cinquante épisodes de diarrhée ont été rapportés (9718 dans
l'étude péruvienne). Un rotavirus était mis en évidence 219 fois (14% des cas) (3,2% des cas dans l'étude
péruvienne). Deux cent cinq des 219 souches de rotavirus isolées provenaient du premier épisode de
diarrhée à rotavirus.
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Soixante dix et 135 premiers épisodes étaient observés dans le groupe vacciné et témoin respectivement. La
protection apportée par le vaccin était donc de 48%. Elle était de 75% contre les épisodes sévères avec
déshydratation (6 épisodes contre 24 dans le groupe témoin), de 88% contre les épisodes au score de
gravité le plus élevé (> 15 points sur une échelle de 0,20). L'efficacité relative du vaccin contre toutes
gastroentérites à rotavirus était de 61% chez les enfants de > 12 mois, et de 41% chez les nourrissons âgés
de 4 à 12 mois, une observation qui témoigne sans doute de la nécessité de contacts répétés avec le virus,
pour obtenir une immunité satisfaisante. Plus de 90% des virus typés étant de sérotype G1 et plus de 90%
des épisodes ayant été des primoinfections, il n'a pas été possible de déterminer l'efficacité spécifique des
vaccins contre les différents sérotypes (12).
Que le même vaccin RRV-TV ait une efficacité supérieure dans cette étude à celle observée dans l'étude
conduite presque simultanément au Pérou n'a malheureusement pas d'explication simple. Cette différence
peut être due au titre plus faible (d'un log) de vaccins utilisés au Pérou. Elle est certainement liée aussi à la
moindre charge antigénique entérale au Venezuela et, en conséquence, probablement au meilleur état
nutritionnel des nourrissons des environs de Caracas par rapport à ceux de la banlieue de Lima.
L'allaitement au sein pourrait-il être un facteur de confusion, contribuant à atténuer, du fait des anticorps
anti-rotavirus que contient le lait de mère, la prise des vaccins ? La plupart des études qui se posent la
question et qui concernent toutes les souches évoquées ici (RIT 4237, WC 3, RRV, RRV-TV) ont répondu
par la négative, même si dans le plus grand nombre les séroconversions sont plutôt moins fréquentes (de
façon non significative) chez les enfants au sein. Dans une étude américaine conçue pour répondre à la
question et impliquant près de 1000 enfants, il n'a pas été possible de montrer que l'allaitement au sein
diminuait l'efficacité du vaccin. De même la vaccination orale contre la poliomyélite lorsqu'elle est donnée
simultanément n'altère pas l'efficacité de la vaccination contre le rotavirus (13).
Un vaccin universel bien toléré sous tous les climats reste donc à mettre au point. De nombreuses pistes
s'ouvrent encore aux chercheurs : vaccins injectables, vaccination par l'ADN testée chez la souris par
exemple. Quand les problèmes scientifiques seraient résolus, demeurerait cependant un problème
économique : on admet actuellement aux Etats-Unis que pour qu'un tel vaccin soit économiquement utile
(coûte moins cher que les soins qu'il évite) il devrait revenir à 9 dollars la dose (14).
Comment pourrait-il être utilisé dans les pays en développement où les dépenses de santé varient de 5 à 20
dollars par personne et par an ? Si l'on admet que la réhydratation orale ne coûte quasiment rien et qu'elle
permet de traiter efficacement les épisodes de déshydratation sévère liés aux rotavirus, il apparaît clairement
que le temps est encore loin où la vaccination antirotavirus sera obligatoire dans ces pays (15). Reste donc
le défi moralement ineluctable : la rendre disponible à ceux qui en ont le plus besoin, mais sont dans
l'incapacité totale d'en disposer.
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