La médaille de Mathilde

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La médaille de Mathilde
Version originale intégrale
de Mathilde Jamet
L’histoire que je vais vous raconter, est l’histoire extraordinaire d’un petit garçon de dix ans prénommé Arthur. Nous sommes
en 1959, Arthur habite Fécamp entouré de ses parents et de sa petite sœur Mélisande. La famille vit dans une maison rue
Arquaise. Arthur est un passionné d’histoire. Il aime déambuler dans Fécamp, les mains dans les poches, rêvant d’époques
lointaines. Une période le fascine tout particulièrement, c’est l’époque médiévale. Le Fécamp médiéval des Ducs de
Normandie. Il n’en sait pas grand-chose, mais il le rêve.
Lors de ses balades, il entre dans l’Abbatiale de la Sainte-Trinité. Tout doucement. Il s’imprègne de la beauté des lieux. Il
aime ses odeurs. Il aime sa lumière. Autre endroit, autre mystère : les vestiges en face de l’entrée de l’Abbatiale. Souvent il
se place juste au pied de ces ruines et essaie de s’imaginer à quel édifice elles avaient bien pu appartenir...
Arthur laisse son imagination créer un Fécamp. Un Fécamp dans lequel ces constructions des hommes sont vivantes.
Lundi soir, il est déjà vingt-deux heures et Arthur ne parvient pas à s’endormir. Sa journée d’écolier tourne et retourne dans
sa tête. Il s’est fourré dans un sacré pétrin ! Demain il doit se battre contre Eloi. Eloi, c’est le gros balaise de la classe. Le
gars qui exige le respect, qui se vexe vite et dont tout le monde a peur. La terreur. Ce matin, pendant la récréation, devant
un parterre de spectateurs, Eloi a décidé d’accuser Arthur de lui avoir volé une bille, la bille la plus précieuse de sa
collection. Arthur sait qu’il est innocent, mais cette accusation est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En une
fraction de seconde, Arthur s’est entendu répondre à Eloi que ce n’était pas lui qui avait fait le coup, que de toute façon
c’était bien fait pour lui, qu’il en avait assez qu’il fasse sa loi dans toute l’école et qu’il était temps qu’il se prenne une
raclée !... Une raclée ?!... Mais quelle raclée Arthur pouvait-il bien lui mettre ?
- « Qu’est-ce qui m’a pris ?! Eloi fait deux fois mon poids ! » Se répète sans cesse Arthur.
Le seul point positif, c’est que toute l’école l’avait admiré et le soutenait. Enfin quelqu’un avait osé tenir tête à Eloi ! Cyrielle,
la très jolie Cyrielle était même venue le féliciter, et ça, c’était la plus belle chose qui lui soit arrivée de toute sa vie. Il
esquisse un joli petit sourire de satisfaction. Pourtant ce soir, au fond de son lit, Arthur est tout de même bien soucieux. Il se
sent minuscule.
-« Ho lala ! Je ne voudrais pas être moi ! »Soupire-t-il.
Un grognement le rappelle à une autre réalité : Arthur entend Mélisande dans la chambre d’à côté qui ronfle comme un
ours. A ce rythme-là elle va rentrer en hibernation ! C’est terrible d’être si petite et faire autant de bruit. Il repense à ce
week-end lorsqu’en famille ils ont visité l’Abbatiale de la Sainte-Trinité. Arthur attendait ça depuis longtemps, une visite
guidée lui apportant les explications à propos des stèles des Ducs Richard I et Richard II. De retour à la maison, Arthur et
Mélisande avaient sorti les déguisements et avaient joué tout le reste de l’après- midi à la princesse et au chevalier. C’est
pour cela qu’entendre la princesse Mélisande ronfler comme un ursidé, c’était plutôt drôle !
Soudain un bruit infernal le fait sursauter.
Le claquement de sabots de chevaux sur des pavés. Beaucoup de chevaux, des dizaines de chevaux. Des voix
d’hommes qui s’interpellent. Arthur se précipite à sa fenêtre. Saisi de stupeur, que voit-il ? Sous un soleil radieux, un cortège
composé de chevaux splendides ornés de chanfreins et montés par de magnifiques chevaliers parés de leur armure. Tout y
est, le haubert, les gantelets, le bouclier… Ils portent tous une épée à la taille et leur tête est couverte d’un heaume qui les
rend encore plus flamboyants. Arthur aperçoit quelques chars et quelques chariots faisant partie du convoi. Ils remontent
sa rue. La rue Arquaise.
Alors Arthur n’hésite pas une seconde, il enfile ses vêtements, dévale les escaliers et court à la porte d’entrée. Le temps de
mettre ses chaussures et le voilà dans la rue.
2ème épisode
Ses yeux s’écarquillent, mais il n’est pas vraiment étonné. Il l’a tellement rêvé. Être téléporté dans une autre époque. Tout
ce qu’il voit le lui prouve : Ce convoi, les maisons qui ne sont plus tout à fait les mêmes, la route qui est maintenant une
route de pavés…il est au Moyen-âge. En remontant la rue avec les badauds, il se retrouve effectivement sur le parvis de
l’abbatiale radieuse et majestueuse. Face à elle, se dresse un somptueux château … A l’endroit où siégeaient les ruines
qui le font tant rêver, se dresse une très belle demeure féodale ! Arthur la bouche grande ouverte est époustouflé !
La procession est stoppée devant la lourde porte en bois de l’édifice. Elle s’ouvre et tous s’engouffrent lentement dans la
cour du château. Arthur se glisse sous un chariot à l’arrêt et s’accroche derrière une roue. Personne ne l’a vu.
3ème épisode
Le chariot vient de s’arrêter, un des chevaliers hurle à tous, de mettre pied à terre. Ils s’exécutent dans un grand bruit de
métaux qui s’entrechoquent. Arthur est maintenant à plat ventre sous le véhicule aux grandes roues de bois. Il observe les
allées et venues afin de trouver le moment propice pour en sortir. Soudain, un visage apparaît face à lui ! C’est une petite
fille. Elle est pleine de cheveux ! Ses cheveux longs, blonds et frisés sont agrémentés d’une coiffe perlée. Son regard bleu
azur fait transparaître immédiatement un tempérament futé et espiègle ! Elle est pourtant encore toute jeune. Elle sourit.
-« Je m’appelle Mathilde, et toi ? »
-« Enchanté Mathilde. Moi, c’est Arthur. » répond-il, lui faisant signe de parler tout bas.
-« Je vois bien que tu te caches, mais veux-tu jouer avec moi ? J’ai des billes d’argile ! »
-« C’est d’accord Mathilde, mais tu vas pouvoir m’aider à sortir de là ? ».
Les deux enfants se faufilent en douce, parmi le brouhaha du déballage. Ils sont maintenant dans un couloir du château.
Mathilde le détaille de la tête au pied en fronçant les sourcils :
-« Tu es habillé de manière bien étrange Arthur ! Tu n’es pas d’ici, d’où viens-tu ? C’est la première fois que je vois
quelqu’un avec des cheveux aussi foncés ! Moi je suis la fille d’Henri II roi d’Angleterre et duc de Normandie. Nous sommes
ici pour fêter les Pâques. C’est dans trois jours ».
4ème épisode
q-« Enchanté princesse ! Je viens d’un pays lointain, et je rêvais depuis longtemps de rencontrer le tien. C’est un honneur
pour moi ! J’ai lu des livres sur ton père…heu ! J’ai entendu parler de lui. C’est un homme très cultivé je crois, mais aussi très
autoritaire ».
-« Oui, m’en parle pas ! En plus tu vois ce château, C’est le palais ducal. Il vient juste d’être terminé. C’est mon père qui l’a
fait construire, pour bien montrer sa toute puissance en Normandie. Il veut que tout soit parfait pour les fêtes de Pâques. Il
souhaite que les Pâques de 1162 à Fécamp, soient un évènement marquant, dont tout le monde doit parler ! Alors tu
comprends bien qu’en ce moment je me fais toute petite, et la plus discrète possible ».
Mathilde et Arthur continuent de bavarder en arpentant le château. Plus ils se baladent, plus les liens d’amitié entre les
deux enfants se renforcent. Ils jouent bien sûr aux billes comme l’avait souhaité Mathilde, mais s’amusent aussi à épier les
gouvernantes qui déballent les vêtements luxueux qu’Henri II et la reine, Aliénor d’Aquitaine, porteront pour les Pâques.
Une magnifique fête se prépare. Arthur n’a jamais vu de vêtements aussi richement brodés.
Ils se retrouvent sur le parvis de l’abbatiale. Arthur devient sombre tout à coup, il se plante face à Mathilde :
-« Mathilde, il est temps pour moi de repartir d’où je viens. Je te remercie de m’avoir fait découvrir tant de choses. On a
tellement ri aussi ! Je ne t’oublierai jamais. Retourne au château, tes parents vont finir par te chercher. »
5ème épisode
q -« Moi non plus je ne t’oublierai jamais Arthur ». Les grands yeux bleus de Mathilde sont remplis de larmes. Doucement,
elle décroche la médaille qu’elle porte autour de son cou. Elle prend la main d’Arthur, et lui place le bijou dans le creux
de sa main.
-« Garde-la bien précieusement. C’est un petit bout de moi. J’y tiens énormément. J’aurai tellement souhaité que tu
décides de rester auprès de moi ! »
Arthur regarde la médaille, puis l’accroche autour de son cou pour bien montrer à Mathilde qu’il ne considère pas son
présent à la légère, puis lui dépose un baiser sur sa joue.
Le jeune garçon s’éloigne le cœur lourd sans se retourner. Il se dirige vers la maison de ses parents. Il se dit que toute cette
aventure a débuté dans sa chambre, alors y retourner le ramènerait sûrement en 1959. Arrivé devant l’entrée de sa
maison, Arthur met sa main sur la poignée dorée de la porte. En ouvrant il espère très fort revenir chez lui…Quand un
homme l’attrape par l’oreille :
-« Qu’est-ce que tu t’apprêtes à faire comme bêtise ? Ha ! Je t’y prends !
.»
6ème épisode
…Arthur, en sueur, se réveille en sursaut dans son lit. Le jour se lève à peine. C’était un rêve ! Dans un premier temps, il est
content d’être chez lui, mais une petite partie de lui-même est déçue que toute cette aventure ne soit pas réelle… Arthur
saute de son lit, il a une faim de loup. Une délicieuse odeur de pain grillé lui annonce que le déjeuner est prêt. Comme
c’est bon d’être chez soit ! Il se sent en pleine forme. Invincible. Arthur est prêt à affronter Eloi. En descendant quatre à
quatre les escaliers, il sent quelque chose le gêner autour de son cou, comme un petit insecte qui le chatouille. Il veut le
chasser avec sa main, et, surprise, il découvre… le pendentif en or de la petite Mathilde. Le bijou est là autour de son cou.
Aujourd’hui Arthur est grand-père. Il est toujours ami avec Eloi, ils sont voisins. Comment je le sais ? Et bien Arthur c’est mon
papa. Il raconte toujours aussi bien cette fabuleuse épopée. Il l’a raconte maintenant à ses petits enfants, comme il me la
racontait toute jeune, lorsque j’avais du mal à m’endormir. Je ne sais pas si tout cela est vrai, mais ce que je peux vous dire
c’est qu’il porte toujours la médaille autour de son cou. La médaille de Mathilde.
Je remercie Monsieur Lagarde pour m’avoir aiguillé sur l’histoire de Fécamp au Moyen Age, et Cordage pour m’avoir
lancé ce défi.
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