Isolement des patients infectés - CClin Sud-Est

354 HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6
HYGIENE ET PRÉVENTION DES INFECTIONS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SOINS POUR PERSONNES AGÉES
LA PRISE EN CHARGE DU PATIENT INFECTÉ
LORSQU'UN PATIENT EST INFECTÉ, en particulier par
une bactérie multirésistante, il faut envisager
la mise en œuvre d’un isolement (1,2). Cette
procédure pose encore beaucoup de problèmes
qui restent à résoudre en particulier dans les unités
de gériatrie : impact sur l’organisation du travail et
la charge en soins, retentissement sur la qualité de
vie des personnes hospitalisées, mauvaise accep-
tation de cette mesure par les familles. Ces points
justifient la poursuite de la réflexion mais aussi les
efforts de prévention à réaliser au quotidien pour
que la nécessité d’isoler pour infection reste une
éventualité rare.
L’isolement est d’autant plus facile à organiser
qu’une politique effective d’individualisation des
soins a été implantée pour tous les patients.
Pourquoi mettre en œuvre
un isolement ?
Pour éviter la transmission d'un agent infectieux
identifié ou suspecté chez un patient à des hôtes ré-
ceptifs (autres patients, personnel, visiteurs).
Les voies de transmissions des agents infec-
tieux à partir d'un patient infecté ou porteur* sont
représentées par le schéma ci-dessous. Elles sont
représentées par les personnes (surtout les mains),
le matériel et la voie directe aéroportée.
L'isolement consiste à ériger des barrières s'op-
posant à la diffusion de l'agent infectieux à par-
tir du patient ou de son environnement.
Les mesures d'isolement
face à un patient infecté
Ces mesures sont définies en fonction :
de la nature de l'agent infectieux en cause,
de la localisation de l'infection,
des patients et du personnel à protéger.
La mise en œuvre d'un isolement
ou son interruption relèvent
d'une prescription médicale.
En fonction du mode de transmission des agents
infectieux, il y a trois modalités d'isolement (1) :
contact, aérien et postillons ; les mesures à appliquer
se surajoutent aux procédures d'hygiène stan-
dard* mises en œuvre pour tous les patients. Le
tableau XVII récapitule certaines infections ren-
contrées chez les personnes âgées ainsi que leurs
modalités de transmission et les mesures d’isole-
ment à envisager. Le signalement de l’isolement
est un facteur d’amélioration de l’observance ; il
doit dans tous les cas respecter la confidentialité
des diagnostics médicaux.
L'isolement contact
Compte tenu des pathologies qu'il concerne (Ta-
bleau XVII), c’est ce type d'isolement le plus souvent
mis en œuvre dans les établissements de soins
pour personnes âgées. Il peut s’organiser de façon
ponctuelle ou, si le nombre de patients à isoler est
plus important, donner lieu à un regroupement
3.2
Isolement
des patients infectés
1- Les mains du personnel sont le vecteur principal, mais il ne faut pas négliger l'importance de la tenue vestimentaire et la transmis-
sion toujours possible par toute personne soignante ou non ayant été au contact du patient infecté ou de son environnement.
les personnes1
matériel et
environnement
contact direct
ou aérien
patient infecté
colonisé ou porteur sujet réceptif
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HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6
ISOLEMENT DES PATIENTS INFECTÉS
des patients ayant la même infection dans un sec-
teur commun en leur affectant un personnel spé-
cifique ne prodiguant pas de soins aux patients non
infectés. Ce regroupement peut faciliter l’organi-
sation du travail, en particulier en cas d’épidémie
et permettre aux patients de mieux supporter les
contraintes psychologiques liés à l’isolement.
Cinq catégories de précautions sont particuliè-
rement importantes à observer :
1- Le lavage des mains
Dans tous les cas, pratiquer un lavage antisep-
tique avant de sortir de la chambre même si
des gants ont été portés.
2- La tenue vestimentaire
Porter une surblouse à manches longues, en-
veloppante, bien fermée, poignets resserrés,
pour tout soin à risque de contact direct ou à
des projections contaminantes ou des
souillures.
3- L'entretien du matériel
Il diffère sensiblement de l'entretien du matériel
d'un patient non isolé. Ce matériel, même s’il
reste dans la chambre, doit être régulièrement
désinfecté afin de ne pas engendrer de conta-
mination des mains en particulier lors de sa ré-
utilisation (Tableau XVIII).
CAS PARTICULIER DES BASSINS
En cas d’isolement contact, on peut utiliser un
lave-bassins ou un système de destruction et
d'évacuation des bassins à usage unique, placé
à l'extérieur de la chambre.
Cependant des précautions particulières s’im-
posent :
transport : bassin couvert, sans risque de
contamination de l'environnement,
gestion des gants : ne pas toucher l'environ-
nement avec les gants souillés,
traitement immédiat du bassin selon deux
schémas possibles en fonction de l’organisation
de l’unité :
-si un lave-bassins est disponible, introduire di-
rectement le bassin dans l'appareil sans le
mettre en attente,
-en l'absence d'un lave-bassins, vider le bassin
dans les toilettes (chambre ou point le plus
proche), pratiquer un nettoyage par action mé-
canique couplée à l'utilisation d'un détergent-
désinfectant* du bassin et du point de vidange,
puis pratiquer le nettoyage et la désinfection
selon la procédure habituelle dans l'office.
4- L'entretien des locaux
Lors de l'entretien quotidien, utiliser gazes et la-
vette à usage unique ; réaliser l'entretien de la
chambre du patient infecté en dernier. Veiller à
l’entretien du mobilier proche du patient.
En fin d'isolement, changer le patient de chambre,
pratiquer un entretien de fond et éventuellement
une désinfection complémentaire par spray sur
les surfaces les plus proches du patient : lit, sa-
nitaire, fauteuil.
5- Le signalement des patients
Le signalement des patients nécessitant des
précautions d’isolement contribue à l’information
Tableau XVII -
Quelques exemples
d’infections à isoler
en unité de gériatrie.
Mode de transmission
transmission aéroportée
(particules d’origine pulmo-
naire de très petit diamètre).
transmission par gouttelettes
rhinopharyngées ou salivaires
(postillons).
transmission par contact
- mains,
- matériel et surfaces.
Exemples de pathologies
des personnes âgées
nécessitant un isolement
tuberculose pulmonaire prou-
vée ou suspectée.
grippe,
autres viroses respiratoires,
pneumopathies virales ou cer-
taines pneumopathies bacté-
riennes.
diarrhées infectieuses :
Clostridium difficile
, rotavirus,
infections cutanéo-
muqueuses
- gale, pédiculose,
- conjonctivite virale,
- suppuration de plaie,
infections et colonisations à
bactéries multirésistantes :
- SAMR,
- entérobactéries à ßLSE,
-
Pseudomonas aeruginosa
multirésistant.
Principales mesures
d’isolement à envisager1
chambre individuelle,
porte fermée,
masque pour le personnel,
limiter les déplacements du
patient.
chambre individuelle,
porte fermée,
limiter les déplacements du
patient,
masque parfois.
chambre individuelle ou re-
groupement de patients infec-
tés,
lavage des mains dans la
chambre,
porte fermée suivant les cas,
port de gants,
surblouse,
matériel à usage unique ou
évacué dans un conteneur
fermé,
double emballage du linge,
désinfection complémentaire
des locaux parfois utile.
1- Une liste, élaborée par la Société Française d'Hygiène Hospitalière et le Comité Technique National des Infections Nosocomiales,
détaille les différentes situations d'infections et les mesures à prendre en fonction des différents agents infectieux (2).
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ISOLEMENT DES PATIENTS INFECTÉS
de tous, donc à l’amélioration de l’observance des
mesures d’hygiène. Le signalement bien compris
par tout le personnel concernera la chambre et le
dossier du patient, sans porter atteinte au secret
médical.
Isolement et maintien de la qualité
de vie du patient
Une bonne partie de la transmission des bacté-
ries nosocomiales, en particulier multirésistantes
aux antibiotiques, est au mieux prévenue par les
mesures concernant l’hygiène des soins.
Les mesures de confinement du malade dans
sa chambre pour prévenir la transmission dans
les lieux collectifs (salle à manger, salle de diver-
tissement, ateliers de travaux manuels...) posent
d’importants problèmes de faisabilité et d’accep-
tation du fait de leur retentissement psychologique.
Dans tous les cas, elles doivent donner lieu à des ex-
plications voire à un soutien psychologique. L’im-
portance de la transmission des bactéries multiré-
sistantes dans ces lieux de vie n’est pas quantifiée
de façon précise.
L’analyse de la littérature ne donne pas de ré-
ponse univoque à ces questions. Une attitude prag-
matique dont l’évaluation reste à faire, peut ce-
pendant être proposée :
Le respect strict de l’isolement est impératif
lorsqu’il s’agit d’un micro-organisme qui peut être
éradiqué avec un traitement spécifique ou en
fonction de l’évolution naturelle de la maladie :
gale, grippe, tuberculose, diarrhée virale sont des
exemples de telles situations.
En cas de bactérie multirésistante, un délai d’iso-
lement strict de quelques jours peut être utilisé
pour une décolonisation permettant la réduc-
tion de l’inoculum (décolonisation nasale, cuta-
née, voire digestive ou urinaire), et l’éducation
du patient et de sa famille. La décolonisation ne
vient qu’en seconde intention (3) après mise en
place des mesures d’hygiène et d’isolement ;
elle doit être décidée en étroite concertation avec
un spécialiste de l’infection afin d’en limiter les ré-
percussions sur l’écologie microbienne ; elle peut
aussi être conduite dans un service plus spécia-
lisé dans l’isolement et la gestion des patients
infectés.
Passé un délai de quelques jours, le maintien de
l’isolement est difficilement supportable par le pa-
tient (4). Cette situation concerne essentiellement
la colonisation ou le portage prolongé de
Staphy-
lococcus aureus
résistant à la méticilline qui pos-
sède un fort potentiel de dissémination. Au cas
par cas, en fonction du degré de coopération du pa-
tient, du site du portage ou de la colonisation, de
l’importance du niveau d’endémie de l’établisse-
ment, il faudra discuter l’assouplissement de
l’isolement surtout si le patient a pu bénéficier de
décolonisation des sites potentiellement dissé-
minants. Dans tous les cas, restent exigés :
les mesures d’isolement lors des soins de nur-
sing, soins infirmiers ou actes de rééducation,
Tableau XVIII -
Entretien du matériel
de soins pour
les patients
en isolement contact.
Matériel réutilisable à laisser
dans la chambre
stéthoscope,
tensiomètre,
flacon d'antiseptique,
tubes de pommade,
cuvette,
stylo,
déambulateur,
barre de lit,
barre d'appui.
Matériel devant être évacué
dans la chambre isolé dans
un conteneur fermé
thermomètre,
pince,
petit matériel divers,
haricot.
Matériel à évacuer
immédiatement
après utilisation
linge de toilette, masque,
gants,
blouse d'isolement.
Niveaux de traitement
requis
Désinfection de bas niveau
une fois par jour.
Niveaux de traitement
requis
En fonction du matériel,
stérilisation,
ou désinfection* de niveau in-
termédiaire après chaque utili-
sation.
Niveaux de traitement
requis
usage unique,
préférer l’usage unique sinon
la changer une fois par jour en
la laissant dans la chambre
pliée intérieur contre intérieur.
Modalités pratiques
Action mécanique
couplée à l'utilisation
d'un détergent -désinfectant*
ou d'un désinfectant*.
Modalités pratiques
Action mécanique suivie selon
le cas :
d'une stérilisation
à l'autoclave,
d'une désinfection chimique
ou thermique.
Modalités pratiques
Élimination des déchets et du
linge sous double emballage :
1er emballage dans la
chambre,
2e emballage en dehors de la
chambre .
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HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6
ISOLEMENT DES PATIENTS INFECTÉS
le maintien des précautions lors d’éventuels
déplacements du patient pour des examens,
un niveau élevé de propreté du patient (vête-
ments, propreté cutanée, (cf. chapitre 2.6),
un lavage antiseptique des mains du patient
avant la sortie de la chambre.
Bibliographie
1 - GARNER JS. Guideline for isolation precautions in hos-
pitals. Infect Control Hospit Epidemiol 1996, 17: 53-80.
2 - Recommandations d'isolement septique à l'hôpital.
Hygiènes Hors Série n°1. 1996.
3 - RÉGNIER B. Contrôle des épidémies de
S. aureus
ré-
sistants à la méticilline : analyse critique et stratégie de maî-
trise. Med Mal Infect 1997, 27, spécial: 172-180.
4 - MASSON MAJOR R. Anxiété de l’adulte hospitalisé en
isolement. Objectifs Soins, 1995, 30: 36-38.
L’efficacité de l’isolement
OPTIMISER
Ne pas stocker de grandes quantités de
consommables dans une chambre de patient en
isolement (compresses, linges…). Veiller à une
bonne organisation de l’espace et évacuer linge
sale et déchets au fur et à mesure pour une
meilleure hygiène et le confort du patient.
Veiller à la bonne application des mesures lors des
déplacements indispensables du patient et lors d’une
mutation dans un autre service ou établissement.
Signaliser clairement les mesures
d’isolement à respecter.
Informer précisément
toutes les catégories de personnel concernées.
Expliquer les mesures au patient et à ses
proches pour en améliorer l’acceptation.
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HYGIENE ET PRÉVENTION DES INFECTIONS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SOINS POUR PERSONNES AGÉES
AFNOR
Association Française de Normalisation.
Association ayant pour mission de coordonner
les programmes de normalisation en France et d’en-
courager la diffusion et l’application des normes.
antisepsie
Opération au résultat momentané permettant,
au niveau des tissus vivants, dans la limite de leur
tolérance, d’éliminer ou de tuer les micro-orga-
nismes et/ou d’inactiver les virus, en fonction des
objectifs fixés. Le résultat de cette opération est li-
mité aux micro-organismes présents au moment
de l’opération (AFNOR NF T 72 101).
antiseptique
Selon AFNOR NF T 72 101, un antiseptique est
un produit ou un procédé utilisé pour l’antisepsie
dans des conditions définies. Si le produit ou le pro-
cédé sont sélectifs, cela doit être précisé. Ainsi, un
antiseptique ayant une action limitée aux champi-
gnons est un antiseptique à action fongicide.
bactéricide
Produit ou procédé ayant la propriété de tuer les
bactéries dans des conditions définies (AFNOR,
Comité Européen de Normalisation).
bactériostatique
Produit ou procédé ayant la propriété d’inhiber
momentanément les bactéries dans des conditions
définies (AFNOR).
biocontamination
Contamination d’une surface (biologique ou
inerte) ou d’un fluide par des micro-organismes vé-
hiculés par l’air (contamination aéroportée ou aé-
robiocontamination), par des êtres vivants (la conta-
mination par contact avec les mains en est la
modalité majeure) ou par les objets. (Association
pour la Prévention et l’Étude de la Contamination)
biofilm
Ensemble de micro-organismes et de leurs sé-
crétions macromoléculaires qui sont présents sur la
surface d’un matériau (Association pour la Préven-
tion et l’Étude de la Contamination).
bionettoyage
Procédé de nettoyage, applicable dans une zone
à risques, destiné à réduire momentanément la bio-
contamination d’une surface. Il est obtenu par la
combinaison appropriée d’un nettoyage, d’une éva-
cuation des produits utilisés et des salissures à éli-
miner, de l’application d’un désinfectant.
cas acquis
Le caractère acquis d’une bactérie multirésis-
tante peut être affirmé si un dépistage systéma-
tique à l’entrée dans un service a été réalisé et si
celui-ci est négatif. La découverte d’une telle bac-
térie au cours du séjour plus de 48 à 72 heures
après l’admission chez un patient antérieurement
négatif laisse présumer que la bactérie a été ac-
quise par transmission au cours du séjour.
cas importé
Le caractère importé depuis un autre établisse-
ment d’une bactérie multirésistante peut être af-
firmé si un dépistage systématique à l’entrée du
patient dans le service a été réalisé et si celui-ci est
positif. La découverte d’une telle bactérie chez un
patient moins de 48 à 72 heures après l’admission
laisse présumer que la bactérie a été transmise an-
térieurement par rapport au séjour actuel.
colonisation (colonisé)
Présence d’une bactérie dans un site qui en est
normalement exempt, mais cette bactérie n’est
responsable d’aucun symptôme local ou général
d’infection ; exemple : présence d’une bactériurie
isolée à Staphylococcus aureus dans les urines sans
aucun signe d’infection urinaire.
Lexique
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