Notes de cours

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Algèbre I
Cours pour 2ème année de Bachelier en sciences
mathématiques
Thomas Connor et Joost Vercruysse
Année académique 2012–2013
Version du 12 septembre 2012
2
Table des matières
Table des Matières
i
1 Groupes
1.1 Structures algébriques primaires et exemples . . . . .
1.2 Constructions de groupes et propriétés générales . . .
1.3 Théorèmes d’isomorphismes . . . . . . . . . . . . . .
1.4 Groupes commutatifs de type fini . . . . . . . . . . .
1.4.1 Les groupes cycliques . . . . . . . . . . . . . .
1.4.2 Le théorème fondamental des groupes abéliens
1.4.3 Groupes abéliens de type fini . . . . . . . . .
1.5 Actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.5.1 Actions libres et transitives . . . . . . . . . .
1.5.2 Formule des classes . . . . . . . . . . . . . . .
1.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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finis
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37
2 Anneaux et Modules
2.1 Anneaux : définitions et exemples . . . . . . . . .
2.2 Modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Sous-anneaux et Idéaux . . . . . . . . . . . . . .
2.4 Quotients et théorèmes d’isomorphismes . . . . .
2.5 Extension d’un anneau avec une racine . . . . . .
2.6 Idéaux premiers et idéaux maximaux . . . . . . .
2.7 Quelques types d’anneaux . . . . . . . . . . . . .
2.7.1 Anneaux euclidiens et anneaux principaux
2.7.2 Anneaux noethériens . . . . . . . . . . . .
2.7.3 Anneaux factoriels . . . . . . . . . . . . .
2.7.4 Le théorème de Bézout . . . . . . . . . . .
2.8 Théorème des restes chinois . . . . . . . . . . . .
2.9 Les corps finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.9.1 Caractéristique d’un anneau . . . . . . . .
2.9.2 Le petit théorème de Wedderburn . . . . .
2.9.3 Caractérisation des corps finis . . . . . . .
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ii
TABLE DES MATIÈRES
2.10 Étude d’un endomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.11 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A
87
88
93
A.1 L’aphabet Grec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Préface
Ceci est le syllabus du cours “Algèbre I” pour la deuxième année de Bachelier
en sciences mathématiques à l’Université Libre de Bruxelles. Comme toujours, ces
notes donnent une base pour comprendre la théorie : il est nécessaire de travailler
activement avec ces notes, plutôt que de simplement les étudier. D’autant plus
qu’il est évident qu’il peut encore rester des fautes dans ces notes. Je suis très
reconnaissant à Thomas Connor qui a révisé les versions antérieures et corrigé
beaucoup de fautes (linguistiques). Le lecteur de ces notes peut toujours signaler
des fautes à [email protected].
Ces notes sont partiellement et librement basées sur des notes de cours de
Simone Gutt et Anne-Marie Simon, Eric Jespers, Jan Van Geel et Hendrik Van
Maldeghem. Des références de base classiques sont aussi les livres suivants :
[1] M. Artin, Algebra, Prentice Hall, London, 1991. (ISBN : 0-13-004763-5)
[2] P.M. Cohn, Algebra, Vol. 1, John Wiley & Sons, London, 1974. (ISBN : 0-47116431-3)
[3] N. Jacobson, Basic algebra I. Second edition, W. H. Freeman and Company,
New York, 1985. (ISBN : 0-7167-1480-9)
[4] S. Lang, Algebra. Revised third edition, Graduate Texts in Mathematics, 211.
Springer-Verlag, New York, 2002. (ISBN : 0-387-95385-X)
Joost Vercruysse
iii
iv
TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 1
Groupes
Introduction
1.1
Structures algébriques primaires, morphismes
et exemples
Définition 1.1. Soit G un ensemble. On dit qu’il existe une loi de composition
sur G, encore appelée loi interne ou simplement loi ou composition, s’il existe une
application
∗ : G × G → G.
L’image du couple (x, y) ∈ G × G par cette application est désignée par x ∗ y et
est appelée la composée de x et y. Un ensemble muni d’une loi de composition est
appelé un magma.
Étant donné un magma G, on considère les axiomes suivants.
(i) La loi ∗ est associative si tous les éléments x, y, z ∈ G satisfont la condition
suivante :
x ∗ (y ∗ z) = (x ∗ y) ∗ z.
(ii) On dit que G possède un élément neutre e ∈ G si pour tous les éléments
x ∈ G on a : x ∗ e = e ∗ x = x.
(iii) Pour tous les éléments x, y ∈ G, il existe un élément unique a tel que x∗a = y
et un élément unique b tel que b ∗ x = y.
(iv) La loi ∗ est commutative si tous les éléments x, y ∈ G satisfont la condition
suivante :
x ∗ y = y ∗ x.
Définitions 1.2. (1) Si G est un magma satisfaisant l’axiome (i), on dit G est un
semi-groupe.
1
2
CHAPITRE 1. GROUPES
(2) Si G est un magma satisfaisant les axiomes (i) et (ii), on dit G est un monoı̈de.
(3) Si G est un magma satisfaisant l’axiome (iii), on dit G est un quasigroupe.
(4) Si G est un magma satisfaisant les axiomes (ii) et (iii), on dit G est une boucle
(loop en anglais).
(5) Si G satisfait de plus l’axiome (v), on dit que G est un magma, semi-groupe,
monoide,... commutatif (ou abélien) respectivement.
Remarque 1.3 (Notation). En fonction de la situation, on dénote la structure
algébrique seulement par l’ensemble, ou accompagnée de sa loi de composition
et de son élément neutre, i.e. par G, (G, ∗) ou (G, ∗, e). S’il n’y a pas de risque
de confusion, on omet d’écrire la composition ∗. Dans ce cas, on dénote x ∗ y
simplement par xy (notation multiplicative). Parfois on peut aussi utiliser une
notation “additive”, surtout si la structure est commutative. On peut alors écrire
x ∗ y = x + y = y + x.
La théorie des semi-groupes et la théorie des monoı̈des sont peu différentes,
comme l’explique le résultat suivant.
Lemme 1.4. Soit (S, ∗) un semi-groupe. Alors, il existe un monoı̈de (M, •, e) tel
que S = M \ {e} et pour tous les éléments x, y ∈ M , x • y = x ∗ y.
Démonstration. On introduit un nouveau symbole e ∈
/ M et on définit M = S ∪
{e}. Alors, on introduit une loi • sur M donnée par

 x•y = x∗y
x•e = x

e•x = x
pour tous les éléments x, y ∈ S.
Remarque 1.5. Soit (M, ∗, e) un monoı̈de. Si x ∈ M est un élément tel qu’il
existe un élément x−1 satisfaisant x ∗ x−1 = e = x−1 ∗ x, on dit que x est inversible
et x−1 est l’inverse de x. L’inverse d’un élément est toujours unique. Un involution
est un élément u ∈ G tel que u−1 = u.
Un quasi-groupe (G, ∗) satisfait les lois de simplifications, c’est à dire, pour
tous a, b, c, d ∈ G
si a ∗ c = a ∗ d, alors c = d,
si c ∗ b = d ∗ b, alors c = d.
En effet, en utilisant la première partie de l’axiome (iii) pour le couple (a, ac), on
sait qu’il existe une solution unique dans G pour l’équation a ∗ x = a ∗ c. Puisque
x = c et x = d sont tous deux solution, on obtient que c = d. Et de la même façon
on arrive à la loi de simplification à droite.
Un monoı̈de M ne satisfait pas les lois de simplification en général. Cependant,
si un élément a possède un inverse a−1 , on peut simplifier les équations a ∗ c = a ∗ d
et c ∗ a = d ∗ b.
1.1. STRUCTURES ALGÉBRIQUES PRIMAIRES ET EXEMPLES
3
Théorème 1.6. Soit (G, ∗) un magma. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
(i) G est un quasi-groupe associatif ;
(ii) G est une boucle associative ;
(iii) G est un monoı̈de tel que chaque élément est inversible.
Si l’une des propriétés est satisfaite, on dit que G est un groupe.
Démonstration. (i) ⇒ (ii). Soient x, y ∈ G arbitraires. Alors, l’axiome (iii) appliqué aux couples (x, x) et (y, y) implique qu’il existe des éléments (uniques) eR
x
L
R
L
et eLy tels que x ∗ eR
x = x et ey ∗ y = y. Alors, x ∗ ex ∗ y = x ∗ y = x ∗ ey ∗ y. A cause
L
des lois de simplifications on déduit que eR
x = ey . Comme x et y étaient arbitraires,
on peut conclure qu’il existe un élément unique e ∈ G tel que x ∗ e = x = e ∗ x
pour tout x ∈ G, c’est-à-dire que e est un élément neutre.
(ii) ⇒ (iii). Dénotons e l’élément neutre de G. Pour chaque x ∈ G, l’axiome
(iii) appliqué au couple (x, e) implique que x est inversible.
(iii) ⇒ (i). Si x est inversible et y ∈ G, alors a = x−1 ∗ y et b = y ∗ x−1 sont les
solutions demandées dans l’axiome (iii).
Remarque 1.7 (Définition classique d’un groupe). Du théorème précédent, on
déduit qu’un groupe G est un ensemble, muni d’une loi de composition ∗ : G×G →
G, satisfaisant
– (x ∗ y) ∗ z = x ∗ (y ∗ z), ∀x, y, z ∈ G ;
– il existe un élément e ∈ G tel que x ∗ e = e ∗ x = x, ∀x ∈ G ;
– ∀ x ∈ G, ∃ x−1 ∈ G : x ∗ x−1 = e = x−1 ∗ x.
Remarquons aussi que chaque groupe satisfait les lois de simplifications.
Chaque monoı̈de est aussi un semi-groupe et un magma. Étant donné un
monoı̈de G, si on veut considérer seulement sa structure de semi-groupe, on parle
alors du semi-groupe sous-jacent de G. Bien sûr, il y a beaucoup de relations entre
les différentes structures.
Définitions 1.8. Considérons deux magmas (E, ∗) et (E 0 , •). Un (homo-) morphisme de magmas de E dans E 0 est une application
f : E → M,
telle que pour tous les éléments x, y ∈ E, l’équation suivante est satisfaite dans
E0 :
f (x ∗ y) = f (x) • f (y).
Soient (S, ∗) et (S 0 , •) deux semi-groupes. Un (homo-) morphisme de semi-groupes
de S dans S 0 est un morphisme de magmas entre leurs magmas sous-jacents.
Étant donnés deux monoı̈des (M, ∗, e) et (M 0 , •, e0 ), un (homo-) morphisme de
4
CHAPITRE 1. GROUPES
monoı̈des de M dans M 0 est un morphisme de magmas f entre leurs magmas sousjacents tel que f (e) = e0 .
Un monomorphisme est un homomorphisme injectif. Un épimorphisme est un
homomorphisme surjectif. Un isomorphisme est un homomorphisme bijectif. Un
homomorphisme de X dans X est appelé un endomorphisme. Un isomorphisme de
X dans X est appelé un automorphisme.
L’ensemble de tous les homomorphismes entre deux magmas, semi-groupes,
etc. est dénoté par Hom(E, E 0 ). On écrit Hommagma (E, E 0 ) si on veut spécifier qu’il
s’agit de morphismes de magmas. L’ensemble de tous les endomorphismes (respectivement les automorphismes) de X dans X est dénoté par End(X) (respectivement
Aut (X)).
Proposition 1.9. Soit (M, ∗, e) un monoı̈de et (G, •, e0 ) un groupe. Un morphisme
de magmas f : M → G est aussi un morphisme de monoı̈des, c’est-à-dire f (e) = e0 .
Démonstration. Pour chaque x ∈ M , on peut calculer
f (x) • f (e) = f (x ∗ e) = f (x) = f (x) • e0 .
Puisque G satisfait les lois de simplifications, on déduit que f (e) = e0 .
Définition 1.10. Pour deux groupes (G, ∗, e) et (G0 , •, e0 ), un (homo-) morphisme
de groupes de G dans G0 est un morphisme de magmas entre les magmas sousjacents.
Grâce à la proposition précédente, un morphisme de groupes est aussi un morphisme de monoı̈des (sous-jacents). De plus, f (x−1 ) = f (x)−1 pour tous les éléments
x ∈ G.
Exemples 1.11. (1) Dénotons l’ensemble de toutes les applications de R dans R
par App(R, R). Alors, App(R, R) est un magma non-commutatif, non-associatif
et sans élément neutre si on considère le composition suivante. Pour tous les
éléments f, g ∈ App(R, R) on obtient un nouvel élément f ∗ g ∈ App(R, R)
donné par la formule
(f ∗ g)(x) = f (g(x)) + f (x)g(x),
pour tout x ∈ R.
(2) Soient X un ensemble et (E, ∗) un magma. Alors App(X, E) est un magma
muni de la loi de convolution suivante
(f ∗ g)(x) = f (x) ∗ g(x),
∀f, g ∈ App(X, E), ∀x ∈ X.
Si E est un semi-groupe, alors App(X, E) est aussi un semi-groupe. Si E est
en outre un monoı̈de avec élément neutre e, App(X, E) est de nouveau un
monoı̈de avec élément neutre fe : X → E, défini comme fe (x) = e pour tout
x ∈ X.
1.1. STRUCTURES ALGÉBRIQUES PRIMAIRES ET EXEMPLES
5
(3) Étant donné un ensemble X, considérons l’ensemble P(X) de tous les sousensembles de X. La loi \ (différence des ensembles) donne une structure de
semi-groupe sur P(X). Ce semi-groupe est non-commutatif et a un élément
neutre à droite (l’ensemble vide ∅), mais pas d’élément neutre à gauche.
(4) Considérons l’ensemble des applications f ∈ App(R, R) continues et telles que
lim x→±∞ f (x) = 0.
(5)
(6)
(7)
(8)
Cette ensemble est un semi-groupe sous la composition naturelle des applications, sans élément neutre.
Pour chaque structure (algébrique) X, End(X) est un monoı̈de sous la composition naturelle. Par exemple, si E est un magma, End(E), l’ensemble de tous
les endomorphismes de magmas de E dans E est un monoı̈de avec l’identité
comme élément neutre. Un autre exemple : considérons un espace topologique
(X, T ). Alors End(X), l’ensemble de toutes les fonctions continues de X dans
X, est un monoı̈de avec de nouveau l’identité comme élément neutre.
Les nombres naturels positifs avec l’addition forment un monoı̈de commutatif
(N, +).
Les nombres entiers modulo m avec la multiplication forment un monoı̈de
(Zm , ·) pour tous les m ∈ N.
Dans la table de Cayley d’un quasi-groupe, chaque élément apparaı̂t une
et une seule fois dans chaque colonne et dans chaque ligne. Par exemple, la
solution d’un Sudoku est la table de Cayley d’un quasi-groupe.
Soit V un espace vectoriel sur un corps de caractéristique différente de 2 (par
exemple Rn ) muni de l’opération suivante :
1
x ∗ y = (x + y), ∀x, y ∈ V.
2
Alors (V, ∗) est un quasi-groupe.
(9) Pour chaque ensemble X, on peut construire le groupe Sym(X) de permutations de cet ensemble, appelé le groupe symétrique de l’ensemble X. Ce
groupe consiste en toutes les bijections de X dans X, et est muni de la composition naturelle. Si X = {1, . . . , n} est l’ensemble de n éléments, on dénote
par Sym(X) = Sn le groupe des permutations de n éléments. Le sous-groupe
(voir Définition 1.12 pour la définition formelle) de permutations An est le
sous-groupe de Sn qui consiste en les permutations paires. On appelle An le
groupe alterné sur n points. Le groupe Sn possède n! éléments et le groupe An
possède n!2 éléments.
(10) Pour chaque structure (algébrique) X, Aut (X) muni de la composition naturelle est un groupe. Si X est simplement un ensemble, Aut (X) = Sym(X). Si,
par exemple, M est un monoı̈de, Aut (M ), l’ensemble de tous les morphismes
bijectifs de monoı̈des de M dans M , est un groupe.
6
CHAPITRE 1. GROUPES
(11) Considérons un espace vectoriel V sur un corps K. Alors, Aut (V ) est un
groupe. Si dim V = n, avec V = K n , alors Aut (V ) consiste en toutes les matrices carrées inversibles de dimension n×n. On dénote par Aut (V ) = GLn (K),
le groupe général linéaire de dégré n sur K. Le sous-groupe de toutes les matrices de déterminant 1 est le groupe spécial linéaire, noté SLn (K).
(12) (Z, +), (Q, +), (R, +), (C, +), (Q0 , ·), (R0 , ·), (C0 , ·) et (V, +) pour V un espace
vectoriel sur un corps K, sont tous des groupes. En particulier, (Z, +) est un
exemple important, parce que c’est le groupe libre sur un seul élément (voir
Paragraphe 1.3).
(13) Le groupe cyclique de n éléments est noté Cn et est défini comme suit :
Cn = {e = a0 , a = a1 , a2 , . . . , an−1 };
le composition est définie par
ai ∗ aj = ai+j(mod
n)
.
Le groupe cyclique infini est (Z, +) par définition. On étudie les groupes cycliques plus profondément dans Paragraphe 1.4
(14) Le groupe diédral, noté D2n pour n ≥ 2, est un groupe d’ordre 2n qui s’interprète notamment comme le groupe des isométries du plan conservant un
polygone régulier à n côtés. Le groupe est constitué de n éléments correspondant aux rotations et n autres correspondant aux réflexions. Le groupe D2
est le groupe cyclique d’ordre 2 ; le groupe D4 est le groupe de Klein à quatre
éléments. Parmi les groupes diédraux D2n , ce sont les deux seuls à être abéliens.
(15) Muni de la loi suivante, P(X) est un groupe commutatif.
A∆B = (A ∪ B) \ (A ∩ B) = (A \ B) ∪ (B \ A),
pour tous A, B ∈ P(X), l’élément neutre est ∅ et tous les éléments sont des
involutions.
1.2
Constructions de groupes et propriétés générales
Dans ce paragraphe on rappelle quelques théorèmes du cours ‘Algèbre linéaire et
géométrie’ de la première année de Bachelier. On laisse les démonstrations comme
exercices pour le lecteur intéressé.
Définitions 1.12. Étant donné un groupe (G, ∗), un sous-groupe de G est un
sous-ensemble H ⊂ G tel que H, muni de la restriction de ∗ sur H, est un groupe.
Soit G un groupe et H un sous-groupe de G. Pour un élément g ∈ G on dit
que la classe latérale gauche de g selon H est l’ensemble
g ∗ H = {g ∗ h | h ∈ H}.
1.2. CONSTRUCTIONS DE GROUPES ET PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES
7
De la même façon, la classe latérale droite de g selon H est l’ensemble
H ∗ g = {h ∗ g | h ∈ H}.
Un sous-groupe normal de G est un sous-groupe N tel que les classes latérales à
gauches sont égales aux classes latérales droites, c’est-à-dire, ∀g ∈ G, g ∗N = N ∗g.
On dénote le fait que N est normal par N G.
Exemples 1.13. (1) Soit (G, ∗, e) un groupe. Alors {e} et G sont des sous-groupes
de G, et sont même des sous-groupes normaux. On les appelle les sous-groupes
triviaux. Tous les autres sous-groupes (s’ils existent) sont appelés sous-groupes
propres de G.
(2) Soit G un groupe et g ∈ G. Le centralisateur de g est l’ensemble
CG (g) = {x ∈ G | xg = gx}.
Le centre de G est l’ensemble
Z(G) = {x ∈ G | xg = gx pour tout g ∈ G} = ∩g∈G CG (g).
Alors, CG (g) et Z(G) sont des sous-groupes de G. En outre, Z(G) est un
sous-groupe normal.
(3) Dans un groupe commutatif, chaque sous-groupe est un sous-groupe normal.
Proposition 1.14. (1) Soit (G, ∗, e) un groupe et H ⊂ G un sous-ensemble. Les
propriétés suivantes sont équivalentes.
(i) H est un sous-groupe de G ;
(ii) les conditions suivantes sont satisfaites :
– H est un sous-magma de G non-vide,
– si h ∈ H, alors h−1 ∈ H ;
(iii) les conditions suivantes sont satisfaites :
– H est non-vide,
– si h1 , h2 ∈ H, alors h1 ∗ h−1
2 ∈ H.
(2) Soit (G, ∗, e) un groupe fini et H ⊂ G un sous-ensemble. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
(i) H est un sous-groupe de G ;
(ii) H est un sous-magma de G non-vide.
1.15. relations d’équivalences Considérons les ensembles A et B. Rappelons
qu’une relation R entre A et B est un sous-ensemble R ⊂ A × B ; pour tous a ∈ A
et b ∈ B, on écrit aRb si (a, b) ∈ R. Une relation d’équivalence sur un ensemble X
est une relation R ⊂ X × X qui est réflexive, symétrique et transitive, c’est-à-dire,
qui satisfait les conditions suivantes :
8
CHAPITRE 1. GROUPES
(i) ∀ x ∈ X, xRx (réflexive) ;
(ii) ∀ x, y ∈ X, si xRy, alors yRx (symétrique) ;
(iii) ∀ x, y, z ∈ X, si xRy et yRz, alors xRz (transitive).
Étant donnée une relation d’équivalence R sur X, la classe d’équivalence d’un
élément x ∈ X est le sous-ensemble Rx ⊂ G défini par
Rx = {y ∈ X | yRx}.
Un élément y ∈ Rx est appelé un représentant de Rx . Pour tous x, y ∈ X, les deux
propriétés suivantes sont satisfaites
– Rx = Ry ⇔ y ∈ Rx ;
– Rx 6= Ry ⇒ Rx ∩ Ry = ∅.
Les classes d’equivalence forment une partition de l’ensemble X.
L’ensemble quotient de X par la relation d’équivalence R, noté E/R, est l’ensemble
des classes d’équivalence de X selon R :
E/R = {Rx | x ∈ X}.
Proposition 1.16. Soit (G, ∗, e) un groupe et H ⊂ G un sous-groupe. Considérons
la relation R sur G, définie par
aRb
ssi
a−1 ∗ b ∈ H
Alors, R est une relation d’equivalence sur G et la classe d’équivalence d’un élément
g ∈ G est la classe latérale gauche gH.
Proposition 1.17. Soit (G, ∗, e) un groupe et H ⊂ G un sous-groupe. Considérons
des éléments a, b ∈ G. Alors,
(i) aH = bH si et seulement si a−1 ∗ b ∈ H. (Alors aH = H ssi a ∈ H).
(ii) Si aH 6= bH, alors aH ∩ bH = ∅.
S
(iii) g∈G gH = G.
En outre, |aH| = |H|.
Grâce aux propositions précédentes, on peut construire l’ensemble quotient de
G à partir de la relation d’équivalence relative à un sous-groupe, c’est à dire, l’ensemble des classes latérales du sous-groupe. Toutefois, ce quotient n’a pas toujours
de structure de groupe, ni même d’un magma. Pour obtenir une tel résultat, on a
besoin des sous-groupes normaux, pour lesquels on peut démontrer que les classes
latérales possèdent les propriétés supplémentaires suivantes.
Proposition 1.18. Soit (G, ∗, e) un groupe et N ⊂ G un sous-groupe. Alors, les
conditions suivantes sont équivalentes :
1.2. CONSTRUCTIONS DE GROUPES ET PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES
(i)
(ii)
(iii)
(iv)
9
N est un sous-groupe normal,
gN g −1 = N pour tout g ∈ G,
gN g −1 ⊂ N pour tout g ∈ G,
chaque classe latérale gauche de N est une classe latérale droite de N .
1.19. Constructions de groupes
(1) Le groupe quotient. Soit G un groupe et N un sous-groupe normal. Alors,
G/N = {gN | g ∈ G}
l’ensemble des classes latérales (gauches ou droites) est un groupe pour la loi
de composition suivante
(gN )(hN ) = (gh)N,
pour tous les éléments g, h ∈ G. L’élément neutre pour ce groupe est eN et
l’inverse de gN est (gN )−1 = (g −1 )N . La projection canonique de G sur le
quotient G/N est la foncion
p : G → G/N : g 7→ p(g) = gN.
(1.1)
On peut vérifier facilement que p est un épimorphisme de groupes.
Remarquons que grâce à la Proposition 1.16, on sait que N mène à une relation d’équivalence sur G, et l’ensemble quotient de G par cette relation est
exactement l’ensemble sous-jacent du groupe quotient G/N .
Les exemples triviaux disent que G/{e} ∼
= G et G/G ∼
= {e}. Pour plus
d’exemples, on réfère aux exercices et aux paragraphes suivant.
(2) Le produit direct de deux groupes. Soient (G, ∗, eG ) et (H, •, eH ) deux
groupes. Alors,
G × H = {(g, h) | g ∈ G, h ∈ H}
muni de la composition
(g, h) · (g 0 , h0 ) = (g ∗ g 0 , h ∗ h0 ),
∀g, g 0 ∈ G, h, h0 ∈ H
est de nouveau un groupe avec élément neutre (eG , eH ). On appelle G × H le
produit direct de G et H. Il existe des homomorphismes de groupes
G × HGG
cGG GG π
wwww;
w
GG GGH
wwwww
GG G
w
w
w
ιH GGG
{wwwww ιG
GG#
πG
G
ιH : H → G × H,
ιG : G → G × H,
πH : G × H → H,
πG : G × H → G,
H
ιH (h) = (eG , h);
ιG (g) = (g, eH );
πH (g, h) = h;
πG (g, h) = g.
10
CHAPITRE 1. GROUPES
Ces morphismes satisfont les formules πH ◦ ιH = idH , πG ◦ ιG = idG et idG×H =
(ιG ◦ πG ) · (ιH ◦ πH ). (Ici, la dernière expression est un produit de convolution.)
Il est clair qu’on peut répéter cette opération pour obtenir le produit direct
G1 × G2 × · · · × Gn d’une collection finie de groupes G1 , G2 , . . . , Gn .
(3) Le produit direct (infini). Plus généralement, soit I un ensemble d’indices
(possiblement infini) et considérons pour chaque i ∈ I un groupe (Gi , ∗i , ei ).
Le produit direct de ces groupes est l’ensemble
Y
Gi = {(gi )i∈I | gi ∈ Gi , pour tout i ∈ I},
i∈I
muni de la composition ∗ suivante
(gi )i∈I ∗ (hi )i∈I = (gi ∗i hi )i∈I ,
Q
Q
pour tous les éléments (gQi )i∈I , (hi )i∈I ∈ i∈I Gi . L’élément neutre de i∈I Gi
est donné par (ei )i∈I et i∈I Gi est commutatif si et seulement si tous les Gi
sont commutatifs.
Soit G un groupe. Le produit direct de n copies de G est noté Gn ; le produit
direct de #I copies de G est noté GI .
Par exemple, le groupe de Klein est donné par le produit C2 × C2 .
(4) La somme directe (infinie). La somme directe d’une famille de groupes
(Gi )i∈I est le sous-groupe du produit direct, donné par l’ensemble suivante
M
Y
Gi = {(gi )i∈I ∈
Gi | gi = ei ∀i, sauf un nombre fini},
i∈I
i∈I
La somme directe de #I copies du même groupe G est notée par G(I) . La
somme directe des groupes abéliens est aussi appelée le coproduit.
1.20. Générateurs Soient G un groupe et S ⊂ G un sous-ensemble de G. L’intersection de tous les sous-groupes qui contiennent S est un sous-groupe G ; c’est
le plus petit sous-groupe (par rapport à l’inclusion) qui contient S. On dénote ce
groupe par hSi et on l’appelle le sous-groupe engendré par S. On peut calculer le
groupe engendré par S comme
hSi = {x1 ∗ x2 ∗ · · · ∗ xn | n ∈ N0 , xi ∈ S où x−1
i ∈ S, 1 ≤ i ≤ n}
Si G est un groupe fini, alors
hSi = {x1 ∗ x2 ∗ · · · ∗ xn | n ∈ N0 , xi ∈ S, 1 ≤ i ≤ n}.
Si S = {x1 , x2 , . . . , xn }, on écrit hSi = hx1 , x2 , . . . , xn i. Si S = {x}, on dit que hxi
est un groupe cyclique.
1.3. THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
11
Définitions 1.21. Soit G un groupe fini, c’est-à-dire un groupe qui contient un
nombre fini d’éléments. Le nombre d’éléments de G est désigné par |G| et on l’appelle l’ordre de G. Si G est un groupe infini, on dit que l’ordre de G est infini.
L’ordre ord(g) d’un élément g ∈ G est l’ordre du sous-groupe hgi ⊂ G.
Remarque 1.22. Soit G un groupe et g ∈ G. Le sous-groupe hgi ⊂ G consiste
en les éléments {e, g, g 2 , g 3 , . . .}. Si l’ordre de g est fini, alors il existe un élément
n ∈ N0 tel que g n = e. Le nombre n ∈ N qui est minimal avec cette propriété est
exactement l’ordre de g. En outre, dans ce cas G = {g, g 2 , . . . , g n−1 , g n = e} est
isomorphe au groupe Cn de l’Exemple 1.11(13). Si l’ordre de g est infini, alors hgi
est isomorphe à (Z, +).
Théorème 1.23 (Lagrange). Si G est un groupe fini et H ⊂ G un sous-groupe,
alors |H| divise |G|.
Grâce au Théorème de Lagrange, on peut calculer le nombre entier |G|/|H|.
Comme on sait aussi que les classes latérales gauches de H forment une partition
de G et comme chaque classe latérale contient le même nombre d’éléments (voir
Proposition 1.17), |G|/|H| nous donne exactement le nombre de classes latérales
gauches. De la même façon, |G|/|H| est le nombre de classes latérales droites et dès
lors le nombre de classes latérales gauches est égal au nombre de classes latérales
droites. Ceci nous mène à la définition suivante.
Définition 1.24. Soit G un groupe et H un sous-groupe de G. Le nombre de
classes latérales gauches (ou droites) est nommé l’indice de H en G et est noté
[G : H].
Corollaire 1.25. Soit G un groupe fini.
1. Si g ∈ G, alors ord(g) est un diviseur de |G| ;
2. Soit H un sous-groupe de G, alors |G| = [G : H]|H| ;
3. Soient H et K deux sous-groupes de G, tel que H ⊂ K, alors
[G : H] = [G : K][K : H].
1.3
Théorèmes d’isomorphismes
Définition 1.26. Considérons deux groupes (G, ∗, eG ) et (H, •, eH ). Soit f : G →
H un morphisme de groupes. Le noyau de f est l’ensemble
Ker f = {g ∈ G | f (g) = eH } ⊂ G.
L’image de f est l’ensemble
Im f = {f (g) | g ∈ G} ⊂ H.
12
CHAPITRE 1. GROUPES
Proposition 1.27. Soit f : (G, ∗, eG ) → (H, •, eH ) un morphisme de groupes.
(i) Ker f est un sous-groupe normal de G ;
(ii) Im f est un sous-groupe de H ;
(iii) pour tout x ∈ G, x ∗ Ker f = f −1 ◦ f (x) := {y ∈ G | f (y) = f (x)}
(iv) f est un monomorphisme si et seulement si Ker f = {eG } ;
(v) f est un épimorphisme si et seulement si Im f = H.
Démonstration. (i). On utilise le critère de la Proposition 1.14. On sait que eG ∈
Ker f , donc Ker f est non-vide. Alors si a, b ∈ Ker f , il suffit de démontrer que
a ∗ b−1 ∈ Ker f . On voit
f (a ∗ b−1 ) = f (a) • f (b)−1 = eH • e−1
H = eH .
Donc, a∗b−1 ∈ Ker f et Ker f est un sous-groupe. Pour voir que c’est un sous-groupe
normal, il faut et il suffit de voir que (voir Proposition 1.18)
b ∗ a ∗ b−1 ∈ Ker f, ∀b ∈ G, ∀a ∈ Ker f.
En effet,
f (b ∗ a ∗ b−1 ) = f (b) • f (a) • f (b)−1 = f (b) • eH • f (b)−1 = f (b) • f (b)−1 = eH .
(ii). De la même façon que pour Ker f , on a que eH ∈ Im f et il suffit de montrer
que si x, y ∈ Im f , alors x • y −1 ∈ Im f . Comme x, y ∈ Im f , il existe a, b ∈ G tels
que x = f (a) et y = f (b). Dès lors
x • y −1 = f (a) • f (b)−1 = f (a ∗ b−1 ) ∈ Im f.
(iii). Supposons que y ∈ f −1 ◦ f (x). Alors f (x) = f (y), où eH = f (x)−1 • f (y) =
f (x−1 ∗ y). Donc x−1 ∗ y ∈ Ker f . On déduit que y = (x ∗ x−1 ) ∗ y = x ∗ (x−1 ∗ y) ∈
x ∗ Ker f . D’autre part, si y ∈ x ∗ Ker f , alors y = x ∗ a pour un élément a ∈ Ker f .
Donc f (y) = f (x ∗ a) = f (x) • f (a) = f (x) • eH = f (x).
(iv). Ceci découle directement de (iii).
(iv). Trivial.
Remarque 1.28. Soient un morphisme de groupes f : G → H et un élément
fixé a ∈ H. L’assertion (iii) dans la proposition précédente nous dit que toutes
les solutions de l’équation f (x) = a sont données par la combinaison de toutes les
solutions de l’équation homogène associée f (x) = eH et une solution particulière
de l’équation originale. Ce théorème est surtout bien connu pour des systèmes
d’équations linéaires dans le cadre des espaces vectoriels.
1.3. THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
13
Proposition 1.29. Soient f : (G, ∗, eG ) → (H, •, eH ) un morphisme de groupes
et N ⊂ G un sous-groupe normal de G contenu dans Ker f . Alors il existe un
homomorphisme f¯ : G/N → H donné par f¯(x ∗ N ) = f (x) pour tout x ∈ G. De
plus, Im f¯ = Im f et Ker f¯ = Ker f /N .
Démonstration. On vérifie d’abord que f¯ est bien définie. Pour cela, soient x, y ∈ G
tels que x ∗ N = y ∗ N , c’est à dire y −1 x ∈ N ⊂ Ker f . Dès lors,
f (x) = f (yy −1 x) = f (y)f (xy −1 ) = f (y)eH = f (y).
Par conséquent, f¯ est bien définie. Puis on vérifie que f¯ est un homomorphisme :
f¯(xy ∗ N ) = f (xy) = f (x)f (y)
= f¯(x ∗ N )f¯(y ∗ N ).
Clairement, Im f¯ ⊂ Im f (puisque f¯(x ∗ N ) = f (x) ∈ Im f ) et Im f ⊂ Im f¯ puisque
pour tout f (x) ∈ Im f , f (x) = f¯(x ∗ N ) ∈ Im f¯. Finalement, g ∗ N ∈ Ker f¯ si et
seulement si eH = f¯(g∗N ) = f (g), c’est-à-dire g ∈ Ker f . Donc Ker f¯ = {g∗N | g ∈
Ker f } = Ker f /N . Ceci finalise la démonstration.
Grâce à la Proposition 1.27, on sait que le noyau d’un morphisme de groupes
f : G → H est un sous-groupe normal et on peut construire le quotient H/Ker f .
D’autre part, si on considère la projection (1.1) p : G → G/N , on voit que chaque
sous-groupe normal N d’un groupe G est le noyau d’un morphisme. Ceci nous
mène au Théorème suivant.
Théorème 1.30 (Premier théorème d’isomorphisme). Considérons deux groupes
(G, ∗, eG ) et (H, •, eH ). Soit f : G → H un morphisme de groupes. Alors, il existe
un isomorphisme naturel de groupes
G/Ker f ∼
= Im f.
Démonstration. Remarquons d’abord que (Im f, •, eH ) est un groupe, et que f :
G → Im f est un homomorphisme de groupes. Alors, on applique la Proposition 1.29 avec N = Ker f pour ce morphisme. Le morphisme f¯ obtenu est surjectif
car Im f¯ = Im f et est injectif car Ker f¯ = Ker f /Ker f = {eG }.
Exemples 1.31. (1) Considérons le groupe général linéaire de degré n sur le corps
K. Le déterminant est un homomorphisme de groupes dans le groupe multiplicatif du corps :
det : GLn → K ∗ .
Le noyau est exactement le groupe spécial linéaire, Ker det = SLn , et on déduit
que
K∗ ∼
= GLn /SLn .
14
CHAPITRE 1. GROUPES
(2) Soit n ∈ N0 un nombre naturel non nul. On a un homomorphisme de groupes
fn : (Z, +) → (C∗ , ·), fn (x) = e
2πx
i
n
.
Le noyau se calcule comme Ker fn = nZ et l’image nous donne une expression
pour le groupe cyclique de n éléments Im f = Cn ∼
= Z/nZ.
(3) Rappelons que la signature d’une permutation (sur un ensemble fini) est la
parité du nombre de transpositions nécessaires pour représenter cette permutation. Si on dénote sgn (σ) = 0 pour une permutation paire et sgn (σ) = 1
pour une permutation impaire, on obtient un épimorphisme de groupes
sgn : Sn → Z2 ,
Le noyau est donné par Ker sgn = An , et Sn /An ∼
= Z2 .
(4) On considère le sous-groupe suivant du groupe multiplicatif (C∗ , ·) :
E = {c ∈ C | |c| = 1}.
L’ensemble E est le cercle unité complexe. On a un morphisme de groupes
φ : (R, +) → (E, ·), φ(x) = e2πxi .
Puisque Ker φ = Z, on obtient
E∼
= R/Z.
(5) Soit G × H le produit direct des groupes (G, ∗, eG ) et (H, •, eH ). Considérons
la projection
πG : G × H → G.
Alors, Ker πG = {eG } × H et G ∼
= (G × H)/({eG } × H).
Nous allons maintenant étudier quelques applications du premier théorème
d’isomorphisme : les groupes créés par générateurs et relations, les automorphismes
intérieurs et le théorème de Cayley.
Définition 1.32. Le groupe libre sur un ensemble S est un groupe FS , tel que
S ⊂ FS est un sous-ensemble et FS satisfaisant la propriété universelle suivante :
pour tout groupe G et toute application f : S → G, il existe un unique morphisme
de groupes de φ : FS → G prolongeant f .
S _
f
∃!φ
FS
La cardinalité de S est appelée le rang de FS .
/8
G
1.3. THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
15
Proposition 1.33. Soit S un ensemble, alors le groupe libre FS sur S existe et est
unique à isomorphisme près. L’ensemble S est un ensemble générateur pour FS .
Démonstration. Introduisons une copie S 0 de l’ensemble S. Il existe alors une bijection de S dans S 0 , et S et S 0 sont disjoints. Pour chaque élément s ∈ S, on
dénote par s0 l’élément correspondant dans S 0 . Notons par T l’ensemble des mots
sur la réunion de S et de S 0 ,
T = {x1 x2 · · · xn | n ∈ N, xi ∈ S ∪ S 0 , i = 1, . . . n}
Deux éléments de T sont appelés équivalents si on peut passer de l’un à l’autre en
enlevant ou en ajoutant des chaı̂nes de la forme ss0 ou s0 s. Ceci définit une relation
d’équivalence R sur T . On définit FS = T /R.
La concaténation de deux mots définit une loi de composition sur T qui est
préservée par R. Le composition induite sur le quotient FS nous donne la structure
d’un groupe. L’élément neutre est la classe du mot vide, et l’inverse de la classe
d’un mot x1 x2 . . . xn est la classe de x0n . . . x02 x01 (où on dénote xi ∈ S ∪ S 0 , s00i = si
si xi = s0i ). En identifiant chaque élément s de S avec sa classe dans FS , on obtient
l’inclusion S ⊂ FS . Clairement, FS est généré par S.
Puis, on vérifie la propriété universelle : si G est un groupe, toute application
ensembliste f : S → GQse prolonge en un morphisme de monoı̈des φ : T → G défini
par φ(x1 x2 . . . xn ) = ni=1 f (xi )zi , ou zi = 1 si xi ∈ S et zi = −1 si xi ∈ S 0 . Ce
morphisme est constant sur les classes d’équivalence et induit donc un morphisme
de groupes ϕ : FS → G qui prolonge f . Il est clair que φ est le seul morphisme de
groupes prolongant f .
Finalement, supposons que T est un autre groupe libre. Alors, la propriété
universelle de FS appliquée à l’inclusion ιT : S ,→ T implique qu’il existe un
(unique) morphisme t : FS → T tel que ιT = t ◦ ιF , où ιF : S ,→ FS est l’inclusion
de S dans FS . D’autre part, la propriété universelle de T implique l’existence d’un
(unique) morphisme f : T → FS tel que ιF = f ◦ ιT . On déduit que ιF = f ◦ ιT =
f ◦ t ◦ ιF . La propriété universelle de FS nous dit que idFS : FS → FS est le seul
morphisme tel que ιF = idFS ◦ ιF . Alors f ◦ t = idFS . De même, t ◦ f = idT , et FS
et T sont isomorphes.
1.34. Présentation d’un groupe en termes des générateurs et relations.
Étant donné un groupe G, généré par l’ensemble S ⊂ G, on a G = hSi. Considérons
le groupe libre FS sur S. Alors l’injection S ,→ G se prolonge en un morphisme de
groupes ψ : FS → G. Comme S est un ensemble générateur, tout élément g ∈ G
s’écrit comme g = x1 ∗ x2 ∗ · · · ∗ xn , ou xi ∈ S ou x−1
i ∈ S. Alors g = ψ(y1 y2 · · · yn ),
−1
0
ou yi = xi si xi ∈ S et yi = xi si xi ∈ S. Donc ψ est un épimorphisme. Si on
applique le premier théorème d’isomorphisme on arrive à l’expression suivante
G∼
= FS /Ker φ.
16
CHAPITRE 1. GROUPES
Ceci nous donne une méthode pour exprimer un groupe G en termes de générateurs
(les éléments de S) et de relations entre les générateurs (les éléments du Ker φ).
Ceci nous donne la notion de présentation d’un groupe. On la dénote par G =
hS | Ker ψi.
Exemples 1.35. (1) Considérons le groupe cyclique de n éléments Cn . Ce groupe
est généré par un élément g, et Cn = hg | g n = 1i
(2) Les groupes diédraux sont générés par deux éléments (un pour les rotations,
un pour les réflexions). D2n = ha, b | an = 1, b2 = 1, ba = a−1 bi .
(3) En principe on peut créer des nouveaux groupes par l’introduction de générateurs
et de relations. Cependant, on doit être prudent ; en effet, si on impose trop
de relations, il est possible que le groupe devienne trivial, comme l’exemple
suivant l’illustre : ha | a2 = 1, a3 = 1i = {1}.
(4) V = ha, b | ab = ba, a2 = 1, b2 = 1i est le groupe de Klein.
Proposition 1.36. Soit G un groupe et g ∈ G. Alors l’application
ιg : G → G, ιg (x) = gxg −1 ,
∀x ∈ G,
est un automorphisme de G.
En effet, ι : G → Aut (G), ι(g) = ιg est un morphisme de groupes.
Démonstration. Soit g ∈ G. Pour tous x, y ∈ G, on a
ιg (xy) = gxyg −1 = gxgg −1 yg −1 = ιg (x)ιg (y),
donc ιg est un endomorphisme de G. Comme x = g −1 gxg −1 g = ιg−1 ◦ ιg (x), on
trouve que ιg est inversible et est donc un automorphisme de G.
Pour tous g, h ∈ G, on a
ιgh (x) = ghx(gh)−1 = ghxh−1 g −1 = gιh (x)g −1 = ιg ◦ ιh (x),
donc ιgh = ιg ◦ ιh .
Définition 1.37. Soit G un groupe et g ∈ G. L’automorphisme ιg défini dans
Proposition 1.36 est appelé l’automorphisme intérieur associé à g, ou la conjugaison
par g. L’ensemble de tous les automorphismes intérieurs est dénoté par Inn(G) ⊂
Aut (G).
La relation
xRy ⇔ y = gxg −1 pour un g ∈ G
est une relation d’équivalence sur G. La classe d’équivalence C(x) d’un élément x
pour cette relation R est appelée la classe de conjugaison de x,
C(x) = {gxg −1 | g ∈ G}.
1.3. THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
17
Proposition 1.38. Inn(G) est un sous-groupe normal de Aut (G).
Démonstration. Il faut contrôler si pour tout ιg ∈ Inn(G), φ ∈ Aut (G) on a φ ◦ ιg ◦
φ−1 ∈ Inn(G). Pour tout x ∈ G on voit que
φ ◦ ιg ◦ φ−1 (x) = φ(gφ−1 (x)g −1 ) = φ(g)φ(φ−1 (x))φ(g − 1)
= φ(g)xφ(g)−1 = ιφ(g) (x)
Alors, φ ◦ ιg ◦ φ−1 = ιφ(g) ∈ Inn(G).
Définition 1.39. Les automorphimes extérieurs sont définis comme le groupe
quotient Out(G) = Aut (G)/Inn(G).
Remarquons que pour un groupe abélien, les automorphismes intérieurs sont
triviaux. En toute généralité, on a le résultat suivant.
Proposition 1.40. Soit G un groupe. Alors il existe un isomorphisme
Inn(G) ∼
= G/Z(G).
Démonstration. C’est une application du premier théorème d’isomorphisme. Considérons le morphisme ι : G → Aut (G) construit dans Proposition 1.36. Comme
Im ι = Inn(G) par définition, il suffit de contrôler que Ker ι = Z(G). En effet,
g ∈ Ker ι ssi ιg = idG donc ssi pour tout x ∈ G, x = ιg (x) = gxg −1 , ssi xg = gx,
c’est-à-dire, ssi x ∈ Z(G).
En ne considérant pas que des automorphismes de groupes mais simplement
des permutations de l’ensemble sous-jacent, on arrive au théorème important de
Cayley, qui nous dit qu’on peut interpréter chaque groupe comme un groupe de
symétries.
Théorème 1.41 (Cayley). Tout groupe G est isomorphe à un sous-groupe du
groupe symétrique Sym(G).
Démonstration. Considérons l’application
φ : G → Sym(G), φ(g) = φg ,
∀g ∈ G;
ou
φg : G → G, φg (x) = gx,
∀x ∈ G.
Alors φ est bien définie. En effet, pour un g ∈ G arbitraire, φg est injective grâce
aux lois de simplifications, et φg est surjective parce que φg (g −1 x) = x pour chaque
x ∈ G.
Pour tout g, h ∈ G on trouve que
φgh (x) = (gh)x = g(hx) = φg ◦ φh (x), ∀x ∈ G
18
CHAPITRE 1. GROUPES
donc φ est un morphisme de groupes. Soit g ∈ Ker φ. Alors, φg = idG , c’est-à-dire,
x = φg (x) = gx, pour tout x ∈ G. En particulier, eg = φg (eG ) = geG = g, donc
Ker φ = {eG } et φ est injectif.
Si on applique le premier théorème d’isomorphisme, on trouve que G ∼
= Im φ,
qui est un sous-groupe de Sym(G).
Soit (G, ∗, e) un groupe. Considérons deux sous-ensembles X, Y ⊂ G. Alors, on
dénote
XY = {x ∗ y | x ∈ X, y ∈ Y } ⊂ G.
Lemme 1.42. Soient H un sous-groupe et N un sous-groupe normal d’un groupe
G. Alors, hH ∪ N i = HN = N H.
Démonstration. On sait que hH ∪ N i est un sous-groupe qui contient H et N ,
alors aussi tous les produits de leurs éléments, donc clairement HN ⊂ hH ∪ N i.
Par définition, hH ∪ N i est même le plus petit sous-groupe qui contient H et N .
Donc, si on peut démontrer que HN est un sous-groupe lui-même, on obtient que
HN = hH ∪ N i, parce que HN contient H et N de manière évidente.
Prenons h1 , h2 ∈ H et n1 , n2 ∈ N . Alors
−1
(h1 n1 )(h2 n2 )−1 = h1 n1 n−1
2 h2
−1 −1
= h1 h−1
2 (h2 n1 n2 h2 )
= h3 n3 ∈ HN
Ici, on a défini h3 = h1 h−1
∈ H parce que H est un sous-groupe, et n3 =
2
−1 −1
h2 n1 n2 h2 ∈ N parce que N est un sous-groupe normal.
En utilisant un argument de symétrie, on peut dériver que hH ∪ N i = N H.
Théorème 1.43 (Deuxième théorème d’isomorphisme). Soient H un sous-groupe
et N un sous-groupe normal d’un groupe G. Alors,
(i) N est un sous-groupe normal de HN ,
(ii) H ∩ N est un sous-groupe normal de H,
(iii) H/(N ∩ H) ∼
= HN/N ;
(iv) si G est en outre fini, alors |HN | =
|H||N |
.
|H∩N |
Démonstration. (i). Grâce au Lemme 1.42 on sait que HN = hH ∪ N i est un
sous-groupe de G qui contient N . Comme N est un sous-groupe normal de G, N
est clairement un sous-groupe normal de HN .
(ii). On considère l’application
f : H → HN/N, f (h) = hN.
(1.2)
1.3. THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
19
Vérifions que f est un homomorphisme de groupes. Pour h1 , h2 ∈ H,
f (h1 )f (h2 ) = (h1 N )(h2 N ) = (h1 h2 )N = f (h1 h2 ).
En outre, h ∈ Ker f ssi hN = N , c’est-à-dire h ∈ N . Donc Ker f = N ∩ H et en
particulier, N ∩ H est un sous-groupe normal de H.
(iii). Considérons de nouveau le morphisme (1.2). Comme pour tous h ∈ H et
n ∈ N,
hnN = hN,
il suit que f est surjective. Le premier théorème d’isomorphisme nous dit alors que
H/(N ∩ H) ∼
= HN/N .
(iv). Du point (iii) on déduit que
[H : (H ∩ N )] = [HN : N ].
Alors
|HN |
|H|
=
|H ∩ N |
|N |
et dès lors
|HN | =
|H||N |
.
|H ∩ N |
Théorème 1.44 (Troisième théorème d’isomorphisme). Soient H et N des sousgroupes normaux d’un groupe G et N ⊂ H, alors
(i) H/N est un sous-groupe normal de G/N ,
(ii) (G/N )/(H/N ) ∼
= G/H.
Démonstration. (i). Définissons une application
ψ : G/N → G/H, ψ(gN ) = gH.
On peut facilement vérifier que ψ est bien défini et est un épimorphisme de groupes.
En outre, gN ∈ Ker ψ ssi ψ(gN ) = gH = H, c’est-à-dire g ∈ H. Donc Ker ψ =
{gN | g ∈ H} = H/N et en particulier H/N est un sous-groupe normal de G/N .
(ii). Si on applique le premier théorème d’isomorphisme au morphisme ψ on obtient
immédiament (G/N )/(H/N ) ∼
= G/H.
20
1.4
1.4.1
CHAPITRE 1. GROUPES
Classification des groupes commutatifs de type
finis
Les groupes cycliques
Dans ce paragraphe, on donne la classification de tous les groupes abéliens avec
une partie génératrice finie. D’abord on donne quelques propriétés générales des
groupes cycliques, les démonstrations étant laissées comme exercices. Rappelezvous qu’un groupe cyclique est un groupe qui est engendré par un seul élément.
Théorème 1.45 (Classification des groupes cycliques). Tout groupe cyclique infini
est isomorphe à (C∞ , ·) ∼
= (Z, +).
Tout groupe cyclique fini d’ordre n est isomorphe à (Cn , ·) ∼
= (Zn , +).
Par conséquent, deux groupes cycliques sont isomorphes si et seulement s’ils ont
le même ordre. Tous les groupes cycliques sont abéliens.
Proposition 1.46 (Sous-groupes des groupes cycliques).
(i) Chaque sous-groupe d’un groupe cyclique est un groupe cyclique.
(ii) Soit G = hgi, un groupe cyclique
d’ordre
n et soit k un nombre entier. Alors
n
k
.
l’ordre du sous-groupe cyclique g ⊂ G est PGCD(k,n)
(iii) Soit G un groupe cyclique engendré par g, alors G est aussi engendré par
chaque g k tel que PGCD(k, n) = 1.
(iv) Soit G un groupe cyclique d’ordre n. Si d est un diviseur
n/d de n. Alors G a
exactement un sous-groupe d’ordre d, c’est à dire g
. En outre, il y a
d
exactement d
solutions
à l’équation x = eG et celles-ci sont exactement les
éléments de g n/d .
Remarquons que la proposition précédente implique que l’ordre d’un sousgroupe d’un groupe cyclique G est un diviseur de l’ordre de G, un fait qui suit
aussi du Théorème de Lagrange.
Proposition 1.47 (Groupes cycliques et des morphismes). Soit G un groupe arbitraire et φ : Cn → G un morphisme de groupes. Alors, Imφ est un groupe cyclique
isomorphe à Ck , avec k un diviseur de n.
L’intérêt des groupes cycliques est qu’ils apparaissent souvent, par exemple
comme le groupe additif d’un corps fini. Ils nous permettent aussi de construire
des structures plus complexes, comme des corps finis, qu’on va étudier plus tard.
Comme application on donne déjà la proposition suivante.
Proposition 1.48. Soit Cn un groupe cyclique. Alors
Aut (Cn ) ∼
= {g k ∈ Cn | PGCD(n, k) = 1}.
En particulier, si p est un nombre premier, Zp est un corps commutatif.
1.4. GROUPES COMMUTATIFS DE TYPE FINI
21
Démonstration. Soit g ∈ Cn un générateur et considérons φ ∈ End(Cn ). Alors,
φ(g) = g a pour un certain a ∈ {1, . . . , n} qu’on dénote dans ce cas φ = φa .
Observons que φa est un automorphisme si et seulement si φa (g) est un générateur
de Cn , donc si et seulement si PGCD(a, n) = 1. Donc Aut (Cn ) ∼
= {x ∈ Cn | est un
générateur de Cn } = {g a | PGCD(a, n) = 1}.
Supposons maintenant que p est un nombre premier. Alors, Aut (Cp ) = {g i | i =
1, . . . , p − 1} = {φi | i = 1 . . . , p − 1}.
φi ◦ φj (g) = g ji = φji (g) = φij (g).
De plus, puisque g a = g b si et seulement si a ≡ b(mod p), on trouve que la multiplication modulo p donne une structure de groupe commutatif sur l’ensemble
{1, . . . , p − 1}. Par ailleurs, faisons l’identification (Cp , ·) ∼
= (Zp , +) = ({0̄, 1̄, . . . ,
p − 1}, +), et Aut (Zp ) = {1, . . . , p − 1}. Ecrivons i · ā pour calculer l’image d’un
élement ā ∈ Zp sous l’automorphisme i ∈ Aut (Zp ). Alors, on trouve que φi ∈
Aut (Cp ) est un morphisme, c’est-à-dire,
φi (g a g b ) = φi (g a )φi (g b )
qui s’exprime comme
i · (ā + b̄) = i · ā + i · b̄,
ce qui signifie que · est distributive par rapport à + dans Zp . Donc si on identifie
i ∈ Aut (Zp ) avec ī ∈ Zp , on trouve que Zp est un corps commutatif.
Lemme 1.49. Soient G et H deux groupes finis tels que |G| = |H|. Alors un
morphisme de groupes f : G → H est un monomorphisme si et seulement si f est
un épimorphisme (si et seulement si f est un isomorphisme).
Démonstration. En vertu du premier théorème d’isomorphisme, on obtient que
|G| = |Ker f ||Im f |.
Alors le résultat suit facilement de la Proposition 1.27.
Proposition 1.50.
(i) Soit PGCD(n, k) = 1. Alors Cn × Ck ∼
= Cnk .
(ii) Soit n ∈ N∗ et n = pn1 1 pn2 2 · · · pnk k la décomposition en produit de facteurs
premiers de n. Alors
Cn ∼
= Cpn1 1 × Cpn2 2 × · · · × Cpnk k .
Démonstration. On démontre seulement (i), la deuxième partie suit par répétition.
Comme les deux groupes contiennent le même nombre d’éléments, il suffit de
démontrer qu’il existe un monomorphisme θ : Cnk → Cn × Ck (en utilisant
22
CHAPITRE 1. GROUPES
Lemme 1.49). Alors, soit a (respectivement b et c) un générateur de Cn (resp.
Ck et Cnk ) et définissons
θ(ci ) = (ai , bi ),
pour i ∈ N. Il est clair que θ est un morphisme de groupes. En outre, ai = e
et bi = e est équivalent à i ≡ 0(mod n) et i ≡ 0(mod k). Comme n et k sont
relativement premiers, il suit que i ≡ 0(mod nk), et θ est injective.
1.4.2
Le théorème fondamental des groupes abéliens finis
Notation 1.51. Soit G un groupe de type fini. On dénote par d(G) le nombre
cardinal minimal d’un ensemble générateur de G. Remarquons que d(G) existe et
est fini.
Théorème 1.52 (théorème fondamental - première version). Soit (G, +) un groupe
commutatif fini. Alors il existe une unique suite (d1 , d2 , . . . , dd(G) ), telle que dj+1
divise dj pour tout j entier entre 1 et d(G) − 1, pour laquelle on a l’isomorphisme,
G∼
= (Z/d1 Z) × (Z/d2 Z) × · · · × (Z/dd(G) Z)
Démonstration. Si d(G) = 1, G lui-même est cyclique et l’assertion est évidente.
Pour la suite, raisonnons par induction. Supposons dès lors que d(G) = s ≥ 2 et
que le théorème est satisfait pour tout G0 avec d(G0 ) < s.
On commence par construire un groupe Cm et un morphisme G ∼
= Cm × G0 .
Soit m le plus petit nombre entier strictement positif, tel qu’il existe s générateurs
g1 , . . . , gs qui satisfont la relation (remarquez qu’on utilise la notation additive
pour G)
mg1 + a2 g2 + . . . + as gs = 0,
ai ∈ Z.
(1.3)
Remarque : m est bien défini. En effet, si on prend comme coefficient de chaque
générateur son ordre, il est toujours possible de trouver une relation de ce type
pour chaque collection de générateurs. Donc, en particulier, m est au maximum
l’ordre d’un élément (un générateur) de G. On prouvera qu’il existe toujours un
élément (un générateur) de G qui a comme ordre exactement m.
Divisons ai par m pour i = 2, . . . , s, c’est-à-dire, ai = mqi + ri , ou 0 ≤ ri < m.
Définissons
h1 = g1 + q2 g2 + . . . qs gs .
On peut vérifier (exercice !) que (h1 , g2 , . . . , gs ) est de nouveau une partie génératrice
pour G. Alors, on trouve
(1.3) = mg1 + (mq2 + r2 )g2 + . . . + (mqs + rs )gs
= m(g1 + q2 g2 + . . . + qs gs ) + r2 g2 + . . . + rs qs
= mh1 + r2 g2 + . . . + rs qs
1.4. GROUPES COMMUTATIFS DE TYPE FINI
23
Comme m > 0 était minimal dans (1.3), on trouve que ri = 0 pour i = 2, . . . s, et
alors, mh1 = 0, c’est-à-dire ord(h1 ) = m.
On définit l’application
θ : hh1 i × hg2 , . . . , g2 i → G,
(a, b) 7→ θ(a, b) = a + b.
Il est clair que θ est un morphisme de groupes. De plus, θ est surjective car G est
engendré
Supposons que (a, b) ∈ Ker θ, avec a = lh1 , 0 ≤ l < m
P par h1 , g2 , . . . , gs .P
et b = i bi gi . Alors lh1 + i bi gi = 0. La minimalité de m nous donne que l = 0,
donc a = 0 et aussi b = 0, donc Ker θ est trivial et θ est aussi injective, donc un
isomorphisme.
A ce stade, on a démontré que
G∼
= (Z/mZ) × G0 .
L’argument d’induction implique que
G∼
= (Z/mZ) × (Z/d2 Z) × · · · × (Z/dd(G0 ) Z)
ou di |di+1 pour 2 ≤ i < d(G0 ). Par construction, on sait que d(G0 ) = d(G) − 1.
Démontrons que m est un diviseur de d2 . Soit h2 en générateur de Cd2 ≤ G. Alors
mh1 + d2 h2 = 0. Si on divise d2 par m, c’est à dire, d2 = e2 m + f2 , 0 ≤ f2 < m, on
obtient
m(h1 + e2 h2 ) + f2 h2 + (0g3 + . . . + 0gs ) = 0,
et ceci est en contradiction avec la minimalité de m si f2 6= 0.
On finit cette preuve en contrôlant l’unicité. Le nombre m dans la construction
ci-dessus est unique, étant donnés le groupe G et G ∼
= Cm × G0 , pour un certain
groupe G0 . Ce groupe G0 est de nouveau unique à isomorphisme près, car G0 ∼
=
G/Cm (voir Exemple 1.31(5)). Donc par induction, toute la suite (m, d2 , . . . , ds )
est unique.
Remarque 1.53. Par construction, le nombre d1 est le “plus petit ordre” d’un
générateur de G. Il peut exister des éléments avec un plus petit ordre dans G. Par
d0
exemple, si d1 est paire, d1 = 2d01 et Cd1 = hg1 i, alors ord(g1 1 ) = 2 < d1 .
Le nombre dd(G) a une interprétation plus exacte. C’est l’ordre le plus grand d’un
générateur de G, qui est l’ordre le plus grand parmi tous les ordres d’éléments de
G. De plus, cet ordre est un multiple de l’ordre de chaque élément dans G. On
appelle ce nombre l’exposant de G. En général, on definit l’exposant d’un groupe
G comme le plus petit nombre n ∈ N0 , s’il existe, tel que
g n = eG ,
∀g ∈ G.
De manière équivalente, l’exposant est le plus petit commun multiple des ordres
des éléments si tous ces ordres sont finis et admettent un majorant commun, et
l’infini sinon.
24
CHAPITRE 1. GROUPES
L’exposant d’un groupe fini est nécessairement fini : c’est même un diviseur de
l’ordre du groupe. En effet, dans un groupe fini, l’ordre de chaque élément divise
l’ordre du groupe d’après le théorème de Lagrange.
Tout groupe abélien d’exposant fini contient au moins un élément dont l’ordre
est égal à l’exposant du groupe. En effet, dans un groupe abélien, l’ensemble des
ordres des éléments est stable par PPCM, donc si cet ensemble possède un maximum, cet ordre est multiple de tous les autres.
Corollaire 1.54 (Théorème fondamental - deuxième version). Chaque groupe
abélien fini G est isomorphe à un produit direct des groupes cyclique d’ordre un
puissance d’un nombre premier.
G∼
= Cq1 × Cq2 × · · · × Cqk ,
ou qi = pni i et pi est un nombre premier pour i = 1, . . . , k.
Démonstration. Suit du Théorème 1.52 et Proposition 1.50.
Corollaire 1.55. Soient K un corps commutatif et G un sous-groupe fini du groupe
multiplicatif de K ∗ . Alors G est cyclique.
En particulier, Z∗p , · ∼
= Cp−1 .
Démonstration. Par le théorème fundamental et par la Remarque 1.53, on sait que
g dd(G) = 1 pour tout g ∈ G. Mais l’equation xdd(G) = 1 a au plus dd(G) solutions en
K. Donc la décomposition de G consiste en un groupe cyclique CdG .
Le dernier résultat n’est plus valable pour les corps non-commutatifs. Par
exemple, le groupe multiplicatif du corps des quaternions H, noté Q8 , n’est pas
cyclique.
1.4.3
Groupes abéliens de type fini
Définition 1.56. Soit G un groupe et g ∈ G. On dit que g est de torsion si l’ordre
de g est fini. La torsion T de G est le sous-ensemble de tous les éléments de torsion.
On dit que G est sans torsion si la torsion de G ne contient que l’élément neutre.
Un groupe G est appelé un groupe de torsion si G est égal à sa torsion.
Par exemple, (Q/Z, +) est un groupe de torsion, et (Z, +) est un groupe sans
torsion.
Proposition 1.57. Soit G un groupe abélien, alors la torsion T de G est un sousgroupe de G.
1.4. GROUPES COMMUTATIFS DE TYPE FINI
25
Démonstration. Clairement, eG ∈ T . Considérons deux éléments de torsion, g, h ∈
G, avec o(g) = n et o(h) = m. Soit k = PPCM(n, m). Alors,
(gh−1 )k = g k (hk )−1 = eG ,
et alors T est un sous-groupe par la Proposition 1.14.
Définition 1.58. On dit qu’un groupe G est de type fini si G possède une partie
génératrice finie.
Théorème 1.59. Soit (G, +) un groupe abélien sans torsion de type fini. Alors,
il existe un isomorphisme
G∼
= Zd(G)
Démonstration. Soit d(G) = s et considérons une partie génératice {g1 , . . . , gs }
pour G. On construit un morphisme de groupes
θ : Zs → G,
θ(a1 , . . . , as ) = a1 g1 + . . . as gs .
Alors, θ est surjective parce que les gi sont générateurs pour G. Soit (0, . . . , 0) 6=
(a1 , . . . , as ) ∈ Ker θ. Alors,
a1 g1 + . . . as gs = 0.
Comme G est sans torsion, il existe au moins deux indices i = 1, . . . , s tels que
ai 6= 0. Sans perte de généralité, on peut supposer que a1 6= 0, a1 6= 0 et |a1 | ≥ |a2 |.
Il y a deux cas à discerner,
– Si |a1 − a2 | < |a2 |, on considère les générateurs g1 , g1 + g2 , g3 , . . . , gs , et on a
la relation,
(a1 − a2 )g1 + a2 (g1 + g2 ) + a3 g3 + . . . as gs = 0,
et
|a1 − a2 | + |a2 | + |a3 | + . . . + |as | < |a1 | + |a2 | + |a3 | + . . . + |as |.
– Si |a1 − a2 | ≥ |a2 |, alors nécessairement |a1 + a2 | < |a1 |. Dans ce cas,
considérons les générateurs g1 , g2 − g1 , g3 , . . . , gs , et faisons un calcul similaire :
(a1 + a2 )g1 + a2 (g2 − g1 ) + a3 g3 + . . . as gs = 0,
et
|a1 + a2 | + |a2 | + |a3 | + . . . + |as | < |a1 | + |a2 | + |a3 | + . . . + |as |.
26
CHAPITRE 1. GROUPES
En continuant de diminuer les valeurs absolues des coefficients des générateurs de
cette manière, on arrive après un nombre fini d’étapes à une relation qui contient
seulement un coefficient non-nul. C’est à dire, on obtient un générateur g ∈ G tel
que ag = 0. Puisque G est sans torsion, il suit que g = 0 et on peut éliminer ce
g de la partie génératrice. Alors G est engendré par s − 1 éléments, ce qui est en
contradiction avec la définition de s = d(G).
Lemme 1.60. Tout groupe (G, +) abélien de type fini est isomorphe au produit
direct d’un groupe abélien fini et un groupe abélien sans torsion de type fini.
Démonstration. Soit T la torsion de G. En utilisant Proposition 1.57, on sait que T
est un sous-groupe, donc aussi un sous-groupe normal de G. Considérons le quotient
G/T . Ce quotient est un groupe sans torsion. En effet, considérons g + T ∈ G/T
et supposons que ng + T = T , c’est-à-dire ng ∈ T . Alors ng a un ordre fini, donc
g aussi a un ordre fini, g ∈ T et g + T = T .
Grâce au Théorème 1.59, on sait maintenant que G/T est isomorphe à Z` , pour
` = d(G/T ). Prenons un nombre minimal de générateurs de G/T , g1 +T, .P
. . , g` +T ,
avec gi P
∈ G. Alors, il existe un morphisme f : G/T → G, donné par f ( i (ai gi +
T )) =
i ai gi . Remarquons que f satisfait la propriété que π ◦ f = idG/T , où
π : G → G/T est la projection canonique. En particulier, f est injective.
Considérons le morphisme
θ : T × G/T → G,
θ(t, x) = t + f (x).
Pour vérifier que θ est surjective, considérons un élément g ∈ G. Alors, g−f ◦π(g) ∈
T . En effet, T = Ker π et π(g − f ◦ π(g)) = π(g) − π ◦ f ◦ π(g) = π(g) − π(g) = 0.
Donc g = θ(g − π(g), π(g)) et θ est surjective. On a aussi que θ est injective.
Supposons que θ(t, x) = t + f (x) = 0. Alors t = −f (x) et f (x) a un ordre fini.
Comme f est injective, x a un ordre fini. Alors x = 0, et donc f (x) = t = 0 et θ
est injective. Ceci finalise la démonstration.
Maintenant on arrive au théorème principal de ce paragraphe.
Théorème 1.61. Soit G un groupe abélien de type fini, alors
(i) il existe un ` ≥ 0 et une suite (q1 , q2 , . . . , qt ) de puissances de nombres premiers, unique à réordonnancement près, pour lesquels on a l’isomorphisme,
G∼
= (Z/q1 Z) × (Z/q2 Z) × · · · × (Z/qt Z) × Z`
(ii) il existe un ` ≥ 0 et une unique suite (a1 , a2 , . . . , ak ), telle que aj+1 divise aj
pour tout j entier entre 1 et k − 1, pour lesquels on a l’isomorphisme,
G∼
= (Z/a1 Z) × (Z/a2 Z) × · · · × (Z/ak Z) × Z`
1.5. ACTIONS
27
Démonstration. On déduit directement le résultat du Lemme 1.60, du Théorème 1.52
et du Théorème 1.59.
Définition 1.62. Un sous-ensemble d’un groupe abélien (G, +) est dit linérairement
indépendant si et seulement si la seule combinaison linéaire avec coefficients dans
Z de ces éléments qui est égale à zéro est la combinaison trivial. C’est-à-dire,
{ai }i∈I ⊂ G est linéairement indépendant ssi
X
ni ai = 0, ni ∈ Z
i
implique que ni = 0 pour tout i.
Le rang d’un groupe abélien est le nombre cardinal d’un sous-ensemble linéairement
indépendent maximal. Par le Théorème 1.61, on voit que le rang d’un groupe
G est exactement le nombre ` (utilisant la notation du théorème), et au vu du
Lemme 1.60 et du Théorème 1.59, on déduit que ` = d(G/T ).
Remarque 1.63. Les groupes non-commutatifs ont une structure plus compliquée.
Pour étudier leur structure, on utilise la notion de groupe simple, c’est-à-dire, un
groupe sans sous-groupe normal non-trivial. Les groupes cycliques d’ordre premier
sont simples. Le théorème de Jordan–Hölder décrit un groupe G un termes d’une
suite de sous-groupes normaux G = G0 ⊇ G1 ⊇ . . . ⊇ Gn = {e}, telle que chaque
quotient Gi /Gi+1 est simple.
La classification des groupes simples finis était un projet monumental qui tient
plus de 10.000 pages publiées en majorité entre 1955 et 1985. Des révisions de la
preuve en cours tentent de réduire considérablement ce nombre de pages.
1.5
1.5.1
Actions
Actions libres et transitives
Définition 1.64. Soient (G, ∗, eG ) un groupe et X un ensemble. On dit que G
agit sur X, s’il existe une application
· : G × X → X,
(x, g) 7→ x · g,
telle que
– (g ∗ h) · x = g · (h · x), pour tout x ∈ X et tous g, h ∈ G ;
– eG · x = x, pour tout x ∈ X.
Le morphisme · : G × X → X, soumis aux conditions ci-dessus, est appelé une
action (gauche) de G sur X ; le couple (X, ·) est appelé un G-espace (gauche), ou
simplement un G-ensemble.
Soient (X, ·) et (Y, ·) deux G-espaces. Un morphisme de G-espaces (ou un morphisme de G-ensembles, ou un morphisme de G-actions) de X dans Y est une
28
CHAPITRE 1. GROUPES
application f : X → Y telle que g · f (x) = f (g · x) pour tous x ∈ X et g ∈ G.
On donne quelques premiers exemples.
Exemples 1.65. (1) Tout groupe (G, ∗, eG ) est un G-espace avec l’action naturelle ∗.
G × G → G, (g, x) 7→ g ∗ x = φg (x),
où on a utilisé la notation du Théorème de Cayley φ : G → Sym(G), g 7→
φ(g) = φg . Cette action est appelée l’action par translation (à gauche).
(2) Plus généralement, considérons le groupe G = Sym(X). Alors X est un Gespace avec l’action naturelle suivante (évaluation)
· : G × X → X,
(φ, x) 7→ φ · x = φ(x).
(3) Chaque groupe G agit aussi sur lui-même par conjugaison, c’est-à-dire exp :
G × G → G, exp(g, x) = xg = g −1 xg est une action de G sur G.
Similairement au fait que tout groupe est un groupe de symétries, toute action
est aussi du type de l’exemple (2).
Théorème 1.66. Soit G un groupe. Alors G agit sur un ensemble X si et seulement s’il existe un morphisme de groupes χX : G → Sym(X). En outre, soient X
et Y deux ensembles sur lesquels G agit. Alors f : X → Y est un morphisme de
G-actions si et seulement si f ◦ χX (g) = χY (g) ◦ f , pour tout g ∈ G.
Démonstration. Soit (X, ·) un G-espace. On définit χX par χX (g)(x) = g · x.
Vérifions que χX est un morphisme de groupes.
χX (g ∗ h)(x) = (g ∗ h) · x = g · (h · x) = χX (g) ◦ χX (h)(x).
D’autre part, si χX : G → Sym(X) est un morphisme de groupes, on peut facilement contrôler que
G × X → X, (g, x) 7→ χX (g)(x)
est une action de G sur X.
On laisse la deuxième partie de la preuve en exercice.
Remarque 1.67. Il est aussi possible de définir des actions droites, ou de manière
équivalente, des G-espaces droites. Une action droite est alors une morphisme
X × G → X qui satisfait une axiome d’associativité et d’unité naturelle. De la
même façon que dans le Théorème 1.66, les actions droites correspondent à des
morphismes χX : G → Sym(X)op . Ici le “op” indique qu’on utilise la multiplication opposée ◦op dans Sym(X), c’est-à-dire, φ◦op ψ = ψ◦φ pour tout φ, ψ ∈ Sym(X).
Si on ne l’indique pas, une action dans ce texte signifie toujours une action gauche
(i.e. un espace gauche).
1.5. ACTIONS
29
On introduit quelque types d’actions.
Définitions 1.68. Soit (G, ∗, eG ) un groupe et (X, ·) un G-espace. On dit que
l’action de G sur X est
(i) transitive, ou que X est un G-espace homogène, si et seulement si pour chaque
couple (x, y) ∈ X × X, il existe un élément g ∈ G tel que g · x = y.
(ii) simplement ou strictement transitive, ou X est un G-espace homogène principal, si et seulement si pour chaque couple (x, y) ∈ X × X, il existe un unique
élément g ∈ G tel que g · x = y.
(iii) libre si et seulement s’il existe un x ∈ X tel que g · x = h · x, alors g = h.
(iv) fidèle si et seulement si quels que soient g, h ∈ G différents, il existe un
élément x ∈ X tel que g · x 6= h · x.
Exemples 1.69.
(i) L’action par translation à gauche est libre et transitive.
(ii) L’action naturelle d’un groupe symétrique Sym(X) sur X est fidèle et transitive.
(iii) L’action
(Z, +) × (Q∗ , ·) → (Q∗ , ·),
(n, r) 7→ rn
est fidèle mais pas transitive.
(iv) L’action du groupe
SO(2) =
cos θ − sin θ
sin θ cos θ
| θ ∈ [0, 2π[
(les rotations dans le plan) agit strictement transitivement sur les points du
cercle.
Définitions 1.70. Soit (G, ∗, eG ) un groupe et soit (X, ·) un G-espace.
(1) L’orbite d’un élément x ∈ X est l’ensemble
Ox = {g · x | g ∈ G}.
(2) Le stabilisateur d’un élément x ∈ X est l’ensemble des éléments qui laissent x
invariant sous leur action, c’est à dire
Gx = {g ∈ G | g · x = x} .
(3) L’orbite d’un sous-ensemble Y ⊂ X est l’union des orbites des éléments de Y .
Le stabilisateur de Y est l’intersection des stabilisateurs des éléments de Y .
OY = ∪y∈Y Oy ,
GY = ∩y∈Y Gy .
30
CHAPITRE 1. GROUPES
(4) Les points fixés d’un élément g ∈ G forment l’ensemble des éléments de X
invariants sous l’action de g, c’est à dire
Xg = {x ∈ X | g · x = x}.
(5) Un élément x ∈ X est appelé un point fixé de G si x ∈ Xg pour tout g ∈ G,
c’est-à-dire
XG = ∩g∈G Xg .
On a directement les propriétés suivantes.
Proposition 1.71. Soit G un groupe qui agit sur X.
(i) Considérons l’orbite Ox d’un élément x ∈ X. Alors on peut restreindre l’action de G sur Ox .
(ii) Considérons la relation suivante sur les éléments de X :
x∼y
⇔
x ∈ Oy .
Alors ∼ est une relation d’équivalence sur X. L’ensemble quotient est noté
X/G et consiste en toutes les orbites de X.
(iii) Soit x ∈ X. Alors le stabilisateur Gx est un sous-groupe de G.
Démonstration. (i) Soit g · x ∈ Ox et h ∈ G. Il est clair que h · (g · x) ∈ Ox et ceci
nous donne une action de G sur Ox .
Exemples 1.72. (1) Considérons l’action par conjugaison d’un groupe G sur luimême. Alors les orbites sont exactement les classes de conjugaison. Le stabilisateur d’un élément g ∈ G est le centralisateur de g, CG (g).
(2) Considérons l’action par translation à gauche d’un groupe G sur lui-même. Il
est clair que si A ⊂ G est un sous-ensemble et g ∈ G, alors g∗A = {g∗a | a ∈ A}
est de nouveau un sous-ensemble. Dès lors, G agit sur l’ensemble de ses sousemsembles par translation. Si H < G est un sous-groupe, alors, g ∗ H n’est
en général pas un sous-groupe, mais une classe latérale de H. Donc, l’orbite
d’un sous-groupe H est l’ensemble des classes latérales gauches de H. Par
le Lemme 1.71, on sait maintenant que même si H n’est pas un sous-groupe
normal, le quotient G/H (i.e. l’ensemble de toutes les classes latérales gauches)
est un G-espace (mais pas nécessairement un groupe). L’ensemble de toutes
les classes latérales droites est parfois noté G\H.
Le stabilisateur de H est H. Si on prend H = G, alors l’orbite de G contient
seulement G lui-même.
(3) Soient X = R2 le plan réel et G = SO(2) le groupe des rotations. Alors pour un
point P ∈ X différent de l’origine, l’orbite OP est un cercle avec centre l’origine
O et rayon |OP |. L’action sur cette orbite est l’action de l’Exemple 1.69(iv).
1.5. ACTIONS
31
L’orbite de l’origine O est le singleton {O}. Le stabilisateur de P ne contient
que l’identité, et le stabilisateur de O est égal à G. Pour un élément g 6= e
dans G, l’ensemble Xg ne contient que l’origine.
Les théorèmes suivantes sont facilement vérifiables ; on laisse les démonstrations
comme exercices.
Théorème 1.73 (caractérisation des actions fidèles). Soient G un groupe et X un
G-espace. Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) l’action de G sur X est fidèle ;
(ii) le morphisme χX : G → Sym(X) est injectif ;
(iii) pour tout g ∈ G, X = Xg si et seulement si g = e.
1.74 (Création d’une action fidèle). Soit X un G-espace, et considérons le morphisme de groupes associé χX : G → Sym(X). Soit K le noyau de χX et G0 = G/K.
Alors il existe un morphisme naturel de groupes χ0X : G0 → Sym(X) ; ce morphisme
est injectif et le G0 -espace associé nous donne une action fidèle.
Théorème 1.75 (caractérisation des actions transitives). Soient G un groupe et
X un G-espace. Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) l’action de G sur X est transitive ;
(ii) Ox = X pour tout x ∈ X ;
(iii) Ox = X pour un certain x ∈ X.
Théorème 1.76 (caractérisation des actions libres). Soient G un groupe et X un
G-espace. Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) l’action de G sur X est libre ;
(ii) Xg 6= ∅ ssi g = eG ;
(iii) pour chaque x ∈ X, Gx = {eG }.
En particulier, toute action libre est fidèle.
Définition 1.77. Un torseur est un G-espace X tel que l’application suivante est
bijective
can : G × X → X × X, (g, x) 7→ can(g, x) = (g · x, x)
Théorème 1.78 (caractérisation des actions simplement transitives). Soient G
un groupe et X un G-espace. Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) l’action de G sur X est simplement transitive ;
(ii) l’action de G sur X est libre et transitive ;
(iii) l’action de G sur X est transitive et Gx = {e} pour chaque x ∈ X ;
32
CHAPITRE 1. GROUPES
(iv) X est un G-torseur.
Définition 1.79. Un troupeau est un ensemble X muni d’une opération ternaire
[−, −, −] : X × X × X → X, (x, y, z) 7→ [x, y, z],
qui satisfait les conditions suivantes :
– [x, y, [z, u, v]] = [[x, y, z], u, v], pour tout x, y, z, u, v ∈ X ;
– [x, y, y] = [y, y, x] = x pour tout x, y ∈ X.
Exemples 1.80. Le but du théorème suivant est de caractériser tous les torseurs et
troupeaux. Nous donnons toutefois déjà un exemple de troupeau. Si G un groupe,
alors G est un troupeau avec l’opération suivante :
[−, −, −] : G × G × G → G, (g, h, f ) 7→ [g, h, f ] = gh−1 f.
D’autre part, si (X, [−, −, −]) est un troupeau et e ∈ X est un élément arbitraire,
on peut munir X de la structure d’un groupe avec élément neutre e en définissant
la composition
∗ : X × X → X, (x, y) 7→ x ∗ y = [x, e, y].
On peut vérifier que ∗ est effectivement une composition associative pour X avec
élément neutre e. L’inverse d’un élément x ∈ X est donné par [e, x, e].
L’idée d’un troupeau est qu’il donne toute la structure d’un groupe, mais qu’on
doit encore choisir l’élément neutre. En effet, les troupeaux nous ont “libéré” du
choix (arbitraire) d’un élément neutre dans un groupe, comme la théorie des espaces affins nous a libéré du choix d’un vecteur zéro (ou un origine) dans la théorie
des espaces vectoriels. En effet, les espaces affins sont exactement des exemples de
troupeaux où le groupe associé est un espace vectoriel. La relation précise entre
les espaces, les groupes et les troupeaux est donnée dans le théorème suivant.
On réfère à http ://math.ucr.edu/home/baez/torsors.html pour des exemples
motivés par la physique.
Théorème 1.81 (caractérisation des troupeaux). Soit X une ensemble. Il existe
une correspondance bijective entre les structures suivantes sur X.
(i) Les opérations ternaires X × X × X → X telles que X est un troupeau.
(ii) Les groupes G (à isomorphisme près) tels que X est un G-torseur ;
Démonstration. (i) ⇒ (ii). On sait de l’Exemple 1.80 que si on fixe un élément
arbitraire e de X, on peut munir X de la structure d’un groupe. De plus, chaque
groupe agit par translation sur lui-même, c’est-à-dire
X × X → X, (x, y) 7→ [x, e, y]
1.5. ACTIONS
33
est une action simplement transitive. Donc X est un X-torseur.
(ii) ⇒ (i). Considérons le morphisme inverse can−1 : X × X → G × X. En combinant avec la projection canonique πG : G × X → G on obtient une application
πG ◦ can−1 : X × X → G. On définit
[−, −, −] : X × X × X → X, (x, y, z) 7→ [x, y, z] = πG ◦ can−1 (x, y) · z.
On peut vérifier que cette opération donne la structure d’un troupeau sur X.
Maintenant, on doit encore contrôler que les deux constructions donnent une bijection entre les deux structures. Soit X un troupeau, et faisons les constructions
successives (i) ⇒ (ii) ⇒ (i). Dans ce cas, on peut computer πG ◦ can−1 (x, y) =
xy −1 = [x, e, [e, y, e]]. Alors
[[x, e, [e, y, e]], e, z] = [[x, e, e], y, e], e, z] = [[x, y, e], e, z]
= [x, y, [e, e, z]] = [x, y, z]
et la structure de troupeau sur X est la structure originale.
D’autre part, soit X un G-torseur pour un certain groupe G. Alors X est un
groupe lui-même par les constructions successives (ii) ⇒ (i) ⇒ (ii). On démontre
que G ∼
= X. Soit e ∈ X l’élément choisi dans la construction (i) ⇒ (i). On définit
f : G → X par f (g) = g · e. Alors f est un morphisme de groupes,
f (gg 0 ) = (gg 0 ) · e = g · (g 0 · e) = πG ◦ can−1 (g · e, e) · (g 0 · e) = [(g · e), e, (g 0 · e)]
De plus, f est bijective parce qu’un inverse de f est donné par f −1 (y) = πG ◦
can−1 (y, e) pour tout y ∈ X.
Remarque 1.82. Il suit du Théorème 1.81 que pour chaque G-torseur X, G et
X sont en bijection. De plus, la structure de troupeau associé au groupe G comme
dans l’Exemple 1.80 est isomorphe avec le troupeau X. En effet, fixons un élément
a ∈ X et définissons α : G → X, α(g) = g · a. On vérifie que α est un morphisme
de troupeaux. Soient g, h, f ∈ G, alors
α[g, h, f ] = α(gh−1 f ) = (gh−1 f ) · a
[α(g), α(h), α(f )] = [g · a, h · a, f · a]
= πG ◦ can−1 (g · a, h · a) · (f · a) = gh−1 · (f · a)
où on a utilisé que (g · a, h · a) = (gh−1 h · a, h · a) = can(gh−1 , h · a).
1.83 (Création de troupeaux). Soit X un G-espace. S’il existe un point x ∈ X
avec un stabilisateur trivial Gx = {e}, alors l’action de G sur Ox est transitive et
libre. Par conséquent, Ox est un G-torseur et alors on peut construire le troupeau
associé. Remarquons que Ox est en bijection avec G. En effet, cette bijection est
un isomorphisme de G-espaces. Alors, si l’action initiale de G sur X est libre, toute
34
CHAPITRE 1. GROUPES
orbite est en bijection avec une copie de G. Comme les orbites de X constituent
une partition de X, on trouve que X est isomorphe à un nombre de copies de G,
ce nombre étant donné par le nombre d’orbites. Donc
X∼
= S × G,
où S est un ensemble d’ordre égal au nombre d’orbites différentes.
Par exemple, G = SO(2) agit sur le plan A2 . Si P 6= O, alors, GP = {e} et
OP est un G-torseur. En outre, G agit librement sur le A2 \ {O}. Considérons une
“semi-droite” Y , bornée par O. Alors Y contient exactement un point de chaque
orbite de G sur lequel G agit librement. Alors, on trouve que
A2 \ {O} ∼
= Y × SO(2).
1.5.2
Formule des classes
Le théorème suivant est parfois appelé le théorème des Orbites–Stabilisateurs.
Théorème 1.84 (Formule des classes). Soit G un groupe et X un G-espace. Pour
chaque x ∈ X on a
|Ox | = [G : Gx ]
Démonstration. Il suffit de montrer qu’il existe une bijection
f : Ox → {gGx | g ∈ G} : gx 7→ gGx .
D’abord, f est bien définie :
gx = hx ⇔ h−1 gx = x ⇔ h−1 g ∈ Gx ⇔ gGx = hGx .
Comme les implications sont valables dans les deux directions, f est injective. La
surjectivité de f est claire.
Corollaire 1.85. Soit G un groupe et soit X un G-espace. Si G est fini, alors le
nombre d’éléments dans une orbite est un diviseur de l’ordre du groupe.
Corollaire 1.86. Soient G un groupe et g ∈ G. Alors,
|C(g)| = [G : CG (g)].
Démonstration. C’est une application du fait que la conjugaison est une action de
G sur G et pour cette action, l’orbite de g ∈ G est la classe de conjugaison et le
stablisateur de g est le centralisateur (voir Exemple 1.72)
On donne maintenant une formule pour le nombre des orbites. Cette formule
est intéressante pour caractériser les actions libres (voir 1.83)
1.5. ACTIONS
35
Théorème 1.87. Soit G un groupe fini et soit X un G-espace fini. Soit r le nombre
des orbites dans X. Alors
X
r|G| =
|Xg |.
g∈G
Démonstration. On utilise la méthode de double comptage. Considérons l’ensemble
N = {(x, g) | x ∈ X, g ∈ G, gx = x},
et dénote n = |N |. Pour chaque P
g ∈ G, il existe |Xg | paires dans N avec g comme
deuxième composant. Donc n = g∈G |Xg |. De la même façon, pour chaque
P x ∈ X,
il existe |Gx | paires dans N avec x comme premier composant, donc n = x∈X |Gx |.
Par la formule des classes, on sait que
|Ox | = [G : Gx ] =
donc
|G|
,
|Gx |
X |G|
X 1
= |G|
.
|O
|O
x|
x|
x∈X
x∈X
P
= 1, pour chaque orbite Ox . Donc x∈X
X
|Xg | = r|G|.
n=
n=
Mais
P
1
y∈Ox |Ox |
1
|Ox |
= r et
g∈G
Remarque 1.88. Soit G un groupe fini et soit X un G-espace fini. Considérons
un sous-ensemble Y ⊂ X tel que Y contient exactement un élément de chaque
orbite qui contient plus d’un élément. Alors,
X
Oy .
|X| = |XG | +
y∈Y
Théorème 1.89. Soit G un groupe d’ordre pn (p un nombre premier) et soit X
un G-espace. Alors
|X| ≡ |XG |(mod p)
Démonstration. On utilise les mêmes notations que dans la Remarque 1.88. On
sait que |Oy | est un diviseur de |G| = pn pour chaque y ∈ Y . Donc p est un
diviseur de |Oy | pour chaque y ∈ Y . Alors la formule de la Remarque 1.88 nous
dit que |X| − |XG | est divisible par p.
On termine ce chapitre sur la théorie des groupe avec un théorème qui donne
un inverse partiel pour la théorème de Lagrange. Il existe plus de théorèmes de ce
type, les plus connus sont les théorèmes de Sylow. On refère à la littérature ou aux
cours d’années supérieures pour plus d’informations.
36
CHAPITRE 1. GROUPES
Théorème 1.90 (Cauchy). Soit p un nombre premier et G un groupe fini. Si p
divise l’ordre de G, alors G contient un élément d’ordre p.
Démonstration. Soit
X = {(g1 , . . . , gp ) | gi ∈ G, i = 1, . . . p, et g1 · · · gp = eG }.
Remarquons que X = {(g1 , . . . , gp ) | gi ∈ G, i = 1, . . . p, et gp = (g1 · · · gp−1 )−1 }.
Donc |X| = |G|p−1 . Comme |G| est divisible par p, |X| est divisible par p aussi.
Considérons σ = (1, 2, 3, . . . , p) ∈ Sp . Il y a une action
hσi × X → X
définie par
σ(g1 , . . . , gp ) = (g2 , . . . , gp , g1 ),
et σ i est défini itérativement.
Grâce au Théorème 1.89, |X| ≡ |Xhσi |(mod p). Puisque p divise |X|, on sait
que p divise |Xhσi |. De plus, (e, e, . . . , e) ∈ X, donc |Xhσi | ≥ p. Soit (e, e, . . . , e) 6=
(g1 , g2 , . . . , gp ) ∈ Xhσi . Alors σ(g1 , g2 , . . . , gp ) = (g1 , g2 , . . . , gp ) et par conséquent
g1 = g2 = . . . = gp . Il suit que g1p = g1 g2 · · · gp = e, donc g1 ∈ G est un élément
d’ordre p.
1.6. EXERCICES
1.6
37
Exercices
1. Soit S un ensemble et soit le produit de S défini par ab = b, a, b ∈ S. Montrer
que S est un semi-groupe. Sous quelles conditions S contient-il une unité ?
2. Soient S un semi-groupe et u un élément n’appartenant pas à S. Soit M :=
S ∪ {u} et étendons le produit de S à un produit binaire dans M par ua =
a = au pour tout a ∈ M . Montrer que M est un monoı̈de.
3. Soit G l’ensemble des paires de nombres réels (a, b) où a 6= 0. Posons
(a, b)(c, d) = (ac, ad + b) et 1 = (1, 0).
Vérifier que ceci définit un groupe.
4. Montrer que si un élément a d’un monoı̈de possède un inverse à droite b (i.e.
ab = 1) et un inverse à gauche c (i.e. ca = 1), alors b = c et a est inversible.
Montrer que a est inversible avec inverse b si et seulement si aba = a et
ab2 a = 1.
5. Soient a, b, x, y ∈ G. Prouver que les équations xa = b et ay = b ont chacune
une solution unique x = ba−1 et y = a−1 b.
6. Soit G un ensemble non vide muni d’une loi ∗ associative telle que les
équations xa = b et ay = b ont des solutions uniques x et y dans G, où
a, b ∈ G. Prouver que G est un groupe.
7. Montrer qu’il n’existe que deux groupes de 4 éléments, à isomorphisme près.
8. Montrer que tout groupe d’ordre inférieur ou égal à 5 est abélien.
9. Soit H une partie de G. Montrer que les propositions suivantes sont équivalentes.
(a) H est un sous-groupe de G.
(b) H est non-vide et pour tout x, y ∈ H on a xy −1 ∈ H.
10. Montrer que toute intersection de sous-groupes de G est un sous-groupe de
G.
11. Soit g ∈ G un élément d’ordre n ∈ N0 . Prouver que si g r = 1 pour un certain
entier r, alors n | r.
12. Rappel. Un groupe cyclique G est un groupe qui contient un élément g tel
que le groupe engendré par g soit G tout entier.
Nous allons prouver que tout groupe cyclique est déterminé, à isomorphisme
près, par l’ordre d’un élément g qui l’engendre.
(a) Si g est un élément d’ordre fini m de G, alors le sous-groupe de G
engendré par g contient m éléments.
(b) Supposons que g soit d’ordre infini ; montrer qu’alors (G, .) ∼
= (Z, +).
(c) Supposons que g soit d’ordre fini k ; montrer qu’alors (G, .) ∼
= (Zk , +).
38
CHAPITRE 1. GROUPES
13. Montrer que tout sous-groupe d’un groupe cyclique est cyclique.
14. (a) Montrer qu’un groupe fini d’ordre impair ne peut pas contenir d’involution. (Une involution est un élément d’ordre 2.)
(b) Montrer qu’un groupe fini d’ordre pair possède au moins une involution.
15. Soient H et K deux sous-groupes de G. Soit la fonction
f : H × K → G : (h, k) 7→ hk.
Montrer que :
(a) f est surjective si et seulement si HK = G ;
(b) f est injective si et seulement si H ∩ K = {1}.
Si f bijective, on dit alors que G est le produit direct des sous-groupes H et
K, ce qu’on note par G = H × K.
16. Montrer que si G est fini et que H, K sont deux sous-groupes tels que K < H,
alors |G : K| = |G : H||H : K|.
17. Montrer que tout sous-groupe d’indice 2 de G est normal. Utiliser ceci pour
prouver que An est normal dans Sn .
18. Vérifier que l’intersection de deux sous-groupes normaux d’un groupe G est
un sous-groupe normal de G. Montrer que si H, K E G, alors HK E G.
19. Soient G1 et G2 des groupes simples. Montrer que tout sous-groupe normal
non trivial de G := G1 × G2 est isomorphe à G1 ou à G2 .
20. Soit (Ai )i∈I une famille de groupes abéliens. Pour rappel, leur somme directe
M
Ai
A=
i∈I
comme le sous-ensemble du produit direct Πi∈I Ai consistant en toutes les
familles (xi )i∈I , avec xi ∈ Ai , telles que xi = 0 sauf pour un nombre fini
d’indices i.
1. Vérifier que A est un sous-groupe du produit.
Pour chaque indice j, nous définissons
λj : A j → A
en posant λj (x) égal à l’élément dont la j-ième composante est x, toutes les
autres étant égales à 0.
2. Vérifier que λj est un homomorphisme injectif.
Soient (fi : Ai → B)i∈I une famille d’homomorphismes dans un groupe
abélien B.
1.6. EXERCICES
39
3. Prouver qu’il existe un unique homomorphisme
f :A→B
tel que f ◦ λj = fj pour tout j.
La propriété exprimée dans le point 3 est appelée la propriété universelle de
la somme directe.
21. Etablir un isomorphisme entre (R0 , .) et (Z2 , +) × (R+
0 , .).
22. Déterminer les tables d’addition de (Z/3Z, +) et (Z/6Z, +).
23. Soit G := (Q, +) et soit K := Z. Montrer que G/K est bien défini et est
isomorphe au groupe multiplicatif des nombres complexes de la forme e2πiθ ,
θ ∈ Q.
24. Soit G un groupe. Un commutateur de G est un élément de la forme aba−1 b−1
avec a, b ∈ G. Soit G0 le sous-groupe engendré par les commutateurs, appelé
le sous-groupe dérivé de G. Montrer que G0 est normal dans G. Montrer que
tout homomorphisme de G dans un groupe abélien se factorise par G/G0 .
25. Lemme de Goursat. Soient G, G0 des groupes et H un sous-groupe de
G × G0 tel que les deux projections p1 : H → G et p2 : H → G0 soient
surjectives. Soient N le noyau de p2 et N 0 le noyau de p1 . On peut identifier N
à un sous-groupe normal de G et N 0 à un sous-groupe normal de G0 . Montrer
que l’image de H dans G/N × G0 /N 0 est le graphe d’un isomorphisme
G/N ∼
= G0 /N 0 .
26. Soit M un monoı̈de généré par un ensemble S et supposons que tout élément
de S est inversible. Montrer que M est un groupe.
27. Soit G un groupe abélien et un ensemble générateur périodique fini de G (i.e.
tout générateur a un ordre fini). Montrer que G est fini.
28. Montrer que tout sous-groupe finiment généré du groupe (Q, +, 0) est cyclique. Utiliser ceci pour prouver que ce groupe n’est pas isomorphe au produit direct de deux de ses copies.
29. Soit G un groupe. Montrer que a 7→ a−1 est un automorphisme de groupe si
et seulement si G est abélien, et que si G est abélien, alors a 7→ ak est un
endomorphisme pour tout k ∈ Z.
30. Soit G un groupe, soit GL l’ensemble des translations à gauche aL , a ∈ G.
Montrer que GL Aut (G) est un groupe de transformations de l’ensemble G et
qu’il contient GR . On appelle GL Aut (G) l’holomorphe de G et on le dénote
par Hol (G). Montrer que si G est fini, on a |Hol (G)| = |G||Aut (G)].
31. Soit {Hα } une collection de sous-groupes contenant le sous-groupe normal
K. Montrer que ∩(Hα /K) = (∩Hα )/K.
40
CHAPITRE 1. GROUPES
32. Montrer que lZ ∩ kZ = [l, k]Z et que lZ + kZ = {a + b | a ∈ lZ, b ∈ kZ} =
(l, k)Z où (n, m) est le plus grand commun diviseur de n et m, et [n, m] est
le plus petit commun multiple de n et m.
33. Soit a ∈ G, un groupe, et définissons l’automorphisme interne (ou la conjugaison) Ia comme étant la fonction x 7→ axa−1 dans G. Vérifier que Ia est
un automorphisme. Montrer que a 7→ Ia est un homomorphisme de G dans
Aut (G) avec noyau le centre Z(G) de G. Montrer que Inn(G) := {Ia | a ∈ G}
est un sous-groupe de Aut (G) avec Inn(G) ∼
= G/Z(G). Vérifier que Inn(G) est
un sous-groupe normal de Aut (G). On appelle le groupe des automorphismes
externes le groupe Out(G) := Aut (G)/Inn(G).
34. Déterminer Aut S3 .
35. Soit G un groupe. On dit qu’un sous-groupe H de G est central s’il est
contenu dans le centre Z(G) de G. Montrer que si H est un sous-groupe
central de G, alors H est normal dans G.
36. Existe-t-il un groupe G tel que
(a) G/Z(G) ∼
= C13 ?
(b) G/Z(G) est abélien ?
37. Soit G un groupe commutatif non trivial. Alors les propriétés suivantes sont
équivalentes.
(a) Il existe un morphisme non trivial p : G → G tel que p ◦ p = p ;
(b) Il existe un groupe H non trivial et des morphismes f : G → H et
g : H → G tels que idH = f ◦ g ;
(c) Il existe deux groupes non triviaux G1 et G2 et un isomorphisme G ∼
=
G1 × G2 .
38. Montrer que C15 ∼
= C5 × C3 .
39. Classer les groupes abéliens d’ordre 8 et 12.
40. Démontrer que tout groupe abélien d’ordre pq avec p et q des nombres premiers est cyclique.
41. Soit G un groupe abélien fini. Alors
G(m) := {g ∈ G | g m = e}
est un sous-groupe de G.
42. Soit G un groupe abélien d’ordre pn où n ∈ N0 et p est un nombre premier.
Prouver que G est cyclique si et seulement si G contient exactement p − 1
éléments d’ordre p.
43. Déterminer les groupes abéliens de type fini qui ne contiennent pas de sousgroupe normal non trivial.
1.6. EXERCICES
41
44. (Caractérisation des actions fidèles) Soit G un groupe et soit X un G-espace.
Alors les propositions suivantes sont équivalentes.
(a) G agit fidèlement sur X.
(b) Le morphisme χX : G → Sym(X) est injectif.
(c) Pour tout g ∈ G, X = Xg ⇔ g = e.
45. (Caractérisation des actions transitives) Soit G un groupe et soit X un Gespace. Alors les propositions suivantes sont équivalentes.
(a) L’action de G sur X est transitive.
(b) Pour tout x ∈ X : Ox = X.
(c) Il existe x ∈ X : Ox = X.
46. (Caractérisation des actions libres) Soit G un groupe et soit X un G-espace.
Alors les propositions suivantes sont équivalentes.
(a) L’action de G sur X est libre.
(b) Xg 6= ∅ ⇔ g = e.
(c) pour chaque x ∈ X, Gx = {e}.
47. (Caractérisation des actions simplement transitives) Soit G un groupe et soit
X un G-espace. Alors les propositions suivantes sont équivalentes.
(a) L’action de G sur X est simplement transitive.
(b) L’action de G sur X est libre et transitive.
(c) L’action de G sur X est transitive et Gx = {e} pour tout x ∈ X.
(d) X est un G-torseur.
48. Soit G un groupe. Considérons l’action diagonale de G × G sur G donnée par
(g, h) · x = g −1 xh.
Prouver que l’action est fidèle si et seulement si le centre de G est trivial.
49. Trouver les orbites et les points fixes des actions de G sur X dans les cas
suivants. Déterminer pour chacun si l’action est transitive, simplement transitive, primitive, n-transitive, libre ou fidèle.
(a) AGL2 (R) sur R2 muni de l’action naturelle.
(b) GL2 (R) sur R \ {(0, 0)} muni de l’action naturelle.
(c) G sur G agissant par multiplication à gauche.
(d) G sur G agissant par conjugaison.
(e) G × G sur G muni de l’action diagonale.
(f) Sym(E) sur l’ensemble E muni de l’action naturelle.
42
CHAPITRE 1. GROUPES
(g) GL(V ), le groupe linéaire d’un espace vectoriel V de dimension finie,
sur ð, l’ensemble des bases de V , où l’action est donnée par
(f, (ei )i∈I ) 7→ (f (ei ))i∈I .
(h) Le groupe des rotations du plan réel
cos θ − sin θ
SO(2) :=
| θ ∈ [0, 2π[
sin θ cos θ
agissant sur le cercle unité S1 du plan réel.
50. Construire une action fidèle, mais pas transitive.
51. Soit G un groupe agissant sur lui-même par multiplication à droite. Prouver que l’action de G sur les classes latérales d’un sous-groupe H de G est
primitive si et seulement si H est maximal dans G.
52. Soit G un groupe agissant sur S, soit H un groupe agissant sur T . Supposons
que S ∩ T = ∅. Posons U := S ∪ T et définissons pour g ∈ G, h ∈ H, s ∈ S,
t ∈ T : (g, h) · s = gs et (g, h) · t = ht. Montrer que ceci définit une action de
G × H sur U .
Chapitre 2
Anneaux et Modules
2.1
Anneaux : définitions et exemples
Définitions 2.1. (1) Un anneau (A, +, ·) est un ensemble A, muni de deux opérations
binaires + : A × A → A (l’addition) et · : A × A → A (la multiplication), qui
sont soumis aux conditions suivantes :
(a) (A, +) est un groupe commutatif, avec un élément neutre (appelé le zéro)
noté 0 ;
(b) (A, ·) est un monoı̈de, avec un élément neutre (appelé l’unité) noté 1 ;
(c) deux lois de distributivité : (r + s) · t = r · t + s · t et r · (s + t) = r · s + r · t,
pour tous r, s, t ∈ A.
(2) Un anneau (A, +, ·) est appelé commutatif si et seulement si (A, ·) est un
monoı̈de commutatif.
(3) Un anneau (A, +, ·) est appelé un corps si et seulement si (A \ {0}, ·) est un
groupe.
(4) Un anneau (A, +, ·) est appelé un corps commutatif ou un champ si et seulement
si (A \ {0}, ·) est un groupe commutatif.
Remarque 2.2. (1) Les axiomes dans la définition d’un anneau (et ses variations)
ne sont pas tous indépendants. Par exemple, il est clair que pour un anneau
commutatif, les deux lois de distributivité sont équivalentes. En outre, pour
chaque anneau A, la commutativité de la loi additive suit d’autres axiomes
comme le montre l’argument suivant. Pour tous a, b ∈ A,
(a + b) · (1 + 1) = a · (1 + 1) + b · (1 + 1) = a + a + b + b.
Mais aussi
(a + b) · (1 + 1) = (a + b) · 1 + (a + b) · 1 = a + b + a + b.
43
44
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Alors, a + b = b + a parce que (A, +) est un groupe et donc satisfait les lois de
simplifications.
(2) Néanmoins, il est possible de considérer des variations plus “exotiques” de la
définition d’un anneau. Par exemple des anneaux sans unité, non-associatifs
ou sans inverse pour l’addition sont des objets bien étudiés dans la littérature.
On a quelques propriétés immédiates :
Proposition 2.3. Soit A un anneau. Alors on a pour tout a ∈ A,
(i) a · 0 = 0 = 0 · a
(ii) a · (−1) = −a = (−1) · a
Démonstration. (i). Dénotons par −0 · a l’inverse additif de 0 · a. Alors, on trouve
par la distributivité
0 · a = 0 · a + 0 · a + (−0 · a) = (0 + 0) · a + (−0 · a)
= 0 · a + (−0 · a) = 0
Un calcul similaire donne a · 0 = 0.
(ii). Par la partie (i), il suit que
a + ((−1) · a) = 1 · a + ((−1) · a) = (1 + (−1)) · a = 0 · a = 0,
et donc (−1) · a = −a. De la même façon, a · (−1) = −a.
Exemples 2.4. (1) L’anneau nul, 0 = {0}, avec addition 0 + 0 = 0 et multiplication 0 · 0 = 0. Alors 0 est même un corps commutatif. De plus, c’est le seul
anneau avec la propriété que 1 = 0. En effet, ceci suit du fait que dans ce cas
r = r · 1 = r · 0 = 0 pour tout r ∈ R.
(2) Des anneaux bien connus sont l’anneau (commutatif) des nombres entiers Z ; le
corps (commutatif) des nombres rationnels (ou les fractions) Q ; le corps (commutatif) des nombres réels R et le corps (commutatif) des nombres complexes
C.
(3) Les quaternions H = {a + bi + cj + dk | a, b, c, d ∈ R}, avec l’addition et la
multiplication données par les formules suivantes
(a + bi + cj + dk) + (a0 + b0 i + c0 j + d0 k)
= (a + a0 ) + (b + b0 )i + (c + c0 )j + (d + d0 )k,
i2 = j 2 = k 2 = −1,
ij = −ji = k;
est un exemple d’un corps non-commutatif.
2.1. ANNEAUX : DÉFINITIONS ET EXEMPLES
45
(4) Si n ∈ N, alors Cn , le groupe cyclique d’ordre n admet une structure d’anneau
avec le groupe cyclique comme groupe additif. On sait que Cn ∼
= Zn , le groupe
additif avec l’addition modulo n. La multiplication modulo n donne exactement
une structure d’un anneau sur Zn . En outre, Zn est un corps si et seulement
si n = p est un nombre premier. On traitera les corps finis plus profondément
au Paragraphe 2.9.
(5) Soit R un P
anneau, alors on peut construire un nouvel anneau de polynômes
R[X] = { ni=0 ai X i | n ∈ N, ai ∈ R, i = 0, . . . n}, ou X ∈
/ R est une
indéterminée sur R. L’addition et la multiplication sont données par les formules (où on suppose que n < m)
n
X
i
ai X +
i=0
n
X
bi X
i
=
n
X
i=0
!
ai X i
m
X
·
i=0
m
X
i
(ai + bi )X +
i=0
!
bi X i
=
bi X i
i=n+1
!
nm
X
X
i=0
k·`=i
i=0
m
X
ak b `
Xi
Ittérativement, cette construction nous donne l’anneau R[X1 , X2 , . . . , Xk ] des
polynômes en n variables sur R,
(n n
)
nk
1 X
2
X
X
R[X1 , X2 , . . . , Xk ] =
···
ai1 i2 ···ik X1i1 X2i2 · · · Xkik | n1 , n2 , . . . , nk ∈ N, ai1 i2 ···ik ∈ R
i1 =0 i2 =0
ik =0
Un élément de R[X1 , . . . , Xk ] de la forme
X1i1 X2i2 · · · Xkik ,
est appelé un monôme. La multiplication dans R[X1 , . . . , Xk ] est complètement
déterminée par la multiplication des monômes :
(X1i1 X2i2 · · · Xkik ) · (X1j1 X2j2 · · · Xkjk ) = (X1i1 +j1 X2i2 +i2 · · · Xkik +jk ).
Si R est commutatif, les anneaux de polynômes sur R sont de nouveaux commutatifs.
(6) L’anneau de polynômes
R[X, X −1 ] = {
n
X
ai X i | n, m ∈ N, ai ∈ R, i = −m, . . . , n}
i=−m
est appelé l’anneau des polynômes de Laurent. Si R = C, on peut interpréter
un polynôme de Laurent comme un série de Laurent avec seulement un nombre
fini de coefficients non nuls. Bien sûr, ittérativement il est possible de construire
des polynômes de Laurent en plusieurs variables.
46
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(7) Soient R et S deux anneaux. Alors on peut construire le produit direct R × S =
{(r, s) | r ∈ R, s ∈ S}. C’est de nouveau un anneau avec les formules
(r, s) + (r0 , s0 ) = (r + r0 , s + s0 )
1 = (1R , 1S )
(r, s) · (r0 , s0 ) = (r · r0 , s · s0 )
0 = (0R , 0S )
Ittérativement, il est possible de construire le produit R1Q× R2 × · · · × Rn d’un
nombre fini d’anneaux R1 , . . . , Rn et aussi le produit i∈I Ri d’une famille
arbitraire d’anneaux (Ri )i∈I . En particulier, on peut considérer le produit d’un
nombre de copies d’un seul anneau R. Remarquons que dans ce cas, le produit
de |I| copies de R, pour un certain ensemble d’indices I peut être identifié avec
l’anneau RI = App(I, R), avec les formules
(f + g)(x) = f (x) + g(x),
f g(x) = f (x)g(x),
∀f, g ∈ RI , ∀x ∈ I et les elements neutres
0(x) = 0R ,
1(x) = 1R ,
∀x ∈ I.
En particulier, si |I| = 2, RI = R × R.
(8) Soient M un monoı̈de et R un anneau. Pour chaque x ∈ M on introduit
un symbole ux . On introduit un nouvel anneau R[M ], appelé un anneau de
monoı̈de, comme
X
R[M ] = {
rx ux | rx ∈ R, rx = 0 pour tous x sauf un nombre fini}
x∈M
La somme et la multiplication sont données par les formules
X
X
X
rx ux +
sx ux =
(rx + sx )ux ;
x∈M
X
x∈M
rx ux ·
x∈M
X
y∈M
sy uy =
x∈M
X
xy∈M
rx sy uxy =
X
rx sy uz .
xy=z∈M
L’unité est ue .
Si M = G est un groupe, on dit que R[G] est un anneau de groupe. Si on
considère le monoı̈de M = N (les nombres naturels), alors l’anneau de monoı̈de
R[N] est exactement R[X], l’anneau de polynômes (à isomorphisme près). Si on
considère le monoı̈de Nk , alors l’anneau de monoı̈de R[NI ] est R[X1 , . . . , Xk ].
Si G = Z, alors l’anneau de groupe R[Z] est l’anneau de polynômes de Laurent.
(9) Soit T = {a1 a2 . . . ak | k ∈ N, ai ∈ S = {X1 , . . . , Xn }} le monoı̈de libre sur
not
l’alphabet S (voir Proposition 1.33), alors l’anneau R[T ] = R hX1 , . . . , Xn i
est l’anneau libre sur n éléments. Parfois cet anneau est appelé l’anneau de
polynômes en n variables non-commutatives. Remarquons que R[X] = R hXi.
2.1. ANNEAUX : DÉFINITIONS ET EXEMPLES
47
(10) En général, il y a plusieurs possibilités pour introduire et étudier des variables
non commutatives. Un exemple motivé par la physique quantique est l’Algèbre
de Weyl
( n m
)
XX
W =
ai,j xi pj | n, m ∈ N, ai,j ∈ K ,
i=0 j=0
K un corps, avec la règle de multiplication xp − px = 1.
(11) Soit R un anneau. L’anneau des matrices sur R est défini comme Matn (R) =
{(aij )i,j=1,...,n | aij ∈ R} avec les formules suivantes
(aij )i,j + (bij )i,j = (aij + bij )i,j
!
X
(aij )i,j · (bij )i,j =
aik bkj
k
i,j
L’élément neutre pour la multiplication est noté In = (δij )i,j , avec δij le symbole
de Kronecker.
(12) Si R est un anneau, Rop est l’anneau sur le même ensemble sous-jacent avec
la même addition, mais la multiplication renversée, c’est-à-dire
a ·op b = b · a,
pour tous a, b ∈ Rop = R, où ·op est la multiplication dans Rop et · est la
multiplication dans R.
Définitions 2.5. Soient R, S et T des anneaux.
(1) Un (homo)morphisme f : R → S d’anneaux est une application telle que
f (a + b) = f (a) + f (b),
f (a · b) = f (a) · f (b),
f (1R ) = 1S ;
pour tout a, b ∈ R.
(2) Un morphisme d’anneaux f : R → S est appelé un monomorphisme si et
seulement si pour tous deux morphismes d’anneaux g, h : T → R, on a
f ◦g =f ◦h
⇒
g = h.
(3) Si R → S est un monomorphisme, on dit que S est une extension d’anneau de
R.
(4) Un morphisme d’anneaux f : R → S est appelé un épimorphisme si et seulement si pour tous deux morphismes d’anneaux g, h : S → T , on a
g◦f =h◦f
⇒
g = h.
48
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(5) Un morphisme d’anneaux f : R → S est appelé un isomorphisme si et seulement s’il existe une application f −1 : S → R tel que
f −1 ◦ f = idR
f ◦ f −1 = idS .
(6) Un endomorphisme d’anneaux est un morphisme d’anneaux f : R → R, un
automorphisme d’anneaux est un isomorphisme d’anneaux f : R → R.
Théorème 2.6. Soit f : R → S un morphisme d’anneaux.
(i) f est injective si et seulement si f est un monomorphisme.
(ii) Si f est surjective, alors f est un épimorphisme.
(iii) f est un isomorphisme si et seulement si f est bijective ; dans ce cas f −1 est
un morphisme d’anneaux.
Démonstration. (i). On démontre seulement qu’un monomorphisme est injectif,
l’autre implication est triviale. Supposons que f (r) = f (r0 ) pour r, r0 ∈ R. Considérons alors l’anneau T = R[X], et définissons g, h : T → R par g(X) = r et
h(X) = r0 (voir Proposition 2.9). Alors f ◦ g(X) = f (r) = f (r0 ) = f ◦ h(X) et donc
de même f ◦ g(t) = f ◦ h(t) pour tout t ∈ T . Puisque f est un monomorphisme on
trouve que g = h, et donc r = g(X) = h(X) = r0 et f est injective.
(ii). Trivial.
(iii). La première partie de l’assertion est claire. On vérifie que f −1 est un morphisme d’anneaux. Pour tous s, s0 dans S on trouve
f −1 (s + s0 ) = f −1 f (f −1 (s)) + f (f −1 (s0 ))
= f −1 f (f −1 (s) + f −1 (s0 )) = f −1 (s) + f −1 (s0 )
Similairement f −1 (s · s0 ) = f −1 (s) · f −1 (s0 ). Finalement
f −1 (1S ) = f −1 (f (1R )) = 1R .
Remarque 2.7. Les définitions de monomorphisme et d’épimorphisme telles qu’on
les a introduites pour les anneaux sont les définitions les plus générales (et donc
les plus correctes). Dans la théorie des groupes (et donc en particulier les espaces
vectoriels), on peut utiliser la définition plus facile d’un monomorphisme (respectivement un épimorphisme) d’être un morphisme injectif (respectivement surjectif).
Exemples 2.8.
1. Pour chaque anneau R, il existe un unique morphisme f :
Z → R donné par f (1Z ) = 1R , et donc
f (n) = 1R + . . . + 1R .
{z
}
|
n
En particulier, le seul morphisme d’anneaux Z → Z est l’identité. Le morphisme Z → Q est injectif, le morphisme Z → Zn est surjectif et le morphisme
Z → Zn [X] n’est ni injectif ni surjectif.
2.1. ANNEAUX : DÉFINITIONS ET EXEMPLES
49
2. Il est important de remarquer que la réciproque du Théorème 2.6(ii) est
fause. En effet, le morphisme Z → Q est un épimorphisme. Soit T un anneau
et supposons que h, g : Q → T sont deux morphismes tels que g(m) = h(m)
pour tout m ∈ Z ⊂ Q. Alors, on trouve pour chaque r = pq ∈ Q avec p ∈ Z,
q ∈ Z0 ,
g(p) = g(qr) = g(q)g(r).
De plus, q −1 ∈ Q, donc h(q)−1 = h(q −1 ) ∈ T et g(q)−1 = g(q −1 ) ∈ T . On
peut conclure
g(r) = g(q)−1 g(p) = h(p)−1 h(p) = h(r),
3.
4.
5.
6.
7.
8.
et dès lors g = h et Z → Q est un épimorphisme. Remarquons aussi que le
morphisme Z → Q est un épimorphisme et un monomorphisme, mais pas un
isomorphisme.
Soit R un anneau, il existe un unique morphisme f : R → 0, donné par
f (r) = 0 pour tout r ∈ R.
Soient R et S deux anneaux, alors la projection πR : R × S → R, πR (r, s) = r
est un morphisme d’anneaux surjectif. L’application d’échangement σ : R ×
S → S × R, σ(r, s) = (s, r) est un isomorphisme d’anneaux.
Comme dans le cas des groupes, on a un isomorphisme d’anneaux Z6 ∼
=
Z2 × Z3 . En général, Znm ∼
= Zn × Zm si PGCD(n, m) = 1.
Pour tout monoı̈de M et tout anneau R, on a un morphisme ι : R →
R[M ], ι(r) = rue . Il est clair que ι est injective. En particulier, on a des
monomorphismes naturels R → R[X1 , . . . , Xn ] et R → R hX1 , . . . , Xn i.
Pour tout anneau R et tout n ∈ N0 , on a un monomorphisme d’anneaux
R → Matn (R), r 7→ rIn .
Si R est commutatif, alors l’application identique est un isomorphisme R ∼
=
Rop .
Proposition 2.9 (propriété universelle de l’algèbre libre). Soit φ : R → S un
morphisme d’anneaux. L’algèbre libre sur n éléments sur R satisfait la propriété
universelle suivante. Pour tout n-uple d’éléments a = (a1 , . . . , an ) ∈ S n , il existe
un unique morphisme φa : R hX1 , . . . , Xn i → S tel que φa |R = φ et φa (Xi ) = ai .
R _
ι
φ
5/
S
∃!φa
R hX1 , . . . , Xn i
Démonstration. On définit φa (Xi ) = ai pour tout i = 1, . . . , n. Si m et m0 sont
deux mots sur l’alphabet {X1 , . . . , Xn }, et r, r0 ∈ R, on définit aussi
φa (rm + r0 m0 ) = φ(r)φa (m) + φ(r0 )φa (m0 );
φa (mm0 ) = φa (m)φa (m0 ).
50
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Alors φa est un morphisme d’anneaux et parce que l’unité de R hX1 , . . . , Xn i est
le mot vide, on trouve que φa |R = φ.
Pour voir que ce morphisme est unique,
il suffit de faire l’observation suivante.
P
Soit t ∈ R hX1 , . . . , Xn i, alors t = i ri mi , ou ri ∈ R et mi sont des mots sur
l’alphabet {X1 , . . . , Xn }. Comme φa est un morphisme d’anneaux, on trouve
X
X
X
φa (t) =
φa (ri mi ) =
φa (ri )φa (mi ) =
φ(ri )φa (mi ).
i
i
i
Alors, φa est complètement déterminé par la valeur sur les mots mi . Soit m =
Xi1 Xi2 · · · Xik un mot. Alors,
φa (m) = φa (Xi1 Xi2 · · · Xik ) = φa (Xi1 )φa (Xi2 ) · · · φa (Xik ) = ai1 ai2 · · · aik .
Et on voit que φa est déjà déterminé par l’image des indéterminées Xi .
Définition 2.10. Soit R → T un morphisme d’anneaux et {X1 , . . . , Xn }. On dit
que T satisfait la propriété universelle de l’algèbre libre sur les variables {X1 , . . . , Xn }
si pour tous les morphismes d’anneaux φ : R → S et pour tout n-uple d’éléments
a = (a1 , . . . , an ) ∈ S n , il existe un unique morphisme φa : R hX1 , . . . , Xn i → S tel
que φa |R = φ et φa (Xi ) = ai .
Théorème 2.11. Soient T et T 0 deux extensions d’anneaux de R qui satisfont la
propriété universelle de l’algèbre libre sur les variables {X1 , . . . , Xn }, respectivement {X10 , . . . , Xn0 }. Alors, il existe un unique isomorphisme φ : T → T 0 tel que
φ|R = idR et φ(Xi ) = Xi0 pour tout i = 1, . . . , n.
Par conséquent, si T est une extension de R qui satisfait la propriété universelle
de l’algèbre libre sur les variables {X1 , . . . , Xn }, alors T ∼
= R hX1 , . . . , Xn i.
Démonstration. La propriété universelle de T nous donne un unique morphisme
φ : T → T 0 tel que φ|R = idR et φ(Xi ) = Xi0 . De la même façon, la propriété
universelle de T 0 nous donne un unique morphisme ψ : T 0 → T tel que ψ|R = idR
et ψ(Xi0 ) = Xi .
Alors, ψ ◦ φ : T → T satisfait ψ ◦ φ|R = idR et ψ ◦ φ(Xi ) = Xi . La propriété
universelle de T nous dit qu’il existe seulement un morphisme avec ces propriétés.
Par conséquent, ψ ◦ φ = idT . De la même façon, φ ◦ ψ = idT 0 .
2.2
Modules
Définitions 2.12. (1) Soit R un anneau, un R-module à gauche M , est un groupe
commutatif (M, +) muni d’une action de R
R × M → M,
(r, m) 7→ r · m,
2.2. MODULES
51
soumise aux conditions suivantes
(r · s) · m = r · (s · m),
1R · m = m.
(2) Similairement, on définit un R-module à droite M , avec une action M × R →
M.
(3) Un morphisme de modules à gauche f : M → N est une application telle que
f (m + m0 ) = f (m) + f (m0 ),
f (r · m) = r · f (m);
(morphisme de groupes)
pour tous m, m0 ∈ M , r ∈ R. Un monomorphisme est un morphisme injectif, un épimorphisme est un morphisme surjectif et un isomorphisme est un
morphisme bijectif.
Exemples 2.13. (1) Si R = K un corps, un module est un espace vectoriel. Dans
ce cas, un morphisme de modules est exactement une application linéaire.
(2) Si R = Z, un module est exactement un groupe abélien. Les morphismes de
groupes sont exactement les morphismes de Z-modules.
(3) Pour chaque anneau R, R lui-même est un R-module à gauche (resp. à droite),
appelé le R-module régulier à gauche (resp. à droite).
(4) Si R est commutatif, chaque R-module à gauche est aussi un R-module à
droite avec la même action. En plus grande généralité, si M est un R-module
à gauche pour un anneau arbitraire R, alors M est un R-module à droite pour
l’anneau Rop .
(5) Soit X un G-espace, introduit des symboles formels vx pour chaque x ∈ X.
Alors
(
)
X
RX =
rx vx | rx ∈ R, seulement un nombre fini des rx est non nul
x∈X
est un RG-module.
P Si f : XP→ Y est un morphisme de G-espaces, alors
φ : RX → RY, φ( x rx vx ) = x rx vf (x) est un morphisme de RG-modules.
(6) Si M est un R-module à droite, alors A = End(M ) est un anneau avec les lois
(f + g)(m) = f (m) + g(m)
(f g)(m) = (f ◦ g)(m)
(1)(m) = m
pour tous f, g ∈ End(M ) et m ∈ M . En outre, M est un A-module à gauche
avec l’action
f · m = f (m),
pour tous f ∈ End(M ), m ∈ M .
52
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(7) R[X] est un R-module (à gauche), avec l’action
r·
n
X
n
X
ri X =
(rri )X i .
i=1
i=1
i
(8) Soit φ : R → S un morphisme d’anneaux, alors S est un R-module à gauche
avec l’action
r · s = φ(r)s,
pour tous r ∈ R et s ∈ S. De façon similaire, S est un R-module à droite.
L’exemple précédent est un cas particulier. Une autre application nous donne
que Mat(R) est un R-module.
Comme des modules sont tout d’abord des groupes commutatifs, quelques
constructions de la théorie des groupes s’appliquent directement sur les modules. Il
reste simplement à vérifier si l’action de l’anneau est préservée par les constructions
respectives.
2.14. Constructions sur des modules
(1) Soit (Mi )i∈I une famille des modules à droite sur un anneau R. La somme
directe de cette famille est le module à droite
M
Mi = {(mi )i∈I | mi ∈ Mi , ∀i ∈ I; mi = 0 sauf pour un nombre fini d’indices i ∈ I},
i∈I
avec les formules de structure suivantes
(mi )i∈I + (ni )i∈I = (mi + ni )i∈I
(mi )i∈I · r = (mi · r)i∈I
(2) Soit (Mi )i∈I une famille des modules à droite sur un anneau R. Le produit
direct de cette famille est le module à droite
Y
Mi = {(mi )i∈I | mi ∈ Mi , ∀i ∈ I},
i∈I
avec les formules de structure suivantes
(mi )i∈I + (ni )i∈I = (mi + ni )i∈I
(mi )i∈I · r = (mi · r)i∈I .
L
Q
Clairement i∈I Mi ⊂ i∈I Mi . Remarquons aussi que si |I| < ∞, la somme
directe et le produit direct coı̈ncident. Pour tout i ∈ I on a un
Q monomorphisme
naturel ιi : Mi → ⊕i∈I Mi et un épimorphisme naturel πi : i∈I Mi → Mi .
2.3. SOUS-ANNEAUX ET IDÉAUX
53
(3) Soit M un R-module droit. Un sous-module N ⊂ M est un sous-ensemble
qui est lui-même un R-module à droite avec la structure de groupe de M et
l’action de R sur M restreinte à N . Comme pour les espaces vectoriels, il n’est
pas difficile de démontrer que N est un sous-module si et seulement si
rm + sn ∈ N,
pour tous m, n ∈ N et tous r, s ∈ R. Si f : M → M 0 est un morphisme de
R-modules à droite, alors le noyau
Ker f = {m ∈ M | f (m) = 0}
est un sous-module de M et l’image
Im f = {f (m) | m ∈ M }
est un sous-module de M 0 .
(4) Si M est un R-module à droite et N ⊂ M est un sous-module, on peut
construire le quotient M/N comme groupe commutatif. Alors, M/N est un
R-module à droite avec l’action de R donnée par
mN · r = (m · r)N
pour tous m ∈ M et r ∈ R. La projection πN : M → M/N est un morphisme
de R-modules.
Théorème 2.15 (Premier théorème d’isomorphisme pour les modules.). Soit R
un anneau et f : M → N un morphisme de R-modules (droits). Alors il existe un
isomorphisme naturel
f¯ : M/Ker f → Im f, f¯(mKer f ) = f (m).
Démonstration. Ce théorème suit directement de le premier théorème d’isomorphisme pour les groupes (Théorème 1.30) et l’observation immédiate que f¯ est un
morphisme de R-modules.
2.3
Sous-anneaux et Idéaux
Définition 2.16. Soit R un anneau. Un sous-anneau S ⊂ R est un sous-ensemble
de R tel que S est lui-même un anneau avec les opérations de R restreintes à S et
avec les mêmes zéro et unité de R.
Théorème 2.17. Soit S un sous-ensemble d’un anneau R. Alors S est un sousanneau si et seulement si
54
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(i) pour tous a, b ∈ S, a − b ∈ S
(ii) pour tous a, b ∈ S, a · b ∈ S ;
(iii) 1 ∈ S.
Démonstration. Par Proposition 1.14 la condition (i) implique que (S, +) est un
sous-groupe de (R, +). Les conditions (ii) et (iii) impliquent que (S, ·) est un
sous-monoı̈de de (R, ·). Alors S est un sous-anneau de R.
Exemples 2.18.
1. On a une chaı̂ne de sous-anneaux classique
Z ⊂ Q ⊂ R ⊂ C ⊂ H.
2. Bien sûr il y a encore beaucoup d’anneaux intermédiaires. Par exemple,
considérons les anneaux suivants
Z[i] = {n + mi | m, n ∈ Z, i2 = −1}
Q[i] = {p + qi | p, q ∈ Q, i2 = −1}
avec l’addition et la multiplication naturelles. Alors Z[i] ⊂ Q[i] ⊂ C.
3. Soit R un anneau. Alors on a une chaı̂ne de sous-anneaux
R ⊂ R[X1 ] ⊂ R[X1 , X2 ] ⊂ R[X1 , X2 , X3 ] ⊂ ...
Mais aussi R ⊂ R[X1 , . . . , Xn ] ⊂ R hX1 , . . . , Xn i.
4. Soit
Dn (R) = {(aij )i,j=1,...,n | aij ∈ R, aij = 0 si i 6= j}
i.e. Dn (R) est l’anneau des matrices diagonales. Soit
Tn (R) = {(aij )i,j=1,...,n | aij ∈ R, aij = 0 si i > j}
i.e. Tn (R) est l’anneau des matrices triangulaires supérieures. Alors on a une
chaı̂ne de sous-anneaux
Dn (R) ⊂ Tn (R) ⊂ Matn (R).
5. Soit R un anneau. On définit le centre de R comme l’anneau commutatif
Z(R) = {r ∈ R | r · s = s · r, ∀s ∈ R}
Alors, Z(R) est un sous-anneau de R.
2.3. SOUS-ANNEAUX ET IDÉAUX
55
2.19 (L’image et le noyau d’un morphisme d’anneaux). Soit f : R → S un
morphisme d’anneaux. On définit
Ker f = {r ∈ R | f (r) = 0S };
Im f = {f (r) | r ∈ R}.
On peut vérifier que Im f est sous-anneau de S. Cependant, en général, Ker f n’est
pas un sous-anneau de R. En effet, supposons que 1R ∈ Ker f i.e. f (1R ) = 0S . Or,
f (1R ) = 1S . Il suit que si S 6= 0, Ker f n’est pas un sous-anneau. Ceci indique qu’on
a besoin d’une nouvelle notion afin d’écrire le noyau d’un morphisme d’anneaux.
Définition 2.20. Un idéal à gauche I / R est un sous-ensemble de R qui est sousmodule du R-module régulier gauche. Un idéal à droite est un sous-ensemble de R
qui est un sous-module du R-module régulier droite. Un idéal bilatère est un idéal
à gauche qui est aussi un idéal à droite.
La démonstration du lemme suivante est un exercice facile.
Lemme 2.21. Soit L un sous-ensemble non-vide d’un anneau R. Alors, les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) L est un idéal à gauche sur R ;
(ii) (a) pour tous x1 , x2 ∈ L, x1 − x2 ∈ L,
(b) pour tous x ∈ L et r ∈ R, rx ∈ L ;
(iii) pour tous x1 , x2 ∈ L et tous r1 , r2 ∈ R, r1 x1 + r2 x2 ∈ L.
Exemples 2.22. (1) Pour tout anneau R, {0} et R sont des idéaux gauches, droits
et bilatères. Un idéal différent de R et {0} est appelé un idéal propre.
(2) Tous les idéaux de Z sont de la forme nZ pour un élément n ∈ Z.
(3) Soit R un anneau et a ∈ R. Alors Ra = {ra | r ∈ R} est un idéal gauche, appelé
l’idéal principal gauche, associé à a. C’est le plus petit idéal qui contient a, c’està-dire que Ra est exactement l’intersection de tous les idéaux qui contiennent
a. De la même façon, on peut construire l’idéal principal droit aR et l’idéal
P
not
principal bilatère RaR = (a) = { i ri ari0 | ri , ri0 ∈ R}. Si R est commutatif,
Ra = aR = RaR.
(4) Considérons un sous-ensemble X ⊂ R. Alors
X
(X) = RXR = {
ri xi ri0 | ri , ri0 ∈ R, xi ∈ X}
i
est le plus petit idéal qui contient X, c’est-à-dire l’intersection de tous les
idéaux qui contiennent X. Bien sûr on peut aussi considérer les idéaux à gauche
RX et à droite XR.
56
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(5) Soit R un corps commutatif et considérons R[X], l’anneau de polynômes d’une
variable sur R. Soit f (X) ∈ R[X]. Alors, (f (X)) est l’idéal de tous les polynômes qui se factorisent par f (X). Par exemple, (X − 1) est l’idéal de tous
les polynômes g(X) ∈ R[X] qui s’écrivent comme g(X) = (X − 1)g 0 (X) pour
un certain g 0 (X) ∈ R[X]. Alors, (X − 1) contient tous les polynômes qui satisfont g(1) = 0 (i.e. 1 est une racine de g).
La construction de l’idéal principal utilise le fait que l’intersection des idéaux
est de nouveau un idéal. Ce résultat (valable pour des intersections arbitraires) est
donné dans le lemme suivant.
Lemme 2.23. Étant donnés I et J, deux idéaux gauches (resp. droits, bilatères)
sur un anneau R alors les ensembles suivants sont de nouveau des ideaux gauches
(resp. droits, bilatères)
(i) I + J
(ii) IJ
(iii) I ∩ J
Démonstration. Suit facilement du Lemme 2.21.
Remarquons que si I et J sont bilatères, alors IJ ⊂ I ∩ J. Cette inclusion n’est
pas toujours une égalité. Par exemple,
(4Z)(6Z) = 24Z 6= (4Z) ∩ (6Z) = 12Z.
2.4
Quotients et théorèmes d’isomorphismes
Proposition 2.24. Soit f : R → S un homomorphisme d’anneaux.
(i) Soit J un idéal à gauche (resp. à droite, resp. un sous-anneau) de S, alors
f −1 (J) = {a ∈ R | f (a) ∈ J} est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. un
sous-anneau) de R.
(ii) Ker f est un idéal (bilatère) de R
(iii) Si en outre f est surjective, et I est un idéal à gauche (resp. à droite) de R,
alors f (I) = {f (x) | x ∈ I} est un idéal à gauche (resp. à droite) de S.
Démonstration. (i). Soit J un idéal à gauche de S. Prenons a, b ∈ f −1 (J), i.e.
f (a), f (b) ∈ J. Alors
f (a − b) = f (a) − f (b) ∈ J,
donc a − b ∈ f −1 (J). Prenons aussi r ∈ R. Alors
f (ra) = f (r)f (a) ∈ J,
2.4. QUOTIENTS ET THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
57
donc ra ∈ f −1 (J). Par le Lemme 2.21, on dérive que f −1 (J) est un idéal à gauche.
(ii). Suit de (i) parce que {0} est un idéal (bilatère) de R.
(iii). Soit I un idéal à gauche de R. Prenons x, y ∈ I. Alors
f (x) − f (y) = f (x − y) ∈ f (I).
Prenons s ∈ S. Comme f est surjective, il existe un r ∈ R tel que f (r) = s. Alors
sf (x) = f (r)f (x) = f (rx) ∈ f (I).
Donc par le Lemme 2.21, f (I) est un idéal à gauche.
Parce qu’un homomorphisme d’anneaux est avant tout un homomorphisme de
groupes, on arrive directement à la proposition suivante.
Proposition 2.25. Soit f : R → S un homomorphisme d’anneaux.
(i) f est injective si et seulement si Ker f = {0} ;
(ii) f est surjective si et seulement si Im f = S.
2.26. Construction de quotient. Soit R un anneau et I un idéal bilatère de R.
On introduit une relation d’equivalence sur les éléments de R :
a∼b
⇔
a − b ∈ I.
Il existe plusieurs notations pour les classes d’équivalence. Soit a ∈ R, alors la classe
d’équivalence qui contient a est dénotée par ā, [a] ou a mod I. Comme un idéal est
en premier lieu un sous-groupe pour la structure de groupe commutatif de R, on sait
(voir Proposition 1.16) que cette relation est une relation d’équivalence. De plus,
comme chaque sous-groupe d’un groupe commutatif est un sous-groupe normal,
on peut construire le quotient R/I comme groupe commutatif. Notre prochain
résultat dit que ce groupe commutatif est un anneau, appelé l’anneau quotient.
Proposition 2.27. Soit R un anneau et I un idéal bilatère de R. Alors le groupe
quotient additif R/I est un anneau avec la multiplication
(a mod I) · (b mod I) = (a · b)mod I
et la projection canonique
πI : R → R/I
est un épimorphisme d’anneaux avec Ker πI = I.
Démonstration. On vérifie que la multiplication est bien définie. Supposons que
a ∼ a0 et b ∼ b0 , c’est-à-dire a0 − a = x ∈ I et b0 − b = y ∈ I. On doit contrôler que
ab ∼ a0 b0 , c’est-à-dire
a0 b0 − ab = (a + x)(b + y) − ab = ay + xb + xy ∈ I,
58
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
parce que I est un idéal bilatère. On laisse la vérification de l’associativité et l’unité
de la multiplication comme exercices.
On sait que πI est un morphisme de groupes. Par la première partie de la
preuve, on voit que
πI (ab) = (ab)mod I = (a mod I)(b mod I) = πI (a)πI (b)
et
πI (1R ) = 1R mod I = 1R/I
Alors πI est un morphisme d’anneaux. On sait de la théorie des groupes que πI
est surjective. Donc par le Théorème 2.6, πI est un épimorphisme. Par ailleurs, la
théorie des groupes nous apprend que Ker πI = I.
Corollaire 2.28. Les idéaux (bilatères) d’un anneaux R sont exactement les noyaux
de tous les homomorphismes d’anneaux de R dans autres anneaux.
Théorème 2.29 (premier théorème d’isomorphisme). Soit f : R → S un homomorphisme d’anneaux. Alors il existe un isomorphisme d’anneaux naturel
f¯ : R/Ker f → Im f.
Démonstration. Du premier théorème d’isomorphisme des groupes (Théorème 1.30)
on sait déjà que f¯ est un isomorphisme de groupe additifs (et commutatifs). On
doit donc seulement vérifier que f¯ est un morphisme de monoı̈des multiplicatifs.
Soient ā, b̄ ∈ R/Ker f , où on rappelle que
f¯(ā) = f (a).
On trouve
f¯(ā · b̄) = f¯(ab) = f (ab) = f (a)f (b) = f¯(ā)f¯(b̄).
Aussi
f¯(1R ) = f (1R ) = 1S = 1Im f .
Alors f est effectivement un isomorphisme d’anneaux.
Théorème 2.30 (deuxième théorème d’isomorphisme). Soit I un idéal (bilatère)
de R. Il existe une relation bijective entre
– les sous-anneaux de R qui contiennent I ;
– les sous-anneaux de R/I.
Sous cette correspondance, les idéaux de R qui contiennent I sont en correspondance avec les idéaux de R/I.
Démonstration. Suit directement de la Proposition 2.24
2.4. QUOTIENTS ET THÉORÈMES D’ISOMORPHISMES
59
Théorème 2.31 (troisième théorème d’isomorphisme). Soient S un sous-anneau
d’un anneau R et I un idéal (bilatère). Alors
(i) I + S = {x + s | x ∈ I, s ∈ S} est un sous-anneau de R qui contient I ;
(ii) I ∩ S est un idéal bilatère de S ;
(iii) S/(I ∩ S) ∼
= (I + S)/I.
Démonstration. Considérons l’homomorphisme d’anneaux canonique surjectif
πI : R → R/I, r 7→ πI (r) = r + I.
Soit π 0 : S → R/I la restriction de πI à S.
(i) L’image de π 0 est un sous-anneau de R/I, on obtient
Im π 0 = {s + I | s ∈ I} = (I + S)/I
est un sous-anneau de R/I. Par le deuxième théorème d’isomorphisme, on sait que
I + S est un sous-anneau de R qui contient I.
(ii). On calcule le noyau de π 0 :
Ker π 0 = {s ∈ S | s + I = I} = S ∩ I.
Donc S ∩ I est un idéal bilatère de S.
(iii). Du premier théorème d’isomorphisme on obtient que S/Ker π 0 = Im π 0 . Alors
S/S ∩ I ∼
= I + S/I
par combinaison de (i) et (ii).
Exemples 2.32. (1) Soit fn : Z → Zn le morphisme d’anneaux défini par fn (1Z ) =
1Zn . Alors on trouve
Ker fn = nZ
et
Z/nZ ∼
= Zn .
est un isomorphisme d’anneaux.
(2) Soit R un anneau. De la propriété universelle de l’algèbre libre sur n éléments
on obtient un morphisme d’anneaux
φ : R hX1 , . . . , Xn i → R[X1 , . . . , Xn ],
défini par φ(Xi ) = Xi et φ|R = idR . Puisque Xi Xj = Xj Xi dans l’anneau de
polynômes, on trouve que le noyau de ce morphisme est donné par
Ker φ = (Xi Xj − Xj Xi | i 6= j).
Alors, on obtient un isomorphisme d’anneaux
R[X1 , . . . , Xn ] = R hX1 , . . . , Xn i /(Xi Xj − Xj Xi | i 6= j)
60
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(3) Soit K un corps et W l’anneau de Weil. La propriété universelle de l’algèbre
libre sur deux éléments nous donne un morphisme d’anneaux
φ : K hp, xi → W
défini par φ(p) = p, φ(x) = x et φ|K = idK . Alors on obtient pour le noyau de
φ
Ker φ = (px − xp − 1)
et donc
W ∼
= K hp, xi /(px − xp − 1).
Comme les deux derniers exemples l’indiquent, les anneaux libres permettent
d’écrire beaucoup d’anneaux comme un anneau quotient d’un anneau libre, similairement au fait qu’on peut écrire tous les groupes comme des quotient d’un groupe
libre. Une question peu claire est quel “anneau de base” R on doit choisir. Il est
toujours possible de prendre R = Z, mais dans beaucoup de cas il est préférable
de travailler avec un anneau de base différent, par exemple un corps comme C,
comme dans le cas de l’anneau de Weil. Un anneau A avec un anneau (commutatif) de base R est appelé une R-algèbre. Plus précisément, une R-algèbre A sur un
anneau commutatif R est un R-module A tel que A lui-même est un anneau, avec
une structure additive donnée par sa structure additive comme R-module, et une
structure multiplicative
· : A × A → A, (a, b) 7→ a · b
qui satisfait
(ra) · b = a · (rb) = r(a · b),
pour tout r ∈ R. C’est-à-dire la multiplication de A est bilinéaire sur R. Il suit que
le R-module morphisme φ : R → A, φ(1R ) → 1A est un morphisme d’anneaux.
2.5
Anneaux de polynômes et extension d’un anneau avec une racine
Dans ce paragraphe on travaille avec l’hypothèse général que tous les anneaux
sont commutatifs.
Théorème 2.33 (propriété universelle de l’anneau de polynômes). Soit φ : R → S
un morphisme d’anneaux (commutatifs). L’algèbre de polynômes en n variables
sur R satisfait la propriété universelle suivante. Pour tout n-uple d’éléments a =
2.5. EXTENSION D’UN ANNEAU AVEC UNE RACINE
61
(a1 , . . . , an ) ∈ S n , il existe un unique morphisme φa : R[X1 , . . . , Xn ] → S tel que
φa |R = φ et φa (Xi ) = ai .
R _
ι
φ
5/
S
∃!φa
R[X1 , . . . , Xn ]
Démonstration. La démonstration est similaire à celle de la Proposition 2.9.
Remarque 2.34. De la même façon que pour les algèbres libres, un anneau de
polynômes est (à isomorphisme près) complètement déterminé par la propriété
universelle (voir Théorème 2.11).
Par conséquent, on obtient un isomorphisme canonique
R[X1 , . . . , Xn ] ∼
= R[X1 , . . . , Xi−1 , Xi+1 , . . . , Xn ][Xi ]
2.35 (Le degré). Par définition, on dit que i1 +i2 +. . .+in est le degré du monôme
X1i1 X2i2 · · · Xnin ∈ R[X1 , . . . , Xn ], i.e.
deg(X1i1 X2i2 · · · Xnin ) = i1 + i2 + . . . + in .
En particulier, 1R ∈ R est de degré zéro. Soit f = f (X1 , . . . , Xn ) ∈ R[X1 , . . . , Xn ].
Par définition, f (X1 , . . . , Xn ) est une combinaison linéaire des monômes. Si f est
une combinaison linéaire de monômes de degré m, alors on dit que f est homogène
de degré m ou une forme de degré m. En général, il est possible d’écrire chaque
f ∈ R[X1 , . . . , Xn ] \ {0} comme
f = f0 + f1 + . . . + fd ;
fd 6= 0
où fi est une forme de degré i, pour tout i = 0, . . . , d. Alors on dit que f a degré
d, notation deg(fP
) = d. Si f = 0, on définit deg f = −∞.
Soit f (X) =
ri X i ∈ R[X], un polynôme en une variable, on dit que f est
unitaire (en anglais : monic polynomial) si rd = 1 ou d = deg(f ).
Le prochain lemme est facile à démontrer.
Lemme 2.36. Soient f, g ∈ R[X1 , . . . , Xn ]. Alors
deg(f + g) ≤ max{deg(f ), deg(g)}
deg(f g) ≤ deg(f ) + deg(g).
2.37 (fonctions polynomiales). Soit S une extension de R (i.e. R → S est un
morphisme d’anneaux injectif). Étant donné
X
f (X1 , . . . , Xn ) =
rν X1ν1 · · · Xnνn ∈ R[X1 , . . . , Xn ]
ν=(ν1 ,...,νn )
62
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
un polynôme sur R. Cette seule somme est une notation brève pour n sommes
X
ν=(ν1 ,...,νn )
=
d1
X
ν1 =0
···
dn
X
.
νn =0
On peut considérer ce polynôme comme une fonction de S n dans S
f : Sn = S
· · × S} → S
| × ·{z
n
(a1 , . . . , an ) 7→ f (a1 , . . . , an ) =
X
rν aν11 · · · aνnn = φa1 ,...,an (f ).
ν=(ν1 ,...,νn )
Où φa1 ,...,an : R[X1 , . . . , Xn ] → S est le morphisme construit par la propriété
universelle de l’anneau de polynômes (voir Théorème 2.33). On dit que f : S n → S
n
est une fonction polynomiale de S sur R. Un élément
P (a1 ,ν.1 . . , anν)n ∈ S est un zéro
du (de la fonction) polynôme f si f (a1 , . . . , an ) = ν rν a1 · · · an = 0. Dans le cas
n = 1 on parle d’une racine de f .
Définitions 2.38. Soit R ⊂ S une extension d’anneaux.
(1) Un ensemble V = {a1 , . . . , an } ⊂ S est appelé une partie génératrice algébrique
de S sur R si le morphisme construit par la propriété universelle de l’anneau
de polynômes φa1 ,...,an : R[X1 , . . . , Xn ] → S est surjectif.
(2) Une collection finie d’éléments {a1 , . . . , an } ⊂ S est appelée algébriquement
dépendante sur R si (a1 , . . . , an ) ∈ S n est le zéro d’un polynôme non nul f ∈
R[X1 , . . . , Xn ] \ {0}. C’est-à-dire le morphisme φa1 ,...,an : R[X1 , . . . , Xn ] → S
n’est pas injectif.
(3) On dit que {a1 , . . . , an } ⊂ S est algébriquement indépendent sur R si cet ensemble n’est pas algébriquement dépendant. C’est-à-dire le morphisme φa1 ,...,an :
R[X1 , . . . , Xn ] → S est injectif.
(4) Un élément a ∈ S est appelé algébrique sur R, si le singleton {a} ⊂ S est
algébriquement dépendant. C’est-à-dire un élément a ∈ S est algébrique sur
R si a est une racine d’un polynôme f dans une variable, f ∈ R[X] \ {0}.
(5) Un élément a ∈ S est appelé transcendant sur R si ce n’est pas algébrique sur
R.
(6) L’extension R → S est algébrique si et seulement si chaque élément de S est
algébrique sur R. Un extension qui n’est pas algébrique est appelé transcendante.
√
Exemples 2.39.
1. Les éléments suivantes sont algébriques sur Z : 2, i.
2. Quelques nombres transcendants sur Z sont π et e. La preuve de ces propriétés est loin d’être triviale.
2.5. EXTENSION D’UN ANNEAU AVEC UNE RACINE
63
√
√
√ √ p
3
3. Des√ensembles algébriquement dépendants sur Z : { 2, 3, 5 2 − 6 3},
{π, π}.
√
4. Des ensembles algébriquement indépendants sur Z : { 2, π}, {e, π, eπ, eπ , π e }.
5. L’extension Z → Q est algébrique. L’extension Z → R est transcendante. Le
but de ce paragraphe
est de comprendre les extensions algébrique de Z et Q.
√
Par exemple, Z[ 2] et Z[i] sont des extensions algébriques de Z.
Remarque 2.40. Une autre manière pour exprimer qu’un sous-ensemble
{a1 , . . . , an } ⊂ S
est algébriquement dépendant sur R est de dire qu’il existe des relations algébriques
sur R entre les éléments {a1 , . . . , an }. C’est-à-dire, il existe une égalité entre deux
expressions algébriques (i.e. polynômes) sur R en les variables {a1 , . . . , an }.
De même, {a1 , . . . , an } ⊂ S est une partie génératrice algébrique de S sur R,
si chaque élément s ∈ S s’écrit comme une expression algébrique sur R dans les
variables {a1 , . . . , an }.
Les définitions de (in)dépendance algébrique sont aussi significatives pour des
sous-ensembles infinis.
Définition 2.41. Un sous-ensemble V ⊂ S est appelé algébriquement dépendant
s’il existe un sous-ensemble fini de V qui est algébriquement dépendant. Un sousensemble V ⊂ S est appelé algébriquement indépendant si chaque sous-ensemble
fini de V est algébriquement indépendant.
Lemme 2.42. Soit R ⊂ S une extension d’anneaux. Si S contient une partie
génératice V = {a1 , . . . , an } ⊂ S sur R telle que V est algébriquement indépendant
sur R, alors S est isomorphe à l’anneau de polynômes en n variables sur R.
Démonstration. Comme V est une partie génératice de S, le morphisme
φa1 ,...,an : R[X1 , . . . , Xn ] → S
est surjectif. Grâce au premier théorème d’isomorphisme, on sait que
S∼
= R[X1 , . . . , Xn ]/Ker φa1 ,...,an .
Si {a1 , . . . , an } est algébriquement indépendant sur R, alors Ker φa1 ,...,an = {0} et
donc S ∼
= R[X1 , . . . , Xn ].
Exemple 2.43. On sait que π est trancendant sur Z, et donc π est aussi trancendant sur Q. Donc si on considère le sous-anneau Q[π] de C, généré par Q et π, on
obtient que
Q[π] ∼
= Q[X].
√
De la même façon, Q[e] ∼
= Q[X]. La structure de l’anneau Q[ 2] est différente,
comme on le voit de l’observation suivante.
64
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
2.44 (L’extension d’un anneau). Soit maintenant {a1 , . . . , an } ⊂ S une partie
génératice sur R, et algébriquement dépendante sur R. Comme dans la démonstration
du Lemme 2.42, on sait que
S∼
= R[X1 , . . . , Xn ]/Ker φa1 ,...,an ,
mais maintenant Ker φa1 ,...,an 6= {0}. En effet, Ker φa1 ,...,an contient tous les polynômes f ∈ R[X1 , . . . , Xn ] tels que (a1 , . . . , an ) est un zéro de f . C’est-à-dire l’idéal
Ker φa1 ,...,an contient toutes les relations algébriques sur R entre les générateurs de
S. On dénote S ∼
= R[a1 , . . . , an ].
L’observation ci-dessus peut être renversée afin d’ajouter des nouveaux éléments
α1 , . . . , αn à R, qui satisfont des relations préférées
fi (a1 , . . . , an ) = 0,
fi ∈ R[X1 , . . . , Xn ];
i = 1, . . . , k
Alors, on prend l’idéal généré par les relations fi , et on calcule le quotient
R[α1 , . . . , αn ] = R[X1 , . . . , Xn ]/(fi ; i = 1, . . . , k).
Une application importante est le cas où on ajoute à un anneau la racine d’un
polynôme unitaire de degrée n > 0.
Théorème 2.45. Soit f (X) = X n + an−1 X n−1 + . . . + a1 X + a0 un polynôme
unitaire de degrée n > 0. Tout élément z ∈ R[α] := R[x]/(f (x)) possède une
notation unique z = r0 + r1 α + . . . + rn−1 αn−1 , avec ri ∈ R.
Démonstration. D’abord, remarquons que par construction, le morphisme R[X] →
R[X]/(f (X)) est surjectif. Alors, R[X] → R[X]/(f (X)) est algébriquement généré
par un élément. Cette observation justifie la notation R[α] = R[X]/(f (X)), où α
est le générateur. Alors, on peut construire le morphisme
φα : R[X] → R[α], f 7→ φα (g) = g(α).
Soit z = φα (g) ∈ R[α]. Pour g ∈ R[X]. Par application de l’algoritme d’Euclide on
trouve que
g(X) = f (X)q(X) + r(X),
pour q(X), r(X) ∈ R[X] avec deg(r) < n. Comme f (α) = 0, on trouve
z = g(α) = f (α)q(α) + r(α) = r(α)
= r0 + r1 α + . . . + rn−1 αn−1
Afin d’obtenir l’unicité, il suffit de démontrer que l’idéal (f (X)) ne contient pas
d’éléments de degré plus petit que n, parce que cet idéal contient tous les polynômes pour lesquelles α est une racine. Soit e(X)f (X) ∈ (f (X)). Comme f (X)
est unitaire, le terme de degré dominant est exactement le terme de degré dominant
de e(X). Donc si e(X) 6= 0, alors deg(e(X)f (X)) ≥ n.
2.5. EXTENSION D’UN ANNEAU AVEC UNE RACINE
65
Corollaire 2.46. Soit R[α] l’extension de R par une racine α d’un polynôme
unitaire de degrée n > 0. Alors on a un morphisme de R-modules
R[α] ∼
· · ⊕ R},
=R
| ⊕ ·{z
n
C’est à dire, R[α] est un module libre et de type fini, avec une base {1, α, . . . , αn−1 }.
Exemples 2.47. (1) La construction permet d’étudier les extensions algébriques
de Z. Quelques exemples sont
∼
= Z[X]/(X 2 + 1)
∼
= Z[X]/(X 2 − 5)
∼
= Z[X]/(X 2 + 5)
2πi
Z[e 5 ] ∼
= Z[X]/(X 4 + X 3 + X 2 + X + 1).
Z[i]
√
Z[ 5]
√
Z[i 5]
(2) On a déjà rencontré les corps finis de p éléments avec p un nombre premier.
La construction qui consiste à ajouter des racines à un anneau permet de
construire plus de corps finis. On donne deux exemples, de 4 et 9 éléments.
F4 = Z/2Z + Z/2Zα = Z/2Z[X]/(X 2 + X + 1)
F9 = Z/3Z + Z/3Zβ = Z/3Z[X]/(X 2 + 1)
Pour plus de détails sur les corps finis, on réfère au Paragraphe 2.9
Il est beaucoup plus difficile de décrire des anneaux R[X]/(f (X)) si le polynôme f (X) n’est pas unitaire. Dans ce cas, le nouvel anneau n’est pas toujours
un extension de R (c’est à dire R → R[X]/(f (X)) n’est pas toujours un monomorphisme) et comme R-module R[X]/(f (X)) n’est pas toujours de type fini. On
donne quelques exemples pour illustrer ces différences.
Exemples 2.48.
1. Soit R un anneau, a ∈ R et considérons l’anneau R0 =
R[X]/(aX − 1). Si on dénote par α la classe latérale associée à X dans R0 ,
alors on trouve aα = 1, donc on a ajouté un inverse de a. En général R0 n’est
pas de type fini comme R-module. En outre, les calculs dans R0 sont plus
compliqués parce qu’il n’existe plus une notation unique pour les éléments
de R0 . En effet, soit β ∈ R0 et supposons que β = r0 + r1 α + . . . + rn αn . Alors
on trouve
β = r0 + r1 α + . . . + rn αn = (r0 an + r1 an−1 + . . . + rn )αn = r0 αn ,
où r0 = r0 an + r1 an−1 + . . . + rn ∈ R.
66
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
2. Soit K un corps (commutatif) et R = K[t], l’anneau de polynômes en une
variable sur K. L’anneau R0 = R[X]/(Xt − 1) = K[t, X]/(Xt − 1) est isomorphe à l’anneau K[t, t−1 ] des polynômes de Laurent sur K. Comme cas
particulier de l’exemple précédant, cet anneau n’est pas de type fini sur R.
3. Soit R[α] = R[X]/I, alors par construction, I est l’idéal des relations algébriques de α sur R. On peut restreindre la projection π : R[X] → R[α] à un
morphisme ψ : R → R[α]. Alors Ker ψ = R ∩ Ker π = R ∩ I. Donc R[α] est
une extension de R, même une extension algébrique de R, si et seulement si
R ∩ I = {0}. Ceci est le cas si I = (f (X)) avec f (X) un polynôme unitaire
ou dans l’exemple des polynômes de Laurent. Mais considérons maintenant
un diviseur de zéro a ∈ R, c’est-à-dire il existe un élément b ∈ R tel que
ab = 0. Alors b = −b(aX − 1) ∈ (aX − 1) ∩ R, donc R[X]/(aX − 1) n’est
pas une extension de R.
On termine ce paragraphe par quelques remarques sur les extensions algébriques
des corps. D’abord un petit lemme.
Lemme 2.49. Soit K un corps, et R un anneau. Alors chaque homomorphisme
d’anneaux f : K → R est un monomorphisme.
Démonstration. Soit a ∈ K \ {0}, alors f (a)f (a−1 ) = f (aa−1 ) = f (1K ) = 1R ,
donc f (a−1 ) = f (a)−1 et f (a) est inversible dans R. Soit b ∈ Ker f , c’est-à-dire
f (b) = 0, donc b ne peut pas être inversible dans K, c’est-à-dire b = 0 et f est un
monomorphisme.
Par conséquent, la méthode d’ajouter des zéro des polynômes à un corps mène
toujours aux extensions (algébriques).
Définition 2.50. Une clôture algébrique d’un corps commutatif K est une extension algébrique L de K qui est telle que tout polynôme de degré supérieur ou égal
à un, à coefficients dans L, admet au moins une racine dans L.
Un corps commutatif est dit algébriquement clos si c’est un clôture algébrique
de lui-même.
On donne le théorème important suivant sans démonstration.
Théorème 2.51. Tout corps K possède une clôture algébrique. Deux clôtures
algébriques de K sont toujours reliées par un isomorphisme de corps laissant invariant K.
À cause de l’unicité essentielle, on parle de “la” clôture algébrique d’un corps
K, et on la dénote par K̄.
2.6. IDÉAUX PREMIERS ET IDÉAUX MAXIMAUX
67
Remarque 2.52. Un corps algébriquement clos est toujours infini. La clôture
algébrique d’un corps K a le même cardinal que K si K est infini ; elle est dénombrable
si K est fini. En effet, pour chaque corps, il existe une extension algébrique K̄ telle
que K̄ est algébriquement clos.
Sur un corps algébriquement clos K̄, chaque polynôme de degré n a exactement
n racines dans K̄, en tenant compte des multiplicités.
Exemples 2.53. (1) D’après le théorème fondamental de l’algèbre, la clôture algébrique du corps des nombres réels est le corps des nombres complexes. C’està-dire, chaque polynôme sur les nombres complexes possède une racine dans
C.
(2) La clôture algébrique du corps des nombres rationnels est le “corps des nombres
algébriques”.
(3) La clôture algébrique d’un corps fini d’ordre premier p est un corps dénombrable.
Pour tout entier naturel n non nul, elle contient un et un seul sous-corps
Fpn d’ordre pn , et elle est égale à la réunion de tous ses sous-corps (ou plus
précisement, leur limite inductive, avec Fpd ⊂ Fpn si d est un diviseur de n).
(4) Il existe des corps algébriquement clos dénombrables inclus dans le corps
des nombres complexes, qui contiennent (strictement) le corps des nombres
algébriques ; ce sont les clôtures algébriques des extensions transcendantes du
corps des rationnels, comme par exemple la clôture algébrique de Q[π].
Remarque 2.54. Il existe une théorie très riche sur les extensions algébriques des
corps. Cette théorie, appelée la théorie de Galois, étudie les extensions algébriques
d’un corps K, et pour chaque extension algébrique K → L, le groupe GL/K des
automorphismes de L qui fixent K. Il y a des liens très forts entre les propriétés
de l’extension K → L et le groupe GL/K . Pour plus de détails, on refère aux cours
spécialisés ou à la littérature.
2.6
Idéaux premiers et idéaux maximaux
Dans ce paragraphe on étudie en général la structure des anneaux quotients.
Tous les idéaux dans ce paragraphe sont des idéaux bilatères.
Définitions 2.55. Soit R un anneau.
(1) Un idéal P ⊂ R est appelé un idéal premier si et seulement si pour tous les
idéaux I, J ⊂ R tels que IJ ⊂ P , il suit que I ⊂ P ou J ⊂ P .
(2) L’anneau R est appelé un anneau premier si et seulement si {0} est un idéal
premier.
(3) Un idéal P ⊂ R est appelé un idéal maximal si et seulement si pour tout idéal
I ⊂ R tel que M ⊂ I, il suit M = I ou M = R.
68
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(4) L’anneau R est appelé un anneau simple si et seulement si {0} est un idéal
maximal, c’est-à-dire R ne contient pas d’idéaux propres.
Proposition 2.56. Soit R un anneau.
(i) P ⊂ R est un idéal premier si et seulement si pour tous a, b ∈ R,
aRb ⊂ P
⇒
a ∈ P ou b ∈ P.
(ii) Tout idéal maximal M ⊂ R est un idéal premier.
Démonstration. (i). Considérons les idéaux principaux (a) = RaR et (b) = RbR.
Si aRb ⊂ P , alors (a)(b) = RaRbR ⊂ RP R = P , car P est un idéal. Alors
a ∈ (a) ⊂ P ou b ∈ (b) ⊂ P .
D’autre part, soient I, J ⊂ R des idéaux tels que IJ ⊂ P et supposons que J 6⊂ P .
Alors il existe un élément b ∈ J tel que b ∈
/ P . Pour tout a ∈ I on trouve
aRb ⊂ IJ ⊂ P donc a ∈ P et on peut conclure I ⊂ P , c’est-à-dire P est premier.
(ii). On utilise le critère de la partie (i). Supposons donc que aRb ⊂ M , alors
rasb ∈ M pour tous r, s ∈ R. Si a ∈
/ M , alors M + RaR est un idéal qui contient
M proprement. Dans ce cas M +RaR = R et on peut trouver des éléments r, s ∈ R
et m ∈ M tels que
1R = m + ras.
Si on multiplie par b on obtient
b = mb + rasb ∈ M,
donc b ∈ M et M est un idéal premier.
Remarque 2.57. Rappelons que l’axiome du choix dit que pour chaque famille
(Si )i∈I d’ensembles non-vides, il existe une famille d’éléments (xi )i∈I tels que xi ∈
Si . Bien que l’assertion de cet axiome puisse paraı̂tre triviale à première vue, elle ne
l’est pas du tout. En effet, beaucoup de théorèmes importants (comme l’existence
des bases pour des espaces vectoriels de dimension arbitraire) dépendent fortement
de cet axiome ou sont même équivalents à cet axiome. Pour cette raison, même s’il
est possible de développer une théorie mathématique sans l’axiome de choix, dans
la pratique ce n’est presque jamais fait. Pour la proposition suivante, on a besoin
d’une version de l’axiome de choix connue comme le lemme de Zorn.
Lemme 2.58 (Zorn). Soit (T, ≤) un ensemble non-vide partiellement ordonné, tel
que toute chaı̂ne totalement ordonnée possède un majorant. Alors T possède au
moins un élément maximal.
Rappelons qu’un ensemble (T, ≤) est appelé partiellement ordonné si ≤ est une
relation réflexive, transitive et antisymétrique sur T . Une chaı̂ne totalement ordonnée est un sous-ensemble S ⊂ T tel que x ≤ y est défini pour tous x, y ∈ S. Un
majorant pour une chaı̂ne S, est un élément t ∈ T tel que x ≤ t pour tout x ∈ S.
2.6. IDÉAUX PREMIERS ET IDÉAUX MAXIMAUX
69
Proposition 2.59. Soit R un anneau. Tout idéal I ⊂ R est contenu dans un idéal
maximal M ⊂ R.
Démonstration. On considère l’ensemble
V = {J ⊂ R | J est un idéal propre, I ⊂ J}.
L’ensemble V n’est pas vide parce que I ∈ V . L’inclusion donne un ordre partiel
sur V . Soit S = {Ji | i ∈ K} un chaı̂ne totalement ordonnée de V . Alors nous
prétendons que J = ∪i∈K Ji est de nouveau un élément de V et un majorant pour
la chaı̂ne. Soient x, y ∈ J ; alors il existe des indices i, j ∈ K tel que x ∈ Ji et
y ∈ Jj . Comme la chaı̂ne est totalement ordonnée, Ji ⊂ Jj ou Jj ⊂ Ji . Les deux
cas mènent à un raisonement similaire. Supposons que Ji ⊂ Jj et soient r, s ∈ R.
Alors
rx + sy ∈ Jj ⊂ J et xr + ys ∈ Jj ⊂ J,
et donc J est un idéal à cause du Lemme 2.21. En outre, J 6= R parce que si 1 ∈ J,
il existe un indice i ∈ K tel que 1 ∈ Ji , ce qui contredit le fait que Ji est un idéal
propre.
Si on applique le lemme de Zorn, on trouve que V contient un élément maximal,
c’est-à-dire il existe un idéal propre M ⊂ R tel que I ⊂ M et parce que M est
un élément maximal pour l’inclusion, il n’existe pas d’idéal M 0 tel que M ( M 0 (
R.
Proposition 2.60. Soit R un anneau.
(i) P ⊂ R est un idéal premier si et seulement si R/P est un anneau premier ;
(ii) M ⊂ R est un idéal maximal si et seulement si R/M est un anneau simple.
Démonstration. (i). Par le deuxième théorème d’isomorphisme d’anneaux (voir
Théorème 2.30), on sait qu’un idéal I¯ ⊂ R/P correspond à un idéal I ⊂ R qui
contient P . Cette correspondance est donnée par I¯ = πP (I), où πP : R → R/P
¯ J¯ ⊂ R/P tels que I¯J¯ = 0 dans
est la projection canonique. Soient deux idéaux I,
R/P , c’est-à-dire I¯J¯ = IJ = 0 mod P ou IJ ⊂ P . Si P est un idéal premier,
I ⊂ P ou J ⊂ P , donc I¯ = 0 mod P ou J¯ = 0 mod P et donc R/P est un anneau
premier.
D’autre part, si R/P est un anneau premier, soit IJ ⊂ P pour deux idéaux I, J ⊂
R. On construit I 0 = I + P et J 0 = J + P , alors I 0 et J 0 sont aussi des idéaux de
R qui en outre contiennent P . Après la projection πP on obtient les idéaux I 0 et
J 0 de R/P . Comme
I 0 J 0 = IJ + P I + JP + P P ⊂ P,
on a I 0 J 0 = 0 mod P . Donc I 0 = 0 mod P ou J 0 = 0 mod P . Supposons que
I 0 = 0 mod P , alors I 0 ⊂ P donc I + P ⊂ P et I ⊂ P . De la même façon
J 0 = 0 mod P implique J ⊂ P et on trouve que P est un idéal premier.
70
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(ii). Par le deuxième théorème d’isomorphisme d’anneaux, un idéal I¯ ⊂ R/M
correspond à un idéal I ∈ R tel que M ⊂ I. Si M est maximal, on obtient que
I = M ou I = R. Les deux cas correpondant à I¯ = 0 ou I¯ = R/M , donc R/M est
simple. La réciproque suit du même raisonnement.
Nous retournons maintenant au cas commutatif. D’abord on introduit quelques
définitions.
Définition 2.61. Soit R un anneau.
1. Rappelons qu’un élément a ∈ R \ {0} est appelé diviseur de zéro à gauche
s’il existe un élément b ∈ R \ {0} tel que ab = 0. Similairement, a ∈ R \ {0}
est appelé un diviseur de zéro à droite s’il existe un c ∈ R \ {0} tel que
ca = 0. Si a est en même temps un diviseur de zéro à gauche et à droite, on
dit simplement que a est un diviseur de zéro.
2. Si R ne contient pas de diviseur de zéro (ni à gauche, ni à droite), alors R est
appelé un domaine. Si R est en outre commutatif, on appelle R un anneau
intègre.
Exemples 2.62. (1) Z ne contient pas de diviseur de zéro, donc Z est un anneau
intègre. L’anneau produit Z × Z contient des diviseurs de zéro : (1, 0) · (0, 1) =
(0, 0).
(2) Bien entendu, tout corps est un domaine.
(3) L’anneau des matrices carrées sur un corps K contient des diviseurs de zéro.
Ce sont exactement les matrices non nulles avec un déterminant égal à zéro,
c’est-à-dire les éléments non nuls et non inversibles.
(4) Soit R un anneau intègre. Alors pour tous f, g ∈ R[X],
deg(f g) = deg(f ) + deg(g).
Par conséquent, R[X] est de nouveau un anneau intègre : si f (X)g(X) = 0 alors
deg(f ) + deg(g) = −∞. Ceci implique que deg(f ) = −∞ ou deg(g) = −∞.
Théorème 2.63. Soit R un anneau commutatif.
(i) Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) P ⊂ R est un idéal premier ;
(b) pour tous a, b ∈ R, si ab ∈ P alors a ∈ P ou b ∈ P ;
(c) R \ P est multiplicativement clos ;
(d) R/P est un anneau intègre.
(ii) M ⊂ R est un idéal maximal si et seulement si R/M est un corps commutatif.
2.6. IDÉAUX PREMIERS ET IDÉAUX MAXIMAUX
71
Démonstration. (i). Soient a, b ∈ R. Comme R est commutatif, ab ∈ P si et
seulement si aRb ⊂ P . Alors le critère de la Proposition 2.56(i) nous dit que P
est un idéal premier si et seulement si ab ∈ P implique a ∈ P ou b ∈ P et on
obtient l’équivalence entre (a) et (b). La négation de l’implication de (b) nous
dit exactement que P est premier si et seulement si x ∈
/ P et y ∈
/ P implique
xy ∈
/ P . Donc on a démontré (b) ⇔ (c). Pour obtenir l’équivalence avec (d), grâce
à la Proposition 2.60, il suffit d’observer que les anneaux premiers commutatifs
sont exactement les anneaux intègres. En effet, soient a, b ∈ R tels que ab = 0.
Construisons I = (a) = aR et J = (b) = bR les idéaux principaux générés par a et
b respectivement. Alors IJ = {0}, donc I = {0} ou J = {0}. Mais a ∈ I et b ∈ J,
donc on trouve que a = 0 ou b = 0. Par conséquent, R ne contient pas de diviseur
de zéro.
(ii). De nouveau par la Proposition 2.60, il suffit de démontrer qu’un anneau commutatif A est simple si et seulement si c’est un corps. Soit I ⊂ A un idéal non
nul d’un corps. Alors il existe un élément x ∈ I, x 6= 0. Puisque I est un idéal,
1A = x−1 · x ∈ I. Donc I = A et A est simple. D’autre part, soit A un anneau
simple commutatif et a ∈ A \ {0}. Alors l’idéal principal (a) = aA généré par a est
un idéal non nul. Comme A est simple, (a) = A. Donc 1 ∈ (a), c’est-à-dire qu’il
existe un élément a0 ∈ A tel que aa0 = 1A , i.e. a0 = a−1 . On a démontré que tout
élément de A est inversible, c’est-à-dire A est un corps.
Exemples 2.64. (1) Soit nZ ⊂ Z un idéal de Z. Du Théorème 2.63 on voit que
pZ est un idéal premier si et seulement si p est un nombre premier. Mais dans
ce cas, on sait que Z/pZ est un corps, et donc pZ est aussi un idéal maximal.
(2) Soit K un corps commutatif et f ∈ K[X]. Alors (f ) est un idéal premier de
K[X] si et seulement si f est irréductible, ce qui signifie que si f = gh pour
certains polynômes g, h ∈ K[X], alors g ∈ K ou h ∈ K. En effet, chaque idéal
premier dans K[X] est aussi un idéal maximal (voir Paragraphe 2.7.1). Par
exemple, soit a ∈ K. Alors X − a est clairement irréductible, mais K[X]/(X −
a) ∼
= K, donc (X − a) est un idéal maximal.
(3) Soit K un corps commutatif et a ∈ K. Alors K[X, Y ]/(X − a) ∼
= K[Y ] est
un anneau intègre mais pas un corps. Par conséquent, (X − a) est un idéal
premier mais pas un idéal maximal de K[X, Y ].
(4) Soit K un corps commutatif et (a1 , . . . , an ) ∈ K n alors (X1 −a1 , X2 −a2 , . . . , Xn −
an ) est un idéal maximal de K[X1 , . . . , Xn ].
√
√
⊂
R.
Alors
Z[
2] est un anneau intègre. Considérons
(5) Considérons l’anneau Z[ 2]
√
idéal principal généré par 2 :
√ n
o
√ √
√
2 = (a + b 2) 2 = a 2 + b2 | a, b ∈ Z .
Soit a = 2a0 ∈ Z un élément pair et b ∈ Z arbitraire, alors
√ √
√
√
√
0
0
a + b 2 = 2a + b 2 = (a 2 + b) 2 ∈
2 .
72
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Si c = 2c0 + 1 ∈ Z est impair, on trouve
√ √
√
2
c + b 2 = 2c + 1 + b 2 = 1 + (c 2 + b) 2 = 1 mod
√
0
Alors,
donc
√
0
√ √ Z[ 2]/
2 ∼
= Z2
√
√ 2 est un idéal maximal de Z[ 2].
(6) Soit T2 (K) l’anneau des matrices 2 × 2 triangulaires supérieures. Considérons
l’idéal
0 a
I=
|a∈K .
0 0
Alors T2 (K)/I ∼
= K × K. Comme K × K contient des diviseurs de zéro, I n’est
pas un idéal premier.
2.7
Quelques types d’anneaux : anneaux principaux, anneaux noethériens, anneaux factoriels
Dans ce paragraphe, tous les anneaux sont des anneaux commutatifs intègres,
à moins qu’il soit précisé autrement.
2.7.1
Anneaux euclidiens et anneaux principaux
Définition 2.65. Un anneau euclidien A est un anneau intègre muni d’une application v : A → N telle que pour tous a, b ∈ A, il existe q, r ∈ A qui satisfont
a = qb + r, avec r = 0 ou v(r) < v(b).
Exemples 2.66. (1) Z, avec v la valeur absolue.
(2) K[X], avec v le degré.
(3) Z[i], l’anneau des nombres entiers de Gauss, où on définit v(a + bi) = a2 + b2 ,
la norme carrée d’un entier de Gauss a + bi ∈ Z[i].
(4) Z[ω], où ω est une racine primitive cubique de 1, l’anneau des entiers d’Eisenstein. On définit v(a + bω) = a2 − ab + b2 , la norme d’un entier d’Eisenstien
a + bω ∈ Z[ω]. Remarquons que ω est une solution de l’équation X 2 + X + 1.
Remarquons qu’on peut visualiser les entiers d’Eisenstein comme les points
d’intersection d’un réseau triangulaire dans le plan complexe de Gauss.
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
73
Définition 2.67. Un anneau principal A est un anneau intègre tel que tout idéal
est un idéal principal.
Théorème 2.68. Tout anneau euclidien R est principal.
Démonstration. Soit I un idéal de R et prenons n = min{v(x) | x ∈ I \ {0} }. Soit
alors x ∈ I tel que v(x) = n. Pour tout a ∈ I, il existe deux uniques q, r ∈ R tels
que
a = qx + r,
v(r) < v(x) ou r = 0.
Comme r = a − qx ∈ I, il suit que r = 0 à cause de la minimalité de n = v(x). On
obtient que a = qx ∈ Rx, donc I = (x).
Remarque 2.69. Il existe des anneaux principaux qui ne sont pas euclidiens, mais
c’est assez difficile de les construire. D’abord, on a besoin d’une autre méthode
pour vérifier qu’un anneau intègre est principal, et ensuite on doit démontrer qu’il
n’existe aucune
norme euclidienne sur cet anneau. On peut par exemple montrer
√
1+i 19
que Z[ 2 ] ⊂ C est un anneau principal non euclidien.
Définitions 2.70. Soit R un anneau (commutatif). Un élément p ∈ R est appelé
un élément premier si et seulement si p est non nul, non inversible et la proposition
suivante est vérifiée : si p divise ab pour a, b ∈ R alors p divise a ou p divise b.
Un élément p est appelé élément irréductible si p est non nul, non inversible et la
proposition suivante est vérifiée : si p = ab pour a, b ∈ R, alors a est inversible ou
b est inversible.
Soient a, b ∈ R. On dit que a et b sont associés, ce qu’on écrit a ∼ b, si et seulement
si Ra = Rb, c’est-à-dire a = ub pour un élément inversible u.
Lemme 2.71. Soit R un anneau intègre et soit p un élément non nul et non
inversible. Alors
(i) p est premier si et seulement si (p) est premier ;
(ii) Si (p) est premier, alors p est irréductible ;
(iii) Si p est irréductible, alors (p) est maximal parmi les idéaux principaux de R.
74
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Démonstration. (i). Trivial.
(ii). Soit p = ab pour a, b ∈ R. Alors ab ∈ (p). Comme (p) est premier, a ∈ (p)
ou b ∈ (p). Supposons que a ∈ (p) donc a = pα. Après multiplication avec b, on
obtient p = ab = pαb. Puisque R est intègre, 1 = αb et donc b est inversible.
(iii). Soit x ∈ R tel que (p) ⊂ (x). Alors, p ∈ (p) ⊂ (x) et p = xα. Comme
p est irréductible, x ou α est inversible. Si x est inversible, alors (x) = R. Si α
est inversible, alors (x) = (p). Il suit que (p) est effectivement maximal parmi les
idéaux principaux.
Théorème 2.72. Si R est un anneau principal, tout idéal premier non nul est un
idéal maximal et est engendré par un élément irréductible.
Démonstration. Suit directement du Lemme 2.71.
Remarque 2.73. Soit K un corps commutatif. On sait déjà que K[X] est un anneau principal. Le Théorème 2.72 livre un critère pour déterminer si une extension
d’un corps est de nouveau un corps. Considérons K[α] = K[X]/(f (X)) avec f (X)
un polynôme irréductible. Alors (f (X)) est un idéal maximal dans K[X]
√ et par
2
∼
conséquent, K[α] est un corps. Par exemple, Q[X]/(X + X + 1) = Q[i 3] est un
corps.
Lemme 2.74. Dans un anneau principal R, les éléments irréductibles sont exactement les éléments premiers.
Démonstration. On sait déjà que les éléments premiers sont irréductibles. Donc on
donne seulement une preuve pour la réciproque.
Soit r ∈ R irréductible et supposons que st ∈ (r) et s ∈
/ (r). Comme R
est un anneau principal, l’idéal engendré par s et r est un idéal principal, donc
Rs + Rr = dR pour un certain d ∈ R. Alors il existe un élément u ∈ R tel que
r = du. Mais r est irréductible, donc u est inversible ou d est inversible. Si u est
inversible, alors (r) = (d) et donc s ∈ (r) ce qui contredit notre hypotèse. Dès lors,
d est inversible. Par conséquent Rs + Rr = (d) = R. On trouve alors des éléments
a, b ∈ R tel que as + br = 1. Comme tas + tbr = t et ts ∈ (r), il suit que t ∈ (r).
Donc (r) est un idéal premier.
2.7.2
Anneaux noethériens
Définition 2.75. Un anneau intègre est appelé un anneau noethérien si chaque
idéal I ⊂ R contient une partie génératrice finie comme R-module, c’est-à-dire, s’il
existe a1 , a2 , . . . , an ∈ I tels que I = (a1 , . . . , an ) = a1 R + a2 R + . . . + an R.
Les anneaux noethériens sont appelés après la mathématicienne Emmy Noether
(1882 – 1935).
Clairement, chaque anneau principal est un anneau noethérien. Le théorème
important suivant donne une caractérisation des anneaux noethériens.
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
75
Théorème 2.76. Les conditions suivantes sont équivalentes
(i) R est un anneau noethérien ;
(ii) toute suite croissante I1 ⊂ I2 ⊂ · · · ⊂ In ⊂ · · · d’idéaux dans R est stationnaire ;
(iii) tout ensemble non vide d’idéaux de R admet un élément maximal pour l’inclusion.
S
Démonstration. (i) ⇒ (ii). Considérons l’idéal I = i∈N Ii . Comme R est noethérien, I est engendré par un nombre fini d’éléments, donc I = a1 R + . . . + an R, pour
ai ∈ I. Puisque I est une union, on trouve des indices particuliers dans N tels que
ai ∈ Iji , i = 1, . . . , n. Soit k = max{j1 , . . . , jn }, alors ai ∈ Ik pour tous i = 1, . . . , n
et I = Ik . Par conséquent, la suite est stationnaire.
(ii) ⇒ (iii). Supposons qu’il existe un ensemble non vide I d’idéaux de R qui
n’admet pas d’élément maximal pour l’inclusion. Prenons I1 ∈ I. Alors, il existe
un élément I2 ) I1 dans I. Ittérativement, on trouve une suite
I1 ( I2 ( I3 ( · · · ( In ( · · ·
et on trouve une contradiction avec (ii).
(iii) ⇒ (i). Soient I un idéal de R et {ai }i∈J une famille de générateurs pour I.
Considérons l’ensemble I de tous les idéaux engendrés par les sous-familles finies de
{ai }i∈J . Grâce à la condition (iii), il existe un élément maximal I 0 pour l’inclusion
dans I. Clairement I 0 ⊂ I, parce que I 0 est engendré par un nombre fini d’éléments
{a1 , . . . , an } de I. Mais aussi I ⊂ I 0 , parce que s’il existe un générateur a ∈ {ai }i∈J
pour I tel que a ∈
/ I 0 , alors l’idéal engendré par {a, a1 , . . . , an } est un élément de
I qui contredit la maximalité de I 0 .
Théorème 2.77 (théorème de la base de Hilbert). Soit R un anneau commutatif
noethérien, l’anneau de polynômes R[X] est noethérien.
Démonstration. Supposons que R[X] n’est pas noethérien. Soit I un idéal dans
R[X] qui n’est pas engendré par un nombre fini d’éléments. Soit f1 ∈ I un élément
de degré minimal. Ensuite, prenons un élément f2 ∈ I \ (f1 ) de degré minimal. Inductivement, on peut choisir pour chaque k ∈ N0 , un élément fk+1 ∈ I \(f1 , . . . , fk )
avec un degré minimal (remarquons que I \ (f1 , . . . , fk ) n’est pas vide car I ne
possède pas un nombre fini de générateurs). Alors,
deg f1 ≤ deg f2 ≤ · · · ≤ deg fk ≤ deg fk+1 ≤ · · ·
Soit deg fk = nk et ak le coefficient pour X k dans fk . Considérons la chaı̂ne suivante
d’idéaux dans R,
(a1 ) ⊂ (a1 , a2 ) ⊂ (a1 , a2 , a3 ) ⊂ · · ·
76
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Comme R est noethérien, cette chaı̂ne doit être stationaire. Supposons que (a1 , . . . , ak ) =
(a1 , . . . , ak , ak+1 ). Alors, il existe une équation dans R
ak+1 =
k
X
bi ai ,
i=1
pour certains bi ∈ R. Le polynôme
g(X) = fk+1 (X) −
k
X
bi X nk+1 −ni fi ∈ I \ (f1 , . . . , fk )
i=1
a un degré strictement plus petit que nk+1 , et on obtient une contradiction.
Corollaire 2.78. Si R est un anneau commutatif noethérien, alors l’anneau de
polynômes R[X1 , . . . , Xn ] est noethérien.
Démonstration. On utilise la théorème de base de de Hilbert ittérativement.
Remarque 2.79. Le théorème de base de Hilbert et son corollaire ont une application importante dans la théorie des systèmes d’équations polynomiales. Soit
{fi (X1 , . . . , Xn )}i∈I une famille infinie (même pas dénombrable) de polynômes
en n inconnues sur un anneau noethérien (par exemple un corps ou un anneau
principal), et supposons qu’on veut trouver un zéro commun pour tous ces polynômes. Il peut paraı̂tre impossible de trouver une solution pour ce problème.
Mais grâce au Corollaire 2.78, on peut procéder comme suit. Considérons l’idéal
de R[X1 , . . . , Xn ] engendré par cette famille : I = (fi (X1 , . . . , Xn ) | i ∈ I). Comme
l’anneau R[X1 , . . . , Xn ] est noethérien, on sait que I est engendré par un nombre
fini d’éléments, donc il existe des polynômes g1 (X1 , . . . , Xn ), . . . , gk (X1 , . . . , Xn )
tels que I = (g1 (X1 , . . . , Xn ), . . . , gk (X1 , . . . , Xn )). Alors, trouver un zéro commun
pour le système infini est réduit à trouver une solution pour le système fini des
équations polynomiales


 g1 (X1 , . . . , Xn ) = 0
..
.

 g (X , . . . , X ) = 0
k
2.7.3
1
n
Anneaux factoriels
Définition 2.80. Un anneau commutatif intègre R est appelé un domaine de
factorisation si et seulement si pour tout x ∈ R, il existe un élément inversible
u ∈ R et des éléments irréductibles p1 , . . . , pn tel que
x = up1 · · · pn .
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
77
On dit que (u, p1 , . . . , pn ) est une système de décomposition pour x.
Un domaine de factorisation est appelé un domaine de factorisation unique ou un
anneau factoriel si et seulement si pour deux décompositions du même éléments
x ∈ R,
x = up1 · · · pn = vq1 · · · qm ,
il suit que n = m et il existe une permutation φ ∈ Sn tel que
qi = ui pφ(i) , u = vu1 · · · un ,
avec ui inversible pour i = 1, . . . , n.
Théorème 2.81. Tout anneau noethérien est un domaine de factorisation.
Démonstration. Soit a ∈ R non factorisable. En particulier, a n’est pas irréductible.
Alors il existe des éléments non-inversibles b, c ∈ R tels que a = bc. Dès lors,
Ra ( Rb et Ra ( Rc. En outre, b ou c n’est pas factorisable (autrement, a aurait
factorisable). Soit a1 ∈ {b, c} non factorisable. On peut répéter le raisonnement
pour a1 . Ittérativement, on trouve une suite d’ideaux
Ra ( Ra1 ( Ra2 ( · · · ( Ran ( · · ·
et alors R n’est pas noethérien.
Proposition 2.82. Soit R un domaine de factorisation. Alors R est un domaine
de factorisation unique si et seulement si les éléments irréductibles de R sont
exactement les éléments premiers.
Démonstration. Supposons d’abord que R est un domaine de factorisation unique.
Remarquons qu’on sait en toute généralité que tout élément premier est irréductible
(voir Lemme 2.71), donc on doit seulement démontrer la réciproque. Soit p ∈ R
irréductible et supposons qu’il existe r, s ∈ R, tels que
⇔
∃x ∈ R, tq
p | rs
px = rs
Si on applique la factorisation dans R, l’équation ci-dessus s’écrit comme
p p2 · · · pm = u q1 · · · qk q10 · · · q`0
| {z } | {z }
| {z }
∼x
∼r
∼s
où p2 , . . . pm , q1 , . . . qk , q10 , . . . , q` sont des éléments irréductibles et u est un élément
inversible. L’unicité de la factorisation implique que m = k + ` et il existe un indice
tel que p = qi (i.e. p | r) ou p = qi0 (i.e. p | s). Alors p est premier.
78
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
D’autre part, supposons qu’il existe des éléments irréductibles p1 , . . . pn , q1 , . . . qm
dans R tels que
p1 · · · pn ∼ q1 · · · qm .
Alors en particulier, p1 |q1 · · · qm . Comme on sait maintenant que l’élément irréductible p1 est aussi premier, il suit qu’il existe un indice i ∈ {1, . . . , m} tel que p1 | qi .
Mais qi est aussi irréductible, donc p1 ∼ qi . Après renumération, on peut supposer
que i = 1 et on trouve que
p2 · · · pn ∼ q2 · · · qm .
L’unicité de la factorisation suit par induction.
Corollaire 2.83. Tout anneau principal R est un anneau factoriel.
Démonstration. Un anneau factoriel est noethérien, donc un domaine de factorisation par le Théorème 2.81. Alors R est un anneau factoriel par le Lemme 2.74
et la Proposition 2.82.
Exemples 2.84. (1) Grâce au Théorème 2.81, on sait que K[X1 , . . . , Xn ] est
un domaine de factorisation. En effet, il est possible de démontrer que si R
est un anneau factoriel, alors R[X] est un anneau factoriel. Par conséquent,
K[X1 , . . . , Xn ] est un anneau factoriel pour chaque n ≥ 1 et tout corps K.
√
√
√
(2) Z[i 3] n’est pas un anneau factoriel parce que 4 = 2 · 2 = (1 + i 3)(1 − i 3)
(3) Il n’est pas trop difficile pour construire des anneaux qui ne sont pas factoriels
en prenant des quotients. Par exemple, K[X, Y, Z]/(X 2 − Y Z) n’est pas un
anneau factoriel parce que X̄ 2 = X̄ X̄ = Ȳ Z̄.
Le résultat suivant est bien connu.
Corollaire 2.85. Soient K un corps commutatif et f (X) un polynôme dans K[X]
avec deg f (X) = n. Alors f (X) possède au plus n racones différentes dans
Qr K. Si
{a1 , . . . , ar } sont différentes racines de f (X) dans K, alors f (X) = g(X) i=1 (X−
ai )mi , où g(X) est un polynôme qui ne possède pas de racine dans K.
Démonstration. Soit a ∈ K. L’algorithme d’Euclide nous permet d’écrire
f (X) = (X − a)q(X) + r,
avec r ∈ K (le degré de r est strictement plus petit de 1). Si a ∈ K est une racine
de f (X), alors f (a) = 0 implique que r = 0, et donc f (X) = (X − a)q(X). Le
résultat suit maintenant de la propriété de factorisation unique pour K[X], ce qui
implique qu’on peut diviser f (X) par au plus n différents facteurs (irréductibles)
de la forme (X − a).
La raison principale pour étudier les anneaux factoriels est qu’ils permettent de
généraliser les notions de PGCD et PPCM, ce qu’on fera dans la section suivante.
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
2.7.4
79
Le théorème de Bézout
Soient R un anneau factoriel et p ∈ R irréductible. Pour chaque élément a ∈ R,
a 6= 0, on peut écrire
a = pn b,
avec b ∈
/ (p) et n ∈ N. Par la propriété de factorisation unique, il suit que la
puissance n est uniquement déterminée par a. Soit il n’apparait pas d’associé de
p dans la factorisation de a, et alors n = 0, soit une puissance positive de p divise
a, et alors n = max{m ∈ N | pm | a}. Alors pour tout a ∈ R \ {0}, le nombre n
est bien défini et il dépend uniquement de la classe des associés de p. Avec cette
notation, on définit l’ordre de a pour p par
ordp (a) = n,
et aussi ordp (0) = ∞. Il suit directement de la définition que pour tous a, a0 ∈ R,
ordp (aa0 ) = ordp (a) + ordp (a0 ).
Cette définition permet de reformuler la propriété de factorisation de manière
pratique. Pour tout élément a ∈ R,
Y
a=u
pordp (a) .
(p)
Ici, u est un élément inversible et le produit est pris sur tous les (différents) idéaux
principaux (p) avec p un élément irréductible choisi, i.e. sur tous idéaux premiers
principaux de R. Remarquons que le produit est fini parce que ordp (a) = 0 pour
presque tout (p).
Définition 2.86. Soient R un anneau factoriel et a1 , . . . , an des éléments non nuls
dans R.
Q
(1) L’élément PGCD(a1 , . . . , an ) = (p) pmini {ordp (ai )} est appelé un plus grand commun diviseur de a1 , . . . , an .
Q
(2) L’élément PPCM(a1 , . . . , an ) = (p) pmaxi {ordp (ai )} est appelé un plus petit commun multiple de a1 , . . . , an .
Comme le représentant p pour un idéal (p) est déterminé à un élément inversible
près, le PGCD et le PPCM sont aussi déterminés à un élément inversible près. Tous
les représentants du PGCD et PPCM sont associés, et donc ils déterminent un
idéal unique de R. Dans la pratique on peut néanmoins sans problème travailler
avec des éléments arbitraires. Si les éléments irréductibles peuvent être choisis
canoniquement, par exemple dans Z (les nombres premiers positifs) et dans K[X]
(les polynômes irréductibles unitaires), on peut parler “du” PGCD et “du” PPCM.
80
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Proposition 2.87. Soit R un anneau factoriel.
(i) Un élément d ∈ R, d 6= 0 est un PGCD des éléments a1 , . . . , an si et seulement
si
d | a1 , . . . , d | an
si e ∈ R t.q. e | a1 , . . . , e | an , alors e|d.
(ii) Un élément k ∈ R, k 6= 0 est un PPCM des éléments a1 , . . . , an si et seulement si
a1 | k, . . . , an | k
si ` ∈ R t.q. a1 | `, . . . , an | `, alors k | `.
Démonstration. De la propriété de la factorisation unique pour des éléments a, b ∈
R \ {0}, il suit que a|b si et seulement si ordp (a) ≤ ordp (b). Ça suffit pour vérifier
facilement les deux propriétés.
Remarque 2.88. Les propriétés de la Proposition 2.87 peuvent être utilisées pour
définire les notions de PGCD et PPCM dans un anneau arbitraire, qui ne doivent
alors pas toujours exister. L’existence de ces éléments est fortement liée avec la
propriété de factorisation unique.
Théorème 2.89. Soit R un anneau principal, alors
(i) d ∈ R est le PGCD de a1 , . . . , an si et seulement si Ra1 + · · · + Ran = Rd.
(Théorème de Bézout.)
(ii) k ∈ R est le PPCM de a1 , . . . , an si et seulement si Ra1 ∩ · · · ∩ Ran = Rd.
Démonstration. Exercice.
Remarque 2.90. La première partie du Théorème 2.89 est connue comme le
Théorème de Bézout (Bézout le démontrait pour les nombres entiers). Ce résultat
dit que si a, b ∈ R\{0}, il existe des éléments r, s ∈ R tel que PGCD(a, b) = ra+sb.
Dans un anneau euclidien, on peut déterminer les éléments r et s explicitement
avec l’algoritme d’euclide, et calculer le PGCD de cette manière.
2.8
Théorème des restes chinois
Dans ce paragraphe, on suppose que tous les anneaux sont commutatifs.
Définition 2.91. Soit R un anneau. Les idéaux I1 , . . . , In sont appelés comaximaux si leur somme est l’anneau tout entier, c’est-à-dire I1 + · · · + In = R.
Exemples 2.92. (1) Deux différents idéaux maximaux M1 et M2 sont comaximaux.
(2) Par le théorème de Bézout, les idéaux (n1 ), . . . , (nk ) de Z sont comaximaux si
et seulement si PGCD(n1 , . . . , nk ) = 1.
2.8. THÉORÈME DES RESTES CHINOIS
81
Lemme 2.93. Soit R un anneau et I1 , . . . , Im des idéaux deux à deux comaximaux,
i.e. Ik + I` = R Q
pour tous 1 ≤ k < ` ≤ m. Alors il suit que pour tous 1 ≤ ` ≤ m,
les idéaux I` et k6=` Ik sont comaximaux.
Démonstration. Fixons ` ∈ N, 1 ≤ ` ≤ m. Pour tout autre k ∈ N, 1 ≤ k ≤ m et
k 6= `, on sait alors Ik + I` = R. On trouve Q
des éléments rk Q
∈ Ik et sk P
∈ I` tels
que rk + sk = 1. Considérons le produit 1 = k6=` (rk + sk ) = k6=` rk + j tj , où
les
tj possèdentPtous au moins un facteur
k 6= `. Alors
Q termes Q
Q sk pour
P un certain
Q
et j tj ∈ I` . Donc 1 = k6=` rk + j tj ∈ k6=` Ik + I` et on
k6=` rk ∈
k6=` Ik Q
peut conclure que k6=` Ik + I` = R.
Théorème 2.94 (Théorème des restes chinois). Soit R un anneau et I1 , . . . , Im
des idéaux deux à deux comaximaux. Soient a1 , . . . , am ∈ R. Alors, il existe un
élément x ∈ R tel que pour tout j = 1, . . . , m on a
x ≡ aj mod Ij
(C’est-à-dire le système d’equations {X ≡ aj mod Ij }j possède une solution dans
R.)
Démonstration. Supposons d’abord que m = 2 et soient I et J des idéaux comaximaux dans R. Prenons a, b ∈ R des éléments arbitraires. De la comaximalité
de I et J, il suit l’existence des éléments r ∈ I et s ∈ J tels que r + s = 1.
Donc r ≡ 1 mod J et s ≡ 1 mod I. Prenons maintenant x = br + as. Alors
x ≡ as mod I ≡ a mod I et x = br mod J ≡ b mod J. On a démontré le théorème
pour m = 2.
Q
Maintenant soit m arbitraire. Prenons des idéaux I = I` et J = k6=` Ik . Du
Lemme 2.93 on sait que I et J sont comaximaux. Alors prenons a = 1 et b = 0
et appliquons la première partie de la démonstration. On trouve alors pour tous
` = 1, . . . , m un élément x` ∈ R tel que
x` ≡ 1 mod I ≡ 1 mod IQ
`
x` ≡ 0 mod J ≡ 0 mod k6=` I`
Considérons x = x1 a1 + . . . + xm am ∈ R, alors on trouve pour chaque
`, x =
Q
x1 a1 + . . . + xm am ≡ x` a` mod I` ≡ a` mod I` , où on utilise le fait que k6=` Ik ⊂ Ij
pour tous j 6= `. Alors x satisfait les congruences demandées.
Lemme 2.95. Soit R un anneau et I, J des idéaux comaximaux. Alors I ∩J = IJ.
Démonstration. En général, on sait que IJ ⊂ I ∩ J (voir Paragraphe 2.3), donc
on doit seulement démontrer la réciproque. Prenons a ∈ I ∩ J. Comme I et J sont
comaximaux, il existe r ∈ I et s ∈ J tels que r+s = 1. Donc a = a(r+s) = ar+as.
Clairement, ar ∈ IJ parce que a ∈ J et r ∈ I. Aussi, as ∈ IJ et donc a ∈ IJ.
82
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Par induction on obtient le prochain corollaire.
Corollaire 2.96. Soient R un anneau et I1 , . . . , Im des idéaux deux à deux comaximaux. Alors I1 ∩ · · · ∩ Im = I1 · · · Im .
Soit R un anneau et I1 , . . . , Im des idéaux différents dans R. Considérons l’anneau R/I1 × · · · × R/Im . Il existe un morphisme canonique
π : R → R/I1 × · · · × R/Im
r 7→ π(r) = (r mod I1 , . . . , r mod Im )
Théorème 2.97 (Théorème des restes chinois, deuxième version). Soient R un
anneau et I1 , . . . , Im des idéaux deux à deux comaximaux. Alors le morphisme
canonique
π : R → R/I1 × · · · R/Im
Qm
est surjectif et Ker π = j=1 Ij . Par conséquent, par le théorème d’isomorphisme,
R/
m
Y
j=1
Ij ∼
=
m
Y
R/Ij
j=1
Démonstration. Le Théorème 2.94 donne directement la surjectivité de π. D’autre
part, r ∈ Ker π si et seulement si r ≡ 0 mod Ij pour tous j = 1, . . . , m. Donc
r ∈ Ker π si et seulement
si r ∈ ∩m
j=1 Ij . Grâce au Corollaire 2.96, on trouve que
Q
m
m
Ker π = ∩j=1 Ij = j=1 Ij .
Remarque 2.98. Si on reprend la première version du Théorème des restes chinois
dans le cas R = Z, on trouve le théorème suivante. Si n1 , . . . , nm sont des nombres
entiers, deux à deux relativement premiers, et a1 , . . . , am sont des nombres entiers
arbitraires, alors le système des congruences


 X ≡ a1 mod n1
..
.

 X ≡ a mod n
m
m
possède toujours une solution dans Z. Sous cette forme, le théorème était déjà
connu par le chinois Tsun Tsu, il y a environ 2000 ans (ce qui clarifie le nom du
théorème). Dans différentes formulations et variantes, le théorème apparait dans
beaucoup d’écritures partout dans l’histoire de l’algèbre.
2.9
2.9.1
Les corps finis
Caractéristique d’un anneau
Avant étudier les corps finis, on discute quelques définitions et propriétés valables pour des anneaux en général.
2.9. LES CORPS FINIS
83
Lemme 2.99. Tout idéal I 6= {0} de Z est un idéal principal I = nZ avec n ∈ N0 .
En outre, le générateur n ∈ I ∩ N0 est unique.
Démonstration. On sait déjà que Z est un anneau euclidien, donc un anneau
principal. Pour la deuxième partie de l’assertion, supposons que nZ = mZ pour
n, m ∈ N0 . Alors n et m sont associés dans Z et n = um pour un élément inversible
u ∈ Z. Comme les seuls éléments inversibles dans Z sont 1 et −1, l’assertion est
claire.
Le lemme ci-dessus est aussi valable pour l’ideal nul, parce que {0} = 0Z.
Définition 2.100. La caractéristique d’un anneau R est le générateur n ∈ N
de l’idéal (principal) de Z défini par le noyeau du morphisme d’anneaux unique
ιR : Z → R. On dénote Char (R) = n.
Remarque 2.101. La caractéristique d’un anneau R est égale à n ∈ N0 si et
seulement si n est le nombre le plus petit tel que
1R + . . . + 1R = 0.
{z
}
|
n
S’il n’existe pas un tel nombre naturel, la caractéristique est égale à zéro. Ceci est
le cas si le morphisme Z → R est injectif.
Proposition 2.102. La caractéristique d’un domaine (en particulier d’un corps)
est un nombre premier ou zéro.
Démonstration. Soient R un domaine et ιR : Z → R le morphisme canonique.
Puisque R n’a pas de diviseur de zéro, Im ιR ne contient pas de diviseur de zéro
non plus. Par le premier théorème d’isomorphisme pour les anneaux, on obtient
que Z/Ker ιR est un domaine, donc Ker ιR = Char (R)Z est un idéal premier et par
conséquent, Char (R) est un nombre premier ou zéro.
Clairement, la caractéristique d’un anneau fini est toujours (strictement) positive. La réciproque n’est pas nécessairement vraie, comme on peut le voir dans les
exemples suivants. Aussi la réciproque de la Proposition 2.102 n’est pas correcte.
Exemples 2.103. (1) La caractéristique des anneaux “classiques” Z, Q, R, C
et H est zéro, de même que la caractéristique leurs extensions comme Q[X],
R hX1 , . . . , Xn i, Matn (C), etc.
(2) La caractéristique d’un anneau Z/nZ est n pour chaque n ∈ N0 . En particulier
la caractéristique du corps Fp de p éléments (p un nombre premier) est p.
(3) La caractéristique de F4 , le corps de 4 éléments est 2 ; la caractéristique du
corps F9 de 9 éléments est 3 (voir Exemple 2.47).
(4) La caractéristique de l’anneau infini Fp [X] est p, ainsi que la caractéristique
de la clôture algébrique Fp de Fp .
(5) La caractérisique de l’anneau Z × Z est zéro, la caractéristique de l’anneau
Fp × Fp est p. Ces deux anneaux ont des diviseurs de zéro.
84
2.9.2
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Le petit théorème de Wedderburn
Lemme 2.104. Tout domaine fini K est un corps.
Démonstration. Soit a ∈ K \ {0}. Puisque K n’a pas de diviseur de zéro, l’application
K → K, x 7→ xa
est injective et donc surjective. Alors il existe un inverse à gauche pour a. De même,
il existe un inverse à droite et a est inversible.
Le théorème suivant est appelé le “petit théorème de Wedderburn”, afin de ne
pas le confondre avec le “grand” théorème du même Wedderburn (ou le théorème
de Artin-Wedderburn), qui donne la structure des anneaux semi-simples en terme
d’anneaux de matrices sur des corps (on ne donne pas ce théorème dans ce cours).
Le petit théorème de Wedderburn utilise quelques propriétés élementaires des
polynômes cyclotomiques, qu’on démontre d’abord.
Définition 2.105. Soit n ∈ N0 . Le polynôme cyclotomique d’indice n Qn (X) est
le polynôme unitaire Qn (X) ∈ C[X], qui est complètement factorisable en termes
linaires X − ω où ω est une racine primitive n-ième de l’unité. Rappelons qu’une
racine primitive n-ième de l’unité est un nombre complexe qui génère un sousgroupe d’ordre n dans le groupe multiplicatif de C.
Lemme 2.106. Pour tout n ∈ N0 , les assertions suivantes sont valables :
Q
(i) X n − 1 = k∈N0 Qk (X) ;
k | n
(ii) Qn (X) ∈ Z[X] ;
(iii) pour tout k ≤ n, X n − 1 est divisible par X k − 1 dans Z[X] si et seulement
si n est divisible par k dans Z.
Q
Démonstration. (i). On sait que X n − 1 = ni=1 (X − ωi ) dans C[X], ou ωi sont
toutes les racines n-ièmes de l’unité. L’ensemble {ωi , i = 1, . . . , n} livre une partition constituée de tous les sous-ensembles Ωk , qui consistent en toutes les racines
primitives k-ièmes de l’unité, avecQk un diviseur de n. Cette partition correspond
exactement au produit X n − 1 = k∈N0 Qk (X).
k | n
Q
(ii). Soit n minimal tel que Qn ∈
/ Z[X]. Alors X n − 1 = Qn (X) k<n Qk (X).
k|n
Par notreQhypothèse, on sait que Qk (X) ∈ Z[X], donc aussi le polynôme unitaire
P (X) = k<n Qk (X) ∈ Z[X]. On dénote deg(P (X)) = p. Soit ` le degré maximal
k|n
dans Qn tel que le coefficient de Qn dans ce degré a` ∈
/ Z. Si on compare les con
efficients de degré p + ` dans X + 1 et Qn (X)P (X), on trouve une contradiction
avec le fait que a` n’est pas un nombre entier.
(iii). Suit directement de la partie (i).
2.9. LES CORPS FINIS
85
Théorème 2.107 (Le petit théorème de Wedderburn). Tout corps fini K est un
champ.
Démonstration. Soit F = Z(K) le centre de K. Alors F est un champ et K est
un espace vectoriel sur F . Dénotons par n la dimension de F sur K. On démontre
que n = 1.
Dénotons par F × le groupe multiplicatif de F et par K × le groupe multiplicatif
de K. Alors K × agit sur lui-même par conjugaison. Pour tout x ∈ K × , on a x ∈ F ×
×
×
si et seulement si Ox = {x}. Alors les points fixés dans K × sont KK
× = F .
Rappelons que chaque G-espace X est une partition de ses orbites et on peut
calculer le nombre d’éléments dans une orbite par la formule des classes (voir
Théorème 1.84). Pour chaque x ∈ K × \ F × on trouve alors Ox = |K × |/|Kx× |. Ici,
Kx× contient tous les éléments qui commutent avec x. On peut facilement vérifier
que Kx× ∪ {0} est un sous-espace de K sur F . On dénote dimF (Kx× ∪ {0}) = dx .
Soit X un ensemble qui contient exactement un élément de chaque orbite avec plus
d’un élément. Si on applique la formule de la Remarque 1.88, on trouve
X
|K × | = |F × | +
|Ox |
x∈X
= qn − 1 = q − 1 +
X qn − 1
q dx − 1
x∈X
Comme |Ox | est un nombre entier, q dx − 1 divise q n − 1, donc dx divise n pour tout
x ∈ X, par la partie (iii) du Lemme 2.106. Considérons le polynôme cyclotomique
Qn (X) d’indice n. Par la partie (ii) du même lemme, on sait que Qn (q) est un
nombre entier et par la partie (i) on sait que Qn (q) divise les nombres entiers
n
q n − 1 et qqdx−1
pour chaque x ∈ X. Alors Qn (q) divise aussi q − 1. Supposons
−1
maintenant que n > 1. Alors Qn (q) est un produit non-trivial des termes q − ω,
où les ω sont des racines primitives n-ièmes. Comme |q − ω| > |q − 1| (q ∈ N),
évidemment |Qn (q)| > |q − 1|, et donc q − 1 n’est pas divisible par Qn (q) dans Z.
Donc n = 1, K = F et K est commutatif.
Corollaire 2.108. Tout domaine fini est un champ.
2.9.3
Caractérisation des corps finis
Lemme 2.109. Soit K un corps fini. Alors Char K = p est un nombre premier et
#K = pn pour n ∈ N0 .
Démonstration. Par la Proposition 2.102 on sait déjà que Char K = p est un
nombre premier. Alors on a une injection ι : Fp → K. Cette injection munit K
d’une structure d’espace vectoriel sur Fp (voir Exemple 2.13(8)). Comme K est fini,
K est un espace vectoriel finidimensionel. Soit dimFp (K) = n, alors #K = pn .
86
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Maintenant on va démontrer l’existence d’un corps K d’ordre pn pour chaque
nombre premier p et chaque n ∈ N0 .
Théorème 2.110. Soit K un corps fini de q = pr éléments (p un nombre premier).
Alors, le polynôme X q − X est complètement décomposable en facteurs linéaires
sur K et ne possède pas de racine multiple. Les éléments de K sont exactement
les zéros du polynôme X q − X.
Démonstration. L’ordre du groupe multiplicatif de K est q − 1. Donc pour tout
élément inversible a ∈ K, on a aq−1 = 1. Par conséquent, aq − a = 0 pour tout
a ∈ K (c’est évident pour a = 0). Donc tous les éléments de K sont des racines
q
q
de
Q X − X, et parce que K contient exactement q éléments, on trouve X − X =
a∈K (X − a).
Théorème 2.111. Soit p un nombre premier.
(i) Pour chaque r ∈ N0 , il existe un corps K de q = pr éléments ;
(ii) Tout corps fini de caractéristique p est de la forme Fp [X]/(f (X)) pour un
certain polynôme irréductible unitaire f (X).
(iii) Pour chaque r ∈ N0 , il existe un polynôme irréductible unitaire f (X) de degré
r.
(iv) Deux corps fini de même ordre sont isomorphes.
Démonstration. (i). Soit Fap une clôture algébrique de Fp . Considérons dans Fap
l’ensemble suivant
K = {α ∈ Fap | α est une racine de X q − X}.
On prétend que K est un sous-corps de Fap . En effet, pour tous a, b ∈ K, on trouve
(a ± b)q = aq ± bq = a ± b, donc a ± b ∈ K. Aussi (ab)q = aq bq = ab, donc ab ∈ K.
Alors K est un sous-anneau de Faq . Comme Faq est un anneau intègre, K est un
anneau intègre aussi et par le petit théorème de Wedderburn on sait que K est
un corps. La cardinalité de K est exactement le nombre de racines différentes de
X q − X. Supposons que a est une racine de multiplicité 2 ou plus. Alors
(X q − X) = (X − a)2 f (X).
Si on remplace X par Y + a, on trouve
(Y + a)q − (Y + a) = Y 2 f (Y + a).
Et parce que aq = a on arrive a
Y q − Y = Y 2 f (Y + a).
2.10. ÉTUDE D’UN ENDOMORPHISME
87
Néanmoins, il est clair que Y q − Y n’est pas divisible par Y 2 , donc X q − X n’a pas
de racine multiple. Donc K est un corps d’ordre q.
(ii). Soit F un corps fini. Par le Lemme 2.109, F a un ordre pr , pour r ∈ N0 ,
et il existe un morphisme injectif Fp → F . Par le Corollaire 1.55, on sait que le
groupe multiplicatif de K est cyclique. Soit γ un générateur pour ce groupe. Alors
on obtient un morphisme d’anneaux φ : Fp [X] → F, φ(f ) = f (γ). Comme chaque
élément dans F est 0 ou une puissance de γ, φ est surjectif. Alors F ∼
= Fp [X]/Ker φ.
Comme F est un corps, Ker φ est un idéal maximal, donc Ker φ ∼
= (f (X)) pour un
polynôme unitaire irréductible dans l’anneau principal Fp [X] (voir Théorème 2.72).
(iii). Par la partie (i), on sait qu’il existe un corps d’ordre pr . Par la partie (ii), cette
existence implique l’existence d’un polynôme unitaire et irréductible f (X) ∈ Fp [X]
de degré r.
(iv). Soient K et L deux corps d’ordre pr . On sait Fp ⊂ K et Fp ⊂ L, donc K
(resp L) est contenu dans une clôture algébrique Fap (resp. Fap 0 ) de Fp . Parce toutes
les clôtures algébriques sont isomorphes, il existe un isomorphisme φ : Fap → Fap 0 .
On sait par le Théorème 2.110 que K (resp. L) consiste exactement en toutes les
solutions du polynôme X q − X. Bien sûr, on peut calculer ces solutions dans Fap
(resp. Fap 0 ). Donc α ∈ K si et seulement si αq = α dans Fap . Mais alors on trouve
que φ(α)q = φ(αq ) = φ(α), donc φ(α) ∈ L. C’est-à-dire le morphisme φ restreint
à un morphisme φ : K → L. De même, on peut restreindre l’inverse de φ pour
obtenir un inverse φ−1 : L → K et on trouve que K et L sont isomorphes.
2.10
Étude d’un endomorphisme
88
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
2.11
Exercices
1. Prouver que Z, Q, R, C, H sont des anneaux munis des additions et multiplications usuelles. Ont-ils d’autres propriétés ?
2. Vérifier que C est isomorphe à l’anneau de matrices
a −b
| a, b ∈ R .
b a
3. Vérifier que H est isomorphe à l’anneau de matrices
a + bi c + di
| a, b, c, d ∈ R .
−c + di a − bi
Trouver un isomorphisme entre H et un anneau de matrices réelles.
4. Prouver que tout morphisme d’un corps dans un anneau est injectif.
5. Soient R un anneau et M l’anneau des matrices n × n à coefficients dans R.
Prouver que l’ensemble des matrices diagonales forme un sous-anneau de M
isomorphe à Rn .
6. Prouver que tout anneau R, +, · est isomorphe à un anneau d’endomorphismes d’un groupe abélien. (Hint : Considérer (R, +, 0).)
7. Soit M un R-module et soit N ≤ M un sous-module. Prouver que M/N est
un R-module.
8. Illustrer l’exercice précédent avec R l’anneau des matrices entières de taille
3 × 3, M le R-module des matrices triangulaires entières de taille 3 × 3 et N
le sous-R-module des matrices diagonales.
9. Considérons l’anneau R = Mat2 R.
(a) Montrer que L, l’ensemble des matrices
a 0
b 0
| a, b ∈ R .
est un idéal gauche de R.
(b) Existe-t-il d’autres idéaux gauches non triviaux ?
(c) Donner un idéal droit qui n’est pas un idéal gauche.
(d) Montrer que R est simple.
(e) De manière générale, prouver que pour un corps K et un espace vectoriel
finidimensionnel V sur K, l’anneau EndK (V ) est simple.
2.11. EXERCICES
89
10. Soit
g=
0 1
1 1
∈ GL2 (F2 ).
Montrer que G := hgi ∼
= C3 . Prouver que F2 G n’est pas isomorphe à
S := {
3
X
ai g i | ai ∈ F2 } ⊆ F22×2 .
i=1
11. Soit ϕ : R → T un morphisme d’anneaux et soit ψ : R → S un morphisme
d’anneaux surjectif. Alors il existe un morphisme d’anneaux η : S → T tel
que le diagramme suivant commute
R
ψ
ϕ
/8
T
∃η
S
si et seulement si Kerψ ⊂ Kerϕ. Le morphisme η, s’il existe, est unique.
12. Soit R un anneau commutatif. On définit le nilradical de R comme l’ensemble
rad(R) := {x ∈ R | xn = 0 pour un certain n ≥ 0}.
Prouver que
(a) rad(R) est un idéal bilatère.
(b) R/rad(R) contient 0 comme unique élément nilpotent.
13. Déterminer le nilradical de l’anneau Z/nZ.
14. Prouver que R[X]/(X 2 + 1) ∼
= C.
15. Vérifier les isomorphismes suivants :
(a) Q[X]/(X 2 + 1) ∼
= Q[i] ;
(b) R[X]/(X 3 − 1) ∼
= R × C;
16. Décrire les idéaux premiers de Z qui contiennent n ∈ Z.
17. Soit R un anneau commutatif et soient M1 , M2 deux idéaux. Montrer que si
M1 ∩ M2 est un idéal maximal de R, alors M1 = R ou M2 = R ou M1 = M 2.
18. Soit p un nombre premier de Z. Soit ḡ(X) un idéal premier dans (Z/pZ)[X].
Soit g(X) ∈ Z[X] un représentant pour ḡ(X). Montrer que (p, g(X)) est un
idéal maximal dans Z[X]. Hint : vérifier d’abord l’isomorphisme
Z[X]/(p, g(X)) ∼
= Fp [X]/(g(X)).
19. Déterminer les idéaux maximaux de
90
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
(a) R × R ;
(b) R[X]/(X 2 ) ;
(c) R[X]/(X 2 − 3X + 2) ;
(d) R[X]/(X 2 + X + 1).
20. Montrer que (X +Y 2 , Y +X 2 +2XY 2 +Y 4 ) est un idéal maximal de C[X, Y ].
21. Soit R un anneau intègre infini avec un nombre fini d’éléments inversibles.
Montrer que R contient un nombre infini d’idéaux premiers différents. (Cet
exercice généralise la démonstration classique d’Euclide pour l’existence d’une
infinité de nombre premiers.)
22. Le radical d’un anneau commutatif R est df́ini par
rad(R) = {r ∈ R | ∃n ∈ N : rn = 0}
23.
24.
25.
26.
27.
c’est-à-dire l’ensemble des éléments nilpotents de R. Montrer que
(a) rad(R) est un idéal de R ;
(b) rad(R) = ∩P idéal premier de R P .
Donner un exemple d’anneau non simple avec un centre qui est un corps.
Soit R un anneau non commutatif. Montrer que les idéaux bilatères de
Matn (R) sont les ensembles de la forme Matn (I) avec I un idéal bilatère
de R. Montrer que
(a) Matn (R)/Matn (I) ∼
= Matn (R/I) ;
(b) Matn (I) est premier (resp. maximal) dans Matn (R) si et seulement si I
est premier (resp. maximal) dans R.
Soit R un domaine de factorisation. Démontrer que R est un domaine de
factorisation unique si et seulement si les éléments irréductibles de R sont
exactement les éléments premiers.
(a) Donner un exemple d’anneau de la forme Z[α] qui n’est pas un anneau
factoriel.
(b) Donner un idéal I dans K[X, Y, Z] tel que le quotient K[X, Y, Z]/I n’est
pas un anneau factoriel.
(c) Pourquoi les expressions suivantes ne sont pas en contradiction avec le
fait que Z[i] est un anneau factoriel ?
– 17 = (4 + i)(4 − i) = (1 − 4i)(1 + 4i)
– 10 = 2.5 = (3 + i)(3 − i)
Soit R un anneau factoriel.
(i) Un élément d ∈ R, d 6= 0 est un PGCD des éléments a1 , . . . , an si et
seulement si
d | a1 , . . . , d | an
si e ∈ R t.q. e | a1 , . . . , e | an , alors e|d.
2.11. EXERCICES
91
(ii) Un élément k ∈ R, k 6= 0 est un PPCM des éléments a1 , . . . , an si et
seulement si
a1 | k, . . . , an | k
si ` ∈ R t.q. a1 | `, . . . , an | `, alors k | `.
28. Soit R un anneau principal, alors
(i) d ∈ R est le PGCD de a1 , . . . , an si et seulement si Ra1 +· · ·+Ran = Rd.
(Théorème de Bézout.)
(ii) k ∈ R est le PPCM de a1 , . . . , an si et seulement si Ra1 ∩· · ·∩Ran = Rd.
29. Si I, J sont des idéaux dans R (R commutatif) tels que I + J = R (i.e. I et
J sont comaximaux), alors I ∩ J = IJ.
30. Soit f : R → S un morphisme d’anneaux.
(a) Si I est un idéal de R, alors f (I) est un idéal de Imf .
(b) Si R est noethérien, alors Imf est noethérien.
(c) Si R est principal, alors Imf est principal.
(d) Montrer par un exemple que l’image d’un domaine n’est pas toujours un
domaine. Dériver le même résultat pour ‘quotient’ à la place de ‘image’.
31. Soit R un anneau fini et r ∈ R. Démontrer qu’il existe un élément s ∈ R tel
que rn = srn+1 (pour un certain n ∈ N).
√
32. Démontrer que Z[ d] est noethérien.
33. Vérifier que Z[i] avec la norme euclidienne comme dans les notes est effectivement un anneau euclidien. Hint : Démontrer que v : Z[i] → N, v(a + bi) =
a2 + b2 est une norme euclidienne ssi pour tout z ∈ Q[i], il existe q ∈ Z[i]
tel que v(z − q) < 1. Vérifier cette propriété en visualisant Z[i] dans le plan
complexe.
92
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Annexe A
A.1
L’aphabet Grec
capitale
A
B
Γ
∆
E
Z
H
Θ
I
K
Λ
M
N
Ξ
O
Π
P
Σ
T
Y
Φ
X
Ψ
Ω
minuscule
α
β
γ
δ
, ε
ζ
η
θ, ϑ
ι
κ
λ
µ
ν
ξ
o
π, $
ρ, %
σ, ς
τ
υ
φ, ϕ
χ
ψ
ω
prononciation
alpha
bêta
gamma
delta
epsilon
zêta
êta
thêta
iota
kappa
lambda
mu
nu
xi
omicron
pi
rhô
sigma
tau
upsilon
phi
chi
psi
oméga
93
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