Physique - 7 ème année - Ecole Européenne Approfondissement n° 3 : PHENOMENES DES MAREES I) Théorie simplifiée : L'avance et le retrait de l'océan à intervalles de temps régulier est un phénomène connu de tous. On sait depuis Newton que ces marées sont dues à l'action de la Lune et, à un moindre degré, du Soleil. Plus généralement, les phénomènes de marées, c'est-à-dire les déformations mutuelles de deux corps en orbite l'un autour de l'autre, jouent un rôle important en mécanique céleste : la dissipation, sous forme de chaleur, lors des frottements engendrés par les déformations, de l'énergie mécanique associée aux deux corps en interaction, entraîne des modifications importantes de leurs périodes de révolution et de rotation. Dans le Système solaire, l'orbite des planètes est peu modifiée par les effets de marées dus au Soleil. En revanche, les mouvements des satellites des planètes ont été profondément affectés par les marées. Ainsi, c'est à cause des marées que nous observons, de la Terre, toujours la même face de la Lune. 1) Calculs théoriques : a) Référentiels : Pour étudier le mouvement des différents corps en interaction de gravitation dans le système solaire il faut choisir un référentiel galiléen. - le référentiel de Copernic RC est le référentiel le plus galiléen qu'on puisse imaginer. Il a pour origine le centre d'inertie C du système solaire, et ses trois axes Cx, Cy et Cz sont dirigés vers des étoiles fixes (très éloignées). - le référentiel de Képler RS ou référentiel héliocentrique est plus commode pour l'étude du mouvement des planètes et il est très galiléen (la masse du Soleil étant très grande). Il a pour origine le centre d'inertie S du Soleil et ses trois axes Sx, Sy et Sz restent parallèles aux axes Cx, Cy et Cz (il est en translation par rapport à RC). - le référentiel Géocentrique RT permet d'étudier le mouvement des satellites de la Terre, il reste assez galiléen. Il a pour origine le centre T de la Terre et ses axes Tx, Ty et Tz restent parallèles aux axes Sx, Sy et Sz (il est en translation par rapport à RS). b) Objet à la surface de la Terre : On considère un objet M de masse m situé au voisinage de la surface de la Terre. Plaçons-nous dans le référentiel géocentrique RT qui est en translation elliptique et subit → donc une accélération a(T )S par rapport au référentiel héliocentrique RS. L'objet M est soumis à différentes forces : → - les forces de gravitation, de la Terre m. GTer (M) (Mouvement des planètes § : II) 4), de → → la Lune m. GLun (M) , du Soleil m. GSol (M) et des autres astres du système solaire. → → - la force d'inertie d'entraînement f ie = − m. a(T )S due au fait que le référentiel RT n'est pas galiléen. → - d'autres forces appliquées de résultante f (par exemple : la tension d'un fil de suspension auquel serait accroché l'objet, la réaction d'un support sur lequel il serait posé ou la réaction du reste de l'océan si l'objet est une particule d'eau !). Le théorème du centre d'inertie appliqué à l'objet M dans le référentiel RT, s'écrit : → → → → → → m. a(M)T = f + m. GTer (M) + m. GLun (M) + m. GSol (M) + ... − m. a(T )S Ecole Européenne de Francfort [1] Page 171 Phénomène des marées Intéressons-nous à la force de gravitation que subit la Terre elle-même de la part des autres astres du système solaire, force de gravitation qui explique son mouvement et donc → son accélération a(T )S par rapport à RS. Le champ de gravitation que crée un astre à symétrie sphérique de centre A et de masse MA se calcule en remplaçant cet astre par le point matériel A de masse MA. La force de gravitation que subit un astre à symétrie sphérique de centre B et de masse MB se calcule également en remplaçant cet astre par le point matériel B de masse MB. → → → On a donc : MT. a(T )S = MT.[ GLun (T ) + GSol (T ) + …] Où MT est la masse de la Terre. On en déduit : → → → a(T )S = GLun (T ) + GSol (T ) + … En reportant dans [1], on obtient : → → → → → → → m. a(M)T = f + m. GTer (M) + m. GLun (M) + m. GSol (M) + … − m. GLun (T ) + m. GSol (T ) + … → → → → → → → m. a(M)T = f + m. GTer (M) + m.[ GLun (M) − GLun (T ) + GSol (M) − GSol (T ) + …] ou → Comme on l'a dit f est la résultante des forces, autres que gravitationnelles et d'inertie, → m. GTer (M) est la force de gravitation de la Terre qu'on peut assimiler au poids de l'objet, le troisième terme est un terme différentiel ou terme de marée : → → → → → δf (M) = m.[ GLun (M) − GLun (T ) + GSol (M) − GSol (T ) + …] On s'intéresse à l'accélération différentielle de marée : → → → → → δa(M) = GLun (M) − GLun (T ) + GSol (M) − GSol (T ) + … c) Influence de la Lune : → → → Si on ne garde que le terme dû à la Lune : δa(M)Lune = GLun (M) − GLun (T ) → GLun (T ) représente le vecteur champ de gravitation de la lune, calculé au centre de la Terre, ce vecteur est indépendant → de la position du point M, − GLun (T ) est, bien sûr, l'opposé de ce vecteur. → GLun (M) représente le vecteur champ de gravitation de la lune, calculé au point M, ce vecteur dépend de la position du point M et a pour direction la droite ML. → Le vecteur δa(M) dépend de la position du point M. La mesure δa est maximale aux points M1 et M3 (suivant l'axe TL). On peut calculer sa valeur : Soit D = TL la distance Terre-Lune et RT = TM le rayon moyen de la Terre. La force de gravitation que subit un objet de masse m, placé à la distance r du centre d'un astre de masse M, a pour expression : F = K. m.2M r Le champ de gravitation varie comme l'inverse du carré de la distance du centre de l'astre au point considéré (Mouvement des planètes § : II) 4) : 1 1 δa(M1)Lune = GLun(M1) − GLun(T) = K.ML.[ − 2] 2 (D − R T ) D On peut développer l'expression entre crochets. Page 172 Christian BOUVIER Physique - 7 ème année - Ecole Européenne RT .(2 − R T ) 2 2 − D2 + 2.R .D − R 2 1 D 2 . R . D − R 1 D T T D T T − 2 = = = 2 2 (D − R T )2 D2 .(D − R T )2 D 2 . R D4 − 2.RT .D3 + RT .D2 T D2 .(1 − + R T2 ) D D R 2− T 1 R 1 D T − 2 = 3 . [1] 2 (D − R T )2 D D 2 . R R T T + 2 1− D D 6 or RT ≈ 6,4.10 m et D ≈ 3,84.108 m et MT ≈ 6.1024 kg et ML ≈ 7,34.1022 kg et le terme fractionnaire de [1] est égal à 2, à 2.5 % près (calcul d'ordre de grandeur). 3 3 MT ML R T ML R T RT δa(M1)Lune ≈ 2.K.ML. 3 = 2.K. 2 . . 3 = 2.g0. . MT D 3 D R T MT D g0 = K. MT est l'intensité 2 RT du champ de pesanteur à la surface de la Terre. On trouve donc : δa(M1)Lune ≈ 10−7.g0 La valeur apparemment très faible de cette accélération est néanmoins la cause de la formation d'un bourrelet de la surface des océans. d) Influence du Soleil : On peut reprendre les calculs précédents et considérer le système Terre-Soleil isolé : On a RT ≈ 6,4.106 m et D' ≈ 1,5.1011 m (1 u.a.) et MT ≈ 6.1024 kg et MS ≈ 2.1030 kg et le terme fractionnaire de [1] est égal à 2, très précisément. On a donc : 3 3 R δa(M1)Soleil ≈ 2.K.MS. RT3 = 2.K. MT2 . MS . T3 = 2.g0. MS . RT3 MT D' D' RT MT D' soit δa(M1)Soleil ≈ 5,210−8.g0 Le Soleil a donc une influence plus faible que la Lune et on a : δa(M1)Soleil ≈ 0,5. δa(M1)Lune. e) Explication qualitative : Revenons au cas de l'influence de la Lune. Le bourrelet qui apparaît en M1, face à la Lune est dû au fait que la Lune exerce une attraction (très faible) sur un élément de volume de la surface de l'océan. Cette attraction diminue très légèrement l'attraction terrestre, et l'océan se "soulève" par rapport au reste de la Terre. Comment expliquer l'apparition d'un bourrelet en M3 à l'opposé de la Lune ? ! On considère le système Terre-Lune isolé. En fait, la Terre et la Lune "tournent" autour de leur centre de gravité commun G (situé très près de T), de ce fait, un élément de volume de la surface de l'océan situé à l'opposé de la Lune subit une force centrifuge (très faible) qui engendre se "soulèvement". Ecole Européenne de Francfort Page 173 Phénomène des marées On est dans la même situation que l'athlète lanceur de marteau : pendant la rotation de prise d'élan, la chaîne qui le relie au marteau représente la force d'attraction Terre-Lune ; mais le lanceur ne reste pas vertical, il s'incline dans le sens opposé au marteau. L'ensemble lanceur-marteau tourne autour du centre de gravité commun, et la tête du lanceur, par exemple, décrit un cercle autour d'un axe vertical et subit une force centrifuge vers "l'arrière" (dans le sens opposé au marteau), ses cheveux se "soulèvent". 2) Fréquence des marées : Les bourrelets de marées sont théoriquement situés sur l'axe Terre-Lune (T-L), et lors de la rotation diurne de la Terre, ces bourrelets vont rester sur cette direction : un point de la Terre verra donc passer 2 bourrelets en 24 h, soit deux marées par 24 h. En fait, la Lune tourne autour de la Terre, et la direction T-L ne reste pas fixe dans l'espace. La Lune tourne autour de la Terre dans le même sens que la Terre tourne sur elle-même, et la période de rotation de la Lune est de 28 j environ, la direction T-L reprend la même position, chaque jour, avec un retard de ∆t = 24/28 ≈ 50 min. Les marées se succèdent donc avec un intervalle d'environ 12 h 25 min. Entre deux marées hautes, à Brest, le 11 février 2 000, il s'écoule 12 h 26 min. On remarque que la marée descendante, le reflux ou jusant, dure un peu plus longtemps que la marée montante, le flux. Cette différence est générale mais peut varier considérablement, en durée, d'un port à autre. 3) Amplitude des marées : a) La lunaison : On observe des variations de l'amplitude des marées, pendant une lunaison : - 1 : syzygie de la "Nouvelle Lune" : le Soleil et la Lune sont en conjonction, et leurs effets de marées s'ajoutent, ce sont les marées de "vive-eau". - 2 et 4 : au "Premier" et au "Dernier" Quartier, le Soleil et la Lune sont en quadrature, leurs effets de marées se compensent partiellement, l'effet de la l'attraction de la Lune l'emporte un peu sur celui du Soleil, ce sont les marées de morte-eau. - 3 : syzygie de la "Pleine Lune" : le Soleil et la Lune sont en opposition et leurs effets de marées s'ajoutent, ce sont les marées de vive-eau. Page 174 Christian BOUVIER Physique - 7 ème année - Ecole Européenne b) Inclinaison de l'axe de rotation de la Terre : Le plan de l'orbite de la Lune et le plan de l'orbite de la Terre (le plan écliptique) font un angle de 5 ° 9' (≈ 6 °) relativement faible. Par contre l'obliquité de la Terre (inclinaison de son axe par rapport à la perpendiculaire à l'écliptique) est de 23,5 °. Cette inclinaison est importante, et elle est la cause de variations de l'amplitude des marées : Lors des solstices (d'été ou d'hiver), et au moment de la Pleine Lune ou de la Nouvelle Lune (une syzygie), les effets de marées du Soleil et de la Lune s'ajoutent, mais ils agissent sur une zone de l'océan qui se situe près des tropiques. La ligne Terre-Lune (voisine de la ligne Terre-Soleil) fait un angle important par rapport au plan équatorial. Alors que l'un des bourrelets se déplace au voisinage du tropique du Cancer, l'autre bourrelet se déplace au voisinage du tropique du Capricorne. Il en résulte une dilution du phénomène des marées. Lors des équinoxes, au contraire, et au moment des "syzygies", la ligne Terre-Lune (ou la ligne Terre-Soleil) est dans le plan équatorial et les deux bourrelets ont un maximum d'efficacité : ce sont les grandes marées d'équinoxe. c) Ellipticité de l'orbite de la Lune : La Lune décrit une orbite légèrement elliptique, ellipse dont la Terre occupe l'un des foyers (Mouvement des planètes § : III). Si la Lune passe à son périgée, au moment de la Nouvelle Lune par exemple, l'amplitude de la marée de vive-eau de Nouvelle Lune sera plus importante que celle de la marée de vive-eau de Pleine Lune qui aura lieu 14 jours plus tard (au moment de la Pleine Lune), quand la Lune passera à son apogée. D'une façon générale, à cause du mouvement de la Lune sur une orbite elliptique dont le grand axe tourne lentement (9 ans environ) et du mouvement de la Terre autour du Soleil, pendant 7 mois, la distance Terre-Lune au moment de la Nouvelle Lune est plus courte que la distance T-L au moment de la Pleine Lune : l'amplitude des marées de Nouvelle Lune est plus grande, et pendant les 7 mois suivants, c'est l'inverse. Le cycle se renouvelle tous les 14 mois environ. L'amplitude des marées qui ont lieu au moment du passage de la Lune à son périgée et, bien sûr, soit à la Nouvelle Lune soit à la Pleine Lune, peut être supérieure à l'amplitude des grandes marées d'équinoxe ! Ecole Européenne de Francfort Page 175 Phénomène des marées d) Force centrifuge : La rotation de la Terre sur elle-même en 24 h crée une force centrifuge qui dépend de la distance à l'axe de rotation (l'axe de pôles). Cette force centrifuge est donc maximale à l'équateur alors qu'elle est très faible près des pôles. La force centrifuge de rotation augmente le phénomène des marées. En fait, le maximum d'efficacité de cette force centrifuge n'a pas lieu à l'équateur mais à des latitudes 45 °. En effet, à l'équateur la force centrifuge devrait contribuer à "soulever" l'eau des océans, cette force n'est pas assez efficace pour y parvenir et seul l'effet de marée crée un bourrelet ; à une latitude de l'ordre de 45 ° à 50 °, la force centrifuge va "entraîner" la surface de l'océan vers l'équateur en créant un glissement de cette surface qui s'ajoute efficacement aux effets de marées. On trouve les marées de plus grande amplitude vers les latitudes de 45 °. e) Phénomène de résonance : Le bourrelet de marées au milieu des océans ne dépasse pas quelques dizaines de centimètres (50 cm), alors que dans certaines baies, l'amplitude de la marée est de plusieurs mètres : il s'agit du phénomène de résonance. L'onde de marée peut être décomposée en série d'ondes harmoniques. En fonction des caractéristiques de la zone dans laquelle se "propage" l'onde de marée, certains harmoniques sont éliminés alors que d'autres sont amplifiés, il en résulte des particularités locales de la marée. - profondeur : le bourrelet de marée se propage à la façon d'une onde à la surface de l'eau et l'énergie que possède cette onde est particulièrement libérée dans des eaux peu profondes, c'est ainsi que l'on peut avoir de très hautes marées dans certains ports : 15 m à Saint-Malo, 18 m dans le détroit de Magellan, 21 m dans la baie de Fundy en Nouvelle-Ecosse. - forme des côtes : c'est l'inégale configuration des côtes qui explique le retard à l'établissement de la marée, pour chaque port, ce retard est une caractéristique constante qu'on appelle "l'établissement du port". En France le plus grand établissement est celui de Dunkerque qui est de 12 h 13 min et le plus petit celui de Lorient qui est de 3 h 32 min. Il en résulte des interversions dans l'heure de haute mer : par exemple, la marée haute à Monaco, qui est pourtant à l'Est de Toulon, a lieu après celle de Toulon ! - mascaret : on appelle ainsi l'ascension subite des eaux qui se manifeste, les jours de grandes marées, à l'embouchure de certains fleuves, sous la forme d'une énorme vague qui en remonte le cours. Les premières ondes du flot de marée subissent, de la part du lit peu profond du cours d'eau, un frottement suffisant pour former une barrière provisoire. Quand la masse d'eau accumulée est suffisante elle remonte le fleuve sous la forme d'une barre plus ou moins haute et se propage rapidement entre les deux rives. Page 176 Christian BOUVIER Physique - 7 ème année - Ecole Européenne Dans l'estuaire de la Seine, à Quillebeuf, le mascaret atteint 3 m de hauteur et se propage à la vitesse de 8 m/s. II) Effets des marées : 1) Marée crustale : Comme tous les corps du Système solaire, la Terre n'est pas rigide : elle est constituée d'un noyau de fer liquide, avec une graine solide au centre, et d'un manteau surmonté d'une pellicule superficielle cassante, la croûte. Enfin au-dessus, il y a les océans et l'atmosphère. Sous l'effet de l'attraction de la Lune, la Terre se déforme périodiquement. Si les marées dans les océans sont des phénomènes visibles, on sait moins que la Terre se déforme, elle aussi, dans son ensemble, au même rythme que les océans. À l'équateur, l'amplitude des déformations périodiques du sol atteint 30 centimètres. 2) Modification des vitesses de rotation : En examinant les dates des éclipses de Lune dans l'Antiquité et les observations faites au XVII° siècle, l'astronome anglais Edmond Halley émit l'idée, en 1695, que le mouvement de révolution de la Lune autour de la Terre ne devait pas être uniforme : en effet, les éclipses apparaissaient à des instants légèrement décalés par rapport à ceux prévus par la théorie. C'est Emmanuel Kant, un demi-siècle plus tard, qui imagina que les marées devaient produire des frottements internes et donc dissiper de l'énergie. Kant concluait que la Terre devait être freinée progressivement dans son mouvement de rotation sur elle-même. Les marées se manifestent avec un certain retard par rapport à leur cause, le passage de la Lune ; ce retard est d'environ dix minutes pour les "marées solides" et atteint parfois plusieurs heures pour les marées océaniques. Au point A, par exemple, la marée haute a lieu alors que la Lune est déjà passée depuis quelques minutes par le plan méridien. Les bourrelets de marée sont entraînés par la Terre dans sa rotation d'Ouest en Est. Or, la Lune exerce sur ces bourrelets des forces (en A et B) qui engendrent un couple de rappel qui tend à freiner la Terre dans sa rotation. Les déformations causées par les marées s'accompagnent, en effet, de frottements dans les océans et entre les différentes couches du manteau terrestre. En raison des frottements, une partie de l'énergie associée aux déformations se dissipe en chaleur. Cette énergie dissipée diminue l'énergie cinétique de rotation de la Terre qui, par suite, ralentit progressivement : la durée du jour augmente de deux millièmes de seconde par siècle. Il semble que ce ralentissement n'ait pas toujours été constant. Ecole Européenne de Francfort Page 177 Phénomène des marées Deux lois régissent les phénomènes mécaniques : la conservation de l'énergie et la conservation du moment cinétique. Le moment cinétique d'un corps en rotation est égal au produit de sa masse par la vitesse en chaque point du corps et par la distance de ce point à l'axe de rotation. On peut considérer en première approximation que le système Terre-Lune est isolé dans l'espace. Son moment cinétique total, c'est-à-dire la somme du moment cinétique orbital et du moment cinétique de rotation, se conserve : la diminution du moment cinétique de rotation de la Terre due aux marées est alors compensée par une augmentation simultanée du moment cinétique orbital de la Lune autour de la Terre. Ceci se traduit par une augmentation graduelle de la distance Terre-Lune, d'environ trois centimètres par an actuellement, et par une diminution de la vitesse orbitale de la Lune qui résulte, en raison de la troisième loi de Kepler, de l'augmentation de la distance Terre-Lune. Il est possible de remonter très loin dans le passé grâce à certains organismes marins qui ont la propriété de croître en formant des anneaux concentriques, de telle sorte qu'on dispose de repères pour les jours et les saisons. Ainsi les coraux fossiles âgés de plusieurs centaines de millions d'années comptaient, pendant un cycle annuel, un nombre d'anneaux de croissance diurnes nettement supérieur à 365. Puisque l'on pense que le rythme biologique de ces organismes simples n'a pas varié depuis cette époque, on en conclut que le nombre de jours dans l'année était plus grand dans le passé qu'il ne l'est aujourd'hui. La durée de l'année n'ayant pas varié (cette hypothèse se justifie), on doit conclure que c'est la durée du jour qui a changé : il y a 350 millions d'années, l'année comptait 400 jours et le jour durait 22 heures. Il y a également une variation du nombre de mois lunaires (période de révolution de la Lune autour de la Terre) dans l'année, compatible avec le fait que la Lune était, dans le passé, plus proche de la Terre. La quantité d'énergie dissipée par les marées océaniques dépend de la profondeur des océans, de la forme des continents et de leur répartition sur le Globe. Or, les continents actuels avaient un tout autre emplacement dans le passé et ils étaient rassemblés en un continent unique, il y a 250 millions d'années. Cette configuration groupée donne lieu à une bien plus faible dissipation d'énergie, ce qui suggère que l'énergie dissipée dans le phénomène de marées a beaucoup varié au cours de l'histoire du système Terre-Lune. Page 178 Christian BOUVIER Physique - 7 ème année - Ecole Européenne III) Généralisation du phénomène : 1) Synchronisme : a) Orbite synchrone : Nous avons vu que le ralentissement de la rotation de la Terre entraîne, par conservation du moment cinétique total, une augmentation régulière de la distance Terre-Lune. Le phénomène est tout à fait général. Considérons un satellite en orbite synchrone autour d'une planète, c'est-à-dire un satellite qui effectue un tour autour de la planète tandis que la planète effectue exactement un tour sur elle-même, dans ce cas, le satellite se situe toujours au-dessus du même méridien de la planète. Sur la planète le bourrelet de marées est orienté dans la direction Planète-Satellite et au cours du mouvement de rotation de la planète aucun couple n'apparaît, cette situation particulière confère au système une grande stabilité. Pour la Terre, cette orbite synchrone se situe à 36 000 km de la surface, c'est là qu'on place certains satellites de télécommunication (Mouvement des planètes § : III) 5). La Lune, qui se situe au-delà de cette orbite synchrone est donc condamnée à s'éloigner indéfiniment de la Terre ! À chaque planète est associée une orbite synchrone où la vitesse de révolution d'un satellite sur cette orbite est égale à la vitesse de rotation de la planète sur elle-même. L'orbite actuelle de Phobos est située en deçà de l'orbite synchrone pour Mars. De ce fait, Phobos a une vitesse orbitale plus importante que la rotation de Mars sur elle-même. Dans ce cas, le renflement de marée créé par Phobos sur Mars est en retard sur le mouvement du satellite : il s'ensuit que, contrairement au cas de la Lune, une partie du moment cinétique orbital de Phobos est utilisée pour accélérer la rotation de Mars sur elle-même ; le mouvement de Phobos est accéléré et, selon la troisième loi de Kepler, le rayon de son orbite diminue. En fait, tous les satellites en deçà de l'orbite synchrone (comme Phobos) tendent, par le phénomène de marées, à tomber sur la planète principale, et tous les satellites au-delà de l'orbite synchrone (comme la Lune) à s'en éloigner. Si l'orbite du satellite est excentrique, l'effet des marées créé par le satellite sur la planète est maximum au voisinage du périastre, donc à l'intérieur de l'orbite synchrone, et ainsi, en moyenne, on aura le même effet que si toute l'orbite était située à l'intérieur de l'orbite synchrone : diminution progressive du rayon de l'orbite, accompagnée d'une diminution de l'excentricité. Il s'agit finalement d'un mécanisme qui régularise les orbites. Phobos, le plus proche des satellites de Mars, a une orbite très excentrique et se rapproche de la surface de la planète à la vitesse d'environ quatre centimètres par an. Dans moins de 30 millions d'années, Phobos devrait finir sa vie et s'écraser sur Mars. Pour un corps comme Triton, dont la révolution s'effectue autour de Neptune en sens rétrograde (en sens inverse de la rotation de Neptune sur elle-même), une fin analogue est attendue, mais cela demandera plus longtemps. b) Rotation synchrone : Nous avons considéré les effets des marées sur la rotation de la Terre et sur la distance Terre-Lune, mais l'influence de la Terre sur la Lune a des effets plus important encore. Ecole Européenne de Francfort Page 179 Phénomène des marées Reprenons les calculs du § : I) 1), en considérant un objet situé en un point M, à la surface de la Lune, et sous la seule influence du couple Terre-Lune : le terme → → → d'accélération dû à la Terre est : δa(M)Terre = GTer (M) − GTer (L ) , L est le centre de la Lune. La valeur maximale de la grandeur de ce terme se produit pour un point M1 situé à la surface de la Lune sur l'axe Terre-Lune et face à la Terre, et s'écrit : 1 1 δa(M1)Terre = GTer(M1) − GTer(L) = K.MT.[ − 2] 2 (D − RL ) D En développant le terme entre crochets, on trouve : 3 3 δa(M1)Terre ≈ 2.K.MT. RL3 = 2.K. ML2 . MT . RL3 = 2.gL0. MT . RL3 ML D D RL ML D où gL0 = K. ML2 désigne la valeur du champ de pesanteur lunaire à la surface de la Lune. RL Avec RL ≈ 2,0.106 m et D ≈ 3,84.108 m et MT ≈ 6.1024 kg et ML ≈ 7,34.1022 kg On trouve : δa(M1)Terre ≈ 2,3.10−5.gL0 Rappelons que le terme de marées dû à la Lune sur la Terre était : δa(M1)Lune ≈ 10−7.g0 Les effets de marées à la surface de la Lune sous l'influence de la Terre sont donc 100 fois plus importants ! Les déformations causées par les marées sur les différentes couches qui forment le satellite provoquent des frottements qui dissipent de l'énergie. La rotation du satellite est donc freinée jusqu'à ce que sa rotation sur lui-même se synchronise avec sa rotation autour de la planète : le satellite présente alors toujours la même face à la planète et le bourrelet de marées ne subit plus de couple tendant à rétablir l'alignement. C'est le cas de la Lune qui s'est très rapidement mise en rotation synchrone peu après sa formation quand les différentes couches qui la composaient étaient encore fluides. En fait, tous les satellites "telluriques" des planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) sont en rotation synchrone à cause des effets de marées très importants qu'engendrent les planètes sur leurs satellites (à l'exception d'Hypérion, satellite de Saturne dont la rotation est perturbée par la présence d'un autre satellite, Titan). Io, satellite de Jupiter est perturbé par deux autres satellites : Europe et Ganymède. En conséquence, son mouvement autour de Jupiter est en moyenne circulaire, mais son orbite est quelquefois légèrement excentrique. Cette très faible excentricité a pour conséquence une légère variation de la distance de Jupiter à Io. Comme les effets de marées de l'énorme Jupiter sur Io sont considérables, leur intensité varie notablement avec la distance de Jupiter au satellite. Cette variation change la taille des bourrelets d'Io dus aux effets de marées. Io est donc soumis à une perturbation d'intensité variable de la part de Jupiter. Il en résulte des forces de frottement de grande intensité au sein du satellite et donc un échauffement important. Le seul moyen d'évacuer toute la chaleur ainsi produite est la présence d'un volcanisme actif. Les effets de marées de Jupiter et les perturbations d'Europe et de Ganymède sont donc responsables d'un volcanisme actif sur Io. Si les satellites des planètes ont eu leur rotation freinée par les effets de marées, les planètes, en tant que satellites du Soleil, auraient dû en principe subir le même sort. Le Soleil contribue aussi à ce freinage de la rotation de la Terre pour environ 25 %. Avant que le synchronisme soit atteint, le Soleil sera sans doute devenu une géante rouge qui aura, soit absorbé, soit grillé la Terre. Page 180 Christian BOUVIER Physique - 7 ème année - Ecole Européenne En fait, le freinage par les marées ne dépend pas seulement des masses, mais aussi des distances des objets concernés : il varie en 1/d6 où d est la distance. Ainsi pour les planètes, l'effet des marées solaires s'affaiblit à mesure que l'on s'éloigne du Soleil. Sur Mars, le freinage est déjà négligeable, il l'est a fortiori pour les planètes géantes dont les rotations actuelles, rapides, témoignent d'une absence de freinage depuis leur formation. Seules les planètes telluriques, parce qu'elles ont un comportement viscoélastique, sont candidates au synchronisme. Pourtant aucune d'entre elles n'a atteint cet état de synchronisme. D'autre part, on montre que les marées solaires n'ont pas du tout modifié les orbites des planètes, même pour les plus proches du Soleil comme Mercure et Vénus ; c'est pourquoi la durée de l'année n'a pas changé au cours du temps. La période de rotation de Mercure, 59 jours, est exactement égale aux deux tiers de sa période orbitale autour du Soleil, 88 jours. Ce rapport entre les mouvements de rotation et de révolution autour du Soleil correspond à une valeur stable. Le ralentissement de la rotation d'une planète sous les effets de marées est tel que le rapport de la période de rotation à la période de révolution varie continûment. Lors de cette variation, le rapport passe par une série d'états plus ou moins stables correspondant à des valeurs rationnelles simples (... 2/3, 1/2, 1). À chaque rapport rationnel est associé un phénomène de résonance. Sous certaines conditions, ce rapport ne varie plus et la vitesse de rotation se stabilise à une valeur donnée, commensurable avec la vitesse de révolution. Vénus, dont la lente rotation s'effectue en 243 jours, semble avoir dépassé l'étape réputée infranchissable de la rotation synchrone (égale à 224 jours) ; en fait, la situation est différente : sa rotation et son mouvement de révolution sont de sens opposé : l'axe de rotation de Vénus s'est retourné. 2) Limite de Roche : La limite de Roche est la limite à partir de laquelle un satellite se brise sous l'effet des forces de marées. Au fur et à mesure que la distance entre la planète et le satellite diminue, les marées déforment de plus en plus le satellite jusqu'à ce que la différence des forces entre le côté proche et le côté éloigné de la planète soit supérieure à la force de cohésion interne du satellite. Les débris peuvent alors se satelliser sous forme d'anneaux. Lorsqu'un satellite est en deçà de l'orbite synchrone, les marées tendent à rapprocher le satellite de la planète jusqu'à ce qu'il atteigne la limite de Roche. 3) Autres effets : Les effets de marées jouent un rôle fondamental dans tout l'Univers, en particulier entre les étoiles et entre les galaxies et, plus généralement, dès que la taille de deux astres n'est pas négligeable devant leur distance. Quand deux étoiles sont très proches l'une de l'autre, elles sont déformées par les effets de marées, mais elles échangent parfois de la matière, modifiant ainsi leur évolution. Les astronomes ont compris que de nombreuses galaxies de forme irrégulière, ou possédant des antennes, avaient été déformées par le passage proche d'une autre galaxie. Les grosses galaxies mangent les petites ! Ainsi notre Galaxie est en train d'absorber le nuage de Magellan. Ecole Européenne de Francfort Page 181 Phénomène des marées 4) Précession et nutation : La précession et la nutation constituent un effet gyroscopique : il s'agit du mouvement que décrit l'axe d'un corps en rotation, lorsque ce corps et soumis à un couple de forces ou d'une façon plus générale, lorsque ce corps a une répartition de masse non homogène et qu'il est soumis à un champ de force luimême inhomogène. La précession est le mouvement très lent de l'axe de rotation de la Terre, en 26 000 ans environ, dû aux actions gravitationnelles de la Lune, du Soleil et des planètes sur le renflement équatorial de la Terre. Cet axe décrit un cône, ce qui provoque un déplacement des équinoxes sur l'écliptique, d'Est en Ouest. La nutation est un petit mouvement périodique de l'axe de la Terre, en 18,6 ans, lié à l'action prépondérante de la Lune et du Soleil sur le renflement équatorial de la Terre. Si la Lune est la cause du ralentissement de la rotation de la Terre sur elle-même et la principale cause de la précession de l'axe de rotation, c'est aussi grâce à la Lune et à la régularité des perturbations qu'elle crée, que cet axe de rotation présente une grande stabilité. Les planètes dépourvues de satellite, Mercure et Vénus, ont subit d'importantes variations de la direction de leur axe de rotation au cours de leur histoire. Page 182 Christian BOUVIER