Pourquoi les citadins africains grossissent-ils - IRD

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Fiche n°348 - Avril 2010
Pourquoi
les citadins africains grossissent-ils ?
©IRD/Claire Lissalde ©IRD/Florence Fournet
L
es citadins des pays en
développement vont
plus que doubler entre
2000 et 2025. Cette
urbanisation galopante
s’accompagne d’un
changement des habitudes
alimentaires : plus de
viande, de graisses, de sel
et de produits sucrés, des
repas pris sur le pouce en
dehors de la maison.
Paradoxalement, alors que
la sous-nutrition reste un
problème très préoccupant
dans de nombreux pays
d’Afrique, l’obésité fait son
apparition dans les villes.
Des chercheurs de l’IRD et
leurs partenaires1 révèlent
que dans deux quartiers de
Ouagadougou, la capitale
du Burkina Faso, 36 % des
femmes et 14,5 % des
hommes sont en surpoids.
Les nutritionnistes
montrent que cet
embonpoint est lié au
mode d’alimentation
« moderne » adopté par
ces habitants, en
particulier les plus riches.
Ces travaux permettent de
mieux comprendre les
causes de l’obésité de
populations urbaines, pour
la mise en place à terme de
programmes appropriés
pour en prévenir ses
conséquences sur la santé.
Les habitants de Ouagadougou, la capitale burkinabé, ont accès à une multitude de petites restaurations rapides et
à un type d’alimentation « moderne ».
L’urbanisation est en extension rapide dans
les pays en développement. Au Burkina
Faso, par exemple, la population urbaine a
été multipliée par sept depuis 1975. Ce
phénomène s’accompagne de changements profonds de mode de vie et d’alimentation. Cette « transition nutritionnelle », déjà accomplie dans les pays du
Nord, se manifeste par l’apparition de
problèmes d’obésité. Le surpoids n’est plus
uniquement un problème des pays développés, il augmente de façon spectaculaire
en Afrique, notamment en ville. De par ses
conséquences sur la santé, il va constituer
un enjeu majeur pour les politiques de
santé publique pour ces pays dans les
années à venir.
Un régime en transition
Pour établir le lien entre alimentation et
surpoids, des chercheurs de l’IRD et leurs
partenaires 1 ont examiné les modes de
consommation, les caractéristiques des
régimes et des types d’aliments consommés
dans deux quartiers très contrastés de
Ouagadougou, la capitale du Burkina
Faso : l’un central et plutôt riche, l’autre en
périphérie et plutôt pauvre. Les nutritionnistes ont montré que chez ces ménages,
36 % des femmes et 14,5 % des hommes
étaient en surpoids. Plus de 1 000 habitants, âgés de 20 à 65 ans, ont détaillé tous
les repas, sauces, casse-croûtes et boissons sucrées consommés au cours de la
semaine et répondu à un questionnaire
qualitatif sur leurs habitudes alimentaires :
combien ont-ils pris de repas par jour ? Les
ont-ils pris au domicile ou en dehors ?
Ont-ils grignoté entre les repas ?
Les nutritionnistes ont alors montré que les
personnes qui consomment des aliments
dits « modernes » ont davantage tendance
au surpoids. Bien que le régime alimentaire
de ces Ouagalais demeure traditionnellement basé sur les céréales, les légumes et
l’huile végétale, d’autres aliments ou
recettes « importés » s’y ajoutent, comme
l’omelette, le poulet, les sandwiches, les
salades, les pâtes, le pain, etc. En
Institut de recherche pour le développement - 44, boulevard de Dunkerque, CS 90009
F-13572 Marseille Cedex 02 - France - www.ird.fr
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CONTACT :
Yves MARTIN-PREVEL
chercheur à l’IRD
UMR NUTRIPASS (IRD /
Universités Montpellier 1et 2/
Montpellier SupAgro)
[email protected]
Tél : +33 (0)4 67 41 61 70
Adresse :
IRD centre de Montpellier
911 avenue Agropolis
BP 64501
34394 Montpellier cedex 5
RÉFÉRENCE :
Becquey Elodie, Savy Mathilde,
Danel P., Dabiré H. B., Tapsoba
S., Martin-Prevel Yves. Dietary
patterns of adults living in
Ouagadougou and their
association with overweight.
Nutrition Journal, 2010, 9, p. 13.
doi:10.1186/1475-2891-9-13
MOTS CLÉS :
Afrique, ville, surpoids,
alimentation
revanche, le grignotage, autre mode de
consommation typiquement urbain,
souvent incriminé comme un facteur de
surpoids, ne semble pas entraîner ici de
surnutrition. Cependant, il faut noter que
nombre de casse-croûtes à Ouagadougou
restent de type traditionnel.
Les plus riches sont les plus touchés
Cette étude met en lumière l’étroite relation
entre le mode de vie des citadins et leur
comportement alimentaire. Le grignotage
est associé à des conditions de vie moins
structurées, telles que celles des jeunes
gens ou des célibataires. Les personnes
plus âgées ou mariées sont en effet plus
enclines à prendre des repas planifiés et à
heure régulière. De même, les actifs, ayant
moins de temps disponible, mangent plus
fréquemment sur le pouce.
L’environnement et l’accessibilité de la
nourriture jouent également un rôle dans le
choix des aliments. Les habitants du quartier périphérique, plus pauvres, ont une
alimentation constituée de produits de
base, plus traditionnelle, que ceux du quartier central, plus riches, qui consomment
plus d’aliments « modernes » et plus
coûteux.
Urbanisation et transition nutritionnelle
Tout comme la sous-nutrition, la surnutrition peut être causée par un ensemble de
facteurs économiques, sociaux et culturels,
souvent liés à la pauvreté qui entraîne des
difficultés d’accès à une alimentation équilibrée. Les citadins subissent moins les
variations saisonnières, ont un plus large
choix et une meilleure disponibilité des
denrées alimentaires que leurs concitoyens des zones rurales. Mais l’urbanisation est aussi synonyme de changements
d’habitudes alimentaires, d’une occidenta-
lisation des régimes (plus de viande, de
graisses, de sel et de produits sucrés),
d’une sédentarisation et de changements
de modes de vie en général. Grignoter
entre les repas principaux, acheter des
plats préparés et pris en dehors de la
maison deviennent des pratiques
fréquentes. Ce phénomène, connu sous le
nom de « transition alimentaire », s’accompagne d’une augmentation du surpoids et
de l’obésité et d’un plus grand risque de
maladies chroniques comme le diabète,
l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires et certains cancers.
L’Afrique doit désormais faire face à un
double fardeau : alors que la faim tenaille
encore une large part de sa population,
l’obésité et ses graves conséquences sur
la santé gagnent les villes. La population
urbaine en Afrique ne cesse de croître : les
citadins seront en majorité d’ici 2020. Avec
les changements d’alimentation qui s’ensuivent, l’OMS estime que la proportion de
femmes africaines de plus de 30 ans en
surpoids devrait atteindre 41 % dans 5 ans.
Cette étude, menée dans deux quartiers
caractéristiques de Ouagadougou, permet
de mieux cerner les causes de l’obésité et,
à terme, d’améliorer les politiques de
surveillance et de prévention et de mettre
en place des programmes nutritionnels
appropriés.
Rédaction DIC – Gaëlle Courcoux
1. Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec la
Direction Nationale de la Nutrition du Ministère de la
Santé burkinabé, l’Institut Supérieur des Sciences de
la Population et l’Institut de Recherche en Sciences
de la Santé à Ouagadougou au Burkina Faso.
RELATIONS AVEC
LES MÉDIAS :
Vincent Coronini
+33 (0)4 91 99 94 87
[email protected]
INDIGO,
PHOTOTHÈQUE DE L’IRD :
Daina Rechner
+33 (0)4 91 99 94 81
[email protected]
www.ird.fr/indigo
Enquête de consommation alimentaire à Ouagadougou.
©IRD/Sabine Bambio
©IRD/Elodie Becquey
Fiche n°348 - Avril 2010
Pour en savoir plus
Vente ambulante de lait frais dans une rue de
Ouagadougou.
Gaëlle Courcoux, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90 - fax : +33 (0)4 91 99 92 28 - [email protected]
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