Cas du mois Traduction francaise (French translation): Dr. Sonia Branci, MD Radiology trainee Radiology Dept., Rigshospitalet, Blegdamsvej 9 2100 Copenhagen, Denmark (DK) Echographie du pénis dans le cadre du priapisme: une étude de cas de priapisme post-traumatique à haut débit/non anoxique J JACOB, MRCS, MRCP, DTMH; C. J. WILKINS, MRCP FRCR, G.H. MUIR FRCS (Urol) P S SIDHU, MRCP, FRCR King’s College London, Department of Radiology and Urology, King’s College Hospital, Denmark Hill, London SE5 9RS, UK Introduction: L’échographie du pénis est une technique d’imagerie rarement discutée, mais de grande importance pour de nombreuses pathologies. Nous décrivons un cas de priapisme chez un homme, dû à un traumatisme pénien lors d’un accident de la route. Nous décrivons la physiologie de la tumescence et de l’érection, ainsi que les résultats d’imagerie charactéristiques de l’échographie avec échelle de gris, du Doppler couleur et du Doppler pulsé, qui ont permis d’établir le diagnostic de priapisme non anoxique à haut débit (distinct du priapisme à bas débit). La démonstration de la cause du priapisme, sous forme de fistule artério-veineuse entre l’artère et la veine caverneuses du pénis, a ensuite permis de réaliser une embolisation angiographique de la fistule conduisant à la résolution du priapisme. Historique Un homme de 23 ans fut amené aux Urgence suite à un accident de la route. Lors d’une collision, il était tombé de sa moto et s’était heurté le périnée contre un réservoir d’essence. Lors de son arrivée à l’hôpital, l’on nota la présence de contusions au périnée et au scrotum, mais l’on ne procéda pas alors à d’examens plus poussés, ces contusions paraissant insignifiantes. Il n’y avait aucune autre lésion importante. Quelques jours après l’accident, le patient se représenta au Service d’Urologie, parce qu’il avait des difficultés à atteindre et maintenir une érection complète, malgré une capacité intacte à éjaculer. Au repos, il avait remarqué que son pénis était partiellement érigé, bien qu’il ne ressente point de douleurs ou de gêne. L’examen révéla un degré minimal d’engorgement au repos, et une augmentation du degré de gonflement pénien lors de l’application de pression externe sur le plexus veineux dorsal du pénis. Il y avait également une fibrose significative des glandes de Cowper au niveau du périnée. Le patient fut alors examiné par une échographie du pénis, où l’on identifia en mode B un hématome à l’intérieur des corps caverneux. Le pénis était engorgé, les corps caverneux remplis de sang, en accord avec l’état clinique de priapisme. L’artère et la veine des corps caverneux furent identifiées par Doppler couleur. Sur la courbe du Doppler pulsé, la vitesse systolique de pointe (PSV) de l’artère caverneuse était manifestement élevée à 163 cm/s, et la vitesse de fin de diastole (EDV) était également élevée. En continuant l’examen échographique avec précaution, l’on identifia une fistule artéro-veineuse entre l’artère et la veine carverneuses: la cause du priapisme à ”haut débit” chez ce patient. Le patient fut ensuite examiné par imagerie par résonance magnétique (IRM), où les séquences pondérées T1 et T2 révélèrent un signal hypo-intense dans les deux corps caverneux, principalement du côté droit près de la base de la verge, correspondant à l’emplacement de l’hématome et de la fistule. Un angiogramme fut alors réalisé, où l’on inséra une sonde 4 French multi-usages dans l’artère caverneuse droite, qui fut ensuite embolisée à l’aide de particules synthétiques Gelfoam. Plusieures échographies de contrôle furent répétées à intervalles réguliers, et trois mois plus tard, l’artère caverneuse droite était identifiable sans présence simultanée de fistule artério-veineuse ou de veine drainante anormale. Lors d’un examen Doppler pulsé, la vitesse de pointe systolique (PSV) fut mesurée à 18 cm/s, sans flux positif pendant la diastole: une courbe normale pour une verge à l’état de flaccidité. À l’aide d’utilisation régulière additionnelle de tadalafil, afin d’améliorer le flux sanguin pénien, la qualité des érections du patient devint nettement meilleure trois mois après l’embolisation. A D C B E Figures A-E: Lors de l’échographie avec échelle de gris initiale (A), un canal vasculaire anormal est présent (flèche courte) et un hématome est visible (flèche longue) à l’intérieur des corps caverneux, confirmé comme zone d’hypo-intensité sur la séquence pondérée T2 à l’IRM (B). L’image Doppler couleur révèle une fistule entre l’artère caverneuse et le système veineux (C). L’image Doppler pulsé (D+E) montre un haut pic de vitesse systolique de 163 cm/s dans l’artère caverneuse et un drainage veineux important. Figures F-J: Les images angiographiques initiales révèlent l’artère caverneuse droite ainsi que les sinusoïdes des corps caverneux se remplissant rapidement de produit de contraste (F). La fistule est visible par remplissage contrasté discret (flèche) (G), et l’embolisation avec particules Gel-foam se traduit par l’absence de flux dans l’artère caverneuse droite (flèche) (H). Les figures I+J proviennent d’examens échographiques effectués six mois après le traumatisme initial. La fistule n’est maintenant plus visible et la vitesse systolique de pointe est de 18 cm/s au repos. F I G H J Discussion Le priapisme désigne un état d’érection prolongé, qui se maintient malgré l’absence de stimulation sexuelle (1). Il existe deux catégories principales, celle du priapisme non anoxique (à haut débit) et celle du priapisme anoxique (à bas débit). Le priapisme non anoxique se développe après un traumatisme, comme dans le cas présent, et traduit une lésion des artères caverneuses sous haute tension. Lors de la tumescence physiologique, le flux des artères caverneuses augmente (suite à une stimulation hormonale et psychologique) et entraîne la dilatation sanguine des sinusoïdes des corps caverneux. La tension des corps caverneux augmente puisque les sinusoïdes dilatées sont enserrées par la tunique albuginée rigide. Cette croissance de tension provoque la compression du plexus veineux sous-tuniquien, qui empêche partiellement le retour veineux du pénis et entraîne la tumescence. Dans le cas du priapisme non anoxique/post traumatique, les artères caverneuses établissent une communication (ou fistule) avec le système veineux sous basse tension (que ce soient les sinusoïdes ou les veines caverneuses). Les patients souffrant cliniquement présentent une tumescence prolongée datant du moment du traumatisme, mais sont parfois capables de développer un état d’érection relatif à une stimulation sexuelle. Ils se présentent souvent à un moment plus tardif chez un médecin, parce que cette forme de priapisme n’est généralement pas douloureuse. Une méthode de différentiation clinique entre le priapisme non anoxique et le priapisme anoxique consiste à aspirer du sang des corps caverneux, qui dans le cas du priapisme à haut débit non anoxique sera oxygéné. En ce qui concerne les résultats d’un examen échographique réalisé dans le cadre d’un priapisme post-traumatique non anoxique, les images en mode B peuvent révéler une aire intra-caverneuse hypoéchogène autour de l’artère caverneuse endommagée. Celle-ci représente la formation d’un hématome secondaire à l’extravasation arterielle et est localisée au niveau de la lésion caverneuse. Lors d’un examen Doppler pulsé, l’on constate une augmentation de la PSV ainsi qu’une augmentation anormale du flux positif diastolique. Physiologiquement, durant la tumescence, la PSV devrait augmenter à plus de 35 cm/s, ce qui représente un flux sanguin adéquat à la verge. Lorsque la tumescence progresse, le plexus veineux sous-tuniquien est comprimé contre la tunique à cause d’une dilatation des sinusoïdes. Finalement, il devrait y avoir une inversion du flux diastolique suite à l’augmentation de la tension intra-caverneuse. Cependant, dans les cas de priapisme non anoxique, l’EDV augmente à plus de 5 cm/s et la PSV est elle-aussi élevée. Cela traduit une fuite veineuse, qui empêche la tension des corps caverneux d’atteindre un niveau suffisant pour limiter le flux artériel pendant la diastole. L’examen Doppler pulsé peut également révéler des veines drainantes importantes, dont le tracé ressemble alors à un tracé artériel. L’échographie Doppler couleur permet une démonstration directe de la fistule artério-veineuse, qui se traduit par la présence d’un flux turbulent à haut débit, superposé à la région hypoéchogène intra-caverneuse visible à l’échelle de gris (2). Une fois le diagnostic établi, le traitement de première ligne du priapisme artériel non anoxique consiste en une embolisation artérielle sélective de l’artère pudendale interne ou caverneuse (3). L’étiologie du priapisme anoxique est une occlusion veineuse secondaire à certaines pathologies comme la drépanocytose, bien qu’il existe aussi des causes iatrogènes comme l’injection intracaverneuse d’agents vasoactifs. Le patient se présente avec une tumescence persistante douloureuse des corps caverneux (le gland, faisant partie du corps spongieux, reste mou), signe d’ urgence urologique. Le diagnostic et le traitement sont les mêmes, consistant à aspirer du sang (déoxygéné) à pH faible des corps caverneux. Un diagnostic et un traitement rapides sont essentiels, parce qu’un pH faible indique un degré d’ischémie sévère, augmentant le risque de fibrose des corps caverneux et par conséquent le risque de perte de fonction érectile. Le plus important dans un tel cas est d’instaurer un traitement urgent, et l’imagerie n’est utilisée que dans les cas où les interventions de première ligne n’ont pas permis de rétablir un flux sanguin adéquat. Dans le cas du priapisme à bas débit, l’échographie en mode B révèle l’engorgement des sinusoïdes caverneuses, comme lors d’une érection physiologique. A cause de la sédimentation des composants corpusculaires sanguins, l’on peut visualiser un niveau liquide-liquide intracaverneux, si le patient a été placé en position couchée sur le dos quelques minutes auparavant, sans manipulation du pénis. Le Doppler pulsé révèle un flux diastolique faible ou absent, ainsi qu’un flux artériel variable, généralement peu élevé, en accord avec un réseau vasculaire à haute résistance (4). Alors que les signes échographiques de priapisme à bas débit ne sont pas charactéristiques, l’échographie constitue un outil important dans le diagnostic et le traitement ultérieur des cas de priapisme traumatique à haut débit. Il est plus aisé de comprendre les conséquences secondaires aux lésions artérielles du pénis en prenant en compte les changements physiologique normaux du réseau vasculaire, et un diagnostic précis peut être établi grâce à l’utilisation d’une combinaison d’échographie avec échelle de gris, de Doppler couleur et de Doppler pulsé, permettant ainsi un traîtement définitif sous forme d’angiographie artérielle sélective et d’embolisation. References 1) Mihmanli I, Kantarci M. Erectile dysfunction. Semin Ultrasound CT MRI 2007;28:274–286. 2) Bertolotto M, Mucelli RP. Nonpenetrating penile traumas: sonographic and Doppler features. AJR Am J Roentgenol 2004;183:1085–1089. 3) Walker TG, Grant PW, Goldstein I, et al. ‘High-flow’ priapism: treatment with superselective transcatheter embolization. Radiology 1990;174:1053–1054. 4) Wilkins CJ, Sriprasad S, Sidhu PS. Colour Doppler ultrasound of the penis. Clinical Radiology (2003) 58: 514–523