LE VIVANT
1. LE PROBLEME DE LA DEFINITION DU VIVANT.
1.1. CRITERES DEFINITOIRES DU VIVANT
1.2. LE PROBLEME DU FINALISME CLASSIQUE
2. CREATIONNISME ET DARWINISME.
2.1. LA THEORIE DE LEVOLUTION ET LE SENS COMMUN.
2.2. DARWIN PASSE-T-IL LE TEST DE SCIENTIFICITE DE KARL POPPER AVEC SUCCES ?
A. DECRIRE DES EVENEMENTS QUI NE POURRAIENT PAS ETRE CONÇUS SANS CETTE THEORIE.
B. UNE BONNE THEORIE DOIT PROSCRIRE, INTERDIRE A CERTAINS FAITS DE SE PRODUIRE.
C. ELLE DOIT ETRE REFUTABLE : ELLE DOIT DEFINIR SES LIMITES.
D. POUR CE FAIRE ELLE DOIT POUVOIR ETRE TESTEE
2.3. LA CONFUSION EPISTEMOLOGIQUE, LE STATUT DE LA VERITE
1. Le problème de la définition du vivant.
Aristote fut probablement le premier penseur à proposer une classification de la nature qui
distinguait le vivant du minéral et au cœur du vivant il distinguait deux autres genres, l’animal et le
végétal.
On peut donc déjà dire ce qui distingue le règne du vivant du règne minéral et ensuite ce qui
distingue l’animal du végétal.
1.1. Critères définitoires du vivant
La génération, laquelle se décline en deux modes distincts qui sont la nutrition et la
reproduction.
Les fonctions sensitives et motrices : Tout vivant interagit avec son environnement
moyennant une ou plusieurs fonctions sensitives. Ensuite tout vivant est en mouvement. On
distingue 3 types de mouvements :
Le mouvement qualitatif : l’altération,
Le mouvement quantitatif : accroissement ou diminution
Le mouvement local : le propre de l’animal.
Donc si l’on veut poser une première définition du vivant à partir des travaux d’Aristote nous
pouvons dire que le vivant constitue l’ensemble des êtres qui se nourrissent et se reproduisent et qui
peuvent se mouvoir par altération, accroissement ou diminution ou bien encore par le lieu.
Etudions cette définition : La nutrition et la fonction sensitive sont bien caractéristiques du
vivant. Par contre l’accroissement, l’altération ou même le déplacement selon le lieu peuvent
également se trouver dans les roches : Une montagne s’accroît mais aussi elle peut diminuer par
l’érosion, elle se déplace aussi.
Donc ce que l’on peut retenir pour le moment ce sont les fonctions nutritive et reproductive
avec, en sus, la fonction sensitive. Dès lors nous pouvons dire que le vivant constitue l’ensemble des
êtres qui se nourrissent, qui interagissent avec leur environnement et qui se reproduisent. La
génération et la sensation semblent donc être définitoires du vivant.
Toutefois pour qu’une définition soit valable il ne faut pas seulement qu’elle donne toutes les
caractéristiques propres à l’objet mais il faut encore qu’elle donne sa caractéristique spécifique.
Ainsi, par exemple, le rire est bien le propre de l’homme mais il ne définit pas l’homme : on ne dira
pas que l’homme est l’animal qui rit pas plus que l’animal qui s’habille. Cela est bien propre à
l’homme mais ça ne le définit pas spécifiquement.
Dès lors a-t-on spécifiquement défini le vivant quand on a décrit ses caractéristiques propres
telles que la génération, la nutrition et la reproduction ?
Quand on dit que le rire ou que le fait de se vêtir ou de vivre conformément à certaines lois est
le propre de l’homme, on donne là des caractéristiques qui sont toutes déterminées par une seule, la
raison. C’est parce que l’homme, en effet, distingue le vrai du faux ou le bien du mal qu’il rit. De
même c’est parce qu’il est doué de raison qu’il vit selon des lois qu’il se donne à lui-même et c’est de
même parce qu’il se représente sa condition comme n’étant pas celle de la nudité animale qu’il
s’habille. Toutes ces caractéristiques peuvent être rapportées à une seule, laquelle est vraiment
définitoire de l’homme, selon Aristote, comme « animal doué de raison ».
Y a-t-il alors une caractéristique définitoire du vivant qui serait à la nutrition, la reproduction et
la génération ce que les lois, le rire et le fait de se vêtir sont à la raison ?
Selon Aristote ceci tient dans ce qu’il appelle la cause finale : le vivant est organisé en vertu
d’une relation de puissance et d’acte. La chose vivante contient toujours la puissance d’un un acte :
le gland est un chêne en puissance, le chêne est l’acte du gland. Cependant le finalisme est un
concept problématique parce qu’il présuppose alors que la nature serait comme organisée par une
intelligence supérieure.
Cf. Dissertation sur la finalité biologique pour approfondir votre compréhension du problème.
1.2. Le problème du finalisme classique
Quand on observe le règne du vivant ce qui saute aux yeux c’est son extrême complexité, son
organisation. L’exemple le plus souvent cité est celui de l’œil : comment une structure aussi
complexe et surtout aussi parfaite par rapport à la fonction qu’elle opère a-t-elle pu apparaître dans
la nature ? Faut-il présupposer qu’il y a derrière toute cette complexité un « grand horloger » ou
encore un « grand architecte » ?
Aristote n’échappera pas à ce paradigme du finalisme qui consiste à penser qu’étant donnée
son extrême organisation, le vivant est forcément déterminé par une causalité finale, c'est-à-dire
comme préprogrammée par un plan caché de la nature. Et, de fait, ce préjugé demeurera intact
jusqu’au XIXème siècle. De nos jours encore l’opinion a bien du mal à s’en séparer et c’est à travers
le mythe de la création divine qu’il revient.
Cependant la conception d’Aristote a le mérite d’avoir voulu donner une rigueur scientifique
que l’on ne retrouvera pas avant des siècles. Aussi l’on peut dire qu’il fut le véritable fondateur des
sciences du vivant tant par la classification qu’il proposa que par l’immense somme d’informations
qu’il a recueillies par une observation et une dissection du vivant. Certes, il n’utilisait pas les
méthodes et encore moins les outils de la science du vivant telle que nous la connaissons mais à
tout le moins on peut lui reconnaître d’avoir tracé la voie.
Cependant sa doctrine va pendant près de mille ans servir de prétexte à justifier la thèse
créationniste si bien que la démarche proprement scientifique qu’il avait tracée sera perdue pendant
si longtemps que certains de ses ouvrages, notamment son traité sur les Dissections, ont été
finitivement perdus.
Ce n’est qu’à partir de la renaissance et de l’avènement des sciences expérimentales que
l’humanité va de nouveau envisager une approche rigoureuse du vivant. A ce jour nous ne disposons
toujours pas de définition rigoureusement scientifique du vivant et celle-ci fait encore débat mais
nous disposons en revanche de deux paradigmes théoriques fondamentaux : La théorie de Darwin et
la génétique.
Dans ce cours je vous proposerai principalement une étude des fondamentaux qui ont permis
l’avènement du Darwinisme et, surtout, de la polémique qui subsiste entre le créationnisme et la
théorie de la sélection naturelle. Il nous appartiendra, entre autres, de montrer comment cette
polémique s’enracine en vérité sur des préjugés provenant de personnes qui d’un côté ne
comprennent tout simplement pas la théorie de Darwin et qui, d’un autre côté, ne comprennent pas
leur propre méthode et leurs propres préjugés. Ainsi, par exemple, de nombreux « savants » croient
qu’il s’agit d’une théorie selon laquelle la sélection naturelle serait aléatoire. Or en vérité il s’agit d’un
déterminisme parfaitement structuré et on peut même aller jusqu’à dire que le hasard occupe moins
de place en biologie qu’en physique fondamentale. Nous verrons en définitive que cette polémique
relève d’une confusion épistémologique et méthodologique qui induit les scientifiques en erreur face
à leurs adversaires créationnistes, lesquels ne manquent pas de profiter de cette erreur.
2. Créationnisme et darwinisme.
2.1. La théorie de l’évolution et le sens commun.
Il est très difficile de ne pas voir dans le spectacle de la nature le résultat d’une sorte de grand
horloger qui serait à l’origine non seulement de la régularité des mouvements des astres mais encore
plus de l’organisation infiniment complexe du vivant. Les lois de la nature semblent obéir à une
nécessité si forte qu’on imagine mal comment ceci pourrait être le fruit du hasard. De même qui
pourrait imaginer que l’œil, avec son infinie complexité et sa perfection fonctionnelle, pourrait
également être le résultat du hasard ? Ce serait comme imaginer qu’un Airbus A380 puisse se
fabriquer et être parfaitement opérationnel après le passage d’une tempête dans une casse !
L’observateur naïf de la nature ne peut pas s’empêcher de voir dans cette structure infiniment
détaillée la preuve de l’existence de Dieu. On peut même dire que ceci constitue le cœur de la
justification du christianisme par l’apologétique médiévale dans ce qu’on appelait alors la preuve
cosmologique de l’existence de Dieu. Ainsi au 15ème siècle Raymond Sebond dans sa Theologia
Naturalis, sive liber creaturerum (Théologie Naturelle, ou livre des créatures) prétendait qu’une
science naturelle permettrait d’asseoir la vérité du christianisme qui se révèlerait ainsi au bon sens.
Plus récemment encore le Pape Pi XII prononçait en 1951 un discours désormais devenu
célèbre et selon lequel la théorie du Big Bang était une preuve supplémentaire de l’existence de Dieu
et, plus précisément, du Fiat lux, c'est-à-dire de la création divine de toutes les choses de l’univers et
à partir du néant
1
.
Mais le créationnisme trouve bien davantage de grain à moudre dans son opposition au
Darwinisme.
La théorie Darwinienne est une explication mécanique de l’évolution des espèces. Par
mécanisme on entend parler de l’exercice des forces aveugles de la nature, des relations de cause à
effet induites par résistance, frottement, attraction et répulsion, relations qui sont propres à la
physique et à la chimie. Ainsi le vivant se serait organisé de la même manière que les galets d’une
plage qui vont se séparer entre gros et petits galets sous l’effet mécanique de la gravité et du
frottement. Un regard non averti croirait qu’ils ont été rangés intentionnellement.
Bien entendu cette impression d’ordre établi, d’harmonie et de structure immanente à une
nature qui doit forcément avoir un grand architecte est autrement plus puissante lorsqu’on observe
le règne du vivant.
Mais bien souvent l’on croit ainsi s’opposer au Darwinisme qui est reçu, à tort, comme une
théorie qui ferait de l’évolution le résultat de phénomènes aléatoires. La complexité des espèces
serait, selon l’opinion reçue, le résultat d’une combinaison aléatoire entre les attributs des individus
et leur environnement si bien que, par hasard, certaines mutations permettraient une survie plus
longue que d’autres. Cette idée paraît totalement incongrue car il suffit de regarder la structure
parfaitement coordonnées des organes d’un corps aussi petit que celui d’une fourmilière ou bien
encore de contempler l’extrême organisation de leurs modes de subsistance pour réaliser à quel
point le hasard ne peut pas être une explication recevable.
1
S. S. Pie XII, « Les preuves de l’existence de Dieu à la lumière de la science actuelle de la nature », discours
prononcé à l’Académie pontificale des sciences le 22 novembre 1951, trad. parue dans La Documentation
catholique, no 1110 (16 décembre 1951)
Toute la difficulté tient ici dans le fait que ce n’est ni totalement juste, ni totalement faux.
D’après Darwin les espèces que nous voyons aujourd’hui sont le résultat d’une sélection qui s’opère
sur la capacité de chaque phénotype à survivre (et donc à se reproduire) dans un environnement
donné. Ceci relève donc bien d’une relation causale de probabilité qu’un organisme survive ou non
selon les mutations dont il est porteur et la structure de son environnement.
Mais prétendre que cela relève d’un hasard est une erreur grossière d’interprétation de la
théorie de Darwin. Et c’est sur cette erreur et ce manque de formation scientifique que beaucoup de
créationnistes pensent pouvoir assoir leur réfutation de la théorie de l’évolution.
Richard Dawkins dans l’Horloger Aveugle
2
rappelle à son lecteur deux choses :
Que l’évolution crée une certaine incrédulité parce qu’elle fait appel à des
échelles de temps qui dépassent l’imagination de l’opinion commune qui comprend la notion
de probabilité à un niveau extrêmement restreint (celui de son quotidien).
Qu’en effet l’évolution ne relève pas du hasard, ce qui n’autorise pas
cependant à prétendre qu’elle n’obéit pas aux forces mécaniques de la nature.
Vocabulaire : hasard et probabilité.
Même si l’évolution s’étend sur des centaines de millions d’années cela ne suffirait pas,
par exemple, pour qu’un singe tapant de manière aléatoire sur un clavier parvienne à produire
une phrase cohérente. Dawkins propose d’en faire le calcul et le résultat est que pour une phrase
aussi simple que « METHINKS IT IS LIKE A WEASEL » on aurait une probabilité de 10-40 ,
probabilité par laquelle l’âge de l’univers tout entier ne suffirait pas à avoir ne serait-ce qu’une
seule chance d’avoir cette phrase. Le test est facilement reproductible sur ordinateur en simulant
une frappe aléatoire. Maintenant concevez simplement qu’il faut comparer un simple organisme
unicellulaire à la totalité de l’Encyclopedia Britanica (puisqu’une molécule d’ADN pourrait la
contenir en entier) et concevez la probabilité que vous auriez d’obtenir cette encyclopédie
entièrement rédigée moyennant une typographie totalement aléatoire. L’évolution ne peut donc
pas être le simple fruit du hasard.
C’est sur la base de cette, si j’ose dire, improbabilité du hasard, que le sens commun se
confond lorsqu’il demeure incrédule face à la théorie de l’évolution. Les lois de la nature suffisent
aisément à comprendre comment des organismes vivants ont pu émerger. Pour comprendre cela
Richard Dawkins ajoute à son expérience typographique une donnée simple : la mort. Toutes les
phrases qui n’ont pas de sens sont comme des phrases qui ne peuvent pas vivre, se reproduire.
Aussi lorsqu’on ajoute dans le programme cette constante de viabilité il suffira de 43 générations
pour retrouver la phrase « METHINKS IT IS LIKE A WEASEL » sans autre intervention sur le
programme.
Si vous transposez ce calcul de probabiliau vivant il vous suffit de concevoir une seule
cellule capable de se reproduire et donc de se diviser pour que ‘’rapidement’apparaissent des
formes complexes.
2
Richard Dawkins, L’Horloger Aveugle, chez Robert Laffont, p. 58 et suivantes
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