SOMMAIRE
CLASSIFICATION – INCIDENCES – MORTALITES
M. CHIRICA
PREVENTION DES COMPLICATIONS CHIRURGICALES
C.MARIETTE
FISTULES ANASTOMOTIQUES
R. FLAMEIN
2. TRAITEMENTS ENDOSCOPIQUES INTERVENTIONNELS
X. DRAY
COMPLICATIONS MEDICALES : PREVENTION – TRAITEMENT
F.FIEUX
COMPLICATIONS TARDIVES : PHYSIOPATHOLOGIE- TRAITEMENT
JM. COLLARD
1. PRESENTATIONS CLINIQUES ET RADIOLOGIQUES – TRAITEMENTS
COMPLICATIONS DE L’OESOPHAGECTOMIE :
CLASSIFICATIONS, INCIDENCE, MORTALITE.
M. CHIRICA
(Paris)
L’oesophagectomie est le principal traitement curatif des cancers de l’œsophage. Les taux élevées de
mortalité et morbidité rapportées dans la littérature font de l’oesophagectomie une des interventions les
plus risquées en chirurgie digestive. Malgré les progrès techniques et de la prise en charge anesthésique et
d’une meilleure sélection des malades, la mortalité reste élevée ( 8-23%), a cause d’une morbidité
postopératoire importante (30-60%). De plus, la survenue d’une complication postopératoire après
oesophagectomie pour cancer est un facteur de risque indépendant de récidive tumorale précoce et de
décès lie au cancer.
En fonction du moment de survenue après l’oesophagectomie, les complications sont précoces, liées au
geste opératoire, ou tardives liées aux modifications physiopathologiques globales induites dans
l’organisme par l’absence de l’œsophage.
1. Complications précoces.
Les complications postopératoires précoces et leur gravité dépendent du terrain du malade, du type
d’opération réalisée, de l’étendue de l’exérèse chirurgicale et du volume du centre. Elles mettent en jeu le
pronostic vital et peuvent se diviser schématiquement en complication chirurgicales et complications
médicales (cardio-pulmonaires).
Complications chirurgicales.
Fistule anastomotique. La fistule anastomotique est la complication la plus redouté en chirurgie
oesophagienne car, le traitement est difficile et la mortalité importante. Une classification facilement
applicable des fistules anastomotiques après oesophagectomie a été rapporté par Lerut et coll. (Tableau 1)
Plusieurs facteurs ont été incriminées dans la survenue de cette complication. L’absence de séreuse au
niveau de l’œsophage et la disposition longitudinale des fibres musculaires sont des facteurs intrinsèques
qui augmentent le risque de fistule. Les antécédents de diabète, de maladies cardio-vasculaires, de
pathologies pulmonaires, la corticothérapie a long cours ou la présence d’une malnutrition ont été
identifiées comme facteurs de risque. Le risque de fistule est augmenté en cas de localisation cervicale de
l’anastomose ( 5-20%) par rapport a la localisation intra thoraciques (2-10%) a cause d’une tension plus
importante et une vascularisation de moins bonne qualité des tissus (plastie et pédicule vasculaire plus
longues) auxquels s’associe un certain degré de compression de la plastie dans le défilé cervico-thoracique.
La de mortalité des fistules cervicale reste nettement inférieur a celui des fistules intra-thoraciques (10% vs.
35%). Le risque de fistule anastomotique est plus important après gastroplastie qu’après coloplastie. Enfin
l’expérience du chirurgien semble avoir un rôle important dans la survenue de fistule.
La prévention des fistules repose sur plusieurs détails techniques. Qu’elle soit manuelle ou mécanique,
l’anastomose oesophagienne doit prendre la totalité de la paroi oesophagienne, en tenant compte de la
rétraction de la muqueuse. Alors qu’il n’existe pas de différence en terme de fistule entre les anastomoses
manuelles ou mécaniques circulaires, plusieurs travaux récents montrent une diminution du taux de fistule
cervicale en utilisant une technique d’anastomose latéro-latérale semi- mécanique. Afin de limiter les
phénomènes de compression sur la plastie au niveau du défilé cervico- thoracique il a été recommande de
réséquer le ligament sternoclaviculaire ou du manubrium sternal (en cas de voie retrosternale). Le pré-
conditionement ischémique de la plastie gastrique par ligature de l’artère coronaire stomachique 5 à 10
jours avant l’oesophagectomie semble diminuer le taux fistule anastomotique, de morbidité, et la mortalité
après oesophagectomie.
Nécrose du conduit. La nécrose du conduit utilisé pour la reconstruction digestive après oesophagectomie
est un événement dramatique grevée d’une mortalité importante. Dans la littérature le taux de nécrose du
conduit semble plus importante après coloplastie (4-16%) qu’après gastroplastie (1-2%). Les facteurs de
risque sont ceux de la fistule auxquels s’ajoutent des facteurs de risque spécifiques comme les difficultés
technique lors des coloplasties ou l’utilisation des plasties gastriques étroites.
Hémorragie. La survenue d’une morragie postopératoire nécessitant une reprise chirurgicale est une
complication rare (3-5%) qui peut être prévenue par une technique opératoire méticuleuse. Les sources de
l’hémorragie peuvent être des lésions inaperçues de la rate, de la veine azygos, des veines
diaphragmatiques, du grand épiploon. Les lésions par traction du cœur et du péricarde peuvent provoquer
une tamponnade.
Chylothorax. L’incidence du chylothorax après oesophagectomie est de 1-5%. L’incidence du chylothorax
est moindre après oesophagectomie transhiatale qu’après oesophagectomie transthoracique. La
prévention repose sur la ligature en masse ou sélective du canal thoracique lors de la chirurgie
oesophagienne. La fuite prolongé de chyle riche en lipides, protides et électrolytes, expose a des
insuffisances nutritionnelles et immunitaires sévères, potentiellement mortelles. Ainsi la mortalité des
chylothorax prolongées traités de façon conservative est de 50-82%.
Paralysie recurentielle (PR)., Une PR est constaté chez 3,6% à 22% des patients Apres oesophagectomie.
L’incidence est augmenté après esophagectomie transhiatale et abord cervical. La survenue d’une PR
augmente le risque de pneumopathie d’inhalation et diminue la qualité de vie des patients.
Troubles de vidange gastrique. L’incidence est de 10% concerne principalement les malades ayant eu une
oesophagectomie transthoracique. La prévention repose sur la réalisation d’une pylorolastie et la
prescription systématique d’un prokinetique (Erythromicine).
Plaies trachéales. L’incidence des plaies opératoires de l’arbre tracheo-bronchique par arrachement de la
membraneuse trachéale est de 1 à 2%. La prévention repose sur une dissection prudente par voie
thoracique en cas de doute sur un envahissement des voies respiratoires lors de la bronchoscopie
préopératoire.
Hernies diaphragmatiques. L’incidence est de 0,4% à 6% et le principal facteur étiologique est
l’élargissement trop important de l’orifice hiatal lors de l’oesophagectomie. La prevention repose sur le
calibrage de l’orifice hiatal après l’ascension de la plastie, l’ouverture antérieure plutôt que latérale de
l’orifice hiatal, la fixation de la plastie au piliers et l’omentectomie.
Complications médicales.
Complications cardiovasculaires. La principale complication cardiovasculaire après oesophagectomie est la
fibrillation atriale (AC/FA) avec une incidence de 22%. Les facteurs favorisants d’AC/FA sont l’age avancée,
les antécédents cardio-pulmonaires et les pertes sanguines opératoires. La survenue d’une AC/FA après
oesophagectomie augmente le risques de complications pulmonaires, de fistule anastomotique, de sepsis
sévère et la mortalité.
Complications pulmonaires. L’incidence des complications pulmonaires après oesophagectomie est de
l’ordre de 20 à 30%. Elles incluent les atelectasies, les épanchements pleuraux, les pneumothorax, les
pneumopathies et les insuffisances respiratoires (SDRA). Les pneumopathies sont la principale cause de
mortalité après oesophagectomie. La prévention repose sur la sélection des patients lors du bilan
préopératoire, le sevrage tabagique préopératoire prolongé et une analgésie postopératoire efficace.
Complications tardives
Il s’agit de complications survenues a distance du geste chirurgical, qui mettent rarement en jeu le
pronostic vital mais diminuent significativement la qualité de vie des malades.
Sténoses anastomotiques. L’incidence des sténoses anastomotiques bénignes après oesophagectomie est
de 26% à 42%. La plupart des stenoses sont diagnostiquées dans les 2 premières mois après
oesophagectomie et l’apparition d’une sténose tardive doit faire craindre une récidive tumorale. Les
principaux facteurs de risques de sténose sont une fistule anastomotique, un reflux acide dans la plastie, un
taux bas d’albumine, une anastomose circulaire mécanique, des antécédents de maladies cardiovasculaire
ou une radiochimiotherapie neoadjuvante. Le risque de sténose anastomotique cervicale est plus important
après gastroplastie qu’après coloplastie. La confection des anastomoses latéro-latérales semi-mécaniques
et l’utilisation a long cours des inhibiteurs de pompe a protons ont été proposées pour diminuer le risque
de sténose après oesophagectomie.
Troubles digestives diverses . Un syndrome de dumping précoce ou tardif été rapporté chez 10 à 50% des
patients après oesophagectomie. Ça survenue est liée a la diminution de la fonction de réservoir de
l’estomac ainsi qu’aux troubles de vidange gastrique a cause de la dénervation vagale. Une diarrhée
chronique est présente chez 20 à 50% des patients. La réalisation d’une oesophagectomie avec preservation
vagale a été proposé pour diminuer l’incidence de ces troubles. Un reflux acide ou bilieux symptomatique
est rencontré chez deux tiers des patients après esophagectomie. L’incidence d’esophagite de reflux sur
l’esophage restant est de 38 à 72%. La confection d’une anastomose cervicale plutôt que intra thoracique
diminue l’incidence du reflux symptomatique et l’apparition des lésions de metaplasie muqueuse dans le
temps.
Conclusion.
En conclusion, l’esophagectomie est une intervention a haut risque grevée d’une morbidité importante
source d’une mortalité non négligeable. L’amélioration du pronostic immédiat de l’oesophagectomie
repose sur une sélection soigneuse des patients, une technique chirurgicale minutieuse et une surveillance
postopératoire rapproché afin de dépister et de traiter de façon précoce toute complication.
J Chir 2005,142, N°6 • © Masson, Paris, 2005
Mise au point
Complications après œsophagectomie :
mécanisme, détection, traitement et prévention
C. Mariette, J.P. Triboulet
Service de Chirurgie Digestive et Générale, Hôpital C. Huriez, CHRU Lille.
Correspondance : C. Mariette, Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital C. Huriez,
CHRU, F 59037 Lille Cedex.
Résumé / Abstract
Complications après œsophagectomie : mécanisme, détection, traitement et prévention
C. Mariette, J.P. Triboulet
La chirurgie de l’œsophage s’accompagne d’une morbidité et de complications
potentiellement sérieuses, dont l’incidence et la gravité peuvent être diminuées par la
prévention, la détection précoce et un traitement adapté. Les fistules anastomotiques,
nécroses de plastie et complications pulmonaires sont les complications les plus graves. La
prise en charge des complications après oesophagectomie est présentée ici.
Mots-clés : Œsophage. Prophylaxie. Traitement. Complications. Fistule anastomotique.
Chylothorax.
Complications following œsophagectomy: mechanism, detection, treatment and preven-
tion
C. Mariette, J.P. Triboulet
Œsophageal surgery remains a relatively morbid operation with potentially devastating
complications that can be minimized by prevention, early recognition, and appropriate
management. Anastomotic leak, conduit necrosis, and pulmonary failure are the most
serious complications. The management of complications following oesophagectomy is
reviewed in the following section.
Key words: Œsophagus. Surgery. Complications. Anastomotic leak. Conduit necrosis.
Pulmonary failure. Chylothorax. Œsophageal stricture.
Introduction
Malgré les progrès de la radiothérapie
et de la chimiothérapie, la chirurgie est
le principal traitement du cancer de
l’œsophage. La résection de l’œsophage
peut se faire par différentes approches,
toutes incluant une voie d’abord abdo-
minale associée à un abord thoracique
et/ou cervical. La reconstruction diges-
tive se fait le plus souvent en utilisant
l’estomac, mais occasionnellement le
côlon ou le jéjunum sont utilisés, avec
une anastomose réalisée dans le cou ou
le thorax. La voie d’abord chirurgicale
est habituellement déterminée par la lo-
calisation de la lésion et l’expérience
du chirurgien, sachant que les voies
transhiatale et transthoracique ont cha-
cune leurs défenseurs, sans supériorité
démontrée de l’une sur l’autre, à ce jour
[1]. Quelle que soit la voie d’abord,
l’œsophagectomie reste une chirurgie à
haut risque avec une mortalité non né-
gligeable et une morbidité importante,
même si elles ont tendance à diminuer
[2].Le but de notre travail est une mise
au point sur le mécanisme, la détec-
tion, le traitement et la prévention des
complications après œsophagectomie.
Généralités
Les complications péri-opératoires de
l’œsophagectomie dépendent du type
d’intervention réalisée et de l’étendue
de l’exérèse chirurgicale. Elles se sub-
divisent schématiquement en deux
groupes : les complications techniques
et celles associées à des troubles cardio-
pulmonaires. En terme de sévérité, les
complications peuvent aller de l’infec-
tion de paroi, mineure, traitée par des
soins locaux et des antibiotiques, à la
médiastinite et au sepsis, nécessitant
une réintervention et associés à un taux
de mortalité élevé.
Comme avant chaque procédure chi-
rurgicale complexe, les patients doivent
être évalués en fonction du terrain et
des facteurs de risque dans le but de
réduire le taux de complications
postopératoires. La connaissance des
complications potentielles spécifiques
est indispensable pour la détection
précoce et le traitement adapté de ces
complications quand elles surviennent.
Complications chirurgicales
spécifiques
Fistule anastomotique
Mécanisme
La fistule anastomotique est une des
complications postopératoires la plus
menaçante car grevée d’une mortalité
élevée. L’incidence (de 3 % à 30 %) et
la gravité de cette complication sont très
variable selon l’intervention, l’expérien-
ce du chirurgien et l’importance de la
désunion. Des facteurs influencent la
survenue de la fistule, incluant l’absence
de séreuse au entourant l’œsophage,
l’orientation longitudinale des fibres
musculaires, la dénutrition, la ten-
sion sur l’anastomose, aggravée par
la gastroparésie, la qualité de la vascu-
larisation artérielle et veineuse de la
plastie, la technique et la localisation de
l’anastomose et l’expérience du chirur-
gien [3]. La localisation de l’anastomose
affecte en elle-même la tension sur cel-
le-ci et la qualité de la vascularisation de
la plastie par compression extrinsèque
au niveau du défilé cervico-thoracique
[4]. Les œsophagectomies transhiatales
par deux voies ou les œsophagectomies
par trois voies sont donc plus à risque
de fistule que les anastomoses intra-
thoraciques [5]. De plus, chaque fistule
n’a pas la même gravité. Ainsi, une pe-
tite fistule anastomotique, sans nécrose
de plastie, ou une fistule sur anastomose
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