J Chir 2005,142, N°6 • © Masson, Paris, 2005
Mise au point
Complications après œsophagectomie :
mécanisme, détection, traitement et prévention
C. Mariette, J.P. Triboulet
Service de Chirurgie Digestive et Générale, Hôpital C. Huriez, CHRU – Lille.
Correspondance : C. Mariette, Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital C. Huriez,
CHRU, F 59037 Lille Cedex.
Résumé / Abstract
Complications après œsophagectomie : mécanisme, détection, traitement et prévention
C. Mariette, J.P. Triboulet
La chirurgie de l’œsophage s’accompagne d’une morbidité et de complications
potentiellement sérieuses, dont l’incidence et la gravité peuvent être diminuées par la
prévention, la détection précoce et un traitement adapté. Les fistules anastomotiques,
nécroses de plastie et complications pulmonaires sont les complications les plus graves. La
prise en charge des complications après oesophagectomie est présentée ici.
Mots-clés : Œsophage. Prophylaxie. Traitement. Complications. Fistule anastomotique.
Chylothorax.
Complications following œsophagectomy: mechanism, detection, treatment and preven-
tion
C. Mariette, J.P. Triboulet
Œsophageal surgery remains a relatively morbid operation with potentially devastating
complications that can be minimized by prevention, early recognition, and appropriate
management. Anastomotic leak, conduit necrosis, and pulmonary failure are the most
serious complications. The management of complications following oesophagectomy is
reviewed in the following section.
Key words: Œsophagus. Surgery. Complications. Anastomotic leak. Conduit necrosis.
Pulmonary failure. Chylothorax. Œsophageal stricture.
Introduction
Malgré les progrès de la radiothérapie
et de la chimiothérapie, la chirurgie est
le principal traitement du cancer de
l’œsophage. La résection de l’œsophage
peut se faire par différentes approches,
toutes incluant une voie d’abord abdo-
minale associée à un abord thoracique
et/ou cervical. La reconstruction diges-
tive se fait le plus souvent en utilisant
l’estomac, mais occasionnellement le
côlon ou le jéjunum sont utilisés, avec
une anastomose réalisée dans le cou ou
le thorax. La voie d’abord chirurgicale
est habituellement déterminée par la lo-
calisation de la lésion et l’expérience
du chirurgien, sachant que les voies
transhiatale et transthoracique ont cha-
cune leurs défenseurs, sans supériorité
démontrée de l’une sur l’autre, à ce jour
[1]. Quelle que soit la voie d’abord,
l’œsophagectomie reste une chirurgie à
haut risque avec une mortalité non né-
gligeable et une morbidité importante,
même si elles ont tendance à diminuer
[2].Le but de notre travail est une mise
au point sur le mécanisme, la détec-
tion, le traitement et la prévention des
complications après œsophagectomie.
Généralités
Les complications péri-opératoires de
l’œsophagectomie dépendent du type
d’intervention réalisée et de l’étendue
de l’exérèse chirurgicale. Elles se sub-
divisent schématiquement en deux
groupes : les complications techniques
et celles associées à des troubles cardio-
pulmonaires. En terme de sévérité, les
complications peuvent aller de l’infec-
tion de paroi, mineure, traitée par des
soins locaux et des antibiotiques, à la
médiastinite et au sepsis, nécessitant
une réintervention et associés à un taux
de mortalité élevé.
Comme avant chaque procédure chi-
rurgicale complexe, les patients doivent
être évalués en fonction du terrain et
des facteurs de risque dans le but de
réduire le taux de complications
postopératoires. La connaissance des
complications potentielles spécifiques
est indispensable pour la détection
précoce et le traitement adapté de ces
complications quand elles surviennent.
Complications chirurgicales
spécifiques
Fistule anastomotique
• Mécanisme
La fistule anastomotique est une des
complications postopératoires la plus
menaçante car grevée d’une mortalité
élevée. L’incidence (de 3 % à 30 %) et
la gravité de cette complication sont très
variable selon l’intervention, l’expérien-
ce du chirurgien et l’importance de la
désunion. Des facteurs influencent la
survenue de la fistule, incluant l’absence
de séreuse au entourant l’œsophage,
l’orientation longitudinale des fibres
musculaires, la dénutrition, la ten-
sion sur l’anastomose, aggravée par
la gastroparésie, la qualité de la vascu-
larisation artérielle et veineuse de la
plastie, la technique et la localisation de
l’anastomose et l’expérience du chirur-
gien [3]. La localisation de l’anastomose
affecte en elle-même la tension sur cel-
le-ci et la qualité de la vascularisation de
la plastie par compression extrinsèque
au niveau du défilé cervico-thoracique
[4]. Les œsophagectomies transhiatales
par deux voies ou les œsophagectomies
par trois voies sont donc plus à risque
de fistule que les anastomoses intra-
thoraciques [5]. De plus, chaque fistule
n’a pas la même gravité. Ainsi, une pe-
tite fistule anastomotique, sans nécrose
de plastie, ou une fistule sur anastomose