Guide d`accompagnement d`un partenariat CRD

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CENTRE
LE VIRAGE
Guide d’accompagnement
d’un partenariat CRD-CSSS
- Implantation d’une offre de services
intégrés en dépendance et santé mentale
Inspiré du Programme
2
Coordination des travaux et soutien à la rédaction
Guy Dufresne, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Michel Proulx, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Élisabeth Hamel, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher
Dr Pierre Tétreault, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher
Rédaction
Guy Vermette, Services de consultation Marijan
Collaboration à la rédaction
Karine Bertrand, Université de Sherbrooke
Jean Côté, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Lesley Hill, CSSS Pierre-De Saurel
Kevin Johnson, Centre d’études en transformation des organisations — CETO, HEC
Suzanne L. Kennedy, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher
Michel Landry, Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances
Nicole Lemire, Consultante, NDL inc
Anne Pangaud, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Johanne Roy, Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte, CSSS Pierre-Boucher
Collaboration à l’édition
Hélène Dolbec, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Hélène Lafrenière, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Mélanie Jolin, Centre de réadaptation en dépendance Le Virage
Édition
CRD Le Virage et CSSS Pierre-Boucher
Le présent document s’adresse spécifiquement aux gestionnaires du réseau québécois de la santé et des services sociaux et est
accessible en version électronique à l’adresse :
www.levirage.qc.ca dans la section Actualités
www.santemonteregie.qc.ca/cssspierreboucher/apropos/csss-pb/index.fr.html
à la section documentation en référant au titre dans le moteur de recherche.
Le genre masculin utilisé désigne aussi bien les femmes que les hommes.
Référence suggérée :
Centre de réadaptation en dépendance Le Virage et Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher, 2012. Guide
d’accompagnement d’un partenariat CRD-CSSS - Implantation d’une offre de services intégrés en dépendance et santé
mentale, Longueuil, 46 p.
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Nationales du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN : 978-2-9810609-1-4 (version électronique) • 978-2-9810609-2-1 (version imprimée)
© CRD Le Virage et CSSS Pierre-Boucher, 2012
3
REMERCIEMENTS
La production du présent guide est le fruit d’une étroite collaboration de nombreuses
personnes. Nous tenons ainsi à remercier monsieur Michel Proulx du Centre de réadaptation
en dépendance (CRD) Le Virage ainsi que madame Élisabeth Hamel et Dr Pierre Tétreault du
Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte (PSMDIA) du Centre de santé et de
services sociaux (CSSS) Pierre-Boucher. Ces personnes ont assumé la coordination des travaux
en plus de contribuer à la révision du document.
Nous remercions également les membres du comité de lecture, soit mesdames Karine Bertrand
de l’Université de Sherbrooke, Lesley Hill du CSSS Pierre-De Saurel, Suzanne L. Kennedy et
Johanne Roy du programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher, Anne Pangaud du CRD Le Virage
et Nicole Lemire, consultante, ainsi que messieurs Jean Côté du CRD Le Virage, Kevin Johnson
du Centre d’études en transformation des organisations (CETO) de l’École des hautes études
commerciales (HEC) et Michel Landry du Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur
les dépendances (CDC−IUD). Ces personnes ont mis à contribution leurs expertises dans les
domaines des pratiques cliniques et de gestion, de la recherche sur les troubles concomitants
ou du changement organisationnel permettant ainsi d’enrichir le contenu et l’attrait
que représente un tel guide pour les centres de réadaptation en dépendance et les
centres de santé et de services sociaux.
Nous remercions monsieur Guy Vermette, chargé de projet, qui a rédigé le présent
document en étroite collaboration avec les membres du comité de lecture ainsi que
mesdames Hélène Dolbec, Hélène Lafrenière et Mélanie Jolin du CRD Le Virage
pour le travail de révision du texte et de mise en page du document.
Un tel guide n’aurait jamais vu le jour sans l’intérêt des gestionnaires de programme
et d’intervenants du CRD Le Virage et du programme SMDIA du CSSS PierreBoucher qui ont initié un ambitieux projet de changement des pratiques cliniques
et de gestion qui porte maintenant le nom de programme MOSAIC. Ce projet
visait à accroître l’accès, la continuité et la qualité des services à des personnes qui
présentent ou qui sont à risque de présenter un trouble concomitant de dépendance
et de santé mentale. Nous les remercions tous pour ce qu’ils représentent comme
source d’inspiration et comme apport à une amélioration de l’offre de service
en troubles concomitants. Nous remercions également monsieur Guy Dufresne,
directeur général du CRD Le Virage, et madame Caroline Barbir, anciennement
directrice générale du CSSS Pierre-Boucher, qui ont appuyé ce projet à toutes les
étapes de sa réalisation.
Finalement, nous remercions l’Agence de la santé et des services sociaux de la
Montérégie qui a financé la production du présent guide dans la perspective de
faciliter la mise en place de projets de partenariat entre un centre de réadaptation
en dépendance et un centre de santé et de services sociaux en Montérégie bien
sûr, mais également dans les autres régions du Québec.
4
AVANT-PROPOS
L’objectif premier de cette publication est de rendre disponible un document qui comporte
les informations les plus pertinentes et utiles pour faciliter la planification, l’implantation, la
consolidation et l’évaluation d’un partenariat entre un centre de réadaptation en dépendance
et un centre de santé et de services sociaux en matière de prévention et du traitement des
troubles concomitants.
Le programme MOSAIC, mis en place par le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher, sert
d’assise expérientielle à la production de ce guide, appuyé de données issues de la littérature
scientifique. Ce programme, qui s’adresse à une clientèle adulte, a obtenu en 2011 des prix
d’excellence du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et de l’Association des
centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ) pour le partenariat développé
ainsi qu’une mention d’excellence de l’Association québécoise d’ établissements de santé et de
services sociaux (AQESSS) pour le volet « Accessibilité et continuité des services ».
La première section du guide présente les caractéristiques des personnes aux prises avec un
trouble de dépendance et de santé mentale ainsi que leurs besoins de service. Les sections 2 et
3 abordent successivement les motifs pour un CRD et un CSSS de travailler ensemble ainsi que
ce que signifie de travailler en partenariat dans un tel rapprochement.
La section 4 décrit l’expérience vécue par le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher dans
le cadre du programme MOSAIC. Les sections 5 et 6 portent sur les stratégies à privilégier
pour planifier et implanter un partenariat entre un CRD et un CSSS pour mieux venir en aide
aux personnes qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de
dépendance et de santé mentale.
La section 7 porte sur l’appréciation du changement et de l’attente des résultats alors que la
section 8 sur les conditions pour assurer la pérennité du changement. Le guide se termine par
une dernière section soulignant certains pièges à éviter ou à contrer dans cette démarche de
rapprochement et de travail intégré.
Le présent guide est un document de référence et de consultation. Le lecteur est invité à
disposer de son contenu non pas comme un livre de recettes, mais bien comme une série de
points de repère pour orienter la réflexion et l’action, afin d’initier et de nourrir le changement
dans le cadre d’un projet de partenariat entre un CRD et un CSSS.
Nous espérons qu’il sera mis à contribution dans le respect du principe que le changement
s’exerce toujours dans un contexte singulier. Les organisations, les équipes et les individus
sont tous différents, tant dans leurs dynamiques propres que dans les structures, les modes de
fonctionnement et les collaborations qui sont mis en place. Tout changement doit ainsi partir
de ce constat, sachant que la mobilisation requise des effectifs découle rarement d’un simple
processus de planification ou d’une exportation d’un projet à succès.
Nous souhaitons que les différents contenus de ce guide soient des plus utiles pour mieux
répondre aux nombreux besoins d’aide et d’accompagnement des personnes qui présentent,
ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de dépendance et de santé mentale.
Selon nous, le changement de pratique attendu est celui qui améliore au
quotidien le fonctionnement et la qualité de vie de l’usager et qui donne un
sens accru à l’intervenant dans son travail en équipe.
5
Table des matières
Définition des acronymes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
n Section 6
Définition de quelques concepts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Les stratégies à privilégier pour implanter
le partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
n Section 1
Les personnes aux prises avec un trouble de dépendance
et de santé mentale et les besoins de service. . . . . . . . . . . 7
• Une réalité qui est bien présente dans la population . . . . . . 7
• Une réalité qui demande à être comprise. . . . . . . . . . . . . . . . 7
• Une réalité qui induit une détresse pour laquelle la
personne demande à être entendue et accompagnée. . . . . 7
• Une réalité qui pose un problème d’accès à des
services spécialisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
• Une réalité qui est fréquente dans les services de
dépendance et de santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
• Une réalité qui amène une organisation de services
tenant compte des niveaux de gravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
• Une réalité qui demande de travailler ensemble pour
favoriser de meilleurs résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
n Section 2
Les motifs pour un CRD et un CSSS de travailler
ensemble. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
• Une limite, une impasse ou une impuissance dans ses
interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
• Un souci de bonifier l’offre de services en dépendance
et en santé mentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
• Une mise à profit des variables associées à l’efficacité . . . . 11
• Une attente d’accroître la performance du système . . . . . . 11
n Section 3
Ce que signifie travailler en partenariat. . . . . . . . . . . . . . . 13
n Section 4
• Personnaliser les collaborations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
• Susciter le changement des pratiques par la formation
et le soutien professionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
• Partager des outils qui facilitent l’intégration des services. 26
• Élaborer une trajectoire qui rend compte de
l’intégration des services. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
• Contaminer positivement les équipes. . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
• Assurer un suivi de gestion à la fois rigoureux et flexible . . 28
• Respecter les étapes du changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
n Section 7
L’appréciation du changement et de l’atteinte
des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
• Se doter d’un cadre d’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
• Identifier des indicateurs du changement et en assurer
le suivi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
• Reconnaître le travail des acteurs du changement. . . . . . . . 32
• Diffuser l’information sur le déploiement du changement
et sa valeur ajoutée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
n Section 8
Quelques conditions pour assurer la pérennité du
changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
• S’assurer que le changement est légitime et reconnu. . . . . 34
• Identifier des gestionnaires responsables d’assurer la
pérennité du changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
• Enchâsser le changement dans une entente de
collaboration ou de service. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
• Poursuivre l’exercice d’un bilan pour assurer
l’intégration du changement ainsi que son
amélioration sur une base continue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Une source d’inspiration : le programme MOSAIC et
le continuum de services dans lequel il s’inscrit. . . . . . . . . 14
n Section 9
• L’historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
• Les clientèles visées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
• Les objectifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
• Le contenu du programme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
• La structure d’encadrement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
• Les réalisations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
n Section 5
• La dilution dans les priorités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
• La remise dans le temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
• Le qu’en dira-t-on et la rumeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
• Le « prendre comme acquis ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
• La suffisance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
• Les « guerres de chapelles ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
• L’isolement dans la pratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
• Le manque de gestion de la confidentialité. . . . . . . . . . . . . 37
Les stratégies à privilégier pour planifier le
partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
• Se rapprocher et assumer un positionnement
stratégique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
• Conduire un état de situation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
• S’inspirer des organisations qui réussissent le
changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
• Se donner un lieu d’échange, de réflexion et de décision
spécifique au projet de partenariat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
• Développer une vision commune sur des concepts-clés. . . 22
• Choisir un certain nombre d’actions à entreprendre en
premier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
• Se doter d’un contexte favorisant l’engagement des
acteurs dans le changement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Certains pièges à éviter ou à contrer. . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
n Annexe 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Arbre de décision pour conduire les activités de repérage
et de détection d’un problème de consommation d’alcool
ou de drogues dans les services de 1re ligne du Programme
santé mentale et déficience intellectuelle adulte du CSSS
Pierre-Boucher
n Annexe 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Variantes de l’intervention intégrée selon la nature des troubles
6
Définition des acronymes
ACRDQ
Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (appellation antérieure de
l’association : FQCRPAT - Fédération québécoise des entres de réadaptation pour personnes
alcooliques et autres toxicomanes)
AQESSS
Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux
ASSSM
Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie
CAMH
Centre for Addiction and Mental Health
CDC-IUD
Centre Dollard-Cormier — Institut universitaire sur les dépendances
CDNO
Concurrent Disorders Ontario Network
CETO
Centre d’études en transformation des organisations
COCE
Co-Occurring Center for Excellence
CRD
Centre de réadaptation en dépendance
CSSS
Centre de santé et de services sociaux
HEC
Hautes Études Commerciales
INSPQ
Institut national de santé publique du Québec
IPCDC
Initiative sur le partage des connaissances et le développement des compétences
LEGG — ASSSM
Laboratoire d’expérimentation en gestion et en gouvernance de l’Agence de la santé et des
services sociaux de la Montérégie
MSSS
Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
NICE
National Institute for Health and Clinical Excellence
PSMDIA
Programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte
RISQ
Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec
SAMHSA
Substance Abuse and Mental Health Services Administration
SMDIA
Santé mentale et déficience intellectuelle adulte
Substance psychoactive (SPA)
Produit consommé, inhalé ou injecté qui a pour propriété de
stimuler, déprimer ou perturber le système nerveux central
ainsi que d’altérer l’état de conscience d’une personne.
Abus
Mode d’utilisation inadéquat d’une substance psychoactive ou
d’un jeu de hasard et d’argent, conduisant à une altération du
fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative,
au cours d’une période de 12 mois sans toutefois que les
symptômes n’aient jamais atteint les critères de la dépendance
(APA, 1996).
Dépendance
Mode d’utilisation inadapté d’une substance psychoactive ou
d’un jeu de hasard et d’argent, conduisant à une altération du
fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative,
à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois
(APA, 1996).
Problème de santé mentale
Dans le présent document, réfère à une détresse
psychologique ainsi qu’à une gravité de symptômes associés
(psychologiques, affectifs, physiques ou relationnels) qui
ne sont pas cliniquement significatives pour convenir de la
présence d’un diagnostic de trouble de santé mentale.
Définition de
quelques concepts
Trouble de santé mentale
Dans le présent document, réfère à un problème de santé
mentale dont la gravité des symptômes est cliniquement
significative. On réfère ici, principalement à un diagnostic de
troubles psychotiques, de la personnalité, de l’humeur ou
anxieux.
Trouble concomitant
Dans le présent document, réfère à la présence simultanée
d’un abus ou d’une dépendance ainsi que d’un problème ou
d’un trouble de santé mentale.
Usager
Est utilisé comme terme générique pour désigner une
personne qui reçoit des services de santé ou de services
sociaux. Il inclut le terme de « client », appellation fréquente
en CRD, et de « patient » largement utilisé dans les services de
santé mentale en CSSS.
7
n SECTION 1
LES PERSONNES AUX PRISES AVEC UN TROUBLE DE DÉPENDANCE
ET DE SANTÉ MENTALE ET LES BESOINS DE SERVICE
Une réalité présente dans la
population
En 2002, Santé Canada estimait à 20 % le nombre de Canadiens
qui seront atteints d’un trouble de santé mentale au cours de
leur vie. Le taux de prévalence d’abus ou de dépendance aux
substances psychoactives est estimé de manière conservatrice
à 5,2 % en référence à certaines études conduites et rapportées
par Tremblay et collaborateurs (2007).
À la lumière de la documentation relative à la « découverte »
des troubles concomitants, Rush et Nadeau (2012, sous presse)
soulignent qu’à l’ensemble de la population, la majorité des
personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et
des troubles liés aux substances ne présente pas de troubles
concomitants.
Pour ces mêmes auteurs, ce constat global ne doit pas
faire perdre de vue que les personnes ayant un trouble de
santé mentale présentent nettement plus de risques que
la population générale de développer un trouble lié aux
substances au cours de leur vie, l’inverse étant également vrai.
Les taux de comorbidité se situent entre 20 et 40 % chez les
personnes alcooliques et entre 30 et 50 % chez les personnes
toxicomanes (Kessler et al., 1996, cité dans Rush et Nadeau,
2012 sous presse)
Au Québec, le terme « trouble concomitant » renvoie à « toute
combinaison de troubles liés à l’utilisation d’une substance ou
à la pratique du jeu et de troubles mentaux tels que définis
par l’Association psychiatrique américaine dans le Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux — DSM IVTR » (APA, 1996 tiré de FQCRPAT, 2005). Cette définition, qui
inclut la manifestation simultanée de différentes combinaisons
de troubles atteignant un seuil clinique, représente également
la position d’acteurs majeurs sur la scène canadienne (CDNO,
2005).
Du côté des personnes présentant un trouble de santé
mentale, Fleury et collaborateurs (2012) précisent que les
taux de prévalence sont plus élevés lorsqu’il s’agit de souspopulations. À cet effet, ils rapportent que l’Epidemiological
Catchment Area Study (Regier et coll., 1990) montre que le
taux à vie de l’abus d’alcool et de drogue était de 47 % chez
la population atteinte de schizophrénie, de 56 % chez celle
avec des troubles bipolaires et de 30 % chez celle souffrant de
troubles anxieux ou de l’humeur.
Une récente publication dans le domaine des troubles
concomitants (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012,
sous presse) souligne le fait que cette définition, basée sur
un seuil diagnostique, a pour effet d’exclure les personnes
qui présentent des problèmes du même ordre sans
atteindre toutefois un tel seuil clinique. Conséquemment,
la concomitance serait beaucoup plus vaste dans ses
manifestations et serait vue sur un continuum de gravité. Cette
vision plus élargie de la concomitance vient en nuancer et
complexifier davantage la représentation.
Une réalité qui demande à être comprise
La trajectoire de vie d’une personne est une aventure propre
à chacun, au cours de laquelle elle tente de se définir et
de trouver sa place dans un effort continu d’adaptation à
soi-même, à autrui, ainsi qu’à son environnement. Cette
singularité des parcours s’explique par la multitude des
variables (ex. : biologiques, psychologiques, sociales, etc.)
qui viennent influencer le comportement humain dans ses
différentes manifestations. Dans le cours de ces trajectoires,
des personnes peuvent en venir à vivre certaines vulnérabilités
ainsi que différents problèmes de santé, dont un trouble de
dépendance et/ou de santé mentale.
Il y a une nécessité de bien comprendre la nature, les
liens et la gravité des problèmes en présence ainsi qu’à
en saisir le sens dans la trajectoire et le contexte de vie de
chaque personne.
Une réalité qui induit une détresse
pour laquelle la personne demande à
être entendue et accompagnée
La personne qui présente un trouble concomitant vit très
fréquemment une détresse psychologique. Elle présente des
besoins qui lui sont spécifiques et tributaires d’une plus grande
complexité des problèmes vécus. Le personnel en centre de
crise ou en service d’urgence est à même de constater que
le désir d’être aidé relève souvent d’un besoin à court terme
de réduire cette détresse, et la souffrance qui l’accompagne,
plutôt que d’initier une démarche de changement qui amènera
la personne vers une amélioration durable de son état de santé
physique et psychologique.
Dans ce contexte, Rush et Nadeau (2012 sous presse)
rapportent certaines études qui montrent l’importance des
problèmes d’attitude et de stigmatisation sociale à l’égard
de la clientèle qui présente des troubles concomitants. Ces
8
problèmes nuisent à l’accessibilité et à la qualité optimale des
soins à offrir à ces personnes en plus d’affecter à la baisse leur
motivation. Le rapport du Comité consultatif de la Stratégie sur
la santé mentale et le traitement des dépendances (2012) fait
de la réduction de cette stigmatisation une de ces principales
recommandations pour améliorer l’offre de service auprès de
cette population.
Par ailleurs, la littérature sur l’efficacité du traitement montre
qu’aucune approche ne se démarque clairement comme étant
supérieure à une autre pour venir en aide aux personnes qui
présentent des troubles de dépendance et de santé mentale
(Joly et coll., 2012, sous presse). Les déterminants d’une
efficacité sont nombreux et leur importance relative est encore
difficile à circonscrire. De façon générale, on peut cependant
affirmer que le traitement améliore la condition des usagers,
peu importe leur état initial et l’approche utilisée (Joly et
coll., 2012, sous presse). Il est cependant reconnu que les
caractéristiques individuelles de la personne ainsi que la qualité
du lien thérapeutique s’avèrent d’importants déterminants
de cette efficacité. Les principales caractéristiques de cette
alliance ont été rapportées par Nadeau (2010) :
• un rapport émotionnel qui invite à l’accueil et à la confiance;
• un accommodement aux buts de la personne;
• une aide et des outils qui ont de la valeur aux yeux de
l’intervenant;
• une capacité de transmettre l’espoir en misant sur les forces
de la personne;
• un propos qui dit « j’aime vraiment faire ce que je fais » et
« j’aime travailler avec vous »;
• l’importance d’une communauté de valeurs tant dans la
représentation de la détresse que dans l’organisation des
services et le développement des collaborations.
De telles caractéristiques valorisant le rôle crucial du lien
thérapeutique montrent également l’importance accordée
à aider l’usager à se donner ou se redonner du pouvoir
(empowerment) dans la conduite de sa vie.
Une réalité qui pose un problème
d’accès à des services spécialisés
Les personnes qui présentent des troubles concomitants de
dépendance et de santé mentale ont davantage recours aux
services de santé (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012,
sous presse). Pour les auteurs, c’est le cumul de détresse
psychologique, telle qu’elle se mesure par des troubles
concomitants, qui amènent les personnes à utiliser des services.
En l’absence de corridor de service ou de fonction de liaison
ainsi que de services adaptés à la concomitance de troubles,
ces personnes sont grandement à risque de se retrouver en
rupture de service. Elles sont susceptibles de se présenter dans
les services d’urgence en état d’intoxication aiguë ou avec un
état mental déstabilisé. Elles sont susceptibles d’être traitées
pour des problèmes de santé physique, souvent associés à
leur problème d’abus ou de dépendance, sans toutefois que
ces derniers trouvent une réponse cliniquement adaptée.
Plusieurs obtiennent rapidement un congé de l’urgence ou
d’une unité de soins après une stabilisation de leur condition
physique et que leur situation ait été jugée non critique sur
le plan médical. Ce congé survient sans que leurs besoins
psychosociaux et de santé soient évalués et que des services
adéquats leur soient offerts. Il s’en suit une perspective de se
retrouver à nouveau dans les services d’urgence lors d’une
prochaine intoxication aiguë ou de désorganisation de leur
fonctionnement entretenant ainsi le syndrome de « la porte
tournante ». Ce syndrome favorise le maintien d’une certaine
chronicité en lien avec la problématique vécue.
L’accès à des services spécialisés et adaptés est d’autant
plus requis que ces personnes vivent une combinaison plus
complexe qu’auparavant de troubles physiques, mentaux et
sociaux (MSSS, 2007), en plus de présenter également un risque
accru de se retrouver en situation d’itinérance (MSSS, 2006). De
plus, ne pas repérer et traiter ces personnes accroît les risques
de morbidité et de mortalité (SAMHSA, 2006a, vol 2).
Un premier accès à des services spécialisés et adaptés
s’avère un problème majeur pour les personnes qui
présentent un trouble concomitant.
Ce problème d’accès à des services spécialisés est illustré par de
récentes données épidémiologiques d’une enquête nationale
américaine (SAMHSA, 2008). Cette dernière montre que parmi
les personnes âgées de 18 ans et plus qui présentaient une
importante détresse psychologique et un problème d’abus ou
de dépendance aux substances psychoactives au cours des
12 derniers mois précédant l’enquête, environ la moitié (53 %)
d’entre elles n’avait reçu aucun traitement pour leurs troubles
concomitants.
Il se peut que ce problème d’accès soit en partie lié au constat
que les troubles concomitants demeurent peu dépistés (MSSS,
2006), bien que les intervenants de première ligne seraient
en position privilégiée pour repérer ces troubles (Agency for
Healthcare Research and Quality, 2005).
Mais ce problème découle également du fait que la plupart
des centres de traitement en dépendance sont peu organisés
pour traiter adéquatement la concomitance de troubles
(SAMHSA, 2002); la situation ne diffère pas au Québec (MSSS,
2006). Les organisations reconnaissent que les services actuels
ne tiennent pas suffisamment compte des besoins particuliers
de cette clientèle et des enjeux reliés à son traitement
(FQCRPAT, 2005).
Une réalité qui est fréquente dans les
services de dépendance et de santé mentale
Paradoxalement, le problème d’accessibilité à des services
spécialisés pour une majorité des personnes qui présente
un trouble concomitant n’empêche pas que la minorité des
usagers qui réussit à y avoir accès s’y retrouve en grande
proportion. En effet, l’ACRDQ (2010a) rapporte qu’au moins
50 % de la clientèle des CRD présente un trouble concomitant
plus ou moins sévère de dépendance et de santé mentale.
La présence de troubles concomitants constituerait la règle,
et non l’exception, dans ces établissements (Rush et Nadeau,
2012, sous presse). Les taux se situeraient dans la plupart
des cas entre 60 et 70 %. Lorsque les sous-populations de la
clientèle sont pris en compte, il s’avère que ces personnes
présenteraient principalement des troubles anxieux et de
l’humeur ou un trouble de personnalité. Une faible proportion
vivrait une schizophrénie ou un trouble bipolaire.
Lorsqu’il s’agit des personnes qui s’adressent aux services de
santé mentale pour bénéficier d’un traitement et d’un soutien,
les mêmes auteurs rapportent, à l’inverse, que la présence
de troubles concomitants est l’exception plutôt que la règle.
Cependant, dans certaines sous-populations (troubles graves)
et de certains types de service (i.e. suivi intensif dans le milieu—
SIM, suivi d’intensité variable—SIV, services de deuxième
9
ligne en santé mentale et services internes de psychiatrie) la
présence d’un trouble concomitant s’avère très fréquente. Les
troubles graves sont alors fortement associés à un plus grand
risque de développer des problèmes de toxicomanie (Levin et
Hennessy, 2004, dans Fleury et collaborateurs, 2012).
Une réalité qui amène une
organisation de services tenant
compte des niveaux de gravité
Le secteur du traitement des troubles concomitants de
dépendance et de santé mentale est en grande effervescence
depuis quelques années pour fixer les balises et les approches
à privilégier pour le traitement des troubles concomitants
graves. Le COCE de l’organisme SAMHSA des États-Unis
(http://coce.samhsa.gov/) s’avère l’instance de référence en
matière de données probantes sur le sujet.
Il y a cependant un manque de données probantes sur le plan
de l’orientation à donner au traitement concomitant lorsqu’il
s’agit de troubles moins graves (SAMHSA, 2005). Il se dégage
alors de la littérature scientifique une recommandation de
prendre en compte des approches éprouvées dans chacun
des secteurs d’intervention (dépendance et santé mentale)
pour orienter les interventions. Pour les données probantes
relatives au traitement en santé mentale, le National Institute
for Health and Clinical Excellence (NICE) au Royaume-Uni
s’avère également un organisme de référence incontournable
(http://www.nice.org.uk/).
Une approche par paliers est proposée pour moduler
l’organisation des services.
Le constat relatif au manque de robustesse des données
probantes pour le traitement des personnes présentant un
trouble concomitant moins grave est important. Il renforce
l’intérêt d’en venir à disposer d’un cadre d’analyse qui inclurait
ces données permettant ainsi de concevoir une réponse pour
satisfaire la condition et les besoins des personnes, selon le
niveau de gravité de leurs troubles.
Dans cette perspective, une approche par palier est proposée
pour moduler l’organisation des services, selon l’acuité, la
chronicité et la complexité des problèmes présentés, dans
une gamme de services répartis sur un continuum allant de
la promotion/prévention aux services surspécialisés (National
Treatment Strategy Working Group, 2008 ; Rush et Nadeau,
2012, sous presse). Ainsi, une gravité croissante des problèmes
amène un degré croissant de spécialisation. Pour Rush et
Nadeau (2012, sous presse), une première composante
majeure d’une telle approche est que les usagers présentant
une plus grande gravité de problèmes, ainsi que leurs familles,
puissent accéder facilement à un système de services et de
soutien, peu importe la porte d’entrée. Cette disposition
intègre ainsi l’approche No Wrong Door grandement valorisée
auprès de clientèles très vulnérables telles que les personnes
présentant un trouble concomitant (SAMHSA, 2006b) et celles
se retrouvant en situation d’itinérance (MSSS, 2008a). Selon
les auteurs, une deuxième composante majeure de cette
approche est que le système en place soit structuré de manière
à faciliter les transitions entre les paliers selon la nature et la
gravité des problèmes vécus par l’usager.
Une réalité qui demande de travailler
ensemble pour favoriser de meilleurs
résultats
L’absence ou le manque d’intervention intégrée est aussi un
problème important pour les personnes qui réussissent à
recevoir des services de dépendance et/ou de santé mentale.
L’enquête nationale de 2010 de SAMHSA (2012) montre
que parmi les personnes qui présentaient des troubles
concomitants graves, 64 % ont reçu des services en santé
mentale ou en dépendance au cours des 12 derniers mois :
45 % d’entre elles avaient reçu seulement des services en
santé mentale; 4,3 % avaient reçu seulement des services en
dépendance et seulement 14,5 % avaient reçu des services
en santé mentale et en dépendance. Bien que cette dernière
proportion soit faible, elle l’était davantage (10,5 %) lors de
l’enquête de 2007 (SAMHSA, 2008).
Ce dernier constat s’explique en partie par le fait que les
services spécialisés de dépendance et de santé mentale ont
très souvent fonctionné en silo, utilisant l’argument qu’il fallait
que les personnes présentant un trouble concomitant règlent
leur problème de toxicomanie, avant d’être aidées dans les
services de santé mentale; l’argument inverse était entretenu
dans le secteur des dépendances. On reconnaît aujourd’hui,
que le traitement des troubles concomitants de dépendance
et de santé mentale, par le recours à des systèmes de soins
séparés (en silo) et mal coordonnés, donne de piètres résultats
(Santé Canada, 2002).
Les piètres résultats d’un fonctionnement en silo
invitent à un changement majeur de mentalité chez les
intervenants en dépendance et en santé mentale ainsi
qu’à un important changement de pratique.
Dans cette perspective, le Plan d’action en santé mentale 20052010 (MSSS, 2004) et l’Offre de service en dépendance 20072012 (MSSS, 2007) soulignent l’importance de développer
des interfaces entre les services de dépendance et de santé
mentale, afin que les personnes aient accès aux services requis
par leur condition.
Devant la mise en preuve récente de plusieurs variables
organisationnelles contribuant à la compréhension de
l’efficacité du traitement (Tremblay et coll., 2010), Brochu
et ses collaborateurs (2012) avancent l’idée d’une « alliance
organisationnelle », en référence à l’alliance thérapeutique,
qui représenterait un facteur déterminant pour expliquer
l’intégration des services dans les différents modèles
d’organisation de services en dépendance. Pour les auteurs,
cette alliance reposerait sur l’établissement d’une véritable
collaboration entre intervenants, tant à l’intérieur de la même
organisation que dans des organisations différentes. Cette
forme d’alliance n’est pas étrangère à la façon de définir le
partenariat dans le présent document.
10
n SECTION 2
LES MOTIFS POUR UN CRD ET UN CSSS
DE TRAVAILLER ENSEMBLE
Une limite, une impasse ou une
impuissance dans ses interventions
Les intervenants en dépendance et en santé mentale occupent
leur champ de pratique respectif avec un grand souci d’être à
l’écoute des besoins de la clientèle. Très souvent, leur formation
et leur expérience contribuent à ce qu’ils développent un sens
élevé de leur responsabilité professionnelle avec un besoin de
se sentir utiles et efficaces dans leur intervention. Ils exercent
leur fonction dans un domaine spécifique d’expertise et avec
une certaine autonomie professionnelle qui contribue à rendre
plus saillant ce sentiment de responsabilité.
Les principaux motifs susceptibles d’amener un CRD et un
CSSS à travailler ensemble, reposent avant tout sur une
volonté et un engagement de répondre le mieux possible à la
population, dans l’exercice de leur mandat respectif.
Tel que souligné dans la section 1, les personnes qui présentent
ou qui sont à risque de présenter un trouble concomitant de
dépendance et de santé mentale vivent des situations difficiles
et se retrouvent dans des conditions physiques, psychologiques
et sociales pouvant requérir des soins et services variés de
première, de deuxième et même de troisième ligne.
Deux des caractéristiques présentées introduisent en soi
une nécessité de travailler ensemble. Il en est de même
des personnes qui présentent fréquemment des troubles
concomitants dans les services en dépendance et dans
les services de 2e ligne en santé mentale, comme de la
recommandation formulée par les experts d’intervenir de
manière intégrée pour venir en aide à celles qui présentent un
telle concomitance de troubles.
Pour donner suite à cette centration clientèle, d’autres motifs
de travailler ensemble sont à identifier dans chacun des
établissements sur les plans des orientations, de l’organisation
des services ainsi que des pratiques cliniques et de gestion.
L’expérience de partenariat conduite à ce jour entre le CRD
Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher ainsi que les indications
fournies dans la littérature scientifique permettent d’identifier
les principaux motifs suivants qui amènent également un CRD
et un CSSS à travailler ensemble :
• une limite, une impasse ou une impuissance dans ses
interventions;
• un souci de bonifier l’offre de service en dépendance et en
santé mentale;
• une mise à profit des variables associées à l’efficacité;
• une attente d’accroître la performance du système.
L’intervention clinique comporte un défi proportionnel à
l’acuité, à la complexité et à la chronicité des problèmes
vécus par la clientèle présentant un trouble concomitant. Ces
attributs mettent à risque un intervenant d’être confronté à ses
limites dans ses pratiques individuelles. Les états de situation
conduits au CRD Le Virage et au programme SMDIA du CSSS
Pierre-Boucher ont documenté le besoin des intervenants de
bénéficier de la contribution de l’un et de l’autre.
Devant la souffrance d’une personne, faire ensemble
devient un impératif.
Les limites d’un intervenant peuvent être une opportunité
pour mettre à profit les capacités d’un autre intervenant. Il
est souhaitable que ce partage se crée avant que s’installe un
sentiment d’impuissance, car ce dernier fait souvent obstacle
à l’ouverture d’une collaboration par crainte d’être perçu
comme incompétent.
Un souci de bonifier l’offre de services
en dépendance et en santé mentale
Les CRD du Québec sont engagés depuis quelques années
dans un exercice de normalisation de leur offre de service. Cette
démarche se fait dans le respect des orientations ministérielles
(MSSS, 2007) et dans le souci que toutes les régions du
Québec puissent disposer de services de base permettant
de répondre aux besoins diversifiés de services spécialisés
formulés par les personnes en demande d’aide. L’offre de
service en dépendance du MSSS identifie les personnes aux
prises avec des troubles concomitants de dépendance et de
santé mentale comme une clientèle prioritaire.
Par ailleurs, la Loi sur les services de santé et les services
sociaux (L.R.Q., c. S-4.2) confie aux CSSS la responsabilité
d’assurer l’accessibilité des services les plus complets
possibles, la prise en charge et l’accompagnement des
personnes dans leur réseau local de services respectifs. Cette
responsabilité est assumée dans le respect du principe de
hiérarchisation des services visant à assurer à la personne le
bon service, au bon moment, au bon endroit et en mettant à
profit les expertises appropriées. Dans ce contexte, les CSSS
du Québec planifient et implantent un projet clinique couvrant
plusieurs problématiques dont celles en santé mentale et en
11
dépendance. Les CRD sont alors un partenaire incontournable
en ce qui a trait aux services spécialisés en dépendance.
Le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 (MSSS, 2005)
invitait les CSSS à convenir du type de collaboration à
établir pour venir en aide aux personnes qui présentent, ou
qui sont à risque de présenter un problème d’abus ou de
dépendance, sachant les fortes prévalences observées de
troubles concomitants dans certains milieux cliniques de ces
deux secteurs d’intervention.
Le repérage systématique et l’intervention précoce
représentent un important maillon dans l’intégration des
services en dépendance (Simoneau, 2012).
Les CRD et les CSSS se réfèrent à l’offre de service en
dépendance du MSSS (2007) pour circonscrire les rôles et
responsabilités dévolus à chacun. Elle couvre l’ensemble du
continuum de services allant de la promotion/prévention à la
réinsertion sociale post-traitement. Ce continuum de services
demande des interfaces entre ces deux types d’établissement
pour assurer l’accessibilité et la continuité des services avec
un souci d’efficience, de complémentarité et de qualité. Le
continuum de services en dépendance requiert également des
interfaces avec des actions de santé publique offertes dans
la communauté aux personnes dépendantes pour prévenir
certains problèmes de santé (ex. : ITSS).
La bonification de l’offre de service en dépendance déborde
les mandats respectifs des CRD et des CSSS. Les organismes
communautaires investis auprès de ces clientèles assument
également un rôle important en aidant ces dernières dans
leur démarche d’acquérir et de maintenir un fonctionnement
personnel et social satisfaisant. Il en est de même de
partenaires intersectoriels (ex. : éducation, emploi et solidarité
sociale, justice), qui représentent des acteurs de premier plan
dans leurs secteurs d’intervention respectifs.
Ainsi, l’offre de service en dépendance est appelée à se bonifier
par une mise en réseau beaucoup plus large permettant
d’accueillir, d’aider et d’accompagner une personne en tenant
compte de l’ensemble de ses besoins. Cette mise en réseau
est d’autant importante que la réinsertion d’une personne à
sa communauté demeure un facteur essentiel de protection.
Une mise à profit des variables
associées à l’efficacité
Les orientations nationales et régionales proposent
l’intégration des approches éprouvées (ou best practices) dans
les programmations offertes aux clientèles en dépendance et
en santé mentale. Dans ce contexte, les CRD et les CSSS sont
invités à se référer à des approches éprouvées pour optimiser
les possibilités que les clientèles qu’ils desservent bénéficient
le mieux possible des interventions offertes. Pour ce faire, la
recherche a rendu disponible un champ de connaissances des
plus pertinents au cours des dix dernières années.
En dépendance, une référence incontournable s’avère
la publication récente d’une recension des écrits sur les
meilleures pratiques en réadaptation auprès des adultes
alcooliques ou toxicomanes (Tremblay et coll., 2010). Les
approches éprouvées, reconnues comme efficaces, sont mises
en contexte avec un nombre important d’autres variables
à prendre en compte lorsqu’il est question de convenir de
la nature des services à offrir. Ces variables portent sur les
caractéristiques du cadre d’intervention, de l’organisation des
services, du lien thérapeutique, de l’intervenant ainsi que de
l’usager, de son entourage et de son milieu de vie.
Un autre attrait de cette publication aux fins de la mise à profit
du présent guide porte sur la prise en compte de dimensions
organisationnelles reliées à l’efficacité des traitements (ex. :
grosseur et culture des organisations, mode de gestion,
charge de travail, clarté des politiques, soutien, climat de
travail, flexibilité dans les prises de décisions, niveau de
décentralisation, cohérence, processus d’amélioration
continue de la qualité).
Du côté de la littérature portant sur les troubles de santé
mentale, les indications relatives à l’efficacité des traitements
portent particulièrement sur la nature et la gravité des troubles
et la hiérarchisation des soins. Un tel modèle de référence est
également utilisé dans le traitement des troubles concomitants.
Deux récentes publications québécoises font le point sur le
traitement des troubles concomitants (Nadeau et Landry,
2012, sous presse) et l’intégration des services en toxicomanie
(Landry, Brochu et Patenaude, 2012).
Le concept d’approches éprouvées est donc rapporté avec
beaucoup de nuances. Les directions, les gestionnaires sur
le terrain ainsi que les intervenants en CRD et en CSSS sont
ainsi invités à prendre connaissance des principaux constats de
telles publications phares, pour orienter plus spécifiquement
leur programmation clinique et tenter de mieux répondre aux
personnes présentant ou à risque de présenter un trouble
concomitant de dépendance et de santé mentale.
La contribution des approches éprouvées doit permettre
le maintien de suffisamment d’ouverture et de flexibilité
pour expérimenter de nouvelles pratiques cliniques et
de gestion.
Le développement d’une offre de service conjointe entre un
CRD et un CSSS représente, à l’ensemble du Québec, des
gains potentiels importants en termes de coûts financiers,
sociaux et humains. À cet effet, la littérature indique qu’un
dollar investi dans le traitement en dépendance permet
d’économiser 7 $ en matière de services relatifs aux
dysfonctionnements physique, psychologique ou social d’une
personne dépendante (SAMHSA, 2006b). Il n’est pas exagéré
alors de parler d’investissement rentable. De plus, le comité
consultatif de la Stratégie sur la santé mentale et le traitement
des dépendances (2012) a souligné récemment que de plus en
plus de données probantes indiquent que le coût croissant des
problèmes non traités, ou sous-traités, de santé mentale et de
dépendance est insoutenable pour la société.
Une attente d’accroître la
performance du système
La performance est au cœur du développement des CRD
et des CSSS. Elle l’est sur les plans de l’imputabilité et de la
reddition de comptes dans le cadre des ententes de gestion
avec les agences de la santé et des services sociaux. Elle l’est
également pour les caractères stimulants et mobilisateurs
stimulant et mobilisateur que peut comporter le fait d’œuvrer
dans un système de soins et de services, qui nourrit une
démarche continue d’amélioration de la qualité, dans le souci
de répondre le mieux possible aux besoins des personnes
demandant de l’aide.
Fleury et ses collaborateurs (2012) soulignent que les lacunes
d’intégration des services sont au cœur des enjeux des systèmes
sociosanitaires, expliquant en partie leur sous-performance
et contribuant à diminuer la qualité des services offerts à la
12
population. L’intervention auprès des personnes présentant un
trouble concomitant de dépendance et de santé mentale est
susceptible de comporter ce déficit de performance et appelle
à des actions concertées pour remédier à la situation.
• être centré sur les besoins de la clientèle;
Ce travail conjoint en lien avec les troubles concomitants
de dépendance et de santé mentale est un contexte où
la performance du système possède un potentiel encore
plus élevé d’amélioration compte tenu de la culture de
fonctionnement en silo qui prévalait, ou qui prévaut encore,
dans ces organisations en lien avec la concomitance de
troubles.
• accepter que les résultats peuvent prendre plus de temps
avant de se manifester;
Les CRD et les CSSS sont en position d’accroître la
performance de leur système respectif ainsi que de celui,
plus large, qui résulte du fait de travailler ensemble dans
le continuum de services en troubles concomitants.
Certains spécialistes offrent des pistes d’action attrayantes
pour favoriser le changement organisationnel. Ainsi, Nolan
(2007) mise sur la gestion par projet. Cette dernière a été
privilégiée dans l’expérience de partenariat conduite entre
le CRD Le Virage et le CSSS Pierre-Boucher. Elle a comporté
certaines caractéristiques que Nolan associe à une organisation
qui améliore constamment son niveau de performance par le
biais de la gestion par projet, soit :
• offrir un service en réponse à une priorité;
• fixer des objectifs progressifs et réalistes;
• fournir un environnement qui facilite le plaisir d’y travailler;
• établir un contexte d’apprentissage et de suivi qui accroît les
chances d’atteindre les résultats escomptés;
• assurer de façon continue la disponibilité et l’engagement
d’intervenants et de gestionnaires aptes à assurer la
pérennité du projet.
Un autre angle proposé pour accroître la performance est de
s’assurer que le personnel à tous les paliers de l’organisation
trouve, dans l’exercice de ses fonctions, une opportunité de
se valoriser et d’enrichir ses pratiques en y retirant une grande
satisfaction dans une organisation qui associe la performance
à la qualité de vie au travail. Telles sont les orientations prises
par le Réseau Planetree initié au Québec par le Centre de
réadaptation de l’Estrie (CRE), auquel s’inscrit un nombre
croissant d’établissements de santé et de services sociaux
ainsi que par la démarche Entreprise en santé que promeuvent
Agrément Canada, le Conseil québécois d’agrément ainsi que
le Programme santé des organisations et des individus (PSOI)
du MSSS (2011).
13
n SECTION 3
CE QUE SIGNIFIE TRAVAILLER EN PARTENARIAT
Le mot partenariat est largement utilisé dans le secteur de la
santé et des services sociaux. Il induit souvent la pensée que,
lorsqu’il y a des partenaires, il y a du partenariat. Il ne faut
pas s’y méprendre. Le partenariat est beaucoup plus que les
simples relations entre différentes instances.
Par ailleurs, l’expérience conduite à ce jour dans le cadre
du programme MOSAIC, appuyée de certaines données
de la littérature (Lamoureux, 1994), amène à identifier les
caractéristiques suivantes du partenariat :
À un premier niveau de mobilisation, nous retrouvons
la collaboration. Celle-ci se caractérise par un simple
regroupement d’acteurs ayant pour but de résoudre un ou
plusieurs problèmes pour lesquels aucun d’eux ne peut trouver
de solutions isolément (Gray, 1985). La collaboration est
motivée par la reconnaissance d’un besoin mutuel et s’active
donc sur la base des limites identifiées à la section précédente,
soit d’avoir besoin de la contribution d’un partenaire.
• un équilibre dans le partage du pouvoir d’influence entre les
partenaires;
À un deuxième niveau de mobilisation se retrouve la concertation.
Elle comporte un ensemble de pratiques d’acteurs d’un ou
plusieurs secteurs d’activités qui se mobilisent, s’engagent en
complémentarité d’action et mettent à profit les compétences
de chacun, en vue de satisfaire, d’un commun accord, certains
besoins identifiés dans la communauté (Lebeau et coll., 1998).
Ainsi, la concertation est une formalisation et une organisation
des collaborations. Elle s’active non seulement en matière de
l’action mais également sur les plans stratégique (Schneider,
1987) et de la mobilisation solidaire et citoyenne, prenant
alors l’appellation de coalition (Himmelman, 1992). Le Comité
permanent de lutte à la toxicomanie (CPLT, 2001) a publié un
guide pour les intervenants et les gestionnaires afin de les
aider à développer la concertation en toxicomanie. Ce guide
est susceptible d’être utile pour les organisations qui ont
beaucoup à faire sur le plan de l’ouverture à des partenaires
pour acquérir une concertation satisfaisante.
• un apport mutuel de services basé sur les besoins à satisfaire
auprès de la clientèle;
Le partenariat est une expérience de mobilisation
exigeante et complexe de relations, d’actions et
d’influences dont l’objet premier est la dispensation d’un
meilleur service à la population.
• une organisation des relations;
• des accords basés sur des concessions ou des compromis
centrés sur des objectifs communs à satisfaire. Ces
concessions ou compromis impliquent des négociations et
comportent un potentiel de tension ou de conflits à prévenir,
à affronter et à résoudre;
• une reconnaissance et un respect de la contribution
spécifique de chacun des partenaires;
• une mise à profit de l’expertise de chacun;
• un sentiment partagé d’en retirer des bénéfices donnant
lieu à une formule où chacun des partenaires se considère
gagnant.
Le partenariat est susceptible de viser un gain de performance
sous les angles de l’amélioration de la santé et du bien-être
de la population, de l’amélioration de l’expérience des soins
et des services ainsi que de l’optimisation de l’utilisation des
ressources (Roy, Litvak et Paccaud, 2010).
14
n SECTION 4
UNE SOURCE D’INSPIRATION : LE PROGRAMME MOSAIC ET
LE CONTINUUM DE SERVICES DANS LEQUEL IL S’INSCRIT
L’historique
Le programme MOSAIC origine, à l’automne 2007, d’une
volonté clairement affirmée par les directions du Programme
santé mentale et déficience intellectuelle adulte (SMDIA)
du CSSS Pierre-Boucher et de la Direction des services
professionnels et de réadaptation (DSPR) du CRD Le Virage, de
se rapprocher pour explorer la perspective de mettre en place
une offre de service adaptée aux personnes qui présentent, ou
qui sont à risque de présenter, des troubles concomitants de
dépendance et de santé mentale.
Cette ouverture s’était également manifestée dans le cadre
d’un comité de travail, initié à la même époque par le CRD Le
Virage, pour réfléchir sur les troubles concomitants observés
chez la clientèle desservie et les ajustements requis au niveau
des services. Deux représentants du Programme SMDIA du
CSSS Pierre-Boucher s’étaient joints à ce comité.
À l’hiver 2008, le CSSS Pierre-Boucher embauche un chargé de
projet pour coordonner des travaux, en vue de planifier et de
réaliser un projet de démonstration pour mieux venir en aide
à la clientèle aux prises avec un trouble concomitant, tout en
misant sur un rapprochement entre les deux établissements.
Au printemps 2008, un état des services et des besoins est
conduit au Programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher
(Vermette, 2008a) en lien avec le traitement des personnes
présentant des troubles concomitants, avec la conduite d’une
importante rétroaction auprès des différentes équipes pour en
valider les résultats et pour favoriser une appropriation d’un
besoin de changement. Cette démarche a été grandement
inspirée d’une démarche similaire conduite précédemment au
CRD Le Virage.
À l’été 2008, des structures d’encadrement sont mises en place :
comité de pilotage et comité conjoint interétablissements
pour disposer du bilan du comité santé mentale du CRD Le
Virage, et des résultats de l’état des services et des besoins
conduit au CSSS Pierre-Boucher, ainsi que pour assurer le suivi
des travaux en vue de concrétiser un projet de démonstration.
À la même période, un cadre d’implantation est produit
(Vermette, 2008b). Il fait état des principales caractéristiques
des clientèles présentant un trouble concomitant, des besoins
de mobilisation chez les effectifs, des limites observées au
niveau des services. Il précise les approches préconisées en
lien avec les meilleures pratiques ainsi qu’une vision à partager
relative à certains concepts-clés (ex. : réduction des méfaits,
motivation, hiérarchisation des soins et services, réadaptation).
Il délimite la clientèle à desservir dans le cadre du projet et
présente une proposition d’actions à déployer. Finalement, il
comporte certains principes et conditions souhaitables pour
implanter avec succès le projet.
À l’automne 2008, les membres des deux structures
d’encadrement approuvent et bonifient le cadre d’implantation
et obtiennent un très large consensus sur son contenu final. Ce
document comportera les assises et tracera les balises pour
implanter le projet planifié.
À l’hiver 2009, les équipes impliquées s’approprient le contenu
du cadre d’implantation et les comités de pilotage et conjoint
préparent l’amorce des actions privilégiées au printemps 2009.
Au printemps 2009, le projet de démonstration est retenu
comme projet novateur par le Laboratoire d’expérimentation
en gestion et en gouvernance (LEGG) de l’Agence de la santé
et des services sociaux de la Montérégie pour faire l’objet d’un
accompagnement durant la période d’expérimentation.
Depuis ce temps, le projet de démonstration a pris racine
dans les services des deux établissements et ses différentes
activités ont été déployées. Suite à un bilan d’implantation des
plus favorables (CSSS Pierre-Boucher et CRD Le Virage, 2011),
le projet de démonstration devient en 2011, le programme
MOSAIC.
Les clientèles visées
Les clientèles visées par le programme MOSAIC ont été
identifiées comme étant les personnes qui sont les plus
susceptibles de bénéficier de l’apport conjoint de l’expertise
des partenaires en dépendance et en santé mentale. Il s’agit
également, pour chacun des partenaires, d’identifier la
clientèle pour laquelle la contribution de l’autre partenaire
est la plus attendue. Cette décision a été prise à l’analyse des
résultats de l’état des services et des besoins conduit ainsi
que des recommandations formulées par les experts dans le
domaine du traitement intégré et non séquentiel (SAMHSA,
2005; FQCRAPT, 2005; Santé Canada, 2002).
Ainsi, les services intégrés implantés dans le cadre du
programme MOSAIC s’adressent spécifiquement aux
personnes présentant un problème d’abus ou de dépendance
ainsi qu’un trouble psychotique ou un trouble de personnalité
limite ou narcissique. Les personnes qui présentent d’autres
troubles concomitants bénéficient des activités régulières du
CRD Le Virage ou du programme SMDIA du CSSS PierreBoucher.
Les objectifs
Les objectifs du programme MOSAIC sont les suivants :
• offrir aux deux clientèles visées un meilleur accès à des
services spécialisés adaptés à leurs conditions et à leurs
besoins;
• mettre en place un réel partenariat interétablissements
favorisant l’intégration des services spécialisés, ainsi que la
continuité du cheminement de ces personnes;
• mieux desservir, en CRD et en CSSS, la clientèle qui
présente des problèmes concomitants mais qui ne sont
pas suffisamment graves pour mettre à profit l’expertise du
partenaire;
• organiser les services spécialisés pour les troubles
concomitants dans un continuum de services en dépendance,
15
en assurant une interface de cette organisation des services
dans les projets cliniques en dépendance et en santé
mentale du réseau local de services;
• assurer la pérennité et le développement du programme
en mettant en place les conditions cliniques et de gestion
nécessaires.
Ces objectifs ont pour but d’aider les deux clientèles
visées à augmenter, le plus possible, leur niveau de
fonctionnement et de bien-être, et conséquemment
de favoriser un besoin moins grand de recourir à des
services d’urgence ainsi que des services de 2e ligne en
santé mentale ou en dépendance.
Les efforts consentis pour travailler à l’atteinte de ces
objectifs doivent reposer sur une représentation réaliste et
pragmatique du cheminement des usagers, de leurs capacités
et des contextes dans lesquels ils évoluent. Plus la gravité des
troubles est élevée, plus ce cheminement demande à être
compris dans une perspective de rétablissement au long cours
comportant bien souvent une série d’épisodes de traitement
(Bertrand, Nadeau et Flores, 2012). Ce cheminement est
cependant singulier à chacun. Brousselle et ses collaborateurs
(2010) abordent l’importance de prendre en compte cette
singularité dans la façon de concevoir les modèles intégrés de
services et d’en identifier les objectifs.
Il est important de rappeler également que les prises de
conscience et les actions sur le terrain s’inscrivent, chez la
clientèle en démarche de changement, dans des efforts
d’adaptation susceptibles de donner lieu à des apprentissages
mais aussi à des arrêts et des reculs. Bien accueillir et
accompagner la personne dans son cheminement s’avère, en
soi, un important objectif.
Le contenu du programme
Le programme MOSAIC comporte un ensemble d’actions
cliniques dispensées et coordonnées en vue de répondre
conjointement aux besoins des deux clientèles visées. Ces
actions réfèrent à des services directs à la clientèle en termes
d’évaluation ou de co-animation, ainsi qu’à des services
cliniques indirects dans le cadre de discussions de cas et
de soutien professionnel. Ces actions s’inscrivent dans une
représentation modulée de l’intégration des services. Chacune
d’elle représente un potentiel de générer une intervention
conjointe et intégrée au niveau du plan d’intervention.
Les premières actions implantées dans le cadre du programme
MOSAIC (Proulx, Hamel et Tétreault, 2012) sont les suivantes :
• pour la clientèle avec un trouble psychotique du
programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher : cette
clientèle manifeste un grand besoin d’établir une relation
de confiance avant d’accepter qu’un nouvel intervenant
s’implique dans le traitement :
- Action 1 : coanimation d’activités de groupe de
sensibilisation à caractère psychoéducatif
entre un
intervenant du CRD Le Virage et un du CSSS dans
différents services (services externes et internes);
- Action 2 : supervision ou accompagnement clinique
offert par un intervenant du CRD Le Virage en vue d’aider
les praticiens de 2e ligne à mieux travailler la motivation de
leurs patients présentant un problème de dépendance;
- Action 3 : intensification et formalisation de la
collaboration entre les intervenants du Suivi intensif dans
le milieu (SIM) et ceux du CRD Le Virage pour faciliter la
rétention des patients à leur traitement.
• pour la clientèle du point de service de Longueuil du
CRD Le Virage qui présente un portrait clinique très
complexe :
- Action 4 : disponibilité mensuelle d’un psychiatre
du programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher pour
procéder à des évaluations psychiatriques et participer
à des discussions de cas portant sur des éléments
diagnostiques. Cette clientèle est susceptible d’être
référée au service en santé mentale du CSSS pour un suivi
médical conjoint en lien à la médication.
• pour la clientèle avec un trouble sévère de personnalité
limite ou narcissique du point de service de Longueuil du
CRD Le Virage :
- Action 5 : participation d’un psychologue du module de
troubles de personnalité du programme SMDIA du CSSS
Pierre-Boucher à des discussions cliniques mensuelles
afin d’ajuster le plan de traitement. Cette clientèle est
très fréquemment suivie par les deux établissements et
les plans de traitement demandent à être coordonnés et
même intégrés.
Une sixième action clinique a été implantée par la suite. Il
s’agit d’un groupe d’intervention intégrée à caractère
psychothérapeutique pour les personnes présentant un
trouble psychotique et un problème de consommation, et
qui sont minimalement à l’étape de la contemplation selon le
modèle du changement de Prochaska, Norcross et Diclemente
(1994).
Ces différentes actions cliniques se caractérisent par le fait
que les praticiens se déplacent vers la clientèle, et non
l’inverse. Cette proximité facilite l’accès au service pour la
clientèle, mais aussi le développement des collaborations,
car les intervenants, apportant un complément d’expertise
cohabitent avec les intervenants de l’établissement partenaire.
En soutien au déploiement de ces actions, une formation
à l’entretien motivationnel a été dispensée, et continue
de l’être, aux intervenants en santé mentale du programme
SMDIA du CSSS Pierre-Boucher par le Service régional de
formation en dépendance de la Montérégie. Un groupe de
codéveloppement a été initié par des intervenants ayant
participé à cette formation pour poursuivre la rétroaction
formative sur l’utilisation des techniques d’entrevue. Cette
dernière mesure est reconnue comme étant des plus efficaces
pour faciliter la consolidation des apprentissages (Madson et
coll., 2009).
16
Un programme qui s’inscrit dans un
continuum de services
SMDIA du CSSS Pierre-Boucher. Il permet de comprendre le
continuum de services mis en place et l’étendue du partenariat
développé entre les deux établissements au cours d’une
période de deux ans.
Cette offre de traitement des troubles concomitants
s’est construite dans une vision globale et systémique de
l’organisation des services. L’idée était d’inscrire le programme
MOSAIC dans un continuum de services de 1re et de 2e ligne
respectant les responsabilités attribuées à un CSSS et un CRD
dans l’offre de service en dépendance du MSSS (2007). Il a été
privilégié d’initier les actions de traitement en 2e ligne dans un
premier temps, de façon à créer un cadre de programmation
propice à la référence à des services intégrés.
Le programme MOSAIC se déploie spécifiquement aux
niveaux 5a et 5b qui se distinguent l’un de l’autre du simple fait
que le niveau 5a est offert au CRD Le Virage et le 5b au CSSS
Pierre-Boucher. Ces deux modalités de service sont offertes à
une clientèle qui présente une concomitance de trouble de
santé mentale plus sévère (modéré et complexe, ou grave et
non stabilisé) et qui amène un niveau plus grand d’intégration
des services. Il est à noter que la clientèle desservie au niveau
5a du CRD Le Virage peut être suivie également en première
ligne en santé mentale, si son trouble concomitant est modéré
ou grave et stabilisé.
L’ensemble des composantes du continuum de services dans
lequel s’inscrit le programme MOSAIC est présenté au schéma
1. Ce dernier représente une version adaptée du modèle de
National Association of State Mental Health Program Directors
et de National Association of State Alcohol and Drug Abuse
Directors (NASADAD/ NASMHPD, 1999). Ce schéma illustre
les différents niveaux de service selon le niveau de gravité lié
à la substance ou au jeu, ainsi qu’au trouble de santé mentale
dans le respect du cadre de partage clinique du programme
Les niveaux 4a et 4b portent sur les clientèles respectives du
CRD et du CSSS qui ne présentent pas ou peu de troubles
concomitants, mais qui requièrent des services de deuxième
ligne. Dans ces deux modalités, l’intensité des services prend
la forme d’une référence aux services internes ou résidentiels
de chacun des deux établissements.
Schéma 1
Orientation vers le niveau de service approprié selon le degré de sévérité des troubles
(adapté du modèle de National Association of State Mental Health Program Directors — NASMHPD /
National Association of State Alcohol and Drug Abuse Directors — NASADAD, 1999)
Trouble de
l’abus
------- Niveau de gravité lié à la substance ou au jeu -------
Trouble de la
dépendance
Niveau 1a
Repérage et détection
des troubles de santé
mentale dans les
programmes de base
du CRD Le Virage
pour orientation vers
les services en santé
mentale
Niveau 4a
CRD Le Virage
Programme de
base
en dépendance
(externe et
résidentiel)
Niveau 5a
Service
intégré
CRD Le Virage et CSSS
Pierre-Boucher 2e ligne
ou 1re ligne selon les
recommandations
Niveau 5b
Programme
intégré
CSSS Pierre-Boucher
et CRD Le Virage
Niveau 1b
Repérage et détection des troubles d’abus et de dépendance pour orientation vers les services en
dépendance OU pour une intervention précoce (Alcochoix+) en première ligne
Niveau 2
CSSS Pierre-Boucher :
Services courants 1re ligne
Consommation
à risque
Niveau 3
CSSS Pierre-Boucher :
Santé mentale 1re ligne
Niveau 4b
CSSS Pierre-Boucher :
Santé mentale 2e ligne
----------Niveau de gravité du trouble de santé mentale -------À risque de troubles
de santé mentale
Troubles
mentaux légers
Troubles mentaux modérés
Troubles mentaux graves
stabilisés
Troubles mentaux
modérés et complexes
Troubles mentaux graves
non stabilisés
Troubles affectifs et anxieux • Troubles de la personnalité • Troubles psychotiques • Troubles de l’alimentation
N. B. La fonction de liaison ou d’intégration est cruciale pour faciliter le cheminement de la clientèle dans la trajectoire de services.
17
Le niveau 3 est associé aux services dispensés par les services
de 1re ligne en santé mentale du CSSS pour une clientèle qui
présente un trouble de santé mentale modéré ou grave et
stabilisé.
Le niveau 2 réfère aux services psychosociaux courants de
première ligne qui sont offerts aux personnes qui sont à risque
de présenter des problèmes d’abus ou de dépendance ou un
trouble de santé mentale. Les services sont dispensés pour
répondre à d’autres problématiques psychosociales ou de
santé physique sur une base préventive ou curative.
En amont du traitement spécifique aux troubles concomitants
dispensé dans le cadre du programme MOSAIC, des actions
de repérage systématique et de détection ont été planifiées
et implantées dans différents services du CSSS Pierre-Boucher,
soit le centre de crise, l’accueil psychosocial ainsi que le guichet
santé mentale (niveau 1b). Un programme d’intervention
précoce (Alcochoix+) a été mis en place dans les services
psychosociaux courants du CSSS pour venir en aide aux
personnes qui sont à risque de problèmes de consommation
d’alcool. Ces deux services ont donné lieu à la dispensation de
la formation requise pour les offrir.
Le niveau 1b réfère également à une équipe de liaison
spécialisée en dépendance mise en place à l’urgence de
l’Hôpital Pierre-Boucher pour faciliter le repérage, la détection
et l’orientation de personnes dont la condition justifie une
orientation dans les services en dépendance.
De son côté, le niveau 1a porte sur le repérage et la détection
de personnes qui se présentent, référées ou non, au Service
d’accueil, Évaluation et Orientation (AEO) et qui sont à risque
de présenter un trouble de santé mentale et qui seraient
susceptibles d’être orientées vers les services en santé mentale.
Des trajectoires de services ont été construites pour illustrer le
cheminement de la clientèle dans les actions cliniques mises
en place. Un exemple d’une de ces trajectoires se retrouve à
l’annexe 1 pour illustrer le cheminement de la clientèle dans le
cadre de la mesure de repérage et de détection.
En parallèle à ces interventions intégrées, le CRD Le Virage a
entrepris une mise à jour de sa programmation de base dans le
respect du principe de hiérarchisation, de façon à mieux venir
en aide à la clientèle qui présente un autre type de trouble
concomitant, qui requiert une intervention séquentielle ou qui
présente des troubles mentaux légers. La clientèle du territoire
local ayant besoin d’un traitement séquentiel, se voit faciliter la
référence au point de service de Longueuil du CRD Le Virage
depuis la mise en place de groupes de soutien à l’accueil,
l’évaluation et l’orientation. Cette modalité réduit à quelques
jours le délai d’attente lors d’une référence.
Des réflexions sont conduites par les deux établissements
pour bonifier l’offre de service pour les clientèles visées par le
programme MOSAIC, en lien à des besoins d’hébergement et
de soutien à la réinsertion sociale.
La structure d’encadrement
La structure d’encadrement, de soutien et de suivi mise en
place est permanente et comporte un comité de pilotage et
un comité conjoint qui se présentent comme suit :
• Comité de pilotage
Composition : Les membres sont la directrice clinicoadministrative et le directeur médical du programme SMDIA
du CSSS Pierre-Boucher ainsi que le directeur des services
professionnels et de réadaptation du CRD Le Virage. Le
chargé de projet du CSSS Pierre-Boucher s’y joint pour la
durée de son mandat.
Mandat et fonctionnement : Il est d’assurer le déploiement
du programme en veillant à ce qu’il puisse satisfaire aux
besoins des clientèles visées dans le respect du cadre
d’implantation.
Les membres du comité de pilotage assument leur fonction
dans le respect de l’entente de services que les parties
ont signée, spécifiquement en lien avec le partenariat
déployé (CSSS Pierre-Boucher et CRD Le Virage, 2010).
Ils ont aussi une même responsabilité face à toute autre
action susceptible de venir se greffer au continuum de
service mis en place. Ils portent conjointement la vision
stratégique du programme. Ils ont le souci que ces mesures
puissent continuer à donner lieu à des améliorations dans
l’offre de service aux clientèles visées et conséquemment,
à des améliorations en ce qui concerne le bien-être et le
fonctionnement de ces personnes.
Ils balisent également les travaux du comité conjoint, en
disposant de propositions qui peuvent émaner de ce dernier
et en prenant des positions proactives dans le déroulement
des travaux afin d’en influencer l’orientation.
Finalement, les directeurs offrent un soutien et un suivi à
leurs gestionnaires pour s’assurer de l’implantation des
actions entreprises, et de l’appropriation de ces actions par
leurs équipes de travail, afin de faciliter le changement des
pratiques entrepris. Les membres du comité se rencontrent
à raison de 3 à 4 fois par année.
• Comité conjoint
Composition : Le comité conjoint est composé d’intervenants
et de gestionnaires de premier niveau de chacun des deux
établissements, ainsi que du chargé de projet jusqu’au terme
de son mandat. Sa composition a donné lieu à quelques
modifications, au fil du temps, selon l’état d’avancement des
travaux d’implantation. Durant la phase de planification et
d’expérimentation, un chercheur-accompagnateur en a fait
partie, contribuant ainsi au suivi évaluatif et apportant son
expertise dans le domaine de l’évaluation de programme en
dépendance.
Mandat et fonctionnement : Le rôle du comité conjoint
a été déterminant dans la planification opérationnelle
du programme MOSAIC et des autres composantes
du continuum dépendance mis en place. Sa principale
fonction est de s’assurer que son implantation optimise les
perspectives de repérage, de détection et d’intervention
intégrée et donne lieu à une mobilisation croissante des
équipes concernées dans le respect du cadre d’implantation
produit. Le comité conjoint se rencontre à raison de 3 à 4
fois par année.
• Rapprochements entre les deux directions
générales
Les directions générales sont appelées à assumer des prises
de position et des représentations stratégiques pour faciliter
le déploiement et le développement du continuum en
dépendance, mis en place en fonction des gains potentiels
et des contextes d’opportunité. Ces actions peuvent être
initiées en réponse à des demandes des membres du comité
de pilotage.
18
• Plate-forme de communication
Un suivi de gestion est effectué en mettant à profit les
éléments identifiés comme étant « à faire » dans les comptes
rendus du comité de pilotage et du comité conjoint. Le
programme MOSAIC et les autres composantes du continuum
dépendance mis en place représentent également un point à
l’ordre du jour des comités de gestion du programme SMDIA
du CSSS Pierre-Boucher et du CRD Le Virage pour faciliter le
suivi.
Un bilan annuel est conduit, regroupant les principaux
acteurs du programme MOSAIC et des autres composantes
du continuum dépendance mis en place. Cette rencontre
permet de faire le point sur les forces déployées, les
difficultés rencontrées, les ajustements apportés, ainsi que
les perspectives à venir. Il est également une occasion de
souligner le travail accompli par tous au cours de l’année.
Un bulletin d’information est produit périodiquement. Il
présente une synthèse (une page) des activités réalisées depuis
sa dernière parution; celles à venir ainsi que des informations
pertinentes à leur déploiement; la mobilisation des équipes
ainsi que les progrès accomplis dans le changement des
pratiques. Ce bulletin porte le nom d’Info MOSAIC.
Les réalisations
Les réalisations à ce jour de la mise en place du programme
MOSAIC et des autres composantes du continuum en
dépendance se situent aux cinq niveaux suivants :
• une amélioration de l’accessibilité, de la continuité et de la
qualité des services pour les clientèles visées;
• une organisation des services plus pertinente et plus
cohérente;
• le développement de compétences et la mobilisation des
effectifs;
• une structure de gestion conjointe permettant d’assurer le
suivi et l’atteinte des objectifs;
• un réel partenariat entre les deux établissements.
Une amélioration de l’accessibilité, de la
continuité et de la qualité des services pour
les clientèles visées
Au cours des deux premières années d’implantation du
programme MOSAIC et des autres composantes du continuum
en dépendance, environ 200 personnes ont pu bénéficier de
l’une ou l’autre des actions mises en place par un service
direct. Ce service direct leur a été offert dans le cadre de
diverses activités :
• un repérage systématique et une détection en CSSS d’un
problème de dépendance;
• une référence en CSSS à un programme Alcochoix+ aux fins
d’intervention précoce;
• une référence au CRD réduite à quelques jours d’attente;
• une référence rapide aux services de santé mentale de
deuxième ligne en CSSS;
• une évaluation psychiatrique de la clientèle en CRD dans un
délai maximum d’un mois;
• une participation en milieu psychiatrique à un groupe
de sensibilisation sur les substances psychoactives et les
problèmes d’abus et de dépendance;
• une participation à un groupe d’intervention intégrée
à caractère psycho-thérapeutique pour les personnes
présentant un trouble psychotique et un problème d’abus
ou de dépendance;
• un suivi thérapeutique conjoint ou partagé sur une base
individuelle, familiale ou de groupe.
Les clientèles visées spécifiquement par le programme
MOSAIC ont pu avoir accès à des services adaptés et de
qualité alors que traditionnellement les besoins relatifs à leurs
troubles concomitants n’étaient pas pris en compte. La réponse
offerte était bien souvent dans le cadre d’un fonctionnement
en silo.
Sur le plan informel, le point de vue des intervenants est à
l’effet que les clients apprécient grandement l’accessibilité
à des services qui n’existaient pas par le passé. Pour eux, les
services adaptés qui sont offerts favorisent la compréhension
de leurs problèmes ainsi que leur engagement dans une
démarche thérapeutique.
L’évaluation formelle des impacts du programme ou
l’introduction d’une mesure de satisfaction de la clientèle, par
sondage, fournit de précieuses informations sur les bénéfices
que retire la clientèle ainsi que sur les ajustements à apporter
en ce qui concerne les services. À cet effet, le CRD Le Virage
a mis en place une mesure d’appréciation performante, et
des plus utiles, pour mesurer la satisfaction des usagers et
identifier les besoins d’ajustement attendus pour mieux les
accueillir, les évaluer et les accompagner dans leur démarche
de changement et de prise en charge. Des démarches sont
entreprises pour mettre à profit cette mesure dans le cadre du
programme MOSAIC.
Une organisation des services plus
pertinente et plus cohérente
Une deuxième réalisation importante porte sur l’organisation
des services et se manifeste par :
• l’implantation d’une offre de service adaptée aux clientèles
visées, soit celles qui présentent des troubles concomitants
de dépendance et de santé mentale, sachant que ces
services sont réputés être peu ou pas accessibles (SAMHSA,
2002; MSSS, 2006). Les actions du programme s’adressent
spécifiquement à des clientèles pour lesquelles les bonnes
pratiques recommandent un traitement intégré parallèle
ou horizontal, soit les personnes présentant un trouble
psychotique ou un trouble de personnalité limite ou
narcissique (SAMHSA, 2005; FQCRAPT, 2005; Santé Canada,
2002).
19
• une offre de service qui intègre en tout point la hiérarchisation
des soins et des services, principe phare de la transformation
du système de santé et de services sociaux au Québec
(MSSS, 2004), et plus spécifiquement des orientations en
santé mentale (MSSS, 2005) et en dépendance (MSSS, 2007).
Cette hiérarchisation se manifeste sous les angles suivants :
-des particularités liées à la typologie des clientèles
(Santé Canada, 2002) et la gravité des troubles (NASMHPD
et NASADAD, 1999) qui a servi de guide pour cibler les
clientèles à desservir;
-des besoins spécifiques de services en 2e ligne : le
programme comporte des
interventions intégrées
amenant progressivement les intervenants des deux
établissements à travailler ensemble, en tenant compte
du cadre de partage en santé mentale du CSSS PierreBoucher;
-une représentation dynamique et hiérarchisée du
traitement intégré qui se situe sur un continuum allant de
faiblement à totalement intégré (CSAT, 2005) impliquant
plus d’un milieu de pratique ainsi qu’une variété de
modalités d’intervention intégrée (ex. : discussion de cas,
évaluation, co-animation, plan d’intervention partagé).
• le fait que les intervenants se déplacent vers les clientèles
les plus vulnérables, et non l’inverse. Les intervenants
d’un établissement offrant leurs services dans l’autre
établissement sur une base régulière côtoient ainsi la
clientèle et les différents membres de l’équipe. Ils prennent
connaissance d’une organisation différente des services, et
des façons d’intervenir auxquelles ils ont à s’adapter. Cette
interface contribue à l’enrichissement des pratiques avec
une importante centration sur les besoins de la clientèle.
Cette façon de faire donne lieu à une forme de formation
croisée, stratégie réputée très efficace pour accroître l’offre
de service pour des personnes présentant des troubles
concomitants (Perreault et coll., 2009).
• un mode d’encadrement de services interétablissements
qui implique tous les niveaux de l’organisation, incluant la
haute direction, et qui favorise une plus grande cohérence
dans l’offre de service. Cette représentation systémique du
défi de gestion est reconnue comme étant une pratique
gagnante par les spécialistes du changement organisationnel
(Rondeau, 2007).
Le développement des compétences et la
mobilisation des effectifs
Le développement des compétences et la mobilisation sont
aussi des réalisations importantes dans le cadre du programme
MOSAIC. Ces réalisations sont les suivantes :
• un fort taux de participation à la conduite d’un état des
services et des besoins. Ce dernier a donné l’opportunité
aux intervenants du CSSS Pierre-Boucher de se positionner
en lien à leur niveau de connaissance des problèmes de
dépendance ainsi qu’à leur capacité d’intervenir auprès
des personnes qui présentent un trouble concomitant
de dépendance et de santé mentale (Vermette, 2008a).
L’importante rétroaction effectuée dans les équipes de
travail a favorisé le questionnement et confirmé le grand
intérêt à bénéficier de formations pertinentes et continues.
• une meilleure disposition et habileté à repérer et
à détecter, suite à la participation d’une soixantaine
d’intervenants à la formation portant sur le repérage et la
détection d’un trouble de dépendance dans un contexte
motivationnel. Cette formation a mis à contribution les
expertises du Service de formation en dépendance de la
Montérégie, instance sous la responsabilité conjointe des
CRD Le Virage et du Pavillon Foster. Les formateurs ont aussi
offert leur disponibilité pour assurer un suivi aux participants
pour favoriser la consolidation de leurs apprentissages.
• un déploiement rapide d’une offre de service en
dépendance dans les services de première ligne : une
formation a été offerte à trois praticiens des services
psychosociaux courants du CSSS Pierre-Boucher pour
qu’ils puissent dispenser le programme d’intervention
précoce Alcochoix+. Leur intérêt et leur engagement,
aidés d’une bonne planification et du déploiement d’un
plan de communication, ont fait en sorte que le nombre de
participants a dépassé les cibles annuelles après seulement
quelques mois.
• une appropriation d’un changement de paradigme pour
ce qui est de la motivation au changement : à ce jour,
une trentaine de praticiens du programme SMDIA du CSSS
Pierre-Boucher ont bénéficié d’une formation en entretien
motivationnel auprès des personnes qui présentent
des troubles concomitants dispensée également par le
Service régional de formation en dépendance. Plusieurs
des participants à cette formation ont pris l’initiative de
mettre sur pied un groupe de codéveloppement pour
poursuivre la rétroaction formative sur l’utilisation des
techniques d’entrevue. Une telle mesure illustre le niveau
d’intérêt et d’engagement des praticiens qui l’ont initiée.
Les évaluations conduites au terme de cette formation ont
montré sa grande pertinence. Elles ont montré également la
valeur ajoutée que représente cette formation du point de
vue de la pratique des intervenants, afin de mieux composer
avec les résistances des usagers et être plus en mesure de
susciter le doute et la motivation au changement.
• un engagement dans le changement des pratiques par
de nombreuses discussions de cas. À chaque mois, un
minimum de trois discussions de cas sont conduites dans
ce cadre d’intervention entre les intervenants des deux
établissements. Ces rencontres cliniques sont structurées et
planifiées à partir de cas souvent très litigieux, complexes
ou donnant lieu à une impasse dans le plan d’intervention.
Elles représentent un lieu de questionnement, de remise en
question, de recherche d’une meilleure compréhension des
dynamiques en cours, d’exploration de nouvelles avenues
d’intervention et de changement de pratique. Il y a même une
participation d’intervenants du CRD Le Virage à l’évaluation
psychiatrique conduite par le médecin psychiatre du CSSS
Pierre-Boucher, ainsi que des entrevues familiales animées
conjointement par un professionnel de chacun des deux
établissements, favorisant ainsi une contamination des plus
positives en ce qui concerne les savoirs et les savoir-faire.
Selon le point de vue des intervenants, ces lieux cliniques
font l’unanimité comme opportunités pour favoriser le
développement des compétences, et la clientèle qui a pu en
bénéficier directement en est très satisfaite. De plus, plusieurs
usagers rapportent une appréciation de voir les intervenants
des deux établissements travailler ensemble comme s’il
s’agissait d’une seule équipe.
Le déploiement du programme MOSAIC et des autres
composantes du continuum en dépendance dans les services
psychosociaux courants et de santé mentale de première
ligne du CSSS Pierre-Boucher s’est fait, avec grande ouverture
et intérêt, par des intervenants et des gestionnaires qui ont
démontré un très haut niveau d’engagement personnel
et de mobilisation à travailler ensemble. Ces dispositions
20
individuelles ont été inspirantes et enrichissantes et continuent
à l’être.
Une structure de gestion conjointe permettant
d’assurer le suivi et l’atteinte des objectifs
Les deux structures d’encadrement identifiées à la section
précédente ont démontré leur utilité tout au long de leurs
travaux. Leurs membres ont donné lieu à un haut niveau
d’assiduité. Cette assiduité a été nourrie par le fait que ces
rencontres sont le lieu privilégié pour qu’ils apprennent à se
connaître et à se soutenir davantage. Le processus en place est
dynamique, pragmatique, stimulant et convivial. Ces rencontres
ont permis de faire le point sur l’avancement des différentes
actions initiées, de discuter des ajustements à y apporter, de
voir les mesures prises pour en favoriser l’appropriation par les
équipes concernées pour favoriser différentes manifestations
d’intervention intégrée, ainsi que pour faire une projection
des perspectives à venir. Tout ce travail s’est réalisé en
ayant toujours en tête l’intérêt porté à mieux desservir une
clientèle souvent très peu ou pas desservie par le passé pour
les troubles concomitants qu’elle présente. À ce jour, tous
les services du programme SMDIA du CSSS Pierre-Boucher
sont représentés au comité conjoint. Ce qui représente un
important engagement de la part de l’établissement.
Un consensus est exprimé par les membres du comité de
pilotage, à l’effet que le projet a amené un changement
de pratique de la part des gestionnaires responsables des
différentes actions dans l’exercice de leur fonction quotidienne
auprès de leurs équipes. Ils ont déployé un souci de susciter ou
de maintenir l’intérêt et la mobilisation des troupes, ainsi que
de favoriser l’appropriation des actions réalisées par l’ensemble
des membres de leurs équipes. Ils ont accompli ce travail avec
le souci de jauger le changement, afin qu’il se mette en place
progressivement tout en composant avec les obstacles, les
contraintes et les résistances. Ils ont eu également le souci de
bien ancrer le changement désiré, le légitimer et favoriser les
engagements des acteurs aux plans stratégique, fonctionnel
et opérationnel.
Les réalisations sont d’autant plus méritoires que le
changement effectué s’est fait dans un système complexe
où le moindre changement a des répercussions dans
l’organisation du travail des différents praticiens et des
gestionnaires.
Un réel partenariat entre les deux
établissements
L’expérience de partenariat qui a été conduite à ce jour se veut
en cohérence avec :
• la vision proposée dans les orientations ministérielles
relatives au plan d’action en santé mentale (MSSS, 2005), à
l’offre de service en dépendance (MSSS, 2007) ainsi qu’au
cadre de référence de la mise en place des CSSS et aux rôles
qui leur sont dévolus dans le cadre des projets cliniques
(MSSS, 2004);
• les valeurs proposées au niveau régional pour guider les
relations entre les partenaires d’un réseau local de services
(ASSS de la Montérégie, 2006);
• les composantes essentielles d’un partenariat telles que
formulé dans la littérature scientifique où l’emphase est
mise sur l’organisation des relations entre des partenaires,
une reconnaissance et un respect de la contribution de
chacun ainsi que sur un équilibre dans le partage du pouvoir
d’influence et un apport mutuel de services (Lamoureux,
1994).
Le partenariat ainsi développé représente une concertation de
haut niveau entre partenaires. À ce chapitre, le CRD Le Virage et
le CSSS Pierre-Boucher ont réalisé une importante innovation
en mettant un tel partenariat en place, illustré non seulement
par un continuum de services en dépendance mais aussi par
un encadrement unique tel qu’identifié précédemment.
Une telle réalisation a représenté un important défi
confrontant les cultures et les modes d’organisation de
service : un gros établissement local à vocation multiple
et un petit établissement régional à vocation unique et
spécialisée.
21
n SECTION 5
LES STRATÉGIES À PRIVILÉGIER POUR PLANIFIER
LE PARTENARIAT
La présente section identifie certaines stratégies pour planifier
avec succès ce partenariat. Ces stratégies ont été appliquées et
documentées dans le cadre de la planification du programme
MOSAIC et des données de la littérature viennent appuyer, au
besoin, leur description. Ces stratégies sont les suivantes :
• se rapprocher et assumer un positionnement stratégique;
• conduire un état de situation;
• s’inspirer des organisations qui réussissent le changement;
• se donner un lieu d’échange, de réflexion et de décision
spécifique au projet de partenariat;
• développer une vision commune sur des concepts-clés;
• choisir un certain nombre d’actions à entreprendre en
premier;
• se doter d’un contexte favorisant l’engagement des acteurs
dans le changement.
Se rapprocher et assumer un
positionnement stratégique
Le positionnement des décideurs est une importante stratégie
pour planifier un partenariat entre un CRD et un CSSS. Il requiert
un rapprochement des directions de programme concernées
des deux établissements pour entrevoir une perspective de
travail conjoint au niveau de l’offre de service en dépendance.
Il requiert également un positionnement de deux directions
générales soucieuses d’intégrer leurs services pour le bénéfice
de leur population, d’autant plus qu’à l’intérieur d’un CSSS,
le programme-services en dépendance touche plusieurs
secteurs d’activités de l’établissement (urgences, services
psychosociaux, services de santé mentale 1re et 2e ligne, unités
de soins, etc.).
La volonté de se rapprocher doit être accompagnée d’habiletés
à créer et à maintenir un lien, où rapidement les gestionnaires
concernés se sentiront mutuellement en confiance pour
assumer le positionnement stratégique attendu, en vue de
planifier un partenariat.
Les directions de programme d’un CRD et d’un CSSS
doivent affirmer un leadership fort, proactif et distinct
dans leur établissement pour s’insérer conjointement
dans la planification d’un partenariat en dépendance.
Les CRD sont des petits établissements régionaux et spécialisés
qui peuvent couvrir de un à 12 territoires de CSSS, selon les
régions du Québec. De leur côté, les CSSS comportent une
variété de programmes médicaux et psychosociaux de 1re, 2e,
et dans certains cas de 3e ligne. Il peut être compréhensible,
dès lors, que le positionnement stratégique soit assumé bien
différemment à l’intérieur de ces deux types d’organisation.
Dans ce contexte, l’exercice de défendre des priorités au comité
de gestion ou de direction de l’établissement peut représenter
un défi majeur pour la direction de programmes psychosocial
courant et de santé mentale d’un CSSS. L’établissement
comporte plusieurs programmes et chacun comporte une
panoplie de besoins susceptibles de se faire valoir comme
étant prioritaires. Ainsi, un CSSS est bien souvent perçu comme
un environnement complexe qui requiert de bonnes habiletés
de gestion et un leadership pour assumer un positionnement
stratégique en tant que directeur de programme.
Pour un CRD, le défi d’une direction de programme sera
très différent mais susceptible d’être aussi exigeant. En fait,
il consiste à disposer de priorités en lien à la dépendance
mais couvrant plusieurs territoires comportant chacun ses
caractéristiques propres. Les directions de programme sont
ainsi appelées à intégrer le concept de géométrie variable
dans leur gestion, soit une capacité de s’adapter à des réalités
locales distinctes et à une variété de besoins prioritaires.
Lorsque les services du CRD sont décentralisés, les effectifs
de chacun des points de service sont peu nombreux. De plus,
le CRD a le défi d’affirmer une cohésion dans la vision qu’il
tente de véhiculer dans ses orientations et son positionnement
stratégique, auprès des partenaires des différents territoires
en tant que centre de réadaptation spécialisé en dépendance.
Une programmation de base spécialisée et ajustée à l’évolution
des besoins des clientèles, représente une assise importante
de ce positionnement.
Conduire un état de situation
Pour asseoir de manière rigoureuse la planification d’un
partenariat en lien avec l’offre de service aux personnes
présentant ou à risque de présenter un trouble concomitant, il
est indispensable de partir d’un état de situation des besoins
à satisfaire chez la clientèle, des besoins des intervenants en
termes de soutien et de formation, des services ou modalités
mis en place pour y répondre ainsi que des ajustements
attendus. Les CRD et les CSSS peuvent avoir avantage à
recourir à une ressource extérieure pour réaliser un tel état de
situation.
Comme il a été réalisé dans le cadre du programme MOSAIC,
l’état de situation peut prendre la forme d’un questionnaire
autoadministré au plus grand nombre d’intervenants et
de gestionnaires possible des programmes concernés. Le
questionnaire utilisé comportait des données quantitatives
et qualitatives couvrant les thèmes suivants : l’identification
des répondants, la prévalence des troubles concomitants
par service, les responsabilités attribuées aux intervenants,
les services rendus, les collaborations entretenues, les
améliorations à apporter, le soutien et la formation requis
et finalement, les contraintes et les opportunités en vue
d’apporter des améliorations.
Compte tenu de leur rôle central dans les plans d’intervention,
une attention particulière devrait ainsi être consacrée à
circonscrire la contribution actuelle et attendue des
médecins psychiatres dans la planification des améliorations
à apporter au niveau de l’offre de service en dépendance.
22
Il peut aussi être utile d’investiguer les perceptions
individuelles à l’égard des personnes aux prises avec des
problèmes de dépendance et/ou de santé mentale, compte
tenu que la nature de ces perceptions contribue à l’ouverture
ou à la fermeture des intervenants à l’égard de la clientèle
(Simoneau, 2012). L’exercice de planification doit donc prévoir
des stratégies pour bénéficier des ouvertures des uns et tenter
d’atténuer les résistances des autres.
Dans ce contexte, la conduite d’un tel état de situation local
représente une occasion de susciter l’intérêt, la mobilisation
ou l’apprivoisement des intervenants lors de la rétroaction
des résultats dans chacune des équipes concernées. Cette
rétroaction comporte également une opportunité d’enrichir
l’état de situation.
Pour les établissements qui disposent d’un comité d’usagers
bien actif ou de modalités pour s’enquérir de leurs
commentaires et suggestions, la voix des usagers peut être très
riche d’enseignement dans la compréhension des besoins et
des actions à mettre en place pour tenter de mieux y répondre.
À titre d’exemple, l’Institut Douglas, du côté de la santé
mentale, a développé une pratique exemplaire sur le plan de
la prise en compte des opinions des usagers en mettant en
place des structures de représentation très appréciées par les
parties. Du côté de la dépendance, la procédure de sondage
systématique et périodique du CRD Le Virage auprès de sa
clientèle est aussi une source d’inspiration. Ces deux mesures
permettent d’avoir une lecture dynamique et continue des
niveaux de satisfaction et des ajustements à apporter à
l’état de situation des services. Ce type de rétroaction peut
contribuer à la mise en place d’un partenariat entre les deux
établissements du fait qu’ils disposent d’une même lecture de
l’état de situation.
S’inspirer des organisations qui
réussissent le changement
Dans la démarche d’initier un projet novateur, Lemire et Litvak
(2011) considèrent important de rester à l’affût des pratiques
novatrices et de se comparer aux autres. Dans ce sens, les
organisations qui réussissent le changement représentent des
sources d’inspiration. Nolan (2007) s’est attardé à en décrire les
principales caractéristiques suivantes :
• ces organisations ont un plan de développement de leurs
ressources humaines qui permettent les opportunités
suivantes :
- assumer davantage de responsabilités dans des projets
plus exigeants;
-participer à des formations ou d’autres activités
scientifiques en lien avec le projet;
- collaborer à des projets impliquant d’autres organisations;
- faire des présentations en lien au projet;
- publier des articles dans des périodiques de leur secteur
d’activité.
• elles conviennent que le développement de leurs ressources
humaines doit s’inscrire dans une approche permettant
l’expérimentation et les apprentissages par des projets.
• elles font également une priorité de soutenir les projets
sur les plans des espaces, des équipements, des systèmes
d’information et au besoin, sur les plans de l’allocation des
ressources humaines et financières.
• elles veillent à ce que des spécialistes de l’analyse et de
l’amélioration de la qualité puissent accompagner l’équipe
pendant l’exécution d’un projet.
Nolan (2007) observe également que les entreprises
performantes sont réceptives à toutes les nouvelles idées pour
améliorer les façons de faire, pour développer de meilleures
relations de travail ou pour accroître la participation de la
clientèle à leur traitement.
Mesurer sa performance exige de se comparer, mais aussi
d’analyser la pertinence d’exporter une façon de faire ou de
généraliser un projet-pilote ou de démonstration à d’autres
contextes. Cet exercice de comparaison appelle cependant à
la vigilance, car ce ne sont pas toutes les pratiques novatrices
qui s’avèrent inspirantes. L’attrait réside dans le fait qu’un
projet novateur ait fait l’objet d’une certaine mise en preuve
de sa valeur ajoutée. De plus, la comparaison doit se faire dans
une perspective d’en prendre connaissance et de s’en inspirer
en veillant, au besoin, à l’adapter aux caractéristiques propres
à son environnement. D’ailleurs, c’est l’orientation que prend
le présent guide, comme outil de référence, pour les CRD et
les CSSS désireux de planifier et d’implanter un partenariat
pour les personnes présentant, ou à risque de présenter, des
problèmes de dépendance et de santé mentale.
Se donner un lieu d’échange, de
réflexion et de décision spécifique au
projet de partenariat
Une fois que les directeurs ont affirmé leur volonté d’aller de
l’avant dans un projet de partenariat, il est souhaitable de
mettre en place une structure interétablissements qui aura
pour utilité de favoriser l’engagement et la mobilisation des
effectifs dans la planification d’un projet de démonstration,
ainsi que de permettre l’encadrement éventuel des
changements à apporter dans l’offre de service. Il peut s’avérer
intéressant pour certains CSSS et CRD de leur région d’en
venir à impliquer d’autres partenaires à ce processus, dont des
organismes communautaires offrant des services spécifiques
à la dépendance, à la santé mentale ou à l’itinérance sur le
territoire desservi.
Il faut qu’une structure participative soit légitimée par un
processus de réflexion déjà initié ou par les besoins qui
se dégagent d’un état de situation.
Cette structure peut être mise en place avant la conduite de
l’état de situation, si les partenaires ont des antécédents de
réflexion à modifier leur offre de service pour mieux répondre
aux besoins des personnes qui présentent, ou qui sont à risque
de présenter, un trouble concomitant de dépendance et de
santé mentale. Une telle structure participative n’est qu’un
moyen, non une fin.
La structure participative doit aussi démarquer les engagements
opérationnels, fonctionnels et stratégiques de ses membres. Il
faut que cette structure soit désirée de part et d’autre, que la
fréquence de ces rencontres soit à propos et que son mode
de fonctionnement soit simple, pertinent et utile au regard des
motifs qui ont justifié sa mise en place.
L’expérience conduite dans le cadre du programme MOSAIC a
amené la mise en place d’un comité de pilotage et d’un comité
conjoint, telle qu’elle est présentée à la section précédente.
Un CRD et un CSSS pourraient convenir d’une autre forme de
structure participative. Des intervenants, des gestionnaires de
premier niveau ainsi que des directeurs ont avantage à en faire
partie. La participation d’un conseiller clinique peut représenter
23
de son cheminement qui est à l’image de tout apprentissage
important et qui implique des retours, des reprises et des
arrêts (CRD Le Virage, 2008).
une valeur ajoutée, compte tenu du mandat qui est souvent
dévolu à ce type de ressource en matière du développement
de projet et de l’amélioration de la qualité des services.
Finalement, la structure participative est un lieu d’ouverture où
des experts peuvent venir, au besoin, enrichir la réflexion et
favoriser les prises de décision.
Développer une vision commune sur
des concepts-clés
Planifier un partenariat entre un CRD et un CSSS, en lien avec
les troubles concomitants de dépendance et de santé mentale,
est un important défi sur le plan d’un besoin de rapprochement
des façons de faire et de penser. Le partenariat requiert le
développement d’une vision commune sur certains concepts
ainsi qu’une certaine harmonisation des interventions.
Quelques concepts-clés, qui requièrent une pensée commune,
sont détaillés dans le cadre d’implantation du programme
MOSAIC (Vermette, 2008b). Ces concepts sont les suivants :
• La hiérarchisation des soins et des services : Le choix des
services est en fonction du niveau de gravité de chacun
des troubles en présence. Il en découle une variété de
trajectoires de clientèle et des collaborations différentes
plus ou moins intégrées entre les partenaires, allant de
la référence-accompagnement aux services spécialisés
intégrés (NASMHPD / NASADAD, 1999). Le schéma 1
présenté précédemment illustre cette hiérarchisation. En
complément, l’annexe 2 présente la variété des trajectoires
ainsi que les bonnes pratiques, en fonction de la nature des
troubles concomitants.
• La motivation au changement : La motivation est une
caractéristique propre à chaque individu. Elle n’est pas
un préalable au traitement mais bien une composante
du traitement (Miller, 1995). Face à ce changement de
paradigme, les intervenants se voient confier la responsabilité
de susciter une motivation chez l’usager en l’aidant à ce
que cette dernière soit plus saillante, plus soutenue et plus
intrinsèque. L’intervention doit ainsi s’adapter à l’étape du
changement à laquelle se trouve la personne en référence
au modèle de Prochaska, Norcross et DiClemente (1994)
tout en tenant compte du caractère erratique et non linéaire
• La réduction des méfaits : Cette dernière est une stratégie
pragmatique et réaliste permettant d’accueillir l’individu
dans son cheminement, tout en l’aidant à procéder à une
évaluation de la portée de ses habitudes de vie (dont ses
consommations) sur sa santé physique et mentale, ainsi que
son niveau de fonctionnement (Brisson, 1997). Elle demande
souvent d’aller où se trouve la clientèle (outreach). Dans
cette perspective, le refus d’une personne dépendante de
s’inscrire dans un objectif d’abstinence ne doit pas être
un critère pour refuser de lui offrir un service. Cependant,
il s’avère important d’affirmer la nécessité d’un objectif
d’abstinence de substances psychoactives non prescrites,
lorsqu’il y a un risque important de détérioration de la
condition mentale de l’usager résultant d’une consommation
plus ou moins grande de ces substances, ou d’une interaction
de ces dernières avec la médication prescrite. Cette position
devrait tenir compte de la fonction adaptative que peut
jouer une consommation de substance psychoactive et de la
nécessité d’envisager des alternatives, lorsque l’abstinence
est requise comme objectif à court terme.
• Une perspective de réadaptation : La réadaptation est
définie comme étant « un processus d’évolution personnelle
qui permet à la personne qui le désire de reprendre
progressivement du pouvoir sur sa vie et de reconstruire
ainsi un équilibre physique, psychologique et social. La
réadaptation doit permettre l’émergence de compétences
favorisant le bien-être personnel et des rapports sociaux
plus confortables. Elle est donc prioritairement une
question d’apprentissage et de réapprentissage. En fait, la
réadaptation est un projet de vie par lequel une personne
retrouve son pouvoir de décider et d’agir sur elle-même,
sans l’aide du psychotrope » (FQCRPAT, 2005). Ainsi définie,
la réadaptation s’inscrit en cohérence avec l’approche
de rétablissement mise à profit auprès des personnes qui
présentent des troubles de santé mentale.
Une vision commune demande de l’ouverture, du temps,
des efforts ainsi que du soutien pour qu’elle puisse
représenter une assise à l’intervention.
Une vision commune sur ces quelques concepts n’est pas
acquise. Elle peut l’être pour une masse critique d’intervenants
pour initier le changement, mais pas suffisante à l’ensemble
des équipes de travail pour penser qu’elle puisse se maintenir
dans le temps.
Un CRD et un CSSS auraient avantage à consigner par écrit
cette vision dans un même document où se retrouveraient les
autres assises du projet de partenariat à développer, dont la
délimitation de la clientèle visée ainsi que la description des
actions à déployer et les données probantes en matière de
bonnes pratiques.
Choisir les actions à entreprendre en
premier
L’état de situation conduit par un CRD et un CSSS va refléter
le fait que les besoins sont nombreux en lien au continuum
en dépendance, comme en fait foi l’offre de service du MSSS
(2007). Ces deux établissements sont devant un défi encore
plus grand, lorsqu’il s’agit de réaliser une démarche pour
24
combler l’absence fréquente de services adaptés pour les
personnes qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, un
trouble concomitant. Il ne s’agit pas seulement d’entrevoir un
ajout de service ou d’action pour répondre aux personnes qui
sont à risque et qui ne sont pas détectées. Il s’agit également
de répondre différemment à celles qui présentent des troubles
concomitants et qui sont déjà très présents dans les services
offerts.
Un CRD et un CSSS qui s’inscrivent dans un rapprochement
doivent donc délimiter les besoins auxquels ils tenteront de
répondre dans leur projet. Initialement, il peut être souhaitable
de ne cibler, de part et d’autre, qu’une ou deux clientèles pour
passer à la prochaine étape qui est de convenir de la nature
des services à offrir. Il est important que ce choix se fasse
dans une planification par étape et dans une vision globale du
système à améliorer.
Il pourrait s’agir d’un choix basé sur les besoins des intervenants
en CRD et en CSSS de mettre à profit l’expertise du partenaire
en posant les questions suivantes :
»Quelle est la clientèle en CRD pour laquelle nous
aurions le plus besoin de l’apport de l’expertise en
santé mentale du CSSS ?
» À l’inverse, quelle est la clientèle en CSSS pour laquelle
nous aurions le plus besoin de l’apport de l’expertise en
dépendance d’un CRD ?
Le fait d’identifier les clientèles visées de cette façon accroît
les possibilités que chacun des partenaires s’investisse avec
la perspective d’en retirer des bénéfices. Les perspectives
d’intervention intégrée s’en trouvent également accrues. C’est
ainsi que, dans le cadre du programme MOSAIC, les clientèles
visées ont été identifiées et appuyées des données probantes
en matière de services intégrés telles qu’elles se retrouvent
résumées à l’annexe 1.
De plus, il est opportun de planifier le développement d’une
étroite collaboration entre intervenants de 2e ligne d’un CRD
et d’un CSSS, avant de mettre en place des mesures de
repérage et de détection dans les services de première ligne
aux fins de référence. Ces mesures sont alors susceptibles
d’être beaucoup plus efficientes lorsque les intervenants qui
les administrent ont la possibilité de référer à des services de
2e ligne qui ont appris à travailler ensemble.
Dans tout projet de partenariat en dépendance entre un
CRD et un CSSS, une attention doit être portée auprès
des membres de l’entourage. En tant qu’enfant, parent,
conjoint ou ami, ces personnes vivent une réalité qui peut
être très difficile et pour laquelle ils peuvent avoir besoin
d’aide. Il peut s’agir d’un simple besoin d’information et de
sensibilisation pour mieux comprendre la problématique et y
réagir. Le Centre for Addiction and Mental Health (CAMH) a
publié quelques guides destinés aux familles et à l’entourage,
dont deux d’entre eux portent sur les troubles concomitants
(Skinner et al., 2004 ; O’Grady et Skinner, 2008).
Se doter d’un contexte favorisant
l’engagement des acteurs dans le
changement
Une approche de gestion par projet est préconisée dans le
présent guide, telle qu’elle a été déployée dans la mise en
place du programme MOSAIC. Cette approche repose
fondamentalement sur l’identification des besoins de service,
selon le point de vue des équipes de travail, ainsi que sur la
mobilisation des effectifs pour répondre à ces besoins (Nolan,
2007). Un certain équilibre est alors recherché entre les actions
émergentes en provenance des équipes sur le terrain (bottom
up), et la planification qui réfère aux priorités organisationnelles
et aux prises de décision qui en découlent (top down). Cette
intégration des approches de changement demande une
volonté clairement exprimée de travailler de manière continue
en partenariat, à tous les niveaux de l’organisation, allant du
soutien administratif jusqu’à la haute direction. Il en va ainsi de
l’innovation dans les organisations, soit de faire l’apprentissage
de concevoir et de répondre différemment à un besoin de
service, lorsque ce dernier ne trouvait pas réponse dans le
cadre des façons de faire existantes.
L’innovation impose davantage un besoin de souplesse
pour construire le changement en cours d’expérimentation.
Avoir une idée claire de la nature des actions à introduire ou
des changements à faire, des moyens qui seront pris pour y
arriver ainsi que de la trajectoire de services que prendra la
clientèle pour en bénéficier, représentent des conditions dont
il est souhaitable de disposer au terme de la démarche de
planification. Cependant, plus le changement sera novateur,
plus ces conditions risquent d’être partiellement réalisées.
Pour conclure, la présente section illustre l’importance
de ne pas escamoter l’étape de planification. Elle s’avère
une période de réflexion, de discussion et de construction
autour d’une idée de changement. Elle est aussi une période
de rapprochement entre partenaires pour favoriser la
connaissance et la compréhension mutuelles. Cette période
doit être appréciée dans toute sa valeur en lui accordant le
temps nécessaire. Or, cette disponibilité de temps peut être
perçue comme étant difficile à obtenir parce que rare et
précieuse dans les organisations. Pourtant, le temps accordé
à cette planification n’est pas un luxe mais bien une nécessité
dans la gestion du changement d’une organisation.
25
n SECTION 6
LES STRATÉGIES À PRIVILÉGIER POUR IMPLANTER
LE PARTENARIAT
qu’il s’agit d’une valeur ajoutée pour la clientèle desservie. La
participation conjointe au comité de suivi interétablissements
mis en place, à des discussions de cas, à des ajustements
à un plan d’intervention, à la coanimation de groupe
de sensibilisation ou d’intervention intégrée à caractère
psychothérapeutique, ainsi qu’à une référence aux services
de l’établissement partenaire ou à une formation conjointe,
sont tous des lieux et des occasions relativement formels
d’entretenir et d’enrichir ces collaborations.
L’expérience de la formation croisée conduite au Québec
dans le domaine des dépendances démontre le potentiel
d’enrichissement des pratiques que procure le rapprochement
physique d’intervenants d’établissements différents (Bertrand
et coll., 2008 ; Perreault et coll., 2012). Ces derniers auteurs
perçoivent même cette modalité comme étant une initiative
pour consolider un continuum entre différents réseaux.
Les partenaires en viennent à mieux se connaître et à se
comprendre dans leurs réalités respectives ainsi qu’à tisser de
meilleures collaborations.
Une fois le projet et ses actions bien planifiés entre un CRD et
un CSSS, les deux établissements sont appelés à concrétiser
leurs intentions de répondre aux besoins identifiés, nourris
de l’intérêt et de l’engagement manifestés par les acteurs
à l’étape de la planification. La présente section identifie
certaines stratégies pour implanter avec succès un partenariat.
Elles sont inspirées grandement de l’expérience conduite dans
le cadre du programme MOSAIC et appuyées par certaines
données de la littérature. Ces stratégies sont les suivantes :
• personnaliser les collaborations;
• susciter le changement des pratiques par la formation et le
soutien professionnel;
• partager des outils qui facilitent l’intégration des services;
• élaborer une trajectoire qui rend compte de l’intégration
des services;
• contaminer positivement les équipes;
• assurer un suivi de gestion à la fois rigoureux et flexible;
• respecter les étapes du changement.
Le changement d’affectation et l’arrivée de nouveaux
effectifs sont souvent perçus par le personnel comme
étant un événement qui demande de recommencer tout
le travail accompli. Il s’agit d’un défi majeur pour élargir
le champ des collaborations à l’ensemble des équipes de
travail afin d’éviter que les collaborations se terminent au
départ des acteurs-clés.
Au quotidien, les collaborations entre intervenants d’un CRD et
d’un CSSS qui se retrouvent dans un même lieu d’intervention
peuvent aussi se vivre de manière informelle. Les instants de
disponibilité entre les services dispensés deviennent alors
des opportunités de compléter, de bonifier, de nuancer ou de
corriger un propos ou une prise de position et le faire sur une
base personnelle et plus conviviale. Plus la charge de travail est
grande ou urgente et que la gestion du temps est comprimée,
plus ces collaborations de « corridor » ou de « cadre de porte »
sont une réalité observée et intégrée à la pratique qui se doit
d’être prise en considération dans la gestion des services.
La personnalisation des collaborations n’a pas seulement que
des avantages. Ces collaborations sont également fragiles à
cause de la mobilité du personnel. Plus les collaborations se
caractérisent par des rapports personnalisés et limités entre
deux ou quelques intervenants, plus cette fragilité est présente.
Personnaliser les collaborations
Comme elles ont été illustrées précédemment, les relations de
collaboration sont à la base du partenariat. Cet engagement
se manifeste, avant tout, avec des personnes et non avec des
procédures, des politiques ou des structures. Ces différentes
composantes de l’environnement balisent cependant les
collaborations, et parfois même les limitent.
Développer un partenariat entre un CRD et un CSSS signifie
que les collaborations en viennent à être alimentées par une
vision commune du « faire autrement » avec la conviction
Susciter le changement des pratiques
par la formation et le soutien
professionnel
L’identification des besoins de formation et de soutien
professionnel découle des actions à implanter dans un
projet de partenariat d’un CRD et d’un CSSS. Une des
recommandations du comité consultatif de la Stratégie sur la
santé mentale et le traitement des dépendances (2012) porte
26
sur la nécessité qu’une sensibilisation et des connaissances
au sujet de la santé mentale et des dépendances soient une
compétence de base pour les professionnels de la santé à tous
les niveaux de service et pour le personnel des autres services
gouvernementaux (ex. : emploi et solidarité sociale, éducation,
justice, sécurité publique).
Plus spécifiquement, et au Québec, la formation de 1re ligne en
repérage et en détection dans un contexte motivationnel, ainsi
qu’une formation plus poussée en entretien motivationnel avec
une possibilité de rétroaction formative, à l’aide de matériel
clinique enregistré, sont deux exemples de formation des plus
pertinentes pour nourrir l’engagement des intervenants en
santé mentale ou des services psychosociaux courants d’un
CSSS.
Par ailleurs, une formation plus poussée sur les troubles de santé
mentale, ainsi qu’une formation ou du soutien professionnel
portant sur des situations cliniques complexes et des enjeux
diagnostiques, sont susceptibles de créer un intérêt certain
pour les intervenants en CRD qui font l’apprentissage d’une
intervention intégrée auprès d’une clientèle qui présente un
trouble concomitant de dépendance et de santé mentale. C’est
particulièrement la situation pour les clientèles qui présentent
un trouble psychotique et qui sont traditionnellement peu
présentes en CRD. Elles sont susceptibles de l’être davantage,
à travers le projet de partenariat, si ce dernier porte son
attention sur les troubles graves.
La formation s’avère un besoin continu, car une fois que
tout le personnel visé est formé en lien à un changement de
pratique, sa mobilité, au fil du temps, introduit de nouveaux
intervenants qui à leur tour auront besoin de profiter de cette
formation. Par ailleurs, les mises à jour et les rafraîchissements
d’une formation sont également requis, compte tenu que les
changements de pratique peuvent prendre un certain temps
avant de se déployer et de se consolider.
Tous les CRD ont la responsabilité d’assurer un transfert
d’expertise en dépendance auprès des intervenants de
première ligne, afin de leur faciliter l’accomplissement de leurs
fonctions en matière de prévention des dépendances et de
référence aux services spécialisés suite à une détection.
Le RISQ du CDC-IUD contribue également au transfert des
connaissances, pour faciliter le changement des pratiques,
dans le cadre de ses journées des partenaires qu’il offre sur
une base régulière à Montréal ainsi que dans d’autres régions
du Québec. Le CDC-IUD a également reçu le mandat du
MSSS d’élaborer une formation sur les troubles concomitants
à l’intention des intervenants spécialisés en dépendance des
CRD et en santé mentale des CSSS.
L’offre de formation et de soutien à la consolidation des
apprentissages représente donc un important enjeu dans la
capacité de modifier les pratiques cliniques. La fonction de
conseiller clinique est également une modalité à préconiser
afin de soutenir le changement de pratiques cliniques. L’enjeu
est tout aussi important en lien avec les changements des
pratiques de gestion.
La formation est au cœur du développement des
pratiques et des expertises.
Dans ce contexte, le MSSS propose que les établissements
puissent en venir à disposer de formateurs à l’interne pour
assurer une réponse à ce besoin de formation continue. Dans
le domaine des dépendances, une telle orientation est prise
en lien avec les deux formations identifiées précédemment,
ainsi qu’avec celles portant sur le programme d’intervention
précoce Alcochoix+ et l’équipe de liaison spécialisée en
dépendance à l’urgence. Ces formations sont offertes aux
intervenants des CSSS.
Partager des outils qui facilitent
l’intégration des services
Dans le cadre d’un partenariat en dépendance entre un
CRD et un CSSS, les outils validés ou reconnus actuellement
pour procéder au repérage (ex. : CAGE-AID, Lie-Bet), à la
détection (ex. : AUDIT, DAST, DEBA — alcool, drogue et jeu)
et à l’évaluation spécialisée (ex. : IGT, NiD-Ém, NiD-Ép) sont à
privilégier. Un CSSS a avantage à s’approprier les outils reconnus
pour procéder au repérage et à la détection des problèmes
d’abus et de dépendance, pour faciliter l’identification des
besoins de service de la clientèle, ainsi que la référence, s’il
y a lieu, vers des services spécialisés en dépendance. Pour
l’évaluation des troubles de santé mentale, le DSM-IV-R
(APA, 1996) s’avère souvent le principal outil d’évaluation de
la nature et de la gravité des troubles. Mais plusieurs autres
outils sont susceptibles d’être utilisés pour détecter ou évaluer
un trouble de santé mentale. Un CSSS et un CRD ont avantage
à s’entendre sur les outils qu’ils utilisent pour procéder à cette
évaluation, question de faciliter les échanges cliniques et une
compréhension commune des dynamiques en présence.
Il est à noter que l’implantation prochaine du GAIN (Global
Appraisal of Individual Needs), dans les CRD du Québec,
comporte un potentiel élevé de mise à contribution dans les
collaborations entre un CRD et un CSSS. Pour l’ACRDQ (2010b),
il s’agit d’une batterie intégrée d’instruments autoadministrés
permettant la détection, l’évaluation sommaire et l’évaluation
spécialisée des problèmes d’abus et de dépendance et qui
permet en plus, l’évaluation des troubles concomitants. Il
génère rapidement un rapport informatisé des plus facilitants
pour la compréhension de la condition de l’usager, ainsi que
pour la planification de son plan d’intervention.
Un CRD et un CSSS peuvent également convenir d’une
harmonisation de leurs outils dans le cadre d’un service
intégré. À titre d’exemple, le CRD Domrémy Mauricie /
Centre-du-Québec et le CSSS de l’Énergie se sont dotés
d’une grille d’évaluation pour la clientèle présentant un
trouble concomitant. Cet outil partagé comporte un aperçu de
l’intégration de la démarche évaluative ainsi que du plan de
traitement. Il représente un bel exemple d’un outil facilitant
l’intégration des services.
Le partage d’outils ne se limite pas à ceux qui précèdent. Plus
un partenariat sera déployé entre un CRD et un CSSS, plus il
sera important qu’il donne lieu à l’ajustement des formulaires
d’accueil, d’admission, d’autorisation d’échanges ou de
transfert pour faciliter le partage d’informations pertinentes
et utiles à l’intervention. Il s’agit souvent, pour certains
formulaires, d’ajouter une case, une phrase ou une question,
telles que :
»Est-ce que vous vous êtes retrouvé à l’urgence d’un
hôpital ou à un centre de crise au cours de la dernière
année, et pour quel motif ?
»au CRD : êtes-vous ou avez-vous été suivi en santé
mentale au CSSS ou ailleurs ?
»au CSSS : êtes-vous ou avez-vous été suivi en
dépendance au CRD ou ailleurs ?
27
Finalement, le partage d’outils implique le partage
d’information. Et qui dit information, dit droit à la confidentialité.
Les parties doivent se doter d’une position commune
concernant la pertinence et l’utilité clinique de la transmission
de certaines informations aux bénéfices de la clientèle
appelée à recevoir les services des deux établissements. En
circonscrivant l’information demandée dans un formulaire
d’autorisation, en expliquant à la clientèle le motif de disposer
de cette information dans un temps limité, et en faisant signer
le formulaire le plus rapidement en début de démarche, la
clientèle est grandement susceptible de consentir à ce qu’elle
soit partagée.
Dans un contexte de partenariat, le droit à la
confidentialité demande à être géré aux bénéfices du
cheminement de la clientèle.
Élaborer une trajectoire qui rend
compte de l’intégration des services
À sa phase d’implantation, un projet novateur demande
nécessairement des ajustements car si les parties savent ce
qu’elles veulent mettre en place, elles ne savent pas toujours
comment le faire. C’est le propre de l’innovation ! Les imprévus,
les essais, les erreurs et les ajustements peuvent se succéder
avant qu’on ait une idée claire de l’offre de service. Cette
réalité aurait avantage à être nommée entre toutes les parties
concernées pour augmenter la tolérance à l’ambiguïté, et
inviter les acteurs à ne pas se décourager au premier échec et
à persévérer.
Une fois que l’action ou l’activité à implanter devient
relativement définitive dans son contenu et son déroulement,
il devient important de dessiner la trajectoire pour illustrer la
place qu’occupera cette activité et le lien qui existe avec les
autres composantes du programme. Cette trajectoire facilite
également l’identification du qui fait quoi. L’annexe 1 fournit un
exemple d’une telle trajectoire dans le continuum de services
dans lequel s’inscrit le programme MOSAIC.
Les principaux avantages de dessiner une trajectoire de
services sont de confirmer l’intégration de cette activité dans
la programmation existante, et de faciliter la mise à profit
de cette nouvelle pratique dans les équipes de travail. Les
spécialistes du changement organisationnel parlent alors de
la structuration du changement pour en faciliter la pérennité
(Rondeau, 2008).
Contaminer positivement les équipes
Un projet novateur dans une organisation émane bien souvent
d’un petit groupe d’acteurs. Ces derniers sont seuls à porter
ce changement à la phase de planification et d’implantation.
L’enjeu pour les gestionnaires est de s’assurer de la mobilisation
d’une masse critique suffisante d’intervenants pour initier et
déployer ce changement, c’est-à-dire un « point de bascule ».
Pour que ce changement acquiert une certaine consolidation
et une pérennité, une proportion encore plus grande d’effectifs
a besoin d’adhérer également à ce changement de pratique.
Dans ce contexte, le défi qui attend les plus grandes
organisations, que sont les CSSS, est de s’assurer qu’un
écart grandissant ne prendra pas place entre les acteurs du
changement et les autres intervenants qui restent en marge
ou en périphérie du projet. L’engagement doit se déployer
en favorisant une contamination positive des équipes, afin
d’accroître le nombre d’intervenants qui modifient leur pratique
pour introduire un travail intégré avec les intervenants d’un
CRD. Les modalités de communication deviennent alors un
élément incontournable pour la réussite du projet. L’expérience
conduite dans le cadre du programme MOSAIC montre qu’un
comité conjoint interétablissements, composé des principaux
gestionnaires d’équipes d’intervenants, représente un lieu de
coordination et de soutien à ce défi d’appropriation.
Des stratégies ciblées doivent être utilisées pour favoriser
la mobilisation des différents intervenants et favoriser cette
contamination positive. Trois d’entre elles sont à souligner, soit
de partir de leurs préoccupations, de susciter l’engagement
des leaders cliniques et d’identifier la valeur ajoutée que
pourrait avoir le changement dans leur pratique (Lemire et
Litvak, 2011).
De façon plus large, les mêmes auteurs identifient également
les quelques lignes directrices suivantes pour contaminer
positivement le personnel envers un changement :
• Créer la volonté de s’adapter au changement en utilisant les
quelques tactiques appropriées suivantes :
- rendre le statu quo inconfortable;
- communiquer souvent, mais de façon concise, le « quoi,
pourquoi et qui » du changement;
-exprimer avec enthousiasme et confiance que le
changement sera un succès et que le temps, l’argent et
les efforts requis en valent la peine;
-accepter qu’il y ait des erreurs, des faux pas, des
malentendus et des rectifications à faire en cours de route.
• Rester à l’écoute tout en maintenant le cap :
-démontrer de l’empathie face à l’anxiété reliée au
changement tout en expliquant à nouveau le bien-fondé
du projet;
- répéter constamment le lien entre le changement et les
objectifs de l’organisation;
- présenter les résultats sous forme visuelle aussi souvent
que possible;
- demeurer disponible pour répondre aux questions.
• Obtenir un consensus sur les activités et les ressources
nécessaires pour le projet :
- fixer les grandes étapes et les échéanciers des projets;
- demander aux gestionnaires de démontrer ouvertement
leur soutien aux projets d’amélioration;
28
- faire preuve de confiance envers ceux qui actualisent le
changement.
• Publiciser le changement :
- utiliser des symboles ou des logos pour rendre les projets
prioritaires visibles;
- parler des projets lors d’événements marquants;
- reconnaître publiquement les efforts déployés;
- relier les résultats positifs à l’avancement des travaux.
La mobilisation des médecins psychiatres
Il est important de souligner que les médecins, de par leur
mode de rémunération, l’organisation de leur pratique et
leur rôle prédominant dans le plan d’intervention, requièrent
une attention particulière et bien planifiée dès la fixation
des objectifs d’un projet (Johnson et coll., 2010). Ainsi, la
mobilisation de l’équipe médicale est essentielle et présente
un potentiel de plus-value bien réelle.
Certains éléments favorisent la réalisation de cette mobilisation.
Au départ, la direction médicale du programme doit y croire
et savoir transmettre aux membres du département toute
l’importance que l’on accorde au projet. Il faut aussi que les
médecins du département acceptent de s’impliquer, dès
le début, en participant aux travaux, qui donnent au projet
sa forme plus pratique et en offrant les services médicaux
proposés. Cette participation peut demander certains
ajustements dans les modes de rémunération.
Les médecins d’un département sont motivés par le mieuxêtre de leurs patients. Il est donc important, pour mousser leur
intérêt et leur participation, de s’assurer de bien communiquer
à l’équipe les activités du programme intégré et les résultats
positifs pour les patients qui en bénéficient. Plus une modalité
de soins apporte manifestement de bons résultats, plus il sera
facile d’y recourir lorsqu’indiqué.
Assurer un suivi de gestion à la fois
rigoureux et flexible
Les gestionnaires de service ont une grande responsabilité,
soit de susciter l’intérêt et l’engagement des membres de leurs
équipes dans un contexte de renouvellement des pratiques.
Ils ont également à faire face, de manière constructive, aux
résistances fréquentes et compréhensibles lorsque des
intervenants sont confrontés au changement. Le leadership
fort et proactif, attendu précédemment des directeurs de
programmes est aussi le propre des gestionnaires qui sont au
niveau des opérations. La gestion du changement demande
rigueur et souplesse pour apporter les ajustements nécessaires,
tout en préservant et en suscitant l’engagement des acteurs à
travers la fonction de coordination.
Lemire et Litvak (2011, p. 12) font état des principales qualités
que requiert la fonction de gestionnaire de projet, tant sur les
plans du leadership, de la communication, de l’organisation,
des compétences spécifiques, de l’utilisation des données et
des traits de personnalité. Ces qualités personnelles sont les
suivantes :
Leadership :
• Capacité de mobiliser et de diriger une équipe;
• Capacité d’écoute;
• Curiosité et intérêt pour les idées des autres;
• Transparence.
Communication :
• Ouverture;
• Honnêteté et constance;
• Diplomatie et facilité à communiquer avec les gens de
tous les niveaux;
• Compétences en négociation;
• Capacité de présenter le projet clairement et
simplement.
Organisation :
• Connaissance des principaux outils de planification et
de suivi d’un projet;
• Rigueur et autonomie;
• Attention aux détails;
• Flexibilité dans l’exécution du plan initial.
Compétences spécifiques par rapport au projet :
• Bonne compréhension de la vision stratégique;
• Maîtrise minimale des aspects techniques du projet;
• Compréhension des spécificités du projet;
• Adhésion aux objectifs du projet.
Utilisation des données :
• Capacité d’utiliser les données essentielles dans le
processus d’amélioration.
Traits de personnalité :
• Passionné;
• Soucieux de la qualité des services;
• Esprit analytique;
• Bonne résistance au stress.
Lorsque les environnements sont plus complexes et les
effectifs plus nombreux, il peut être très utile qu’un membre
du personnel ou un consultant externe se voit attribuer
temporairement une responsabilité pour venir épauler les
gestionnaires (Nolan, 2007). L’exercice de cette responsabilité
de « chargé de projet » par une personne attitrée pose
cependant le défi majeur de travailler à assurer un transfert
et une appropriation progressifs des fonctions qu’elle assume
au personnel en place, particulièrement les directeurs et les
gestionnaires de premier niveau. Règle générale, plus le
personnel participe à un projet, plus il intègre les changements
souhaités à l’intérieur de ses pratiques. On parle alors de
gestion participative.
Respecter les étapes du changement
Dans le domaine des dépendances, les étapes du changement
ont acquis une résonnance très présente dans la compréhension
du cheminement de la clientèle, en lien avec la référence au
modèle de Prochaska, Norcross et DiClemente (1994). À ce
titre, les organisations, les gestionnaires et les intervenants
sont confrontés à des étapes similaires quand vient le temps
d’entrevoir un changement de pratique clinique ou de gestion.
On y retrouve également résistances, intérêts, opportunités et
menaces.
Un CRD et un CSSS font partie d’un environnement où la
somme des pressions exercées sur le système de santé et
de services sociaux, exige que les organisations s’adaptent
à un rythme de plus en plus rapide et qu’elles optimisent
continuellement leurs processus (Lemire et Litvak, 2011).
29
Mais nombreux diront que le changement prend du temps.
Ce temps n’est pas rétractable et nous nous en réclamons
tous face à la charge de travail à assumer dans ce contexte
de rythme accéléré. Comme le souligne Peck (1987), nous
dépensons souvent beaucoup plus d’énergie à défendre une
carte périmée, qu’il nous en aurait fallu pour la revoir et la
corriger. Le changement représente ainsi plus une question
de disposition que de rapport au temps. Les stratégies
motivationnelles (Miller et Rollnick, 2004) trouvent ici un lieu
privilégié pour susciter le doute, le questionnement et le
changement chez le personnel.
Comme le soulignent les meilleures pratiques (Santé Canada,
2002), le changement doit être considéré comme étant en
évolution, non linéaire et nécessitant de la patience. En phase
d’implantation, il est souhaitable de miser à bien conduire ce
processus, plutôt qu’à obtenir un gain de performance. Une
« stratégie de petits pas », qui favorise les bénéfices à court
terme pour chacun des partenaires, est alors recommandée
(Santé Canada, 2002).
Dans le cadre du développement d’un partenariat entre un
CRD et un CSSS, il faut entrevoir de manière réaliste des essais,
des obstacles, des erreurs et de nombreux ajustements, pour
circonscrire le contenu et la façon d’offrir un nouveau service.
Une fois le service implanté, le processus d’ajustement n’est
probablement pas à son terme. En effet, les caractéristiques
de la clientèle desservie vont continuer à inciter les acteurs
du changement à parfaire leurs modes d’intervention ou
d’encadrement, compte tenu que ces personnes vivent
souvent des situations lourdes et complexes pour lesquelles
les solutions ne sont pas évidentes. En fait, on parle plus
souvent de réponses adaptées et renouvelées ainsi que de
réduction des méfaits sur un long cours, que de solutions à
court terme ou de guérison.
Le processus de changement qui conduit à travailler de
manière intégrée, demande que les nouvelles collaborations
soient possibles et encouragées, que le personnel puisse
prendre des risques appropriés et que les barrières puissent
être diminuées pour alléger et simplifier les processus en cause
(Corrigan et al., 2011). La gestion des risques peut représenter
un important défi en lien à une clientèle très vulnérable,
ainsi qu’à une organisation dont les politiques et procédures
en place tentent de réduire au minimum ces risques pour
assurer la sécurité des usagers, telle qu’elle est encouragée
par les cadres normatifs d’amélioration continue de la qualité
des services (i.e. Agrément Canada et le Conseil Québécois
d’agrément).
À cet effet, le programme MOSAIC a bénéficié d’une ouverture
de la part des directions des deux établissements concernés,
pour favoriser chez le personnel un apprivoisement et une
connaissance mutuels ainsi que l’apprentissage de travailler
ensemble en modifiant progressivement les façons de faire.
Le partenariat est le fruit d’un processus qui demande
du temps à s’installer et à progresser, particulièrement si
le changement s’inscrit à contre courant de la culture en
place dans l’organisation. (Bilodeau et coll. 2003).
30
n SECTION 7
L’APPRÉCIATION DU CHANGEMENT ET
DE L’ATTEINTE DES RÉSULTATS
Forts d’avoir implanté leur partenariat, un CRD et un CSSS ont
à apprécier le changement apporté relativement à la prestation
et à l’organisation des services ainsi qu’à l’atteinte des résultats
attendus. Cette démarche évaluative, dont se sont inspirés les
acteurs du changement du programme MOSAIC, demande de
mener les quatre actions suivantes :
• se doter d’un cadre d’analyse;
• identifier des indicateurs du changement et en assurer le
suivi;
1re leçon : Reconnaître que le changement complexe est
un amalgame de divers types de changement
simultané nécessitant des stratégies distinctes et
parfois même contradictoires;
2e leçon : Intervenir en situation de changement nécessite une
analyse contextuelle, systémique et épisodique;
3e leçon : Évoluer d’une gestion du changement vers une
capacité à changer;
• reconnaître le travail des acteurs du changement;
4e leçon : Articuler la capacité à changer selon les diverses
logiques de l’action organisée;
• diffuser l’information sur le déploiement du changement et
sa valeur ajoutée.
5e leçon : Traiter simultanément d’enjeux pourtant fort
distincts.
Se doter d’un cadre d’analyse
Pour apprécier la capacité à changer
Rondeau (2008) s’est attardé à la gestion du changement
qui comporte un haut niveau de complexité, comme nous
le retrouvons dans un partenariat entre un CRD et un CSSS.
Il propose un cadre d’analyse dans lequel il identifie les
différents enjeux du changement (légitimation, réalisation
et appropriation), selon les différentes logiques d’action
(stratégique, fonctionnelle et opérationnelle).
Ce cadre d’analyse aide à délimiter les résistances et les
opportunités de changement dans un système complexe, à
l’aide d’un questionnaire qui a été validé à cet effet (Johnson et
Rondeau, 2011). Il permet de bien cerner la nature des actions
à déployer pour susciter le changement, en tenant compte de
la dynamique en présence. Le changement donne lieu ainsi à
une progression, en termes d’amélioration continue, qui est
avant tout vécue par les acteurs. Par la suite, cette progression
est appelée à être mesurée par l’observation d’indicateurs.
Le but du partenariat dans un contexte d’innovation
s’avère une appropriation conjointe du changement
aux niveaux opérationnel, fonctionnel et stratégique
pour faciliter les apprentissages systémiques dans
l’organisation.
Cet investissement peut être à géométrie variable et prendre
des avenues différentes d’un projet de partenariat à un autre
entre un CRD et un CSSS selon l’état des lieux, les styles de
gestion, les cultures d’organisation, le degré de mobilisation
des effectifs en place et le niveau de collaboration entre les
deux établissements. À titre d’exemple, certains miseront
sur une vision doublée d’un intérêt élevé pour y consentir
des efforts et favoriser les apprentissages. Pour d’autres, le
changement prendra la voie d’un pilotage qui porte la vision et
qui organise le changement à partir d’un modèle communiqué
aux équipes.
De ce cadre d’analyse, Rondeau (2008) dégage les cinq leçons
suivantes pour bien assumer le changement :
Le lecteur est référé au texte de Rondeau (2008) pour apprécier
toute la portée de ce cadre d’analyse. Ce dernier a été mis à
profit pour favoriser le changement organisationnel dans le
cadre de l’implantation du programme MOSAIC. À cet effet,
le questionnaire portant sur la capacité à changer (Johnson
et Rondeau, 2011) a été administré à plusieurs dizaines
d’acteurs du changement à deux moments du déploiement
du programme. L’analyse des résultats à l’aide du cadre
d’analyse a permis de bien cerner les forces en présence, ainsi
que d’identifier les ajustements à apporter pour favoriser le
changement.
Pour développer les compétences
relatives à l’exercice de la responsabilité
populationnelle
Les orientations du ministère de la Santé et des Services sociaux
du Québec (2004) font de la responsabilité populationnelle
un enjeu majeur de son réseau en transformation, et plus
spécifiquement des projets cliniques à planifier et à implanter
dans chacun des réseaux locaux de services des CSSS, dont
les projets cliniques en dépendance et en santé mentale.
Rappelons que la finalité de la responsabilité populationnelle
consiste à maintenir et à améliorer la santé et le bien-être
de la population d’un territoire, ainsi que de travailler en
collaboration avec les acteurs concernés, de façon à optimiser
la réponse aux besoins, l’expérience des soins et l’utilisation
des services.
31
Des travaux conduits à l’Institut national de santé publique
du Québec par des spécialistes mobilisés dans l’Initiative
sur le partage des connaissances et le développement
des compétences (IPCDC, 2012) ont permis d’élaborer un
référentiel de compétences sur les plans individuel, collectif
et organisationnel pour faciliter l’exercice de la responsabilité
populationnelle. Cette responsabilité est bien présente dans le
cadre d’un projet de partenariat entre un CRD et un CSSS pour
mieux aider des personnes qui présentent, ou qui sont à risque
de présenter, un trouble de santé mentale et une dépendance.
Les compétences proposées, au nombre de cinq, sont les
suivantes :
• Compétence 1 :
Analyser et dégager une vision collective des besoins, des
interventions et des partenariats avec le réseau local de
services (RLS);
• Compétence 2 :
Engager son organisation dans une démarche commune
avec les acteurs, afin de renforcer le travail en réseau /
partenariat pour répondre aux besoins de la population;
• Compétence 3 :
Adapter les services et les interventions pour maintenir
et améliorer la santé et le bien-être de l’ensemble de la
population, de même que l’expérience de soins et de
services d’un territoire;
• Compétence 4 :
Initier et soutenir les changements organisationnels
pour l’adaptation des services et des interventions de
l’organisation et du réseau local de services (RLS);
• Compétence 5 :
Évaluer les services et les interventions réalisés par le CSSS
et ses partenaires pour en connaître la performance et l’effet
sur le maintien et l’amélioration de la santé de la population
L’utilité de ce référentiel pour le présent guide porte sur la mise
à profit par les partenaires d’un outil qui permet d’apprécier
sur les plans opérationnel, fonctionnel ou stratégique le
niveau d’appropriation de ces compétences et des situations
professionnelles qui leur sont associées. Cet outil est en
développement et il est susceptible, dans un proche avenir,
d’être utilisé dans le cadre d’un partenariat entre un CRD et
un CSSS.
» Quel est notre objectif ?
» Comment saurons-nous que nous l’avons atteint ?
» Que pouvons-nous faire pour l’atteindre ?
Le choix des indicateurs sera en fonction des objectifs qui
auront été identifiés par le CRD et le CSSS dans leur projet de
partenariat. Il est important que les objectifs choisis suscitent la
motivation des acteurs en convenant du but à atteindre, de la
direction à prendre, de la valeur ou de la désirabilité ainsi que
de la compétence et de la persistance nécessaires à l’atteinte
(Locke et Latham, 2006). Les gestionnaires et les intervenants
travaillent avant tout pour répondre le mieux possible aux
besoins de la clientèle en offrant des services de qualité. Et
c’est cette réponse à des besoins et cette qualité de services
que les indicateurs permettent de mesurer.
Pour favoriser cet aspect motivationnel des objectifs, les
bonnes pratiques en gestion de projet (Doran, 1981) proposent
que les attributs d’un objectif se résument par l’abréviation
mnémotechnique SMART.
S : spécifique, signifiant
M : mesurable, motivant
A : atteignable, acceptable
R : réaliste, raisonnable
T : sur une période de temps définie
Lemire et Litvak (2011) suggèrent de limiter le nombre
d’indicateurs à six ou moins en s’attardant sur leur caractère
observable et ne se limitant pas aux données déjà existantes. Ils
trouvent utile d’inclure différents types d’indicateurs pour suivre
l’évolution du projet, chacun apportant un éclairage différent.
Ainsi, il peut s’agir d’indicateurs de qualité (ex. : indice de bienêtre, satisfaction de la clientèle, nombre de retours à l’urgence
suite à l’intervention); de volume (ex. : nombre de personnes
ayant été détectées et orientées vers les services spécialisés
en dépendance, le délai d’attente pour obtenir un service);
de processus (ex. : le nombre d’évaluations psychiatriques,
de discussions de cas ou de groupes d’intervention intégrée
qui ont été offerts au cours des 6 derniers mois) ou d’effets
collatéraux (ex. : une pression accrue sur la liste d’attente suite
à l’activation d’un corridor de service avec le partenaire).
Identifier des indicateurs du
changement et en assurer le suivi
Un CRD et un CSSS prendront alors les moyens qu’ils
jugent les plus pertinents et utiles pour favoriser l’atteinte
des objectifs qu’ils se sont fixés, appuyés sur des mesures
objectives et observables, dans le respect des balises fournies
précédemment en ce qui concerne la capacité à changer et
l’identification des objectifs. Les directeurs et les gestionnaires
de premier niveau portent la responsabilité d’assumer un suivi
de gestion des indicateurs pour documenter le changement
attendu. Ce suivi de gestion comporte également une
responsabilité de favoriser un changement de pratique. Pour
les outiller davantage dans cet engagement, certains autres
documents de référence sont disponibles pour convenir des
indicateurs et des moyens à prendre selon le volet qu’ils
souhaitent développer dans le cadre de leur partenariat. Il
en est ainsi du Guide d’implantation de l’équipe de liaison
spécialisée en dépendance à l’urgence (MSSS, 2008b), ainsi
que de l’évaluation d’implantation du programme Alcochoix+
par Cournoyer et collaborateurs (2009) qui comporte une
section portant sur les éléments facilitant l’implantation de ce
programme.
L’évaluation du changement provient de l’étape de conception
d’un projet de partenariat entre un CRD et un CSSS. Pour
Lemire et Litvak (2011), il s’agit de pouvoir répondre alors aux
trois questions fondamentales suivantes :
De plus, les formations dispensées au Québec pour implanter
une mesure de repérage et de détection d’un problème
d’abus ou de dépendance en première ligne, un programme
d’intervention précoce en dépendance (Alcochoix+) ou une
Il est cependant important de rappeler qu’un outil n’est
qu’un moyen pour mesurer un résultat ou pour soutenir la
planification d’un changement. En fait, au-delà de l’outil,
c’est le processus vécu (i.e. constat conjoint, vision commune,
réflexion sur les meilleures pratiques, proposition d’un modèle,
planification du changement, modification des pratiques) dans
le cadre d’un projet tel que MOSAIC qui a un intérêt particulier
en lien avec la responsabilité populationnelle. Qu’il s’agisse
d’un partenariat entre deux établissements ou d’un réseau de
services entre différents partenaires locaux, c’est ce processus
et l’utilisation des compétences déjà citées qui contribuent à
donner le résultat escompté.
32
Reconnaître le travail des acteurs du
changement
Déployer un partenariat entre un CRD et un CSSS pour répondre
aux besoins des personnes qui présentent, ou qui sont à risque
de présenter, un trouble concomitant de dépendance et de
santé mentale comporte un engagement de nombreuses
personnes, à tous les paliers de l’organisation, qu’il s’agisse
des directeurs généraux, des directeurs de programme, des
gestionnaires, des intervenants ou du personnel de soutien.
Face au défi qui consiste à assumer le rôle d’acteur du
changement, les gestionnaires doivent être vigilants et
attentionnés pour souligner, en temps opportun et de manière
à propos, la qualité de l’engagement de ces acteurs ainsi
que les retombées positives qui en résultent, en lien aux
orientations de l’établissement et aux objectifs attendus du
projet. Il peut s’agir de rétroaction informelle sur une base
personnelle, d’une prise de position plus formelle lors d’une
rencontre d’équipe, de la rédaction d’un bulletin d’information
ou d’une activité de reconnaissance. Parfois, il peut s’agir de
détails, en apparence, mais qui ont tout leur sens dans ce
qu’ils reflètent comme composantes du changement. Il peut
s’agir également d’un soutien pour faciliter la rédaction d’un
article scientifique ou de la participation à un congrès en lien
au projet déployé.
équipe de liaison spécialisée en dépendance comportent des
indications fonctionnelles et opérationnelles pour identifier
ces moyens et ces indicateurs.
Des guides de bonnes pratiques sont disponibles et fournissent
de nombreuses indications en ce qui a trait à l’organisation
des systèmes et des services ainsi que des approches cliniques
(Santé Canada, 2002, SAMHSA, 2005 ; FQCRPAT, 2005). Il
est cependant important de préciser que le traitement des
troubles concomitants est un champ en développement qui
laisse place à beaucoup d’innovation.
En présence d’un projet de partenariat comportant plusieurs
volets, tel que déployés dans le cadre du programme MOSAIC,
il peut s’avérer des plus utiles, à une première phase, de
procéder à un suivi qui porte principalement sur le processus à
conduire plutôt que sur les résultats à atteindre. Les partenaires
s’assurent ainsi que les activités planifiées sont effectivement
réalisées, avec les ajustements nécessaires, et voient à
identifier les facteurs critiques de réussite du changement de
pratiques cliniques et de gestion. Il s’agit alors, en référence au
modèle de Rondeau (2008), d’identifier la nature des éléments
stratégiques, fonctionnels et opérationnels qui facilitent la
légitimation, la réalisation et l’appropriation du changement
selon la perspective de la clientèle, des intervenants et des
gestionnaires.
Dans certaines situations, un CRD et un CSSS auront
l’opportunité de s’associer à un chercheur ou une équipe
de recherche pour planifier et conduire une évaluation
d’implantation ou des impacts de leur projet de partenariat. À
titre d’exemple, le LEGG mis en place par l’ASSSM a représenté
un lieu d’incubation des plus inspirants pour assurer le suivi
évaluatif de projets novateurs, dont faisait partie le programme
MOSAIC. De son côté, le RISQ a réalisé de nombreuses études
en lien avec les caractéristiques des clientèles et à l’efficacité du
traitement en dépendance, plusieurs d’entre elles impliquant
différents centres de réadaptation en dépendance du Québec.
La reconnaissance du travail accompli est un levier
puissant de changement qui s’appuie sur la confirmation
et l’affirmation du sens que donne un employé à son
travail (Herzberg, 1976).
Les acteurs du changement ont une disposition intrinsèque
à croire en la valeur de leur engagement. Mais, ils sont
également sensibles aux félicitations, aux récompenses et
aux encouragements qui témoignent ainsi du fait que leur
supérieur ou leurs confrères et consœurs apprécient les fruits
de leurs efforts. La confirmation et l’affirmation du sens que
donne un employé à son travail conduisent à un plus grand
sentiment d’appartenance à l’organisation avec un mélange
complexe de loyauté et de désir de provoquer le changement,
voir l’ordre établi (Meyer, Becker et Vandenberghe, 2004).
La reconnaissance du travail accompli illustre également que
le changement est avant tout un engagement très personnel
dans un contexte d’une multitude de relations vécues dans
une organisation qui a ses attentes, ses règles et son mode
de fonctionnement. On comprend dès lors, l’importance
des attitudes et des dispositions dans les relations de
travail, ainsi que la référence faite précédemment à Brochu,
Landry et Patenaude (2012) en lien au concept « d’alliance
organisationnelle » comme dénominateur commun aux
succès de différents modèles d’organisation de services en
dépendance. Les gestionnaires transigent avec des personnes
avant de gérer des politiques et des procédures. Dans ces
deux dimensions de leur fonction, ils doivent s’y investir avec
humanisme, efficience et qualité.
Les cadres normatifs dans le domaine de l’amélioration
continue de la qualité des services, tels ceux d’Agrément
Canada et du Conseil québécois d’agrément, intègrent
maintenant une composante « qualité de vie au travail »
(Sondage Pulse) dans la démarche évaluative proposée aux
établissements. Le questionnaire qui y réfère permet à un
employé de se prononcer sur son environnement de travail, le
sens qu’il y accorde et le degré de satisfaction qu’il en retire.
L’investissement d’un employé à son travail sera directement
proportionnel à son degré de mobilisation et son sentiment de
contribution et d’appartenance.
33
Diffuser l’information sur le
déploiement du changement et sa
valeur ajoutée
La diffusion de l’information doit être des plus pertinentes,
claire, simple et suffisante pour faire état du changement
et susciter un intérêt de s’y investir.
La diffusion de l’information est une composante majeure de
la réussite d’un projet de partenariat entre un CRD et un CSSS.
Cette communication est souhaitable à toutes les étapes du
projet et à plusieurs niveaux de l’organisation. Elle s’active sur
les plans opérationnel, fonctionnel et stratégique afin d’obtenir
de l’information mais aussi pour en diffuser.
Lorsque le changement attendu entre les parties se déploie,
la communication est mise à profit pour faire connaître les
actions implantées au sujet de leurs contenus, des critères
et moyens d’accès pour la clientèle, de la date, de l’heure et
du lieu de la tenue d’une activité, des formulaires à utiliser,
des suivis à assumer auprès de la clientèle, des membres de
l’entourage ou d’intervenants. Les moindres détails peuvent
devenir importants pour assurer une mise à profit optimale du
changement effectué. Les rétroactions rapides après la tenue
d’une activité sont très utiles entre les acteurs du changement.
Chacun se met ainsi au diapason pour apporter les ajustements
nécessaires et poursuivre la prestation et l’encadrement du
projet.
Des mesures sont à prendre pour questionner le personnel
ainsi que la clientèle, et au besoin l’entourage, sur leur degré
de satisfaction face aux actions mises en place. La modalité
doit être simple et cibler le service rendu.
Sur le plan des structures d’encadrement de type comité de
pilotage ou comité de gestion, les comptes rendus de ces
rencontres doivent être suffisamment explicites concernant
le déploiement et la progression du changement, tant sur
les plans de la tenue des activités que du suivi des quelques
indicateurs choisis. Ces informations demandent à être
partagées avec les équipes lors de réunions où en les affichant
sur un babillard visible à tous.
Il peut aussi être très à propos et apprécié de produire
périodiquement un bulletin d’information qui contient les
principales informations à transmettre au personnel concernant
la vision, le modèle et les actions liés au changement ainsi
que les retombées positives pour la clientèle. Un tel bulletin
a été produit avec satisfaction dans le cadre du programme
MOSAIC. D’autres y joindront une boîte à suggestions
invitant le personnel à partager leurs commentaires quant
au changement effectué et aux ajustements qu’il serait
souhaitable d’apporter.
À travers ces différentes mesures de communication, il faut se
rappeler que cette information est une source de pouvoir et de
connaissance qui doit permettre une plus grande légitimation
du changement ainsi que la poursuite de l’intérêt, de
l’engagement, des efforts et des apprentissages pour assurer
sa progression.
34
n SECTION 8
QUELQUES CONDITIONS POUR ASSURER
LA PÉRENNITÉ DU CHANGEMENT
Un changement n’est jamais complètement acquis, compte
tenu que les organisations sont des systèmes vivants qui tentent
de s’adapter à l’évolution des besoins de leurs clientèles,
tout en ayant des environnements internes et externes ainsi
que des ressources humaines, matérielles et financières
qui facilitent à des degrés variables cette adaptabilité. Les
quelques conditions suivantes sont cependant susceptibles de
favoriser la pérennité d’un changement :
• s’assurer que le changement est légitime et reconnu;
• identifier des gestionnaires responsables d’assurer la
pérennité du changement;
• enchâsser le changement dans une entente de collaboration
ou de service;
• poursuivre l’exercice d’un bilan pour assurer l’intégration
du changement ainsi que son amélioration sur une base
continue.
S’assurer que le changement est
légitime et reconnu
Selon le cadre d’analyse de Rondeau (2008), la légitimation du
changement se concrétise par les caractéristiques suivantes :
• une vision claire, forte, partagée et soutenue entre les
acteurs à un niveau stratégique;
• une modélisation qui structure le changement au niveau
du système et qui permet de convenir d’une trajectoire de
services ainsi que des modalités d’accès et de cheminement
pour la clientèle;
• une communication des nouvelles pratiques utilisées qui
respecte la culture organisationnelle et qui favorise une
adhésion soutenue au changement.
Un CRD et un CSSS sont appelés à partager cette légitimation
dans le cadre de leur projet de partenariat. Le défi est accru
par les différences de culture organisationnelle ainsi que par
le fait que les deux établissements sont bien distincts sur le
plan de leur mission. Ce sont les directeurs de programme
de chacun des deux établissements qui auront à faire valoir
et faire respecter la légitimation de leur projet auprès de leur
Direction générale, appuyés de leurs gestionnaires de premier
niveau.
Lorsqu’une action du partenariat porte sur des services intégrés
impliquant que des intervenants des deux établissements
travaillent ensemble en un même lieu et pour une même
clientèle, cette action favorise l’apprentissage d’une vision
commune et d’un travail conjoint. La clientèle desservie
peut alors se rendre compte que les intervenants des deux
établissements se parlent de plus en plus. Cette communication
accrue précise les balises des plans d’intervention et facilite
grandement la cohérence des différentes interventions. Par la
suite, même si l’usager ne rencontre qu’un des intervenants, il
sait maintenant que le travail se fait conjointement.
Ce changement de perception est fondamental
chez une clientèle perçue historiquement comme
très débrouillarde pour se frayer un chemin dans les
dédales de deux systèmes de soins et de services qui
fonctionnaient auparavant en silo.
Identifier des gestionnaires responsables
d’assurer la pérennité du changement
La responsabilisation des gestionnaires intermédiaires et la
définition des rôles de chacun en ce qui concerne la gestion
dans le cadre précis d’un projet sont des indicateurs de succès
majeurs pour travailler à la réalisation de ce projet (Bareil,
2004).
Dans ce contexte, il est souhaitable que les gestionnaires
imputables du changement soient clairement identifiés et
soutenus pour qu’ils puissent assumer les charges associées à
ce besoin de pérennité.
Au delà de l’appréciation de la portée du changement en
cours et de suivi des résultats, la fonction des gestionnaires
porte beaucoup sur l’affectation des ressources humaines,
l’organisation du travail et le transfert de connaissances ou
d’expertises. Cette fonction comporte d’expliquer la vision et
d’assurer une répartition du travail, une coordination des services
ainsi qu’une stimulation et une valorisation des membres de
leur équipe. Ils doivent favoriser le développement de leader
dans leur équipe de travail. Leur fonction comporte également
une planification, donc une vision proactive, pour s’assurer
que le changement ne repose pas sur l’engagement d’un seul
intervenant afin d’éviter que l’action ou le service implanté
soit interrompu ou cesse à la suite du départ ou du congé de
cet intervenant. La mobilité du personnel est une réalité dans
toutes les organisations. Des mesures de gestion relatives à
la qualité de vie et des interactions humaines au travail, à la
valorisation de l’intelligence, des talents et de l’engagement
du personnel ainsi qu’au développement des expertises
peuvent cependant contribuer à favoriser grandement la
rétention des effectifs (Morin et Brodeur, 2010). Par ailleurs,
une nouvelle façon de voir la gestion consiste à promouvoir
la résilience chez le personnel, afin de développer sa capacité
de s’adapter aux changements de façon constructive (Dumas,
2012).
Un tel engagement de gestion illustre le fait que
le changement est une partie prenante d’une
programmation et que la clientèle peut s’attendre à
pouvoir en bénéficier sur une base continue.
Un gestionnaire du changement est également susceptible,
comme tout autre employé, de quitter ses fonctions pour un
autre poste. Son supérieur immédiat a alors la responsabilité
de prendre les mesures nécessaires, et de manière proactive si
possible, pour assurer la continuité du changement implanté.
35
Il doit alors recruter et affecter une personne qui intégrera
rapidement dans ses fonctions, non seulement la logique
d’action à poursuivre, mais également la vision qu’elle soustend dans le respect du partenariat établi avec l’établissement
partenaire.
Enchâsser le changement dans une entente
de collaboration ou de service
L’enchâssement d’un projet de partenariat entre un CRD et un
CSSS dans une entente de collaboration ou de service vient
formaliser et systématiser le changement pour la direction des
deux établissements. Cette entente précise les engagements
et les responsabilités des parties ainsi que les objectifs
de l’entente. Elle comporte également les mécanismes
d’encadrement et de suivi qui seront utilisés par les parties
pour assurer la performance du système.
Si le projet de partenariat comporte plusieurs composantes
et que son implantation se déroule dans un esprit d’étroite
collaboration entre les deux établissements, il peut être
préférable de convenir d’une entente de collaboration ou de
service qu’à la fin d’une première phase d’implantation. Cette
entente peut ainsi refléter les engagements de poursuivre ce
qui s’est déjà amorcé et qui a déjà eu le temps d’être ajusté.
L’entente de collaboration s’avère un élément structurant
du partenariat en développement.
Par contre, si le projet de partenariat porte sur une seule
composante impliquant une mesure opérationnelle (ex. :
mesure de repérage et de détection, corridor de service), il
peut être souhaitable de convenir de l’entente de collaboration
ou de service dès le départ du projet. L’entente fait ainsi office
de référence pour mettre en place la mesure attendue.
L’entente demande à être révisée, au besoin, pour rendre
compte de l’évolution de l’engagement de chacun des
partenaires, de la clarification des rôles et responsabilités et
des ajustements qui auront été apportés à l’activité ou au
service implanté.
Poursuivre l’exercice d’un bilan pour
assurer l’intégration du changement
ainsi que son amélioration sur une
base continue
Le bilan devient un lieu pour solidifier la cohérence du
changement au niveau du système.
En complément à la signature d’une entente de collaboration
ou de service ainsi que d’un suivi de gestion, un CRD et un CSSS,
qui ont mis en place un partenariat, ont avantage à conduire
un bilan périodique pour assurer l’intégration du changement
ainsi que son amélioration sur une base continue. La recherche
en gestion de projet et en gestion du changement indique
qu’une implication minimale de représentants d’acteurs
concernés est nécessaire pour conduire un tel bilan (Bareil,
2004).
Ce bilan est aussi un lieu pour assurer une vision d’ensemble du
projet mis en place, pour souligner le travail accompli et pour
bien apprécier les liens existant entre les différentes mesures,
sachant que ces dernières se situent dans un continuum
de services. Le bilan devient alors un lieu pour solidifier la
cohérence du changement au niveau du système. Initialement,
un tel bilan, selon les besoins, peut être conduit par mois ou
par trimestre pour évoluer vers une fréquence annuelle.
36
n SECTION 9
CERTAINS PIÈGES À ÉVITER OU À CONTRER
L’expérience acquise dans le développement de projet, tel
que le programme MOSAIC, ainsi que la concertation et le
partenariat nous amènent à identifier certains pièges qui sont
prévisibles et qui demandent à être anticipés, voire même
évités ou contrés pour favoriser un partenariat entre un CRD et
un CSSS. Ces pièges sont les suivants :
La dilution dans les priorités :
Développer un partenariat entre un CRD et un CSSS implique
une volonté de se fixer des objectifs de processus et de
résultats, en lien aux problèmes de dépendance et de santé
mentale lorsque les troubles concomitants sont en cause.
Pour un CRD ayant une mission de services spécialisés en
dépendance, les priorités de l’organisation sont en lien à
une même clientèle. Ces priorités peuvent cependant se
définir selon différentes caractéristiques individuelles de cette
clientèle (i.e. jeunes, femmes enceintes, personnes âgées) et
selon le territoire desservi du fait d’avoir un mandat régional.
De son côté, un CSSS est un établissement local comportant
plusieurs programmes clientèle. Plus un CSSS est complexe
dans sa structure et d’envergure dans le volume de ses
effectifs, plus il peut être difficile de défendre et de convenir
d’une priorité organisationnelle en lien à un partenariat en
dépendance. Le même dilemme peut également être vécu en
ce qui a trait à la clientèle aux prises avec un trouble mental,
même si elle renvoie formellement à un programme existant
dans l’établissement.
Il faut donc prendre garde que la multitude de « priorités »
à laquelle un CSSS fait face ainsi que la variété des priorités
territoriales d’un CRD ne soient pas un empêchement au
développement d’un partenariat entre eux et à l’investissement
de ressources pour mieux desservir les personnes visées.
La remise dans le temps :
La planification d’un partenariat et l’apprentissage de faire
autrement exigent du temps, efforts et compétences. Il
s’agit avant tout des activités à offrir à la clientèle. Il peut
s’agir également de rencontres ou de comités de travail, un
retour plus fréquent sur des pratiques à ajuster, des sessions
de formation ou des rencontres de soutien professionnel, le
développement de formulaires et d’outils d’animation ou
d’évaluation ainsi que toute autre tâche qu’amène ce « faire
ensemble et autrement ». Le temps requis pour assumer ces
différentes tâches se fait dans un contexte de compression des
horaires où de convenir d’un temps commun à l’agenda peut
représenter un défi considérable à moins qu’il soit planifié
plusieurs mois d’avance. Le temps a la valeur et l’attention
qu’on lui accorde. La contribution d’un soutien administratif, le
débordement ponctuel et délibéré de la charge de travail ainsi
que la répartition des tâches peuvent faciliter la réalisation de
ces dernières et faire en sorte qu’elles soient accomplies dans
le temps requis ou tout au moins sans trop de retard.
Le qu’en-dira-t-on et la rumeur :
Toute période de changement apporte une mesure d’anxiété
qui exige un niveau supérieur de communication. Dans toute
organisation, l’information circule à la vitesse de l’intérêt que
lui accorde le porteur du message. La rumeur peut être très
mobilisatrice mais sans nécessairement être dans l’esprit et
le sens que souhaiteraient les dirigeants. L’information peut
être de source fiable, sans nécessairement être validée ou être
complètement erronée. Quoiqu’il soit impossible d’empêcher
la rumeur de circuler, elle peut cependant être atténuée ou
contrée par des canaux formels de communication qui sont
ouverts, transparents, efficients et renouvelés en provenance
des gestionnaires en lien aux états de situation, aux décisions
prises ou à prendre, ainsi qu’aux enjeux qu’elles comportent.
Il devient alors très important, à travers cette communication,
de hausser le niveau d’intérêt des acteurs à l’égard du besoin
de changement et de la collaboration requise pour le susciter,
l’entretenir et l’améliorer (Bareil, 2004), permettant ainsi
une plus grande contamination à l’ensemble des équipes
(Collerette et coll., 2003).
Le « prendre comme acquis » :
Ce piège peut résulter de l’attention accordée à des
informations non validées qui auraient eu besoin d’être
corrigées ou nuancées. Il peut donc résulter de la rumeur. Il
est aussi l’expression de connaissances et la manifestation
de pratiques qui peuvent avoir été fondées dans un autre
temps, mais qui n’ont pas été questionnées et mises à jour.
À titre d’exemple, on a longtemps pris comme acquis, dans
le domaine des dépendances, qu’une personne devait
être motivée pour bénéficier de l’aide et qu’elle devait
nécessairement cesser toute consommation pour bénéficier de
cette aide. Les stratégies motivationnelles et de réduction des
méfaits ont grandement contribué à modifier favorablement
ces préconceptions.
Le transfert des connaissances, aux fins de légitimer le projet,
est majeur, autant que les discussions autour de données
probantes. Ce transfert et ces discussions font appel autant
à l’expertise des intervenants qu’à celle des gestionnaires.
Il est profitable de maintenir une attitude d’ouverture, ne
rien prendre comme acquis, pour questionner les façons de
penser et de faire, en se tenant au fait de l’avancement des
connaissances.
La suffisance :
Certains intervenants peuvent avoir une propension à
s’attribuer leurs succès au sujet du traitement, et de laisser à
la clientèle la responsabilité de leurs échecs. Cette propension
est connue en psychologie sociale sous le nom de biais
d’autocomplaisance (Miller et Ross, 1975). La suffisance est
un débordement de confiance en soi qui réduit la capacité de
nuancer et de relativiser les causes de l’efficacité ou de l’échec
37
de l’intervention. La suffisance empêche la reconnaissance de
ses propres limites et le besoin d’avoir recours à l’expertise d’un
partenaire. Elle requiert des mécanismes afin de l’outrepasser.
Un fonctionnement d’équipe, un climat de travail stimulant,
un cadre de supervision ou de soutien professionnel ainsi
qu’un réseautage avec des partenaires sont des exemples de
contextes favorables à l’enrichissement des pratiques.
Les « guerres de chapelles » :
La suffisance et autres dispositions, peuvent mettre à risque
de nourrir des guerres de chapelles, soit des intervenants qui
de par leur statut, leur affiliation corporative ou syndicale, les
conceptions qu’ils entretiennent ou les approches cliniques
qu’ils privilégient entretiennent des relations antagonistes avec
un autre groupe d’intervenants qui adoptent également une
position de fermeture sur d’autres bases. Une telle dynamique
génère de la confrontation et non le développement d’une
communauté de valeurs si importante à la cohérence d’un
ensemble d’intervenants, d’une équipe, d’un service, d’un
programme ou même d’un établissement.
L’isolement dans la pratique :
L’organisation des services cliniques, la charge de travail,
le mode de rémunération, la conception qu’entretient
l’intervenant de son rôle, ainsi que sa personnalité peuvent
contribuer à son isolement au niveau de la pratique. Quelle
que soit l’approche thérapeutique utilisée, la majorité des
psychothérapeutes éprouve des difficultés à négocier les
situations complexes, ambigües et incertaines inhérentes
au processus thérapeutique (Lecomte, 2012). Dans un tel
contexte, l’isolement d’un intervenant dans sa pratique ne
peut que le mettre davantage à risque de vivre un sentiment
d’impuissance et d’incertitude, particulièrement dans un
fonctionnement organisationnel par silo. Plus les troubles de
la clientèle sont graves ou critiques, plus cet isolement est une
contre-indication à l’intervention. Une gestion par processus,
et donc mobilisatrice, permet de contrer plus facilement cet
obstacle.
Le manque de gestion de la
confidentialité :
Comme professionnel et gestionnaire, nous reconnaissons
que la confidentialité est un droit pour la clientèle dans
les services de santé et de services sociaux, ainsi qu’une
obligation professionnelle, sauf dans quelques rares occasions
identifiées par la loi. Comme il a été souligné précédemment,
ce droit demande cependant à être géré en impliquant
l’usager dans la décision de consentir ou pas, et d’une manière
éclairée, à ce qu’une information pertinente soit partagée,
en temps opportun, aux bénéfices de ses propres besoins et
de son cheminement. La concertation et le réseautage sont
impossibles sans une telle gestion du droit à la confidentialité.
À cet égard, l’usager est souvent le premier à déplorer le fait
d’avoir à répéter à nouveau certaines informations relatives à sa
situation et à sa condition ainsi qu’au fait que les intervenants
ne se parlent pas entre eux.
38
CONCLUSION
Le développement d’un partenariat entre un CRD et un CSSS pour venir en aide aux personnes
qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, une dépendance et un trouble de santé
mentale est une expérience à géométrie variable qui tient compte des cultures et des modèles
d’organisation, des réalités locales ainsi que des ressources disponibles. Il n’y a pas un mode
d’opération, ni de code de procédure, et encore moins de recette pour dicter les façons de faire.
Il s’agit d’un engagement mutuel important qui doit prendre la forme, la direction et l’ampleur
que les partenaires veulent bien lui donner en s’appuyant sur des assises et des balises, avec la
conviction qu’ensemble, ils peuvent faire beaucoup mieux qu’en étant seuls.
L’offre de service en dépendance du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS, 2007)
identifie les responsabilités d’un CRD et d’un CSSS pour assurer l’ensemble des services du
continuum d’intervention en dépendance, ainsi que certaines interfaces à développer avec
d’autres partenaires, tels la santé publique, les organismes communautaires et les organismes
intersectoriels.
Ce continuum est appelé à se développer au fil des prochaines années, en mettant à profit des
collaborations de plus en plus présentes entre les CRD et les CSSS au profit d’une amélioration
de la capacité de prévenir, de repérer, de détecter, d’évaluer et de traiter un problème d’abus ou
de dépendance à des substances psychoactives ou au jeu de hasard et d’argent, mais aussi de
mieux répondre aux besoins de clientèles spécifiques comme celles qui présentent un trouble
concomitant de dépendance et de santé mentale (Duguay, 2011).
Des gains importants sont ainsi envisagés au niveau de l’amélioration du fonctionnement
physique, psychologique et social de ces personnes. Une meilleure concertation ainsi qu’un
travail de partenariat à rendre disponible une meilleure offre de service sont aussi susceptibles
de comporter des gains importants au niveau de la consommation des services. Si la condition
générale de santé de ces personnes se stabilise ou s’améliore, cela représente aussi des visites
évitées à l’urgence hospitalière ainsi que des investigations et des traitements réduits pour des
problèmes associés tant sur les plans de la santé physique que de la santé mentale.
Le contenu du présent guide comporte l’ensemble des points de repère qui nous ont semblé
les plus utiles à considérer dans le développement d’un tel partenariat, nourri de l’expérience
conduite à ce jour dans le cadre du programme MOSAIC, mis en place en Montérégie par le
CRD Le Virage et le programme santé mentale et déficience intellectuelle adulte du CSSS PierreBoucher et documenté de nombreuses références venant appuyer ou bonifier cette expérience.
Nous espérons que ce contenu sera une source d’inspiration pour de nombreux établissements,
dans leur intention et leur engagement de développer un rapprochement susceptible de
conduire à un tel partenariat pour répondre de manière plus adaptée aux besoins spécifiques
des personnes qui présentent, ou qui sont à risque de présenter, un trouble concomitant de
dépendance et de santé mentale.
Une grande transparence et un profond désir de répondre aux besoins de la
clientèle de manière efficace s’avèrent d’importantes sources de motivation pour
la réalisation de projets novateurs (Nolan, 2007).
39
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43
Annexe 1
Arbre de décision pour conduire les activités de repérage et de
détection d’un problème de consommation d’alcool ou de drogues
dans les services de 1re ligne du CSSS Pierre-Boucher
Accueil
Analyse
Orientation
(AAO)
Clientèle en
provenance de
l’urgence, des
hôpitaux et de
partenaires
Repérage
systématique
avec CAGE-AID
Services psychosociaux courants
Détection avec l’AUDIT et le DAST-20 si
score de 1 et plus au CAGE-AID
Niveau 1a : moins que 5 pour
une femme et 6 pour un homme
à l’AUDIT et 4 et moins au DAST)
= Traiter à l’intérieur du suivi
psychosocial
Niveau 2a : entre 6 à 12 pour
une femme ou 7 à 12 pour
une homme = Référer au
programme Alcochoix+ avec
suivi psychosocial
Niveau 3a : plus grand que 12
à l’AUDIT ou plus grand que 5
au DAST = référence au CRD
Le Virage ou autre ressource en
dépendance
Services 1re ligne en santé mentale
Détection avec l’AUDIT et le DAST-20 si score de 1 et plus au
CAGE-AID
Repérage systématique avec CAGE-AID
Niveau 1b : moins que 5 pour une femme et 6 pour
un homme à l’AUDIT et 4 et moins au DAST) = Traiter
à l’intérieur du suivi en santé mentale selon le cadre
de partage
Niveau 2b : entre 6 à 12 pour une femme ou 7
à 12 pour une homme = Référer au programme
Alcochoix+ avec suivi en santé mentale selon le
cadre de partage
Niveau 3b : plus grand que 12 à l’AUDIT ou plus
grand que 5 au DAST = intervention intégrée
(séquentielle ou parallèle) avec le CRD Le Virage ou
autre ressource en dépendance selon le profil de la
concomitance (voir la fiche variante de l’intervention
intégrée) et du cadre de partage
44
Annexe 2
VARIANTES DE L’INTERVENTION INTÉGRÉE
SELON LA NATURE DES TROUBLES
Éléments clés
Outils pour repérer, détecter et évaluer les troubles de santé mentale et de dépendance en utilisant les
expertises respectives
Troubles affectifs/
anxieux et
dépendance aux
substances
CRD
Indicateurs et
mécanismes
de liaison ou
d’intégration
CSSS
Meilleures
preuves
d’efficacité
Stress posttraumatique et
dépendance aux
substances
Personnalité
antisociale et
dépendance aux
substances
Personnalité limite
et dépendance
aux substances
a
c
d
f
g
Évaluation de la
dépendance
Évaluation
psychologique
Adaptation
constante du plan
de traitement et
de soutien
Avec 2 ligne SM si
troubles mentaux
sévères
Évaluation de la
dépendance
Avec 2 ligne
SM si troubles
mentaux modérés
et complexes
ou graves non
stabilisés
Avec 2 ligne SM si
troubles mentaux
modérés et
complexes
ou graves non
stabilisés
Avec 1re ligne
SM si troubles
mentaux modérés
et simples
ou graves
stabilisés
Avec 1re ligne si
troubles mentaux
graves stabilisés
En même temps
et thérapie
comportementale
dialectique (TCD)
En même temps et :
- Engagement dans
les services
- Traitement
ambulatoire
- Entrevue visant la
motivation
- Traitement
cognitivocomportemental,
- Réduction des
méfaits
- Soutien de la
réadaptation
psychosociale
e
Avec 1re ligne
SM si troubles
mentaux modérés
et simples
Évaluation
psychologique
Adaptation
constante du plan
de traitement et
de soutien
si les troubles
ne s’améliorent
pas…
si les troubles
ne s’améliorent
pas…
b
e
Services en santé
mentale de 2e
ligne au module
des troubles
affectifs et anxieux
Services en santé
mentale de 2e
ligne au module
des troubles de
personnalité
Séquentielle
et traitement
cognitivocomportemental
(TCC)
En même temps
et traitement
cognitivocomportemental
Séquentielle
e
Pharmacothérapie selon le diagnostic et les indications des études cliniques
Troubles
psychotiques et
dépendance aux
substances
e
45
dépendance
services intégrés
partenariat
CENTRE
LE VIRAGE
santé mentale
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