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REVUE ELECTRONIQUE INTERNATIONALE DE SCIENCES DU LANGAGE
SUDLANGUES N° 14 - Décembre 2010
http://www.sudlangues.sn/ ISSN :08517215 BP: 5005 Dakar-Fann (Sénégal)
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Le texte parle bien de « traités d’amitié, de commerce et de protectorat » mais, dans le
but de « soutenir efficacement les sujets allemands ». Certains spécialistes affirment que
Bismarck avait précisé sa pensée et sa méthode à plusieurs reprises soit dans ses discours au
Reichstag, soit dans les notes secrètes qu’il adressait aux commissaires impériaux, soit dans
ses conversations privées. Seul l’entourage de Bismarck et ses commissaires impériaux
semblaient donc connaître sa pensée.
Le Cameroun allemand pose donc problème au plan juridique. Certains (Dualamann,
1933), (Dika Akwa, 1956), (Ndoh, 1960 : 23) affirment qu’en juillet 1884 le « Cameroun »
avait signé avec l’Allemagne un traité de protectorat d’une durée de trente ans. Mais cette
affirmation n’est pas mentionnée sur le traité de protectorat signé par les Allemands et les
chefs côtiers du Cameroun. Douala Manga Bell utilise d’ailleurs cet argument pour essayer de
convaincre Njoya et les autres chefs sur la fin du protectorat allemand au Cameroun en 1914.
Comme le montre cependant Owona (1996 : 68), aucun document d’une valeur historique ne
contient cette affirmation. Cela avait-il été dit de bouche ce 12 juillet 1884, jour de la
signature du traité ? Ce traité sera d’ailleurs à l’origine de vives protestations de la part des
autres tribus qui n’en étaient pas signataires. Il s’appelle bien « Traité germano-douala ». En
toute logique il n’engageait que les Douala placés sous l’autorité de King Bell et King Akwa.
En quoi engageait-il les Bamiléké, les Bamoun, les Bassa, et les autres tribus du Cameroun ?
Quelque chose semble ne pas aller dans le système colonial allemand. Soit les
instructions données par le Reichstag sont constamment violées dans leur application sur le
terrain, soit l’interprétation des textes pose problème, soit le dit n’est pas dit. Certains textes
parlent en effet de : « traités de protection, de traités d’alliance, de territoires protégés, de
zones soumises à la protection allemande, de prise de possession effective, etc., etc…
D’autres appellent les choses par leurs noms et disent carrément : « colonies » » (Owona,
1996 : 70). Owona va plus loin en affirmant ce qui suit : « Ce n’est pas tout. Si nous jetons un
coup d’œil sur le contenu de ces traités, nous nous apercevons que les souverains indigènes
cèdent à l’Allemagne tous leurs droits de souveraineté, d’administration et de législation de
leurs territoires, clauses qui ne sont évidemment pas celles qu’on trouve habituellement dans
un traité de protectorat. » (Owona, 1996 : 70). Les traités signés par l’Allemagne avaient-ils
valeur de protectorat de droit international ?
Certains spécialistes (Orgeval, 1890 ; Cheradame, 1905 ; Salomon, 1889 ; Despagnet,
1889 ; Owona, 1996 : 71) soutiennent que les traités de protectorat signés par l’Allemagne
avec les chefs indigènes ne pouvaient pas avoir valeur de protectorat de droit international. De
l’avis de ces auteurs, un protectorat de droit international exige que l’Etat protégé et l’Etat
protecteur possèdent chacun la personnalité du droit des gens. « Un véritable protectorat
suppose en effet que l’Etat protégé possède réellement tous les droits de souveraineté dont il
cède une partie à l’Etat protecteur. Il suppose, en deuxième lieu, qu’il conserve son originalité
et sa souveraineté intérieure. Il suppose, enfin, que l’Etat protégé jouit du droit des gens,
c’est-à-dire qu’il a une personnalité juridique internationale. » (Owona, 1996 : 71-72).
De l’avis de ces spécialistes, en 1884, le Cameroun n’était pas un Etat jouissant de la
personnalité du droit des gens. Il ne pouvait donc pas signer un traité de protectorat avec
l’Allemagne qui, elle, avait la personnalité du droit des gens. Quel était le statut réel du
Cameroun allemand ? « Les documents allemands l’appellent Schutzgebiet (pays protégé),
mais dans les milieux internationaux, tout le monde - et l’Allemagne la première - comprend
qu’il s’agit d’une colonie. » (MVENG, 1985 : 67). Etoga (1971) semble avoir trouvé le mot
juste : le Cameroun n’était ni plus ni moins qu’une « colonie commerciale ». Quelle était donc
la place des indigènes dans cette colonie commerciale allemande ?