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REVUE ELECTRONIQUE INTERNATIONALE DE SCIENCES DU LANGAGE
SUDLANGUES N° 14 - cembre 2010
http://www.sudlangues.sn/ ISSN :08517215 BP: 5005 Dakar-Fann (Sénégal)
sudlang@refer.sn Tel : 00 221 548 87 99
LA DEGERMANISATION DU CAMEROUN
Paul zang zang
Université de yaoundé I (Cameroun)
Résumé
Le présent article étudie un phénomène digne d’intérêt au plan scientifique : la
disparition de la langue allemande au Cameroun. Après la défaite de l’Allemagne, les
administrations française et anglaise engagent dès 1916 ce qu’elles appellent à l’époque la
dégermanisation du Cameroun. Ce processus avait pour objectif d’effacer du Cameroun le
souvenir de l’Allemagne.
L’auteur met en doute la thèse selon laquelle la politique de dégermanisation mise en
application par les puissances alliées avait fait disparaître du Cameroun la langue allemande,
de même que celle selon laquelle l’administration coloniale allemande au Cameroun n’avait
pas de politique linguistique. La disparition de la langue allemande suscite en effet des
questionnements. Pourquoi le français et l’anglais n’ont-ils jamais disparu du Cameroun alors
que ce pays a accédé depuis un demi-siècle à l’indépendance ? Pourquoi le pidgin english n’a-
t-il jamais disparu ? Pourquoi le camfranglais persiste-t-il ?
On peut raser les symboles matériels d’une civilisation, mais pour faire disparaître une
langue vivante, il faudrait utiliser des méthodes dignes d’intérêt au plan scientifique. Avant
d’engager des recherches sur les méthodes utilisées par les Alliés pour dégermaniser, l’auteur
se propose de vérifier si la politique de germanisation du Cameroun n’avait pas été un échec.
Mots-clés : dégermanisation, apartheid, politique linguistique, politique de population.
Abstract
This article studies a phenomenon scientifically worth of interest: the disappearance of
the German language in Cameroon. After the defeat of Germany, the French and English
administrations undertook as from 1916 what they called the de-germanization of Cameroon
at that time. This process aimed at erasing memories of Germany from Cameroon.
The author is not in agreement with the thesis contending that the policy of de-
germanization implemented by the allied forces was instrumental in erasing the German
language from Cameroon, as well as the thesis claiming that German colonial administration
had no language policy. In fact, the disappearance of the German language gives rise to some
questions: why have English and French not disappeared from Cameroon whereas this
country had attained independence half a century ago? Why has Pidgin English never
disappeared? Why does Cameroon French English “Camfranglais” persist?
One can eradicate material symbols of a civilization, but to erase a living language,
you must use scientifically relevant methods. Before carrying out research on methods used
by the Allied forces to de-germanize Cameroon, the author seeks to verify whether the policy
of germanization of Cameroon has not been a failure.
Key-words: de-germanization, apartheid, language policy, population policy.
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INTRODUCTION
Certains spécialistes (Memmi, 1985) avaient estiqu’après les indépendances des
pays africains, les langues coloniales disparaîtraient de ce continent. Cinquante ans après, la
réalité semble prouver le contraire. Les recherches sociolinguistiques sur le Cameroun (Féral,
1975, 1979), (Koenig, Chia et Povey, 1983), (Dieu et Renaud, 1983), (Bitja’a Kody, 2004),
(Sol, 2009), confirment la vitalidu français, de l’anglais et du pidgin english, la naissance
d’une langue hybride appelée camfranglais (Essono, 1997), (Ntsobe, Biloa et Echu, 2008) et
la disparition de la langue allemande du paysage linguistique camerounais. Pourquoi le
français et l’anglais n’ont-ils jamais disparu du Cameroun malgré le fait que ce pays a acquis
depuis un demi-siècle son indépendance vis-à-vis de la France et de l’Angleterre ? Pourquoi
le pidgin english1 n’a-t-il jamais disparu du Cameroun malgré toutes les formes de minoration
qu’il a subies depuis le protectorat allemand jusqu’à l’administration post-coloniale, en
passant par le mandat et la tutelle franco-britannique ? Pourquoi le camfranglais se développe-
t-il malgré le fait qu’il est fortement combattu ? Mais comment donc expliquer la disparition
de l’allemand ? La destruction des symboles matériels du Reich avait-elle entraîné la
disparition de la langue allemande ?
Notre hypothèse est que la toute première condition de réussite d’une politique
linguistique (Ndamba, 1996) est qu’elle soit soutenue par une politique de population
appropriée (Kamdoum, 1994) : pas de locuteur, pas de langue, pas de politique linguistique.
Avant d’engager des recherches sur les méthodes utilisées par les Alliés pour dégermaniser,
nous allons commencer par vérifier si la germanisation du Cameroun avait eu lieu. Nous nous
posons à cet effet les questions suivantes : l’administration coloniale allemande au Cameroun
avait-elle une politique de population ? S’était-elle souciée de l’expansion de la langue
allemande au sein de la population indigène ? S’était-elle souciée de faire émerger au
Cameroun une élite intellectuelle autochtone germanophone et germanophile à travers
laquelle cette langue allait rayonner ? Avait-elle réussi à encourager la production littéraire et
scientifique en allemand par les Camerounais ? Les Camerounais avaient-ils oppo une
résistance à la germanisation ?
La dégermanisation est conçue ici comme ayant une causalité externe et une causalité
interne. Laction des puissances alliées fait partie de la causalité externe. Dans notre cadre
théorique, la langue est un continuum2 qui a un centre et une périphérie. Notre travail se
1 s 1914, suite à un Arrêté signé par le Gouverneur allemand, l’usage du pidgin english est déclaré crime
d’Etat au Cameroun. En 2014 le pidgin english aura cent ans de vitalité et d’historicité dans la clandestinité. Le
texte officiel faisant de lui une langue interdite au Cameroun n’a jamais éabrogé. On peut encore lire, à
l’entrée du campus de l’Université de Buea, en gros caractères : « NO PIDGIN ENGLISH IN THE CAMPUS ».
2 Certains théoriciens du français en Francophonie pensent que le centre du continuum se trouve à Paris. Dans
cette perspective, « français central » est synonyme de « français de Paris ». Dans notre conception, la langue est
un système ouvert qui se présente sous la forme d’un continuum ayant un centre et une périphérie. Le
continumm est représen par des cercles concentriques. Le centre est occupé par une variété linguistique
centrale, des institutions centrales ayant cette variété linguistique pour langue officielle de fait ou de droit, et une
masse parlante centrale elle-aussi qui la pratique et connaît les normes de son usage correct. Les cercles
concentriques constituent les frontières entre les variétés linguistiques. La langue est polynormée mais il existe
une hiérarchie des normes, ascendante quand on va de la périphérie vers le centre et descendante quand on va du
centre vers la riphérie. Cependant, une école perdue au fin fond de la forêt équatoriale, ou bien une université
francophone située à Beyrouth mais qui pratique les normes centrales est considérée comme étant au centre du
continuum. Ce sont les institutions centrales et l’élite centrale qui soutiennent la variété linguistique centrale.
L’élite intellectuelle centrale doit avoir des comportements centraux et être affectée à des postes centraux, dans
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subdivise en cinq parties : la première analyse le modèle colonial allemand, la deuxième,
étudie sa mise en application dans les médias et dans le système éducatif, la troisième
examine les réformes apportées à ce modèle, la quatrième, les résistances à la germanisation
et la cinquième, la question de l’élite intellectuelle germanophone.
I. LE MODELE COLONIAL ALLEMAND
D’après certains spécialistes (Stumpf, 1979), (Rudin, 1938 : 172), (Mveng, 1985 : 44),
(Dong Mougnol, 2008 : 188), au moment où les Allemands prennent possession du territoire
camerounais, la seule vraie motivation de leur aventure coloniale est l’exploitation des
ressources du territoire conquis. Pour les fenseurs de cette thèse, les Allemands n’avaient
aucune politique culturelle, aucune politique linguistique, aucun modèle colonial. Cette thèse
suscite cependant des questionnements. Les Allemands pratiquaient-ils la navigation à vue ?
Étaient-ils des apprentis colonisateurs ? De l’avis d’autres spécialistes, (Renouvin, 1950 :
196-197), (Brunschwig, 1957 : 97-99), (Owona, 1996 : 70), Bismark ne voulait pas que
l’Allemagne s’engage dans une « expansion coloniale de type classique. » Quel était donc ce
modèle colonial qui n’était pas de type classique ?
1.1 Un modèle colonial opaque
De l’avis de certains spécialistes, l’Allemagne n’avait pas de tradition coloniale
comme en avaient l’Angleterre, l’Espagne, la France, le Portugal. C’est une frange de l’élite
intellectuelle allemande favorable à la colonisation et la création de sociétés coloniales
privées a la fin du 19e siècle qui pousseront le Reichstag dans l’aventure coloniale.
En 1841, l’économiste Friedrich List (1904 : 216), (Owona, 1996 : 21) écrit dans un
ouvrage lèbre : « Les colonies sont le meilleur moyen de développer les infrastructures, le
commerce extérieur, et enfin une marine respectable ». De nombreuses sociétés coloniales
voient le jour en Allemagne dans la première moitié du 19e siècle. Celles-ci ont pour but
d’encourager les Allemands à l’émigration. D’importants noyaux d’Allemands se forment en
des institutions centrales. Il peut cependant arriver qu’au sein de cette masse parlante, on trouve des
comportements centrifuges et des comportements centripètes, des comportements centraux et des comportements
périphériques. La corruption par exemple est un comportement riphérique. Pratiquée par des personnes ayant
des positions centrales, dans des institutions centrales, elle a tendance à se centraliser, voire à s’institutionnaliser.
Des pratiques linguistiques périphériques adoptées par des personnes ayant des positions centrales ont tendance à
se centraliser. La centralité n’a ni un caractère ethnique ni un caractère géographique. Quand elle a un caractère
ethnique, la langue est condamnée à disparaître après le départ ou la mort du locuteur natif. Cela peut donner lieu
soit à un superstrat soit à l’extinction pure et simple de la langue. On peut avoir au Cameroun ou au négal des
personnes aux pratiques et comportements centraux, de même qu’à Paris des personnes aux comportements et
pratiques périphériques. Le même individu peut évoluer dans le temps et dans l’espace. Mongo Beti dans ses
premiers jours d’écrivain francophone avait des pratiques centripètes mais, à la fin de ses jours, était centrifuge.
Ahmadou Kourouma et Patrice Nganang n’ont-ils pas été couronnés par de nombreux prix francophones ? Leur
couronnement n’équivaut-il pas à la reconnaissance institutionnelle de leurs pratiques riphériques ? Il y a une
différence entre les politiques linguistiques in vitro et celles in vivo. Les thèses in vitro peuvent avoir des
conquences inimaginables in vivo. C’est le cas des celles qui s’appuient sur le locuteur natif, dans ce cas précis
de la présente étude, des thèses selon lesquelles l’individu ne peut parvenir à la science que s’il est éduqué dans
sa langue maternelle. La grammaire générative, la psycholingustique, la psychopédagogie peuvent justifier leur
bien fondé. Cependant en matière de politiques linguistiques, elles justifient l’apartheid.
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Amérique du nord et en Amérique du sud, particulièrement au Brésil. De 1815 à 1870, on
estime à 4 millions le nombre d’Allemands ayant quitleur pays d’origine et à 3 millions le
nombre de ceux qui sont partis d’Allemagne entre 1870 et 1914. Ce n’est donc pas
l’Allemagne en tant qu’Etat qui se lance dans l'aventure coloniale : ce sont de grosses firmes
commerciales allemandes aux destinées desquelles président Woermann à Hambourg,
Luderitz à Brême, etc. En 1883, la Chambre de Commerce allemande publie sur le territoire
qui deviendra le Cameroun un rapport (Zang Zang, 2006 : 86-87) dans lequel le territoire est
dépeint comme un eldorado et ses populations comme pacifiques mais regrette que le
Reichstag ne prête pas main forte aux colons allemands comme le font la France et
l’Angleterre pour leurs ressortissants.
Jusqu’en 1883, la pene de Bismarck, est claire : le Chancelier de fer et une bonne
partie de l’opinion publique allemande sont contre l’aventure coloniale. Bismarck pense à
cette époque que le commerce et la colonisation sont deux choses tout à fait différentes.
Cautionner l’aventure coloniale, pour lui, ne peut se limiter qu’à la protection du commerce
allemand. Cependant, les conseillers de Bismarck subissent les pressions des grosses firmes
commerciales allemandes qui s’emploient par ailleurs à infléchir la position de l’opinion
publique opposée à l’aventure coloniale.
Dès 1884, Bismarck change d’opinion sans voiler sa stratégie. Pourquoi Bismarck
ne s’intéresse-t-il à l’acquisition des colonies qu’à partir de 1884 ? Certains spécialistes
(Brunshwig, 1971 : 97), (Stumpf, 1979 : 24) proposent quatre réponses à cette question :
1- Bismarck voulait profiter des tensions entre l’Angleterre et la France au Soudan, et
entre l’Angleterre et la Russie en Afghanistan pour engager sa nouvelle politique
expansionniste.
2- Bismarck aurait été convaincu par von Kusserow que le soutien logistique et
militaire du Reich étaitcessaire aux commerçants.
3- Bismarck estimait que l’ambiance nationale accepterait une politique coloniale
motivée par des raisons économiques.
4- Bismarck considérait la kolonialpolitik comme un instrument d’intégration
nationale et de politique intérieure.
En fait Bismarck se lance dans laventure coloniale pour défendre son image auprès de
l’opinion publique allemande favorable à la colonisation. Pour Stumpf, la situation intérieure
en Allemagne pesait certainement sur le grand chancelier. Celui-ci désirait certainement un
« tranquillisant » pour l’opinion publique intérieure afin d’équilibrer sa plate-forme électorale.
Dans une lettre à Münster datée du 25 janvier 1885, Bismarck affirme : « la question
coloniale pour des raisons de politique intérieure était devenue une question vitale, et même si
le plus petit bout de Nouvelle Guinée était sans valeur pour sa politique, il serait plus
important que l’Egypte… » (Stumpf, 1979 : 25). LAllemagne doit donc avoir sa part dans le
partage de lAfrique. Il faut faire vite, c’est-à-dire s’approprier en un temps record les terres
encore disponibles. S’agissant du Cameroun, c’est à une véritable course contre la montre
qu’Allemands et Anglais se livrent pour hisser leurs drapeaux sur le territoire qui deviendra le
Cameroun. Le traité de protectorat dit « traité germano-douala » est sigle 12 juillet 1884
par les Allemands dune part, King Bell et King Akwa d’autre part. Bismarck ne laisse pas
deviner ses intentions : « Pour atteindre le but que nous nous proposons, nous nous
contenterons de signer des traités d’amitié, de commerce et de protectorat, qui nous
permettront de soutenir efficacement les sujets allemands » (Instructions de Bismarck au
Docteur Nachtigal, 19 mai 1884, cité par Decharme, (1903 : 44) et Owona, (1996 : 70)).
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Le texte parle bien de « traités d’amitié, de commerce et de protectorat » mais, dans le
but de « soutenir efficacement les sujets allemands ». Certains spécialistes affirment que
Bismarck avait précisé sa pensée et sa méthode à plusieurs reprises soit dans ses discours au
Reichstag, soit dans les notes secrètes qu’il adressait aux commissaires impériaux, soit dans
ses conversations privées. Seul l’entourage de Bismarck et ses commissaires impériaux
semblaient donc connaître sa pensée.
Le Cameroun allemand pose donc problème au plan juridique. Certains (Dualamann,
1933), (Dika Akwa, 1956), (Ndoh, 1960 : 23) affirment qu’en juillet 1884 le « Cameroun »
avait signé avec l’Allemagne un traité de protectorat d’une durée de trente ans. Mais cette
affirmation n’est pas mentionnée sur le traité de protectorat signé par les Allemands et les
chefs côtiers du Cameroun. Douala Manga Bell utilise dailleurs cet argument pour essayer de
convaincre Njoya et les autres chefs sur la fin du protectorat allemand au Cameroun en 1914.
Comme le montre cependant Owona (1996 : 68), aucun document d’une valeur historique ne
contient cette affirmation. Cela avait-il été dit de bouche ce 12 juillet 1884, jour de la
signature du traité ? Ce traité sera d’ailleurs à l’origine de vives protestations de la part des
autres tribus qui n’en étaient pas signataires. Il s’appelle bien « Traité germano-douala ». En
toute logique il n’engageait que les Douala placés sous l’autorité de King Bell et King Akwa.
En quoi engageait-il les Bamiléké, les Bamoun, les Bassa, et les autres tribus du Cameroun ?
Quelque chose semble ne pas aller dans le système colonial allemand. Soit les
instructions données par le Reichstag sont constamment violées dans leur application sur le
terrain, soit l’interprétation des textes pose problème, soit le dit n’est pas dit. Certains textes
parlent en effet de : « traités de protection, de traités d’alliance, de territoires protégés, de
zones soumises à la protection allemande, de prise de possession effective, etc., etc…
D’autres appellent les choses par leurs noms et disent carrément : « colonies » » (Owona,
1996 : 70). Owona va plus loin en affirmant ce qui suit : « Ce n’est pas tout. Si nous jetons un
coup d’œil sur le contenu de ces traités, nous nous apercevons que les souverains indigènes
cèdent à l’Allemagne tous leurs droits de souveraineté, d’administration et de législation de
leurs territoires, clauses qui ne sont évidemment pas celles quon trouve habituellement dans
un traité de protectorat. » (Owona, 1996 : 70). Les traités signés par l’Allemagne avaient-ils
valeur de protectorat de droit international ?
Certains spécialistes (Orgeval, 1890 ; Cheradame, 1905 ; Salomon, 1889 ; Despagnet,
1889 ; Owona, 1996 : 71) soutiennent que les traités de protectorat signés par l’Allemagne
avec les chefs indigènes ne pouvaient pas avoir valeur de protectorat de droit international. De
l’avis de ces auteurs, un protectorat de droit international exige que l’Etat protégé et l’Etat
protecteur possèdent chacun la personnalité du droit des gens. « Un véritable protectorat
suppose en effet que l’Etat protégé possède réellement tous les droits de souveraineté dont il
cède une partie à l’Etat protecteur. Il suppose, en deuxième lieu, qu’il conserve son originalité
et sa souveraineté intérieure. Il suppose, enfin, que l’Etat protégé jouit du droit des gens,
c’est-à-dire qu’il a une personnalité juridique internationale. » (Owona, 1996 : 71-72).
De l’avis de ces spécialistes, en 1884, le Cameroun n’était pas un Etat jouissant de la
personnalité du droit des gens. Il ne pouvait donc pas signer un traité de protectorat avec
l’Allemagne qui, elle, avait la personnalité du droit des gens. Quel était le statut réel du
Cameroun allemand ? « Les documents allemands l’appellent Schutzgebiet (pays protégé),
mais dans les milieux internationaux, tout le monde - et l’Allemagne la première - comprend
qu’il s’agit d’une colonie. » (MVENG, 1985 : 67). Etoga (1971) semble avoir trouvé le mot
juste : le Cameroun n’était ni plus ni moins qu’une « colonie commerciale ». Quelle était donc
la place des indigènes dans cette colonie commerciale allemande ?
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