MISSION TAO-YANGZI AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE SERVICE POUR LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE 1er NOVEMBRE ET 13 DECEMBRE 2008 MISSION CARTOGRAPHIQUE INNOVATION - AXE DU YANGZI PARTIE I EN REMONTANT L’AXE DU YANGZI 1 Jean-Marie Rousseau MEGALESE - Ile-de-France Technologies MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE – NOV. & MISSION CARTOGRAPHIQUE INNOVATION - AXE DU YANGZI * * * Partie I En remontant l’Axe du Yangzi * Résumés français, anglais et chinois de la Partie I * Table des matières de la partie I 1. Objectifs et contenu de la mission TAO-Yangzi : 2. Contexte et état des lieux : trois questionnements 3. Passerelles vers le futur * Annexes de Partie I * * * Partie II L’innovation aux sources de la compétitivité * Résumés français, chinois et anglais de la Partie II * Table des matières de la Partie II 4. Parcs et Cité : Atmosphère ? Atmosphère ?!... 5. Des diagnostics à l’élaboration de stratégie : enquêtes TAO sur 6 sites 6. Examen des positionnements de sites, ‘deux à deux’… et ‘dos à dos’ * Annexes de Partie II 2 DEC. 2008 Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite selon le Code de la propriété intellectuelle (art. L 122-4) et constitue une contrefaçon réprimée par le Code pénal. Seules sont autorisées (art. 122-5) les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, ainsi que les analyses et courtes citations justifiées par la caractère critique, pédagogique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées, sous réserve, toutefois, du respect des dispositions des articles L 122-10 à L 122-12 du même Code, relatives à la reproduction par reprographie. MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE – NOV. & DEC. 2008 Jean-Marie Rousseau, MEGALESE - Ile-de-France Technologies * Résumés français, anglais et chinois de la Partie I * * * Partie I - En remontant l’Axe du Yangzi 1. Objectifs et contenu de la mission TAO-Yangzi : 1.1. Cartographie de l’innovation : explorer de nouvelles ‘Valleys de croissance’ 1.2. En dépit des optimismes des premiers jours… 1.3. La Chine prise dans un effet domino 1.5. Innovation et Hi-Tech chinoises : nouvelle étape de croissance, dernière chance de reprise économique ? 2. Contexte et état des lieux : trois questionnements 2.1 Une ‘success story’ qui risque de tourner court ? 2.2. Duplications des parangons ou nouveaux modèles de croissance ? 2.3. L’axe du Yangzi, corridor économique et technologique ? 3. Passerelles vers le futur 3.1. L’innovation, troisième étape de la stratégie de croissance 3.2. De la nécessité d’une analyse méthodologique 3.3. Justification de la méthodologie TAO 3.4. Capitalisation du ‘réservoir’ humain et intellectuel * * * Annexes de Partie I Annexe 1 - Analyse des dépenses R&D, en valeur relative para rapport au PIB, et en valeur absolue, par Province Annexe 2 - Classements des universités chinoises selon indications de l’Ambassade de France tirées pour la plupart de statistiques présentées sur le site web suivant : http://edu.sina.com.cn/kaoyan/2007-09-27/1604102332.shtml 3 Annexe 3 - Nombre de projets 863 et dépenses afférentes par Province en 2004 Dépenses en R&D (nationales brutes) par Province et par Secteurs (Recherche fondamentale, recherche appliquée et développement) en 2007 (MOST) Annexe 4 - Comparison of Tsinghua University (TU) and Chongqing University (CQU), p. 247-250 – OECD Reviews of Innovation Policy – CHINA, OECD 2008 * * * MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 Résumé de la Partie I : En remontant l’Axe du Yangzi La mission commanditée par le Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France à Pékin en novembre et décembre 2008, a eu pour objectif de comparer les capacités d’innovation de pôles de croissance jalonnant le fleuve Yangzi, sur les sites de Nanjing, Wuhan, Chongqing et Chengdu. S’appuyant sur la méthodologie TAO déjà expérimentée en Chine en 2005, l’enquête a permis d’observer le potentiel de ces sites, en comparaison de deux sites confirmés à haut niveau de compétitivité, Shanghai et Pékin. La Chine s’inquiète maintenant de ne plus pouvoir préserver le taux de croissance à deux chiffres qui était encore le sien en 2007, mais les chiffres ne reflètent même pas la dure réalité, sans doute parce qu’ils mesurent essentiellement ce qui appartient déjà au passé… On reparle alors de grands travaux demandeurs de main-d’œuvre, mais aussi et surtout, on évoque les secteurs capables de résister à la crise et de gagner une avance technologique de niveau mondial… Il faut aussi se demander si la Chine n’avait pas envisagé trop tard une nouvelle orientation de son économie, tant en termes de secteurs industriels et technologiques, qu’en fonction d’un équilibre géographique et de développements régionaux différenciés…. Si pendant plus de 20 ans de croissance, la Chine s’est satisfaite de sa réputation non usurpée ‘d’Atelier du monde’ (World’s Workshop), elle a fini par réaliser que cette stratégie n’était pas tenable à long terme. Le gouvernement central s’est attaché alors à accélérer le processus d’une deuxième étape par des investissements massifs en R&D et une série de mesures visant à l’accès du pays au rang de ‘Laboratoire du monde’ (World’s Lab)… Le gouvernement central, par l’intermédiaire du MOST et son organe opérationnel, le Programme TORCH, a créé de 1984 à 2006, 54 Zones de Développement Techno-économique (ETDZ), pour maintenant encourager les investissements en R&D et ouvrir des fenêtres sur l’avenir… La Chine ne peut pas non plus laisser passer de nouvelles opportunités en ignorant les immenses gisements de ressources humaines et les forces vives internes au pays, pour prendre conscience de la primauté de « l’environnement humain » sur l’espace, en tant que véritable « socle » du monde chinois. C’est dans ce contexte que l’enquête TAO a été menée. La méthodologie TAO repose avant tout sur la prise en considération de trois axes identifiés dans la mise en œuvre locale d’une politique d’innovation au bénéfice de la compétitivité à long terme de territoires. Ainsi, TAO - 韬 : Stratégie en chinois -, propose une approche portant sur ‘TechnologyEnterprise Driven Areas’ (Territoires et entreprises technologiquement performants), ‘Attractiveness of Talents’ (Attractivité des talents) et ‘Open-Minded Climate for Risk-Taking and Entrepreneurship Spirit’ (Ouverture d’esprit et climat favorables à l’entrepreneuriat et à la prise de risques). La cartographie de la politique d’innovation doit préalablement prendre en compte deux critères : 1) la mesure du degré d’intégration de l’innovation dans la cité ; 2) l’appréhension exhaustive du capital humain et intellectuel. Sur ce dernier critère, Pékin sans conteste est en position de tête, alors que les universités de l’Axe du Yangzi tiennent une place encore relativement honorable. Considérant donc le niveau des infrastructures matérielles et immatérielles de R&D et d’éducation, Pékin avec 12 points sert d’étalonnage, tandis que Shanghai maintient sa place de deuxième avec 6 points et que viennent 4 ensuite Nanjing avec 5 points, Wuhan avec 4 points, Chengdu avec 3 points, puis Chongqing avec 2 points. Cependant, cela ne laisse pour autant présager ni de la supériorité de Pékin en matière de politique d’innovation, ni de la promesse dont les autres sites chinois pourraient être porteurs. Dans la Partie II - L’innovation aux sources de la compétitivité -, nous examinons précisément la façon dont certains sites chinois abordent cette phase de croissance économique, maintenant liée à la politique d’innovation. MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 第一 : 逆上扬子江 2008 年 11 月至 12 月,受北京法国驻华使馆资助的这项任务目的是:通过 2005 年 已经 应用 于中 国的 “ 韬 ” 方法 对扬 子江 区域 :南 京、 武汉 、重 庆、 成都 的发 展区创新能力进行比较。通过与两个竞争力很强的上海、北京相对比,调研以 上城市科技园的竞争力潜力。 中国现在开始担忧能否保持其在过去几年(直至 2007 年)内保持的 两 位数的增 长 率, 但 数字 衡量 的只 是过 去, 并不 能反 映当 前困 难的 事实 。因 此我 们会 再次 提到能解决大量就业的大工程,也会特别提到那些有能力抵抗危机,能够取得 领先于世界的先进技术的行业赢家 …… 值得一提的是,就产业和技术的调整以及经济发展平衡和不同地区发展而言, 中国考虑调整其经济发展的方向是不是太晚了。如果说中国在其 20 年的发展中 , 对其赢得的“世界工厂”的名声感到很满意的话,它最终也已意识到这个策略 不会长久。中央政府已经加快了基于大规模研发投资的第二阶段发展,一系列 的措施瞄向了跻身“世界实验室”行列中…… 中 央政 府通 过 “ 国 家科 技部 ” 以 及其 运行 机构 “ 火 炬中 心 ” 、 在 1984-2006 年 之间 建立了 54 个国家高新技术产业开发区,来持续鼓励研发投资面向未来 …… 中国不能忽略内陆各领域巨大人力资源对国家发展所带来的新机会,中国很清 楚“人文环境”作为中国的真正“基石”要优于空间地理环境,正是在这一背 景下才产生了 “韬”这个调研任务。 5 “韬”方法是通过三个要素来评估促进地区竞争力发展的长期创新政策的实施 状 况 。 “ 韬 ” (TAO) 的 中 文 意 思 : 策 略 。 T 表 示 “ 科 技 企 业 为 主 导 的 地 区 ” ; A 表示“对人才的吸引力”; O 表示 “有利于创业精神的开明环境”。 创 新 政 策 的 制 定 应 该 有 两 个 标 准 : 1) 对 创 新 与 城 市 结 合 程 度 的 衡 量 ; 2) 对 人 力资源和智力资源的完全尊重。在第二点上,北京毫无疑问的处于领先位置, 而扬子江轴线上的学院也毫不逊色。以有形的基础设施水平和无形的研发和教 育 来 看,北京为 12 分,而上海以 6 分居 位于次, 接着 是南京 5 分,武汉 4 分, 成都 3 分,最后重庆 2 分。然而,这并不代表北京在创新政策上的优越,也不是 说中国其他地区没有潜力而言。 在第二部分 — —“创新,竞争力的源 泉” 我们将关注 中国一些地区 结合 创新政 策的以寻求经济发展的方法。 MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 Summary of Part I: Up Streaming the Yangzi River Axis This mission has been carried out on behalf of the S&T Service of the French Embassy in Beijing during November and December 2008 and with the aim of comparing innovation capacities in clusters all along the Yangzi River Axis, from Nanjing, Wuhan, and Chongqing, up to Chengdu. Based on the so-called TAO methodology, already experimented in China in 2005, the survey enabled observing the potential of four sites, by benchmarking with two high level Chinese sites in terms of competitiveness: Shanghai and Beijing. China is now concerned about maintaining its two-digit growth rate that was enjoyed the last few years (up to 2007), but figures do not even reflect the hard reality, while they doubtless are essentially belonging to the past… We then speak again about large national industrial works able to create employment, but we also evoke sectors capable of successfully facing the recent crisis as well as achieving a global technological edge… It is also worthy wondering whether China considered orientating its economy too late, in terms of industrial and technological sectors, as well as in terms of economical balance and differentiated regional developments. After more than 20 years of growth, since China was satisfied with its reputation of “World’s Workshop”, it eventually realised that this could not be a credible and a long run strategy. The Chinese central government then attempted to accelerate a second stage process by massive investments in R&D and a series of measures aiming at easing the country to access the position of the “World’s Lab”… The central government, through the MOST and its operational body, the TORCH Programme Centre, created 54 Economic Technological Development Zones (ETDZ) from 1984 to 2006, and has now started enhancing R&D investments for an open window to the future… China cannot allow passing new opportunities by denying the broad fields of human resources it contributed to develop within the country, and it is aware of the significant human environment as more preponderant than spatial 6 matters, as the real "anchor" of the Chinese world. It was in this context that the TAO survey was undertaken. The Innovation policy mapping will first track two key criteria: 1) the measurement of integration rate of the innovation in terms of citizenship; 2) the apprehension concerning the human and intellectual resources. As for the latter criterion, Beijing unquestionably is in a leading position, while the universities of the Yangzi Axis hold a still relatively honourable place. Thus, considering the level of the ‘material’ and ‘immaterial’ infrastructures of R&D and education, Beijing with 12 points serves as calibration, whereas Shanghai maintains its place of second with 6 points, whereas Nanjing follows with 5 points, Wuhan with 4 points, Chengdu with 3 points, and then Chongqing with 2 points. However, this advocates neither the superiority of Beijing in terms of innovation policy, nor the promising position of the other Chinese sites. With Part II – ‘Innovation as a spring of competitiveness’ -, we will observe the way certain Chinese sites approach this phase of economic growth, now connected to innovation policy. MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 Partie I En remontant l’Axe du Yangzi 7 Jean-Marie Rousseau MEGALESE - Ile-de-France Technologies SIGLES ET ACRONYMES BCG Boston Consulting Group CAE Chinese Academy of Engineers CAS Chinese Academy of Sciences CASS Chinese Academy of Social Sciences CASTED Chinese Academy of S&T Strategic Development CCIFC Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine CCMG National Engineering Research Center for Magnesium Alloys – Université de Chongqing 8 CDHT Chengdu Hi-Tech Developing Zone CEDR Commission d’Etat pour le Développement de la Réforme CETDZ Chongqing Economic Technological Development Zone CIADT Comité Interministériel pour l’Aménagement et le Développement du Territoire CISTP China institute for Science and Technology Policy (Tsinghua University) CNRS Centre National de la Recherche Scientifique CNTDZ Caohejing New Technology Development Zone CORDIS Community Research & Development Information Service (portail officiel pour la participation au 7ème Programme Cadre de R&D de la Commission européenne CSTC Chongqing Science & Technology Commission CUAA Concordia University Alumni Association DIACT Délégation à l’Aménagement et à la Compétitivité du Territoire DG XIII Direction Générale XIII de la Commission européenne (avant 2000) EASW European Awareness Scenario Workshop EBD Ecology Business District - Chongqing EIS European Innovation Scoreboard ERRIN European Regions Research and Innovation Network ETDZ Economic and Technological Development Zone(s) EUPIC European Union Project Incubation Centre - Chengdu FDI Foreign Direct Investments GEI Greatwall Enterprise Institute (Greatwall Strategy Consultants) GREF Génie Rural des Eaux et Forêts HIDZ High-tech Industrial Zone(s) HTIDZ High-Tech Industry Development Zone (Nanjing et Chongqing) HTP High Tech Park(s) IASP International Association of Science Parks INRIA Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique IRD Institut de Recherche pour le Développement ISCED International Standard Classification of Education IT Information Technologies 9 ITTC International Technology Transfer Centre LIAMA Laboratoire Franco-Chinois de Recherche en Informatique, Automatique et Mathématiques Appliquées MOST Ministry of Science and Technology NBR National Bureau of Asian Research NETDZ Nanjing Economic Technological Development Zone NIH Not Invented Here NIS National Innovation System NTTC National Technology Transfer Center OCDE/OECD Organisation de coopération et de développement économiques / Organisation for Economic Co-operation and Development PHIR Potential Human and Intellectual Resources PIB Produit Intérieur Brut PME Petites et Moyennes Entreprises PNUD/UNDPProgramme des Nations Unies pour le Développement / United Nations Development Programme RDT Réseaux de Développement Technologique R&D Recherche et Développement RIS Regional Innovation System RMB Ren Min Bin (Yuan) SCAC Service de Coopération et d’Action Culturelle SNHTSC Shanghai New High Technology Service Center S&T Sciences et Technologies STTE Shanghai Technology Transfer & Exchange SWOT Strengths – Weaknesses – Opportunities - Threats TBEI Tableau de Bord Européen de l’Innovation TIC Technologies de l’Information et de la Communication TORCH High Technology Industry Development Center UE/EU Union Européenne / European Union UECST University of Electronics and Chinese Sciences and Technologies 10 UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Education la Science et la Culture / United Nations for Education, Science and Culture Organisation UNU-MERIT United Nations University – Maastricht Economic Research Institute on Innovation and Technology WEDZ Wuhan Economic & Technological Development Zone WELHDZ Wuhan East Lake Hi-tech Development Zone WIP Centre d’ingénierie Télécoms et Optique de Wuhan WNLO Wuhan National Laboratory of Optoelectronics WTDZ Wuhan Technological Development Zone ZGC Zhongguancun * * * 1. Objectifs et contenu de la mission TAO-Yangzi 1.1. Cartographie de l’innovation chinoise : explorer de nouvelles ‘Valleys de croissance’ Cartographier l’innovation en Chine ne devrait plus être une gageure mais au contraire une nécessité pour les entreprises et les territoires français soucieux de rester compétitifs dans l’économie de la connaissance. Le défi de nos régions passe également par des chemins privilégiés d’échanges et de coopération le long de chaînes de valeurs et de compétences à un niveau mondial où la Chine tient de plus en plus une place privilégiée. Cependant, pour la plupart des économistes occidentaux, la Chine reste curieusement une vaste “Terra incognita”, depuis que régulièrement ce pays réussit à démentir les pronostics les plus pessimistes et à surmonter avec bonheur tous les obstacles sur lesquels il était censé 11 buter, jusqu’à gagner en une vingtaine d’années une des positions économiques les plus enviables au monde. De nos jours, les analystes économiques et observateurs politiques de la Chine continuent à n’accorder de l’intérêt qu’aux riches et prospères ‘vitrines’ de la côte orientale. De la même façon, les medias se montrent incapables de percevoir et de nous informer sur l’impressionnant changement du paysage chinois d’où émergent de nouvelles “Routes et Valleys de Croissance” sur des axes divergeant de la traditionnelle zone de prospérité de la côte. Sous l’égide de ‘Ile-de-France Technologie’ (RDT Mégalèse), la mission s’est précisément proposé d’étudier la percée d’un nouveau « greffon » – parmi tant d’autres - qui, loin d’être une simple extension de l’hinterland de Shanghai, deviendrait un facteur primordial de changement : l’Axe du Yangzi… Dans ce cadre géographique, l’exploration sur le terrain, lancée sur commandite du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France à Pékin en novembre et décembre 2008, a eu pour objectif de comparer les capacités d’innovation de pôles de croissance jalonnant le fleuve Yangzi, sur les sites de Nanjing, Wuhan, Chongqing et Chengdu. S’appuyant sur la méthodologie TAO déjà expérimentée en Chine en 2005, la mission a permis d’observer le potentiel de ces quatre sites, en comparaison de deux sites confirmés à haut niveau de compétitivité, Shanghai et Pékin, avec la perspective à terme de favoriser des opportunités de coopération avec les pôles de compétitivité français, voire les clusters S&T européens, face aux prochains défis de la compétitivité mondiale. MISSION CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 1er novembre 2008 (Bruxelles) – 8 novembre 2008 - PEKIN . 8/9 novembre 2008 - déplacement train Pékin - Shanghai 9 novembre 2008 – 12 novembre 2008 – SHANGHAI . 13 novembre 2008 - déplacement train Shanghai - Nanjing 14 novembre 2008 – 18 novembre 2008 – NANJING . 19/20 novembre - train Nanjing – Wuhan 20 novembre 2008 – 24 novembre 2008 – WUHAN . 25 novembre - déplacement avion Wuhan – Chongqing 25 novembre 2008 – 28 novembre 2008 – CHONGQING . 29 novembre - train Chongqing – Chengdu 29 novembre 2008 – 5 décembre 2008 – CHENGDU . 5 au 6 décembre 2008 - train Chengdu – Pékin 6 décembre 2008 – 13 décembre – PEKIN Les derniers jours en Chine de ladite mission ont été consacrés sur Pékin à la finalisation des études comparatives sur le site pékinois de Haidian (Zhongguancun) et à la tenue de deux conférences portant sur le recueil des premiers résultats de la mission, auprès des conseillers scientifiques et technologiques des ambassades européennes à Pékin et auprès de la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Chinoise (CCIFC). * * * 1.2. En dépit des optimismes des premiers jours… Ces quarante-trois jours de terrain ont été précédés d’une longue étude préparatoire sur la mise en application ad hoc d’une approche méthodologique dite TAO, que je propose de développer plus loin dans ce rapport, en compagnie de M. Julien Dubois, Délégué général du 12 RDT francilien ‘Ile-de-France Technologies – Mégalèse’1. Une opportunité de tester notre approche a même été offerte à l’occasion d’une visite dans les bureaux de Mégalèse d’une délégation (huit personnes) de l’administration shanghaienne (STTE - Shanghai Technology Transfer and Exchanges), spécialisée dans le transfert technologique. Cette mise au point avait été facilitée par différentes expérimentations entreprises depuis 2003 (The 5th Triple Helix Conference2 - Turin 2003) en compagnie de Mme Charlotte Andersdotter (Luleå Universitet, expert national détaché à la DG Recherche de la Commission européenne, ex-présidente du réseau européen ERRIN3), en Europe avec la méthodologie TRECK, pour des analyses comparatives de clusters européens en économie de la connaissance. En 2005, en compagnie du Professeur Jihong Wu Sanderson (Berkeley University of California), je renouvelais cette approche, en l’affinant, par une étude adaptée au terrain chinois et que je présentais à la conférence internationale de l’IASP4 Beijing 20055). La préparation du calendrier des contacts et des réunions (plus de 100 personnes interviewées durant cette mission) a été considérablement améliorée et facilitée, bien au-delà de mon carnet d’adresses personnel, par l’intervention efficace de M. le Ministre Conseiller Scientifique et Technique de la Mission de Chine auprès de l’Union européenne à Bruxelles, M. HAN Jun. Avec ses collaborateurs de Bruxelles et ses relations de Pékin, il n’a ménagé aucun de ses efforts et ses marques d’amitié pour assurer le plein succès d’une mission réalisée ‘au pas de course’ et ‘en flux tendu’. J’ai pu en outre bénéficier tout au long de la mission du soutien de M. Yves Miaux, Conseiller scientifique et technologique de l’Ambassade de France en Chine, et de l’appui efficace de M. Patrick Nédellec, Attaché pour la science et la technologie – Valorisation – Innovation. Non seulement, M. Nédellec m’a pourvu en documentations et recommandations des plus utiles, mais il m’a apporté aussi une aide précieuse en acceptant de m’accompagner pour partager les observations et analyses sur la moitié du terrain exploré (interviews de Pékin, Chongqing et Chengdu) et enfin alimenté abondamment en réflexions, échanges et ‘feed-backs’, après mon retour de Chine. La mission de Jean-Marie Rousseau en Chine à l'automne 2008 et ce rapport qui en a résulté ont été rendus possibles grâce à l’engagement et au soutien du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France en Chine. La création d'un poste d'Attaché scientifique spécifiquement dédié au secteur de l'innovation à l’Ambassade, à l'initiative de l’ancien Conseiller scientifique, M. Bernard Belloc, a coïncidé avec la signature d’un accord-cadre entre M. Hervé Novelli, Ministre français de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi (MINEFE), et M. Wan Gang, Ministre chinois des Sciences et Technologies (MOST), visant à augmenter les échanges entre pôles de compétitivité français et parcs technologiques chinois. La mise en place dès 2008 du programme Coopol France-Chine et de sa version pilote Chine-France en 2009 est une réponse de l’Ambassade pour faciliter les échanges dans le cadre de cet accord. L’engagement du Service pour la Science et la Technologie dans cette étude de cartographie des parcs technologiques 1 Association des acteurs de développement technologique d’Ile-de-France - Paris The 5th Triple Helix Conference / Capitalisation of Knowledge and its cognitive, economic, social and cultural aspects, Turin 18-21 May 2003 – Conference of Charlotte Andersdotter & Jean-Marie Rousseau about: “Key role of public authorities within the creative European Regions” 3 European Regional for Research & Innovation Network – Bruxelles 4 International Association of Science Parks - Malaga 5 IASP Beijing 2005 – Pékin, 20 September 2005 – Session 2: The human environment for developing technology and stimulating innovation – Jihong Wu Sanderson & Jean-Marie Rousseau about: “Factors and metrics for knowledge and creativity clustering – from a Chinese perspective” 2 13 chinois a pour objectif la création d'un document d’aide à la décision pour les pôles de compétitivité français. Ce document ne peut être cependant pris pour un guide d'investissement sur le modèle des guides d’investissement des Missions économiques. Il n'en est pas moins opérationnel et permettra je l’espère aux régions françaises et à nos pôles de compétitivité de trouver des modes fructueux de coopération avec les villes chinoises analysées dans cette étude et avec leurs parcs technologiques associés. Yves Miaux, Conseiller pour la Science et la Technologie, Ambassade de France en Chine J’ai ainsi pu obtenir dès les premiers jours de la mission, grâce à l’appui de M. Patrick Nédellec, un accueil très favorable de la part du Centre de Développement de l’Industrie des Hautes Technologies – TORCH6 - en la personne de Mme XIU Xiaoping, Directeur général adjointe, ainsi que de MM. YANG Yuecheng, Directeur de l’administration des Parcs industriels High-Tech au Centre du Programme TORCH et YU Zhihai et, surtout, Mme QIAN Jinqiu, Directeur de la Coopération internationale. L’attention réelle qui nous a été prêtée s’est renforcée au fil de la mission, puis doublée d’un intérêt particulier sur les possibilités de coopération que la mission pourrait favoriser dans un proche avenir entre les sites chinois et les pôles de compétitivité français et européens. De même, Mme QIAN a envisagé sur 2009 plusieurs possibilités d’interventions sur l’approche méthodologique TAO auprès de l’ensemble des ETDZ. J’ai assez bien profité de mes nombreuses lectures ‘périphériques’ d’après-Noël, la plupart orientées sur la Chine, ne serait-ce que pour me conforter sur la pertinence d’une telle mission. De Pierre-Jean Rémy7 essentiellement, qui vient d’apporter un témoignage unique sur la Chine, j’ai tiré deux à trois enseignements de première utilité que je voudrais inscrire en prologue de mon rapport. Des 850 pages de cet ouvrage, j’aurai d’abord retenu la nécessité de rester « prudent » dans les réflexions et le regard porté a posteriori sur les notes prises en missions (aussi longues soient-elles), en me refusant toujours de m’appuyer sur un jugement construit a priori. La lecture de cet ouvrage m’aura aussi permis de comprendre que la société chinoise « évolue toujours plus vite que la description et le traitement des textes » de mes observations… si bien que, le temps de rendre mon rapport, beaucoup de mes conclusions seront devenues obsolètes. Enfin, je reconnaîtrai volontiers, à la suite de Pierre-Jean Rémy, que sur le terrain même de ces observations, à Pékin comme dans la Chine la plus profonde : « [ici], nous sommes coupés de la Chine – la langue [je le sais maintenant en dépit des optimismes des premiers jours,] est un obstacle insurmontable. » De ces constats liminaires découlent par conséquent trois règles qui, dès le démarrage de la mission, m’ont paru être des paramètres primordiaux que j’ai essayé concrètement et constamment de garder en mémoire et en référence, à savoir : 6 Selon la fiche de Cartographie de la science en Chine de l’Ambassade de France, le programme TORCH est un des programmes de soutien à l’innovation du Ministère des Sciences et Technologies (MOST), qui, démarré en 1988, a eu pour principal objectif de développer l’industrie des produits de hautes technologies en vue de l’exportation. On verra au cours de ce rapport comment TORCH s’est inscrit dans la dynamique de valorisation de l’innovation en Chine et a constitué de ce fait un des piliers de notre mission. 7 La Chine. Journal de Pékin (1963-2008), Pierre-Jean Rémy, 2008, Odile Jacob. Longtemps diplomate à Pékin, Pierre-Jean Rémy, membre de l’Académie française, a déjà publié plusieurs livres sur la Chine, dont Le Sac du palais d’Eté, prix Renaudot en 1971, Chine, un itinéraire en 1978, Chine en 1990, Chambre noire à Pékin en 2004. 14 1/ prudence dans l’interprétation de la signification et de l’ampleur des changements observés, 2/ conscience de la dérision de jugements hâtifs en considération de la rapidité d’évolution des mœurs et comportements de la société chinoise, 3/ modestie face à l’obstacle insurmontable de la langue et une culture qui souvent peut rester hors de portée intellectuelle des observateurs extérieurs. ‘Prudence dans l’interprétation’. Je dois pourtant avouer avoir tellement de fois cédé à la ‘pression’ des informations et documentations véhiculées en occident à foison par nombre d’observateurs improvisés et de journalistes pressés ! J’avoue aussi a contrario avoir été un peu ‘bluffé’, sinon abusé par l’analyse de statistiques et littératures documentaires rapportées de Chine, en anglais, français ou chinois, qu’elles soient produites par les autorités publiques et autres responsables promotionnels, nationaux ou locaux, de territoires, collectivités et autres zones d’activités ! Je dois reconnaître avoir tellement souvent rédigé d’articles enthousiastes, ou, par contraste, alarmistes, sur les conditions de la croissance chinoise, et conclu sur tant de démonstrations péremptoires et de jugements définitifs !… pour, en fin de cause au cours de cette mission, découvrir tant d’exagérations, de ‘boursoufflures’ de l’information. J’éprouvais le besoin de passer une grande partie de mon temps à dégonfler des baudruches de lieux communs, à désamorcer des prétendus sujets d’alarme convenus et inutiles et à démystifier des légendes échafaudées autour de nouvelles ‘Silicon Valleys’, ‘Cathédrales dans le désert’ et ‘Tours de Babel’. ‘Conscience de la dérision de jugements hâtifs’. Les nombreux séjours que je pratique depuis cinq ans m’ont appris que je devais réviser en permanence mes analyses. C’est le cas pour l’état des lieux physiques de la Chine car, bien souvent, je n’ai pu reconnaître qu’avec difficulté les quartiers en chantiers où j’étais passé six mois auparavant. J’ai pu certes déplorer - comme le font, à l’envi et à juste titre, de nombreux observateurs - la disparition de sites (relativement) historiques et autres ‘Hutongs’ au profit de tours, gratte-ciels, périphériques et boucles d’autoroutes, mais je me suis réjoui à la vue de reboisements, aménagements de parcs et de mise en salubrité de districts sinistrés. J’ai même constaté que les inquiétudes nourries les mois précédents à l’égard de conditions sanitaires et environnementales déplorables, pouvaient être levées par la prise en compte subite par les autorités publiques des critiques extérieures pour donner place à la réalisation de nouveaux quartiers résidentiels et de zones économiques dans un souci de développement durable et écologique (Chongqing et Chengdu notamment). Je me suis laissé souvent surprendre par la faculté d’adaptation au fil des entretiens de mes interlocuteurs, sinon leur réactivité et esprit d’anticipation, par rapport aux nouvelles conceptions du développement que j’avais la prétention de leur apporter. ‘Modestie face à une culture hors de portée’. Bien des réunions ont nécessité, en provinces éloignées comme à Pékin, le recours à des interprètes (anglais-chinois et/ou français-chinois), tant nos interlocuteurs chinois – qu’ils soient expérimentés et rassis ou jeunes frais émoulus – souhaitaient comprendre les raisons de notre mission et l’intérêt pour eux de la méthodologie que nous proposions de partager dans l’analyse de leur site. Il nous faut admettre que, en dépit des progrès dont le monde entier ne cesse de s’émerveiller, malgré l’avancée de la mondialisation, la modernisation de la Chine ne passe pas nécessairement par la voie d’une occidentalisation à tous crins... Les Chinois à travers les âges ont toujours réussi à siniser les populations et les idées qui les avaient ‘conquis’ ; ‘conquérir’, dans le sens de ‘séduire’, ce qui ne signifie pas forcément ‘soumettre’… La Chine pourrait bien continuer à sa manière cette compétition mondiale, sans nécessairement croire qu’elle passe par un rattrapage et un alignement sur nos conceptions occidentales du progrès et de la modernité. 15 Géographie, Génophénotype et Races humaines, Pierre Gentelle8, Le courrier de Cassandre n°78, septembre 2008 « […] - Élève Cassandre, vous avez de drôles de lectures d’été ! Vous devriez devenir géographe, plus tard... - C’est quoi la géographie, m’sieur ? - Élève Cassandre, c’est l’art d’esquiver les bonnes questions en donnant des réponses théoriques, de préférence sans aller vérifier sur le terrain. C’est d’ailleurs à partir du moment où l’on n’a plus besoin d’aller voir ce qui se passe sur le terrain qu’une discipline accède au statut de science. L’invisible, type double hélice d’ADN, ça c’est sérieux. Comme les géographes sont incapables de voir l’invisible, ils sont obligés de demander aux autres leurs résultats et de les répéter. De même pour les statistiques : faute de pouvoir les établir, ils vont les puiser partout chez d’autres qu’eux. En fait, la géographie, c’est un immense commentaire. C’est la science du commentaire de la science. - Ben ça alors ! J’aurais jamais cru ! - C’est pourtant ça, élève Cassandre ! Une montagne et des séracs, chacun croit savoir ce que c’est, ça se voit, c’est “facile” : en fait, c’est un paysage, quoi, quelque chose de littéraire... fleuves, forêts, rochers, solitudes si chères... Quand il faut monter dessus et analyser ce qu’il y a dessous, mettre les mains dans le cambouis, c’est une autre affaire. Le cambouis, ça tache et ça ne permet pas de boucler une thèse en trois ans… » De l’autre côté, les appréhensions que pourraient nourrir les occidentaux à l’égard d’une Chine ‘impénétrable’, parce que non totalement conforme aux règles et standards qui régissent notre économie et notre société, n’ont pas beaucoup de fondements : il s’agit de savoir si les Européens, les Français pour ce qui nous intéresse présentement, auraient vraiment intérêt à force de phobies et préventions de toutes natures à camper sur leurs positions et se détourner d’un marché - domestique chinois - en pleine croissance, au moment où le marché européen se rétrécit pour des raisons démographiques et économiques. Il n’est pas question de se laisser bercer d’angélisme sur les potentialités de coopération en matière de R&D avec la Chine, mais il est peut-être déjà tard pour prendre conscience de l’amélioration et de la montée en puissance de tout l’environnement scientifique et technologique de ce pays. * * * 1.3. La Chine prise dans un effet domino Reprenant l’hypothèse de l’économiste Jean Boissonnat9 selon qui, après avoir juste « changé de siècle, aujourd’hui on change de monde », il nous faut bien reconnaître certains manquements ‘existentiels’ de nos économies… Le spectre redouté du chômage, un temps 8 Géographe spécialiste de la Chine, Pierre Gentelle a étudié le chinois à l'université de Pékin, avant d'entrer au CNRS en 1962. Lauréat en 1967 du Prix André Siegfried de la Fondation nationale des sciences politiques, chercheur sur la Chine contemporaine à l'École des hautes études en sciences sociales, et, entre autres fonctions, associé à partir de 1993 au laboratoire d'archéologie de l'Ecole Normale Supérieure, il est directeur depuis 1999 de recherche émérite au CNRS et rapporteur scientifique du Club Asie orientale CRIN (échanges et coordination recherche-industrie), il a publié de nombreux travaux sur la Chine contemporaine, et participe comme géographe à des recherches d'archéologie en Asie. 9 Ouest France, 4 novembre 2008 16 oublié, devient à nouveau la préoccupation de tous les gouvernements et, partant, remet en question avec son corollaire du pouvoir d’achat, leurs capacités de relance économique par la consommation. Au niveau mondial, les petits pays comme les grands, ceux du Nord, comme ceux des divers ‘Suds10’, ont leur place à faire parmi de vastes ensembles en cours de formation ou de recomposition. Il y a bien quelque chose de nouveau et ce monde nouveau que tout annonce ne pourra devenir nouveau sans douleurs ni crispations. D’immenses défis se dressent devant des gouvernements craignant seulement de se tromper d’époque, de rater des opportunités et de se fourvoyer ou dévoyer. En Chine, « les perspectives de profits pénalisés par une récession durable et profonde ont coupé court à la brève bouffée d’optimisme provoquée par l’annonce chinoise [début novembre 2008] d’un plan de relance de près de 586 milliards de dollars… » Cette analyse, récemment relevée sur le site boursier de Wall Street CNBC, se poursuit sur un ton plutôt pessimiste : « Ce qui avait commencé comme une crise financière l’année dernière, quand les crédits bancaires se sont asséchés en raison des énormes pertes du secteur immobilier américain, se transforme en un large déclin du monde développé. Les nouvelles puissances comme la Chine ont été prises dans un effet domino. » How to make “Made in China” less alarming11 Pet food, tooth path, toys, milk powder, eggs and fish… all products that strike fear among consumers and regulators in the US, where the “Made in China” label conjures skull and cross bones image. The good news is that China has the capability to manage its quality crisis, government and industry are on the right path. What is needed is a collaborative relationship between the US and China and supply chain owners taking responsibility for their products. If we are going to secure the US-China supply chain, the next administration should expand engagement with China and view it as a partner rather than competitor. It is true that the US competes with China for natural resources and foreign investments. But the US-China relationships should be collaborative and not combative. Furthermore, for economic recovery, a healthy US-China supply chain is required. The US economy will need productivity gains resulting from a shift from construction to exports. US exports to China have grown much faster than to any other trading partner. […] In the long run, our export growth will help bring acceptable levels of inflation, employment and living standards, exactly what the Obama administration has a mandate to deliver. Faulty trade policies or a serious break in the US-China supply chain could put business between the US and China at risk. The US is enjoying resurgence in exports to China, which are driving productivity gains right at a time when the US economy critically needs…. La Chine s’inquiète maintenant de ne plus pouvoir préserver le taux de croissance à deux chiffres qui était encore le sien en 2007. Les observateurs du secteur financier font de surcroît observer que les chiffres ne reflètent pas la dure réalité – pas plus d’ailleurs que les chiffres américains et européens –, ne serait-ce que parce qu’ils mesurent essentiellement ce qui appartient déjà au passé… 10 Pierre Gentelle, Lettres de Cassandre n°65, De la Chine telle qu’elle est, au monde tel qu’il sera (novembre 2007) : « L’arrogance, c’est généralement le mal sournois qui saisit les peuples qui n’ont plus à conquérir ce qui l’a déjà été par les générations précédentes. Quels peuples ? Ceux qui vivent de leur rente de situation historique et qui, réunis (ce qu’on appelle autrement le Nord), mettent en coupe réglée depuis des siècles ce qu’on appelle les Suds. Pendant ce temps-là, quelques esprits « généreux » du Nord s’inquiètent de l’avenir de la planète ! Couillons, va ! Mais quel droit s’arrogent-ils ? Croiraient-ils vraiment que la planète leur appartient encore ? Ne se rendent-ils pas compte qu’ils sont en train, par leur « développement durable », de tenter de sauver leurs privilèges et leur manière dispendieuse de vivre, au nom de leurs enfants ? » 11 Financial Times , James Rice & Matthew Waller, 12 December 2008 17 Ensuite, il faut reconnaître que la mécanique bien réglée des échanges internationaux avec une croissance chinoise jusque là régulière, risque de se bloquer, la source des exportations de produits manufacturés bon marché vers les marchés occidentaux se tarissant. « Les statistiques gouvernementales montrent que 67.000 entreprises de tailles diverses ont fermé durant les six premiers mois de l’année en Chine », a déclaré Cao Jianhai de la CASS12, qui estimait encore qu’à la fin de l’année 2008, plus de 100.0000 usines auront fermé. Le Président Hu Jintao vient de donner lui-même un certain crédit aux hypothèses de récession ou de ralentissement de la croissance en déclarant tout début décembre 2008 devant le Bureau politique que « la demande extérieure s’est évidemment réduite et le traditionnel avantage compétitif de la Chine s’affaiblit régulièrement. […] La capacité de notre parti à gouverner sera jugée sur notre faculté à faire de cette pression une dynamique favorable et à transformer les défis en opportunités. » Toujours pour favoriser l’emploi, le chômage constituant la grande menace rampante de ce nouveau monde en gestation, le programme annoncé par la CEDR13 et relayé par l’Agence Chine Nouvelle, comporte, en plus de relance de la consommation, des projets de grands travaux, tels que construction d’immobilier, liaisons ferroviaires et routières, améliorations des infrastructures rurales susceptibles de freiner le mouvement migratoire des paysans vers les villes, etc. * * * 1.4. Innovation et Hi-Tech chinoises : nouvelle étape de croissance, dernière chance de reprise ? Selon Philippe Delalande, La crise financière occidentale : une chance pour la Chine ?14, il y aurait même lieu de questionner l’impact de la crise financière actuelle - qu’il considère 12 Chinese Academy of Social Sciences Commission d’Etat pour le Développement de la Réforme 14 Futuribles n°345 d’octobre 2008 13 18 comme originellement occidentale – sur l’économie chinoise, alors que cela pourrait justement constituer in fine une opportunité pour la Chine de stabiliser son développement économique à un niveau ‘soutenable’. De ce fait, nombre d’analystes économiques font clairement ressortir que compte tenu de l’état de dévastation irréversible de certains secteurs, la Chine doit en venir aux recettes éprouvées. De même, le 9 décembre dernier, Axel Merk15 poussait ‘le’ grand cri d’alarme « China, Carpe Diem », en ces termes : “[…] China can learn from these mistakes, but has no time to lose. Demand destruction in China is working its way through the economy there as well. The window for Chinese policy makers to lift the spirit of workers is closing fast: the Chinese New Year is an opportunity for workers to reunite with their family and friends: during those days, the mood of the country will be set for the year. […] Consumer spending in China has continued to hold up year over year, but there is a seriously accelerating slowdown under way. Far more effective than a spending program on infrastructure is a program to lift the spirit of Chinese consumers. Lifting the spirit of Chinese consumers is not done by providing access to credit, but by giving the country a vision. It is already abundantly clear that the toy industry is faltering; but the high tech industry in China is performing under the circumstances. In its recent history, China has embraced change and must do so now. This is the opportunity to get the country for the next phase in its economic growth. To do so, rather than subsidizing industries that have little chance to survive, the country should focus on where its strengths are likely to be in the years to come.” “China has a tremendous opportunity as the outsourcing partner for goods and services at the higher end of the value chain. Toy production should be left to other Asian countries; China has to focus on technology and innovation. Similarly, while building roads and power plants may provide a buffer to an economic slowdown, policies are required to encourage Chinese entrepreneurs to take risks and invest. An infrastructure stimulus plan will favour state controlled enterprises; to turn the mood in the country, government policies have to provide the general population with a vision, note merely state owned enterprises. […] China has to become more self confident – removing the shackles of the current exchange rate regime may provide an important catalyst to energize a spirit of change. While a stronger currency would hurt industries that mostly compete on price, such as the toy industry, it would substantially increase the domestic purchasing power. The future of China is a more balanced economy with a stronger domestic sector as well as an export sector that competes on value, not price.” Certes, on reparle alors de grands travaux demandeurs de main-d’œuvre, mais aussi et surtout, on évoque enfin les secteurs capables de résister à la crise et de gagner une avance technologique de niveau mondial… Mais, pour exiger une certaine rationalité, ces mouvements n’en demandent pas moins dans leur mise en place, du temps et une certaine attitude politique visionnaire… ce dont n’ont pas manqué les dirigeants politiques chinois jusqu’à présent. C’est maintenant et à nouveau l’heure du choix… tant qu’il est possible d’utiliser les réserves acquises sous forme d’excédents commerciaux pour investir hic et nunc. 2. Contexte et état des lieux : trois questionnements Nous savons tous maintenant que la Chine revient de loin, puisqu’au 18ème siècle elle se situait superbement au centre du monde, jusqu’à plonger au milieu du 20ème siècle dans un climat délétère et désespéré, pour retrouver aux années 1980 les forces d’un renouveau 15 Merk Insights, dans les colonnes de sa newsletter ‘Merk Perspective’ destinée à mesurer les impacts socioéconomiques mondiaux des politiques de l’administration étasunienne. Voir les sites suivants : http://www.merkfund.com/merk-perspective/insights/2008-12-09.html ; http://www.merkfund.com/merk-perspective/insights/ 19 économique… Deng Xiaoping le claironnait et intimait à tous les Chinois le fameux mot d’ordre : 恭喜发财 (« Enrichissez-vous ! »). Source : Angus Maddison Graphique n°1 - L’Economie mondiale en % du PIB en PPA On sait également que la croissance n’a pas cessé depuis trente ans à un rythme effréné, même si, comme on le rappelait plus haut, les yeux des observateurs sceptiques occidentaux restent rivés sur la partie orientale de la Chine. Les investissements étrangers (Foreign Direct Investments ou FDI) se sont également concentrés sur cette partie développée de la Chine, tandis que les activités d’export-import, qui constituent l’essentiel de l’économie, se retrouvent également là, avec une part considérable dans le sud-est de la Chine (plus du tiers – 35,6 % en 2003 - émanant de la Province du Guangdong). 2.1. Une ‘success story’ qui risque de tourner court ? Il est évident que l’ouverture vers l’extérieur a permis le déclenchement du développement chinois et, considérant le rôle primordial des échanges extérieurs, au vu de la tradition chinoise à cet égard, il est utile de se remémorer un vieux slogan de la dynastie Qing, ensuite repris par Mao Zedong lui-même : Graphique n°2 - Investissement directs étrangers (FDI) en 2002 Les effets conjugués de la stratégie du gouvernement central et de l’économie libéralisée ont permis d’amorcer le décollage de la Chine, sans permettre toutefois de faire ‘tache d’huile’ et de profiter à l’ensemble du pays…. 20 Graphique n°3 – Provinces de Chine en fonction du volume des activités Import/Export Les cartes issues du rapport du PNUD de 2006 permettent de visualiser ce développement concentrique inachevé vers l’intérieur et loin des côtes orientales – en valeur absolue comme en valeur relative par rapport au PIB et au HDI (‘Indice de Développement Humain’), sans nous empêcher de noter une progression soutenue ça et là sur le Xinjiang à l’ouest, le Heilongjiang au nord et surtout le long de l’Axe du Yangzi (qui fera précisément l’objet de notre mission !) jusque dans le Sichuan. Graphique n°4 – PIB par habitant et HDI par habitant, selon le rapport PNUD 2005 Cependant, le marché mondial, aujourd’hui assez perturbé, semble avoir de nettes répercussions sur la situation des exportations de la Chine et montre des signes évidents d’essoufflement de la Chine du sud, notamment dans le Guangdong. Or, cette Province du sud, championne des exportations de produits manufacturiers, connaît cette année une décélération brutale de sa croissance économique. Une série de récentes mesures confirment que la Chine a atteint un point de non retour dans sa politique macro-économique. Si la carte de la Documentation française ci-dessous démontre la position privilégiée du Guangdong dès le début des années 1980, grâce à la création ex nihilo, à proximité de HongKong, de la zone de développement économique de Shenzhen - un village de pêcheurs et de riziculteurs de 20.000 habitants devenu une mégalopole de 8 millions d’habitants –, les dernières informations économiques recueillies sur les exportations de produits manufacturés sont plutôt alarmantes et peu rassurantes pour la Chine tout entière. 21 Graphique n°5 : Chronologie de l’ouverture économique / Graphique n°6 – Croissance Exportation La croissance de la production industrielle de la Chine est restée stagnante en effet d’une année sur l’autre, à un taux modéré de 12,8% en août 2008, alors qu’elle atteignait 14,7% en juillet et 16% en juin. La consommation s’est également ralentie sur ce premier semestre 2008 pour de produits non essentiels tels que les véhicules, laissant supposer une contraction de la production manufacturière dans son ensemble, pendant que la production d’électricité a enregistré une chute significative. A se demander si la Chine n’avait pas fait un mauvais choix stratégique ou envisagé trop tard une nouvelle orientation de son économie, tant en termes de secteurs industriels et technologiques, qu’en fonction d’un équilibre géographique et de développements régionaux différenciés…. * * * 2.2. Duplications des parangons ou nouveaux modèles de croissance ? Pendant plus de 20 ans de croissance, la Chine s’est satisfaite de sa réputation non usurpée ‘d’Atelier du monde’ (World’s Workshop), mais n’a plus tardé à réaliser que cette stratégie n’était pas tenable à long terme. Une deuxième étape restait à franchir que le gouvernement central s’est attaché à accélérer avec des investissements massifs en R&D et une série de mesures au plan national, sans négliger de susciter une compétition entre Provinces et villes chinoises pour faire accéder le pays au rang de ‘Laboratoire du monde’ (World’s Lab)… Pendant longtemps en effet, le leadership de la Chine a été favorisé par une politique d’attractivité envers les FDI sur des activités industrielles manufacturières ou de processus et d’assemblage (P&A) qui offraient l’avantage d’absorber en grandes quantités les populations rurales (migrants) et de diminuer en conséquence le nombre de chômeurs. La course aux investissements étrangers en industries high-techs, services et productions de services et d’immatériels et centres de recherche a permis à la Chine au cours des dix dernières années de se situer parmi les pays les mieux équipés du monde dans l’économie de la connaissance. Aujourd’hui, la Chine dispose d’une puissante recherche industrielle avec près de 500 centres étatiques de R&D, mais aussi plus de 750 centres R&D à investissements étrangers… Les efforts consentis en matière de dépenses R&D ont été accrus sur des engagements programmés avec une grande détermination par le gouvernement central qui ont aiguisé les 22 appétits des gouvernements locaux pour une compétition infra-nationale dans les domaines scientifiques, industriels hi-techs et universitaires. Les prévisions établies par les observatoires internationaux qui tous pariaient sur un rattrapage de la Chine dans les vingt prochaines années ont été dépassées comme toujours de façon spectaculaire, puisque la Chine, selon le rapport OCDE de 2006, pouvait revendiquer la deuxième place derrière les EtatsUnis et devant le Japon et l’Allemagne en termes d’investissements R&D. Les résultats en valeur relative par rapport au PIB sont encore plus spectaculaires quand on considère que, malgré une croissance économique annuelle de plus de 10% depuis trente ans, la Chine, située à 0,7 % du PIB en dépenses R&D en 1998, pourrait dépasser les pays européens – pourtant galvanisés par l’Agenda de Lisbonne 2000 et l’Objectif de Barcelone 2002 - dès 2009… Graphique n°7 - Dépenses R&D en % dans le monde / Graphique n°8 – Dépenses R&D/PIB Même les entreprises high-techs multinationales qui jusqu’alors ne réservaient à leurs filiales chinoises que des productions low-techs, se sont mises à augmenter leur niveau technologique au plus haut point, au fur et à mesure que les entreprises chinoises amélioraient leurs niveaux et s’orientaient vers le ‘software’ plutôt que de se cantonner au ‘hardware’. Et ce, en grande partie sous la conduite du ‘très pékinois’ (proche du gouvernement central) modèle de Zhongguancun, dont il aura été abondamment question dans notre mission. A cet égard, il est frappant d’observer la part dominante occupée par Pékin dans la production de Programmes 863 ( 八 六 三 ) en comparaison des autres Provinces chinoises, tant en termes de dépenses (près de 49%) qu’en termes de nombre de projets (près de 35%), mais au passage il n’est pas inutile de relever que dans ce Top Ten figurent en bonnes places, en plus de Shanghai (respectivement 10,4% et 10,1%), trois des Provinces représentées dans notre étude TAOYangzi, à savoir le Hubei (Wuhan), le Jiangsu (Nanjing) et le Sichuan (Chengdu). Graphique n°9 - Distribution par Provinces des Programmes 863 (2002) 23 En complément des informations de 2002 (qui datent), les dernières données 2006 sur le nombre de programmes 86316 renforcent la conviction d’une nette domination de la VilleProvince de Pékin sur les autres Provinces, y compris Shanghai. Nous aurons un peu plus loin dans la Partie I du présent rapport l’occasion de développer cette information sur le capital intellectuel des Provinces. Au cours de ces dix dernières années, parallèlement à l’accroissement des financements de la recherche, la Chine a augmenté considérablement le nombre de ses étudiants et dispose aujourd’hui d’un des contingents scientifiques et technologiques parmi les plus importants au monde au service des centres de recherche publics comme des entreprises privées, étrangères ou chinoises. La rumeur internationale répand l’idée que près de 600.000 nouveaux scientifiques et ingénieurs chinois seraient déversés sur le marché du travail tous les ans, soit plus de 100.000 que dans l’ensemble de l’Europe et des Etats-Unis. Graphique n°10 – Nombre d’étudiants (en millions) enregistrés dans l’Enseignement supérieur La Chine a déjà choisi au niveau national de renforcer donc sa structure scientifique et technologique, tandis que l’avenir de sa recherche repose sur le développement d’une nouvelle classe moyenne urbaine. De même, la création de puissantes institutions et la mise en place d’infrastructures nombreuses permettent une adaptation rapide au marché mondial. En fait, le gouvernement central, par l’intermédiaire du MOST (Ministère de la Science et de la Technologie) et de son organe opérationnel, le centre du Programme TORCH, a créé de 1984 à 2006, 54 Zones de Développement Techno-économique (ETDZ), en plus des différentes zones de développement économique plus ou moins spécifiques à divers secteurs. Ces nouvelles ETDZ visent essentiellement à : 1) faciliter les investissements par un environnement attractif (notablement pour les FDI) ; 2) construire une économie orientée sur l’export ; 3) et maintenant, encourager les R&D, en ouvrant des fenêtres sur l’avenir… Dans ces 54 Zones de Développement Techno-économique - parfois en marge mais souvent à proximité –, 54 Parcs High Tech (HTP) /Zones Industrielles High Tech (HIDZ) ont accompagné ces efforts de structuration de la nouvelle politique d’économie de la connaissance, avec force incubateurs autour de prestigieuses universités. 16 En 2006, selon les statistiques du MOST, Pékin cumule 35,5% des projets 863, tandis que Shanghai est toujours deuxième avec 12,1% et que le Jiangsu (où se trouve Nanjing) obtient 5,8%, le Shandong 5,6%, le Hubei (Wuhan) 5,2% et le Zhejiang 4,9%, restant près de 31% pour l’ensemble des autres Provinces. 24 La distribution géographique de ces ETDZ, fruits d’une puissante structuration de régions de la connaissance, met très vite en évidence un grand déséquilibre, comme pour les autres zones de développement. Ces ETDZ ont pourtant pour vocation l’appui au développement économique de la Chine sur des axes nouveaux de croissance en rapport avec l’avance scientifique et technologique. Graphique n°11 – Répartition des ETDZ / Graphique n°12 – Les trois zones prospères Il est curieux de voir se dessiner au-delà de l’observation traditionnelle sur la suprématie (sans la nier pour autant) de la partie orientale de la côte pacifique de la Chine, trois régions privilégiées qui sont la Baie du Bohai autour de Pékin et Tianjin, le Delta du Yangzi autour de Shanghai et le Delta de la Rivière des Perles autour de Shenzhen, Hong-Kong et Guangzhou. Cette toute petite partie du territoire national (5%) concentre néanmoins 16% de la population chinoise et près de la moitié du produit intérieur brut, pour 75% des investissements étrangers et à peu près l’équivalent en termes d’échanges export-import internationaux. En 2005, il était encore affirmé officiellement17 la nécessité d’une Chine à la conquête de la tête des nations innovatrices, prioritairement par un engagement sur deux à trois parcs scientifiques (dont Zhongguancun, créé en 1988), en parallèle à un élargissement de l’effectif des parcs high-tech de 54 à près de 70 d’ici à 2010. L’accent était, de manière très officieuse, porté sur la définition d’une politique nationale18 d’innovation s’appuyant sur des mesures incitatives (financements ciblés, exonération de taxes…) en faveur des investissements hightech. Cette politique, en relation avec la China Development Bank et le Shenzhen Stock Exchange, visait à favoriser les PME Hi-Tech – dont on regrettait le faible engagement (30%) en faveur de la R&D - par de nouveaux schémas de financements adaptés à cette population. Pourrait-on pour autant prétendre que rien n’existe en Chine en dehors de ces programmes définis de façon ‘Top-down’ par le gouvernement central et que la Chine ne pourra avancer que sur la performance de quelques régions très avancées. La Chine pourrait-elle laisser passer des opportunités et de nouvelles chances de développement de niveau mondial en ignorant les immenses gisements de ressources humaines et de forces vives internes au pays ? * * * 2.3. L’axe du Yangzi, corridor économique et technologique ? 17 China Daily, August 26, 2005 : Nation to Develop World-class Science Parks M. Xu Guanhua, ministre des Sciences et Technologies, et M. Ma Songde, vice-ministre des Sciences et Technologies, Mme Chen Zhili, conseiller S&T du gouvernement chinois. 18 25 La logique d’intégration dans un monde économique en mutation au cœur de la Chine exige de considérer le fleuve Yangzi comme une des probables zones d’émergence de prospérité, à l’image des régions côtières qui ont initié ce mouvement de rattrapage. Cependant, cet axe parmi d’autres réseaux linéaires pourrait être perçu comme une des possibles nouvelles orientations de la croissance chinoise, selon des conceptions radicalement différentes des précédentes phases de développement. Les quatre villes de Nanjing, Wuhan, Chongqing et Chengdu, qui jalonnent le fleuve Yangzi, ont derrière elles une histoire (millénaire pour certaines) lourde de sens pour la civilisation chinoise, mais aussi annoncent, chacune à leur manière, de fortes potentialités pour une Chine en devenir. Avant d’aborder l’étude des ces quatre sites que l’on serait tenté de considérer - à travers les vitres d’un (imaginaire) train Trans-Yangzi - comme un chapelet de villes disposées le long du fleuve, il me paraît nécessaire de revenir à l’appréhension du fameux "carrefour" chinois de Pierre Gentelle19 avec sa définition du rôle des territoires. Par rapport à la vision que nous avons de la Chine, se pose la question d’une "géographie naturelle" offerte par les montagnes, les grands fleuves et les deltas, et qui nous interroge sur le sens économique et politique donné aux Provinces : « Le quadrillage est-il ou non le signe d’une civilisation ? » N’étudiant l’espace géographique qu’à travers l’angle du territoire, selon « la matérialisation de l’existence d’une société », Pierre Gentelle nous fait prendre en effet conscience de la primauté de « l’environnement humain » sur l’espace, en tant que véritable « socle » du monde chinois. De ce point de vue, l’axe ouest-est du Yangzi apparaît moins comme un monde singulier selon une association linéaire de sous-régions, qu’un espace médian entre les centres économiques majeurs du nord et du sud chinois… même s’il devient tentant dans ces conditions pour Shanghai de considérer bien en-deçà du Delta du Yangzi, l’ensemble de ces villes comme un potentiel hinterland, toujours plus profondément en amont, jusqu’aux sources du Yangzi… Cela permettrait d’illustrer le proverbe chinois - 稻 多 , 打 出 米 来 , 人 多 , 讲 出 理 来 – selon lequel « Plusieurs têtes valent mieux qu’une » (‘Beaucoup de plants produisent beaucoup de riz, plusieurs avis permettent de trouver raison’). La côte chinoise, depuis le Delta du Yangzi, gagnerait énormément à s’adjoindre les forces de l’intérieur en étendant toujours plus loin son influence vers l’ouest. De même, l’Axe du Yangzi permettrait un rééquilibrage de la Chine tout entière en s’appuyant depuis le centre de la Chine sur cette orientation d’une nouvelle conquête de l’ouest… Le Yangzi Jiang 扬 子 江 (Chang Jiang 长 江 - Long fleuve), plus long fleuve d’Asie (6.380 km) débouche sur la mer de Chine au nord de Shanghai après avoir traversé les Provinces de Qinghai, Yunnan, Sichuan, Hubei, Hunan, Jiangxi, Anhui et Jiangsu, ainsi que plusieurs villes aussi (immensément) étendues que Chongqing, Wuhan, Nanjing... 19 Pierre Gentelle, Chine. Un continent et au-delà ?, La Documentation française, Coll. Asie plurielle, 2001 26 Graphique n°13 – Bassin du Yangzi / Graphique n°14 – le Yangzi et les 5 points cardinaux chinois Avant d’atteindre la côte de la mer de Chine, le fleuve déroule neuf grands méandres ‘en intestins’, pour finalement se répandre dans un vaste delta recouvert de terres agricoles riches au milieu d’un nombre incalculable de lacs, étangs et îles. Tout au long de son cours, il est alimenté par plus de 700 affluents pour drainer jusqu’en son bassin large de 1,8 million de km² près d'un milliard de mètres cubes d'eau en mer de Chine et transporter des milliers des tonnes de vase vers la côte. Le Yangzi aux sources Le Yangzi en aval, sous le pont de Wuhan Mais peut-on pour autant affirmer qu’il existe « une région du Yangzi » et doit-on considérer que des solidarités s’organisent entre les sub-régions traversées, entre ces villes multimillionnaires que sont Chengdu, Chongqing, Wuhan, Nanjing et Shanghai ? Il n’est vraiment pas sûr qu’entre toutes ces économies locales égrainées le long du fleuve, il y ait des interactions facilitées par le transport fluvial. Même si le premier pont du Yangzi n’a été construit qu’en 1957 (à Wuhan, avec l’aide des ingénieurs soviétiques) et si les autres ponts ont tardé à établir un lien entre nord et sud, les distances se font sentir d’une ville à l’autre. De façon évidente, les cohérences et cohésions, voulues ou non par les autorités centrales, dans ces liaisons latérales ne l’ont jamais remporté sur l’influence naturelle de centralités extérieures à cette région. Le Yangzi est peut-être encore pour longtemps – malgré la multiplication des autoroutes et des voies ferroviaires rapides – seulement un lien mineur entre des segments régionaux livrés aux localismes et à des logiques transversales au fleuve. L’aménagement du barrage des Trois Gorges certes vise à consolider l’axe est-ouest et renforcer le développement vers l’ouest. Mais le fleuve, revalorisé dans ses liens avec les villes et ainsi réaffirmant l’unité nationale du territoire chinois, n’a pas encore permis de franchement valoriser les liens entre ces différents sites. Comparant l’axe du Yangzi au 27 modèle rhénan, le géographe Thierry Sanjuan20 affirme que le fleuve chinois n’est pas un carrefour continental : « il est moins un lieu de rencontre ou de transition entre deux mondes culturels équivalents qu’une longue suite d’espaces intercalés et originaux entre un Nord qui se veut politiquement dominant et des périphéries méridionales très individualisées voire cloisonnées. » Les cloisonnements des sub-régions notamment intérieures – Sichuan, Chongqing, Hunan, Hubei – sont également administratifs et économiques. Les localismes sont d’autant plus forts que les autorités provinciales et municipales gardent un poids important dans les économies locales. Le retard des réformes et le manque d’ouverture confortent ici le maintien d’une orientation économique largement héritée et fondée sur l’agriculture et l’industrie, ainsi que celui de politiques protectionnistes devant l’importation de produits des régions plus développées comme Shanghai ou le Delta de la rivière des Perles. Pour avoir remonté le Yangzi depuis son Delta jusque dans l’arrière Province du Sichuan, j’aurais tendance à rejoindre l’analyse de Thierry Sanjuan qui, rappelant l’approche de l’espace chinois sur la déclinaison de trois grands ensembles - la Chine du Nord, la Chine centrale et celle du Sud – considère que ce « fil conducteur » du Yangzi correspondrait à « une énumération des différentes sub-régions de la Chine médiane de l’amont à l’aval, suivant une descente du fleuve de ses sources à son embouchure et à Shanghai. » C’est pourquoi, avant de procéder à une analyse approfondie des sites, je prends le soin de rappeler, à rebours de mon vrai itinéraire (de Shanghai vers Chengdu) et de façon très schématique, les caractéristiques principales du paysage scientifique et technologique de ces sites : Chengdu, capitale de la province de Sichuan, n'a pas d'accès direct au Yangzi, mais a vite acquis une position économique confortable en bout de cet axe pour prétendre devenir « la porte de l’ouest », tout en occupant une place importante au centre de la Chine en termes notamment de nœud d’infrastructures de communication. La ville de ce fait, voudrait être le pendant de Shanghai aussi bien sur des secteurs industriels high-tech que dans son ambition de constituer un hub financier à l’ouest du pays. La ville a été choisie pour l’accueil le ‘Congrès mondial des matériels bio-médicaux’ en 2012 ; Chongqing développe sa stratégie S&T en misant sur une accélération de sa mutation de ville-province d’industrie manufacturière à un territoire high-tech avancé sur toute la Chine occidentale. Dans beaucoup de secteurs industriels manufacturiers, dont celui des motocycles, des automobiles, cette ville a obtenu des succès remarquables de niveau mondial, notamment en termes d'intelligence territoriale avec le principe spécifique de « modularisation localisée » dont nous aurons l’occasion de traiter dans ce rapport ; Wuhan, capitale de la province de Hubei, par le développement de son « Optics Valley », ambitionne de devenir la principale concentration de l'industrie optoélectronique en Chine. Depuis une décennie, la ville progresse de 40% chaque année en matière de dépôt de brevets, notamment grâce aux performances de ses laboratoires privés, mais aussi de ses 23 universités scientifiques (pour un million d’étudiants, dont 800.000 situés dans le périmètre immédiat des parcs high-tech et ETDZ. Nanjing, capitale du Jiangsu, malgré son héritage industriel des années 1960, s’est engagé rapidement dans le secteur tertiaire qui est maintenant proéminent avec 40% du PIB, tandis que son ETDZ se distinguait dès 2006 en étant officiellement inscrite au Top Ten national (9ème en Chine). * * 20 L’invention du Yangzi, Linéarité fluviale, segmentation provinciale et métropolisation littorale, Thierry Sanjuan (sinologue français, professeur de géographie, titulaire de la chaire d’Asie méridionale et orientale, à l’Institut de Géographie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) 28 * 29 3. Passerelles vers le futur Plusieurs chercheurs et économistes, américains et européens, s’intéressent aux politiques d’innovation pratiquées ou engagées récemment à divers niveaux de responsabilité en Chine – gouvernement central, administrations provinciales, municipalités, etc. Si l’on peut considérer Richard Suttmeier21 de l’Université de l’Oregon comme un des principaux pionniers internationaux sur ce sujet, on constate que de nombreux Français poussent des réflexions et produisent de plus en plus d’informations intéressantes à cet égard. Rigas Arvanitis22, appartenant à un groupe de sociologues et économistes auquel participent d’autres universitaires français (Jean-François Huchet, Xavier Richet, Jean Ruffier…), a émis des avis qu’il me paraît judicieux de relever avant d’aborder ce concept relativement nouveau pour la Chine et les Chinois : « Promue récemment comme un objectif prioritaire de la politique nationale de science et technologie, l’innovation a encore beaucoup de mal à être saisie par les autorités, notamment locales. Plus qu’une politique d’innovation, on assiste à une prolifération d’initiatives locales très fortement liées aux entreprises. » En effet, les Chinois ont pris conscience de l’intérêt de franchir une troisième étape de croissance que l’on pourrait situer, après la promotion sur une échelle mondiale des industries manufacturières, puis les investissements massifs dans les S&T et la R&D, dans le champ de l’innovation selon des concepts parfois divergents et difficiles à coordonner. 3.1. L’innovation, troisième étape de la stratégie de croissance Nous avons ci-dessus constaté que de nombreuses mesures avaient été initiées, surtout depuis le milieu des années 2000, par le gouvernement central pour engager les Chinois dans la voie de l’innovation, ne serait-ce que par une institutionnalisation des parcs scientifiques, des parcs high-tech et des ETDZ dans le maximum de pôles potentiels de croissance et de compétitivité économique. Les problèmes inhérents à l’administration chinoise, déjà clairement identifiés par Rigas Arvanitis, sur l’éparpillement des initiatives chinoises ne sont pas les plus préoccupants ni ceux dont nous avons choisi de traiter dans cette étude, mais méritent bien d’être évoqués au préalable. Tout en sachant que ce contexte peut nous être familier en occident et en France en particulier, il ne nous est pas interdit, vis-à-vis de la Chine, de « noter que politique industrielle et politique scientifique et technologique relèvent de compétences différentes dans la structure administrative de l’état chinois, [respectivement…] des départements de l’industrie et du commerce, [… d’une part, et] des départements de science et de technologie et du Ministère de la Science et la Technologie […, d’autre part]. » Cette situation de 21 Richard P. Suttmeier, professeur de sciences politiques à University of Oregon. Il dirige notamment, au sein de cette université, le NBR (The National Bureau of Asian Research – informing and strengthening Policy on the Asia-Pacific) et, à ce titre, a publié et co-publié plusieurs articles et livres intéressants, dont ‘Knowledge innovation and the Chinese Academy of Sciences’ et ‘Standards of Power ? Technology, Institutions, and Politics in the Development of China’s National Standards Strategy.” 22 La politique d’innovation en Chine – un essai d’interprétation, Rigas Arvanitis, IRD, Centre franco-chinois de sociologie de l’industrie et des technologies (Antenne expérimentale franco-chinoise de sciences humaines et sociales à Pékin), Canton, mars-avril 2004. 30 discordance, sinon de synergies lacunaires, se retrouve non seulement dans la difficulté de rendre opérationnelles des politiques décidées depuis Pékin en les adaptant aux terrains et contextes locaux, mais aussi de politiques développées au sein de nombreux gouvernements locaux (Provinces et/ou Municipalités). Au cours de ma mission TAO-Yangzi, j’ai également pu vérifier localement ces dysfonctionnements en mode opérationnel tels qu’ils sont dénoncés ci-dessus, en constatant tout autant les impacts et effets négatifs (contre-productifs ?) sur une population à la charnière de la politique de l’innovation et du développement des territoires : les PME qui constituent la trame de ces territoires et la clé de la croissance et de l’emploi, ont pourtant été longtemps tenues pour quantités négligeables, en Chine comme en bien d’autres pays prétendument avancés. Rigas Arvanitis, bien avant notre mission (2004), faisait ce même constat en déplorant qu’en Chine les PME « reçoivent non pas des financements directs mais des appuis en nature : paperasse administrative facilitée, autorisations d’exportations et d’importations, prix du terrain, aides à monter des collaborations avec des étrangers, promotion de l’information, promotion de la formation notamment des petits patrons dans des domaines qui vont de la technique à la gestion »… pour arriver à une conclusion à laquelle je regrette d’avoir abouti également et selon laquelle : « l’ensemble de ces mesures locales revient donc soit à promouvoir essentiellement l’infrastructure nécessaire au bon fonctionnement industriel, soit à faciliter les contacts avec les autorités. » Les économies avancées sont entièrement fondées sur la connaissance et depuis longtemps ont justifié un engagement dans la recherche et les sciences et technologies. Par une rapide croissance de ce capital humain, les gouvernements sont conduits à favoriser le développement de ressources humaines qualifiées et à se concentrer de plus en plus sur des activités intensément liées à la connaissance, en misant sur les nouvelles idées et de nouveaux moyens susceptibles de déboucher sur des produits et des services capables de conquérir les marchés de demain. La transformation d’une politique d’appui à la R&D en une politique d’innovation et de compétitivité régionale, passe (schémas ci-dessous) de l’engagement et d’investissements publics en faveur de la recherche fondamentale à l’adoption de mesures incitatives à la commercialisation des résultats de laboratoires, en l’accompagnant d’opérations de transfert de connaissances dans la sphère de l’entreprise. Ce qui correspond aux politiques les plus courantes engagées jusqu’à présent… La troisième voie exige l’engagement de mesures en faveur de l’irrigation de l’ensemble du tissu économique à un niveau méso-économique entre le macro-économique et le micro-économique, à un niveau régional ou local… ce qui répond à la nécessité d’augmenter la capacité d’absorption de toutes les entreprises, grandes comme petites, technologiquement avancées comme plus traditionnelles, pour la création d’un avantage régional et un réel accroissement de la compétitivité territoriale. De nouveaux systèmes éducatifs et formatifs, plus adaptés à ces exigences, devraient permettre de pourvoir les régions en compétences nécessaires à la transformation des idées et inventions en biens et services, et la plus grande part de leurs populations actives en chercheurs, ingénieurs et autres ‘talents’, pour que la société toute entière concentrée dans un environnement favorable à l’esprit d’entreprise et à la prise de risques, se lance dans une véritable dynamique créative. 31 Loet Leydesdorff et Henry Etzkowitz23 ont mis en lumière, par leur concept de « Triple Helix », la transformation des fonctions respectives traditionnelles des sphères24 de la connaissance (‘university’), des entreprises (‘industry’) et des pouvoirs publics (‘government’). Depuis quelques années, l’interpénétration du rôle des acteurs, voire leur interchangeabilité, permet des aménagements et une nouvelle dynamique dans des réseaux d’échanges d’informations, de formations et de développement technologique régional. Cette conception, pas réellement nouvelle de l’animation et de la promotion économique des territoires à partir de la valorisation de la connaissance, a favorisé une évolution remarquable, essentiellement aux Etats-Unis et dans quelques pays d’Europe septentrionale. En effet, les universités des pays scandinaves se sont défini une « troisième mission » qui, après les traditionnelles missions d’enseignement et de recherche fondamentale, les engage dans la participation concrète à la promotion des territoires. Cet avantage régional ne peut se construire que par l’utilisation d’une boîte-à-outils technologique (‘Tool-Kit’) qui tend à valoriser un capital de connaissances, d’intelligence et de toutes les avancées technologiques, à partir de ressources humaines (‘Humus’ ou terreau) qui sont mobilisées auprès de tous les acteurs économiques locaux et détenteurs de savoirs, selon la mutualisation des compétences et des projets sur des plateformes matérialisées ou virtuelles régionales et/ou inter-régionales et internationales (‘NET Plus’). Graphiques n°15 – Triple Hélice et Avantage Régional / Graphique n°16 – De la R&D à l’innovation (David Tee) David Tee25, rencontré sur un projet de valorisation de la politique d’innovation en Jordanie en 2008, et œuvrant concrètement en Inde aujourd’hui, m’a également aidé à définir clairement ce qui différencie la R&D de l’innovation, en matière d’objectifs, de populations concernées, de positionnement sectoriel, de coûts et prix, pour préciser de la façon la plus 23 The Transformation of University-industry-government Relations, 2001, Electronic Journal of Sociology, /CAAP, Loet Leydesdorff, Science & Technology Dynamics, Amsterdam School of Communications Research (ASCoR) et Henry Etzkowitz, Science Policy Institute, Social Sc. Division, State university of NY at Purchase) 24 Dans la tradition chinoise, comme me l’a confié M. ZHANG Luning de la National Nanjing Economic & Technological Development Zone (voir questionnaire TAO dans sa phase ‘Nanjing’), et tel que me l’ont confirmé plusieurs de mes amis chinois, le concept 产 学 研 (Chen Xue Yan) signifie l’intégration et la conjonction des entités de Production (产 ), d’Education (学 ) et de Recherche (研 ). 25 David Tee a créé le plus grand réseau B2B du monde et conseille de nombreux gouvernements de pays en développement et émergents sur la politique d’innovation et de compétitivité. 32 pratique les avantages de ces deux politiques : « R&D is the science of turning money into ideas, while Innovation is the art of turning ideas into wealth. » Il part du principe qu’il faut passer par la création de richesse pour créer des emplois et juguler la pauvreté. Si la Chine a su réduire considérablement le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté absolue26, il s’avère que, chaque année, il lui revient de créer 30 millions d’emplois nouveaux… La création d’emplois et de richesse ne pouvant se réaliser que par l’exploitation intelligente des ressources naturelles, humaines, technologiques et financières, conduit à recourir aux sources de la connaissance. Mais l’innovation ne peut exister et se justifier seule et par ellemême, car elle touche tous les aspects de la société et de l’économie : la technologie, l’économie, la politique et la réglementation, les systèmes éducatif et culturel et social, sans négliger l’image mondiale… Dans ce contexte, il devient évident que les organisations rigides sont en danger, car elles favorisent des comportements convenus, routiniers et ‘ritualisés’ dans des institutions parfois ‘fossilisées’ dans leur refus de changer qui confrontent les acteurs locaux à des difficultés d’anticipation, en les bloquant face aux changements non programmés. Rigas Arvanitis, en dénonçant la tendance trop prononcée des Chinois à considérer la promotion de l’innovation par le ‘hardware’ plutôt que par le ‘software’ nous conduit à nourrir les mêmes inquiétudes vis-à-vis de l’avenir : « … un grand nombre des initiatives, notamment de promotion de l’internet, relèvent plus de la construction des infrastructures de base, au même titre que la promotion des infrastructures routières ou d’équipements sanitaires urbains. Finalement, en dehors de la création des centres d’innovation, initiative encore trop récente [NDLR : article écrit en 2004] pour pouvoir tirer des conclusions, rares sont les mesures qui ne sont pas attachées à la construction d’une infrastructure. » * * * 3.2. De la nécessité d’une analyse méthodologique Les différentes études, liées à la définition de stratégies de développement, démontrent la vacuité d’outils d’analyse pertinente en dehors des traditionnels inventaires d’infrastructures matérielles de type ‘brick and mortar’ dont se glorifient trop de candidats à l’érection de nouvelles ‘Silicon Valleys’. Certes, l’habituelle - et maintenant très rituelle - analyse SWOT27 reste finalement très utile, faute de mieux, pour la définition de politiques de développement et de croissance, sinon de compétitivité. Mais, si elle permet un récapitulatif qualitatif de la capitalisation des ressources, elle n’offre pas beaucoup de visibilité sur leurs potentialités. ‘L’Analyse du Portefeuille de Compétitivité’ mise au point par le Boston Consulting Group (BCG) et fondée sur les relations établies entre le partage des marchés et la création de 26 Selon le PNUD, en moins de trente ans de 250 millions de personnes à 26 millions, soit de 31% à moins de 3% de la population totale. 27 Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats (‘Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces’) 33 liquidités pour les entreprises, combinée avec l’approche Seven-S 28 de McKinsey, ont permis en 1994 à la DG XIII de la Commission européenne de proposer en action pilote une approche expérimentale de la promotion de l’innovation en Europe. Cette méthodologie EASW29, outil de dialogue et de collaboration entre les groupes distincts d’acteurs appartenant aux sphères30 des autorités publiques, de l’entrepreneuriat et de la connaissance, n’a pas eu beaucoup d’écho après l’apparition de l’Agenda de Lisbonne et de tous ses instruments de soutien en faveur d’une politique européenne inscrite dans la perspective 2010 de « l’économie de la connaissance la plus puissante du monde. » Graphique n°17 – Méthodologie EASW selon répartition BCG (Boston Consulting Group) La méthodologie EASW permettait néanmoins de s’appuyer sur les fondamentaux de l’innovation en présentant sous la forme schématique BCG en quatre parties, réparties entre une valorisation couplée entre un axe de mesure de la ‘confiance’ (‘Trust’) et un axe relatif à la culture locale en matière d’entrepreneuriat (‘Risk-Taking & Entrepreneurship Cultures’). Comme indiqué en introduction de ce rapport et rappelé dans mon article de Pékin 200531, je choisissais, en 2003 avec la méthodologie TRECK pour la Conférence internationale de la Triple Helix à Turin et, en 2005 avec la méthodologie TAO pour la Conférence IASP à Pékin, de travailler sur ces bases… * * * 28 Sept variables ‘S’ qui regroupent toutes les composantes que nous avons signalées plus haut comme utiles à l’analyse sont les suivantes : Strategy, Structure, Systems, Style, Staff, Skills, Shared values. 29 EASW, European Awareness Scenario Workshop, DG XIII, Commission européenne 30 Déjà définies plus haut avec le principe de la ‘Triple Helix’. 31 Factors and metrics for Knowledge & Creativity clustering – From a Chinese Perspective – IASP Conference, Pékin 2005, Jean-Marie Rousseau ; Jihong Wu Sanderson, Professeur à University of California Berkeley, responsable à ce titre des MBA de S&T dans plusieurs universités de Chine, avait procédé aux interviews dans les quatre parcs scientifiques de Shenzhen, Suzhou, Shanghai et Pékin. 34 3.3. Justification de la méthodologie TAO La méthodologie TAO expérimentée et exposée en 2005 à Pékin, évidemment sur ces nouvelles bases d’exploration, diffère de celle que nous nous proposons de rendre sur la mission TAO-Yangzi en fin 2008. Elle en a retenu les principaux fondamentaux, mais s’est enrichie de l’expérience vécue sur le terrain des sites explorés comparativement. Graphique n°18 – Méthodologie TAO Graphique n°19 – Etude TAO Beijing 2005 La méthodologie TAO repose avant tout sur la prise en considération de trois axes identifiés dans la perspective de mise en œuvre locale d’une politique d’innovation au bénéfice de la croissance et de la compétitivité à long terme de territoires. Le vocable TAO – 韬 - signifiant en chinois « Stratégie », répond à la déclinaison d’un sigle composé successivement de la lettre ‘T’ pour ‘Technology-Enterprise Driven Areas’ (Territoires et entreprises technologiquement performants), la lettre ‘A’ pour ‘Attractiveness of Talents’ (Attractivité des talents) et la lettre ‘O’ pour ‘Open-Minded Climate for RiskTaking and Entrepreneurship Spirit’ (Ouverture d’esprit et climat favorables à l’entrepreneuriat et à la prise de risques). Les performances de chaque critère sont mesurées à l’aide d’indicateurs regroupés par groupes de cinq, et représentés en axe horizontal pour le ‘T’, vertical pour le ‘A’ et selon une taille variable de cercle pour le ‘O’, comme indiqué dans le graphique du TAO-Beijing 2005 ci-dessus. Cette représentation graphique des sites comparés, sans signifier de classement particulier, est par conséquent censée mesurer le degré de mise en œuvre de la politique d’innovation à travers une enquête auprès des principaux représentants locaux des trois groupes identifiés sur le concept de la ‘Triple Helix’. Le questionnaire se limite à cinq questions pour chacun des trois axes étudiés. Les questions, destinées à définir une notation dont on fournira le contenu plus loin, portent sur des éléments opérationnels sur le terrain selon cet ordre : 35 TERRITOIRES ET ENTREPRISES TECHNOLOGIQUEMENT PERFORMANTS Y a-t-il déploiement d’opérations de sensibilisation des entreprises pour une amélioration du niveau technologique du territoire ? et/ou de formation continue pour l’enseignement pratique du management de la S&T et le développement de l’esprit d’entreprise chez les chercheurs et les étudiants ? Est-ce que les organismes administratifs et les institutions intermédiaires offrent des ‘Audits technologiques’ aux PME? Les décideurs locaux dispensent-ils des prestations de services et prennent-ils de mesures incitatives à la coopération entre entreprises et universités ? Les différents acteurs locaux partagent-ils de façon collective et mutualisée les projets et leurs résultats ? Existe-t-il des programmes d’éducation ATTRACTIVITE DES TALENTS Est-ce qu’il y a des engagements du ‘Pôle de Compétitivité’ avec la communauté économique internationale dans un processus d’Open Innovation (externalisation ou insertion de la R&D dans les entreprises à un niveau mondial) ? économiques et industrielles à partir des résultats R&D ? Est-ce que “l’écosystème” local facilite et encourage les scientifiques et entrepreneurs étrangers à améliorer la productivité ? Les entreprises locales poursuivent-elles l’internationalisation de leur R&D? Les autorités publiques locales essaient-elles d’améliorer l’attractivité de leur territoire vis-à-vis des talents internationaux ? Comment ? Quelles mesures incitatives ont été prises pour encourager les scientifiques étrangers et/ou la diaspora de scientifiques chinois à devenir entrepreneurs et à lancer des activités 36 OUVERTURE D’ESPRIT ENVERS L’ENTREPRENEURIAT Y a-t-il un système de suivi et de conseil dispensé par les pouvoirs publics et institutions intermédiaires, aux entreprises en phase de démarrage ou d’incubation, afin de les sensibiliser (vertus ‘pédagogiques’) aux avances technologiques et à la mondialisation des marchés ? Les autorités publiques locales favorisent-elles l’octroi d’aides et de subventions provisoires ou relais, y compris par la mise à disposition de locaux scientifiques et industriels ? Les institutions de capital-risque essaient-elles de réduire le temps d’attente entre demande et réalisation concrète du financement ? L’évaluation des progrès réalisés par les startups, en termes de capacité de croissance et de niveau technologique et de conquête de marchés, fait-elle l’objet d’un contrôle par ‘Tableau de bord’ ? Existe-t-il des canaux financiers, tant publics que privés, spécifiques aux projets d’entreprises et aux spin-offs ? En procédant au décompte des points sur chacun des trois axes, il est alors possible de visualiser la position des six sites et de parvenir à leur représentation graphique selon l’engagement des pouvoirs publics envers une politique de l’innovation : en fonction des efforts consentis pour l’avance scientifique et technologique des territoires considérés, pour l’attractivité – ou la maintenance - des talents (comme des idées) et enfin pour le soutien aux entreprises, tout spécialement les PME, en ce qui concerne leur capacité à structurer leurs productions dans une perspective de conquête de marchés… 37 Cependant, malgré l’attention particulière que nous avions prêtée au contexte local – l’écosystème ? –, en procédant à un exercice d’information sur l’environnement prévalant pour l’adoption d’une politique d’innovation, il apparaissait évident que le capital humain et intellectuel devait être préalablement pris en compte… * * * 3.3. Capitalisation du réservoir humain et intellectuel ? Cette volonté d’engagement des autorités publiques pour la création d’un avantage régional a nécessité de notre part une approche particulière, en parallèle à l’enquête TAO, permettant d’évaluer la mobilisation des pouvoirs publics et leur appréhension du contexte local. Graphique n°20 - Légende pour Intégration des infrastructures R&D et High-Tech dans la cité Il nous a aussi semblé pertinent en parcourant le terrain, d’exprimer graphiquement (cartographie de la politique d’innovation), le degré d’intégration des parcs hi-techs et autres zones ETDZ dans le ‘paysage’ urbain, autrement dit de l’innovation dans la ville, selon une graduation de couleurs, allant du ‘gris rosé’ jusqu’au ‘rouge grenat’ : - depuis le gris perlé de points rouges - révélant des difficultés d’intégration de la politique et contradictions (ou lacunes) entre acteurs régionaux et contexte local ; - jusqu’au rouge grenat - qui dénote d’une politique harmonieuse, en phase avec le contexte local et la mondialisation. En complément de l’observation de visu sur le terrain, les huit réponses apportées à ce préambule ont eu pour objectif de situer la capacité des autorités publiques préposées aux S&T et à l’économie à communiquer efficacement avec leurs partenaires locaux entrepreneurs, universitaires, chercheurs, administrateurs d’institutions intermédiaires -, dans une perspective de mondialisation. 8 questions sur le positionnement local-global en matière de S&T/innovation 1 - Comment mesurer les performances de votre ‘Pôle de compétitivité’ ? 2 - Quels sont les facteurs clés de succès de votre ‘Pôle de compétitivité’ ? 3 - Dans quelle mesure pourriez-vous attribuer le succès de votre ‘Pôle de compétitivité’ à vos actions locales de soutien et de promotion du territoire ? 4 - Comment les start-ups et les PME éclosent-elles et évoluent-elles - dans et - par les opérations de financement et le levage de fonds ? 5 - Quels sont les secteurs-clés de votre ‘Pôle de compétitivité’ en matière de S&T ? 38 6 - Quelles sont les domaines de R&D spécifiques à votre ‘Pôle de compétitivité’ ? 7 - Sauriez-vous situer les principales activités des entreprises de votre ‘Pôle de compétitivité’ dans les maillons de la Chaîne de Valeur Production ? 8 - Sauriez-vous situer les principales activités des entreprises de votre ‘Pôle de compétitivité’ dans les maillons de la Chaîne de Valeur Innovation ? Les questions 7 et 8 se réfèrent aux Chaînes de valeur reproduites en Annexe 7 avec les « Guides d’entretien chinois-anglais de l’enquête TAO » à titre d’exemple, avec une mention particulière pour la Chaîne de valeur R&D/Innovation qui se développe depuis quelques années dans l’industrie des logiciels (software) entre la Californie et Bangalore en Inde… La Silicon Valley que nous évoquons ci-dessus, référence majeure de ‘benchmarking’ dans la société de l’information et l’économie de la connaissance, n’est cependant pas toujours analysée correctement. Ce phénomène n’était pas une évidence dans les années 80 et l’émergence et la réussite d’une telle région a mis longtemps à s’affirmer dans le paysage économique. Du moins, c’était le cas pour l’analyse des fondements de sa prospérité, même si AnnaLee Saxenian32 avait depuis longtemps démonté le ‘moteur’ de cette formidable machine à succès économique en comparaison de la prestigieuses ‘Route 128’33. Ce n’est pas tant la présence de grandes entreprises technologiques, l’apport de capitaux-risqueurs et les résultats de grandes et renommées universités qui importaient, mais plutôt le flux d’informations traversant de part en part des régions soutenues par des acteurs animés de projets communs. Pourtant encore, de nombreuses régions et pays considèrent qu’il suffit de consentir des investissements dans les infrastructures d’éducation et de recherche pour lever les difficultés inhérentes au sous-développement et sortir de l’ornière de la stagnation. Les progrès scientifiques et technologiques sont certes porteurs de promesses, voire de résultats tangibles par l’élévation du niveau d’éducation des populations et la conquête de marchés. Les pays qui participeront à l’économie de la connaissance sont ceux qui auront investi dans la formation et créé des générations importantes de chercheurs et d’ingénieurs. Le tableau 1 (ISCED34) atteste de l’excellente position de la Chine en la matière. 32 Regional Advantage, Culture and Competition in Silicon Valley and Route 128, Prof. AnnaLee Saxenian, Harvard university Press, 1994 ; AnaLee Saxenian assume, entre autres responsabilités, la charge de Dean if information à University of California, Berkeley 33 ‘Movinnovation’ as a driving force of the 21st Century’s smart territories, Jean-Marie Rousseau, Brussels, January19, 2008 – conférences à l’Université Carlos III à Madrid et à l’Université de Varsovie en 2008. 34 International Standard Classification of Education ; ISCED 5A se rapporte aux programmes qui favorisent des orientations sur des programmes de recherche et des professions requérant de hautes qualifications, tandis que ISCED 5B concerne des orientations plus pratiques et ne donne pas accès à des programmes de recherche avancée et ISECD 6 se rapporte à de programmes d’éducation supérieure qui mènent à l’obtention de reconnaissance et prix internationaux ; pour plus de détails, voir UNESCO 1997. 39 Tableau 1 – Ressources humaines en sciences et technologies (2005, OCDE) La Chine, dans son ensemble, a fourni des efforts considérables en matière de création de nouvelles ressources humaines en sciences et technologies et dans les domaines de la R&D. Il en est de même pour l’éducation supérieure, comme l’attestent les tableaux statistiques et graphiques tirés du document de l’OCDE35 sur les perspectives chinoises en politique d’innovation, tels que présentés au Symposium36 de 2007. Graphiques n° 21 et 22 35 OECD Reviews of Innovation Policy CHINA, OECD 2008 (www.oecd.org/sti/innovation/reviews) China and R&D Globalisation : Integration and Mutual Benefits, Friendship Hotel, Beijing, China 28 August 2007, CISTP (China Institute for Science and Technology Policy at Tsinghua University) and OECD 36 40 Partout en Chine, spontanément ou selon une politique déterminée, sont déployées des activités orientées vers la promotion de la haute-technologie et de l’économie de la connaissance. Dans ce domaine de l’innovation, les initiatives les plus visibles seraient l’émergence d’incubateurs porteurs de ‘germes’ et d’entreprises les plus prometteuses. Depuis que le premier incubateur chinois a été créé en 1987 sur Wuhan, près de 500 incubateurs sont installés à travers toute la Chine (notamment par le biais du programme TORCH), avec une grande majorité sur Pékin (plus de 60), Shanghai (plus d’une trentaine) et Shenzhen (du même ordre en quantité). Les incubateurs, considérés comme les meilleurs ‘outils’ – causes ou conséquences ? – concernent en Chine pour la plupart deux secteurs, qui sont, d’une part, les technologies de l’information et les télécoms et, d’autre part, dans une moindre mesure toutefois, les biotechnologies. Quoique nombre de spin-offs chinoises proviennent de ces incubateurs, elles ne sont pas nécessairement liées aux activités d’universités - débouchés et résultats - dans les centres de recherche chinois. Etant donné la taille et la diversité de la Chine, les moyennes nationales ne peuvent être significatives. Au niveau régional, de profondes disparités peuvent être enregistrées en termes de dépenses de R&D, de ressources humaines et autres performances relatives aux résultats de la R&D. Mais dès lors, en se référant à une distribution régionale des données relatives aux inputs et outputs, il devient immédiatement patent que Pékin distance toutes les autres villes et Provinces de Chine. Cependant, l’analyse, à laquelle je me suis prêté pour l’étude en « valeur absolue » de l’intensité R&D (Annexe 1), tend à atténuer quelque peu la portée d’une telle remarque et mettre en valeur la contribution d’autres Provinces au financement de la R&D, notamment le long de l’Axe du Yangzi. 41 Graphique n°23 – Intensité R&D dans les Provinces chinoises en 2006 Ce constat de supériorité incontestable de Pékin sur le reste de la Chine était déjà évident dans les notes ci-avant du chapitre 2.2., à propos de l’engagement sur projets ‘software’ (Tableau Distribution régionale des Programmes 863 en 2002) et se trouve corroboré par les données rapportées par le MOST (2007) mises en Annexe… même si l’OCDE, dans son document intitulé ‘OECD Reviews of Innovation Policy CHINA’, nous fait subtilement remarquer que les données, agrégées à un niveau national dans ces domaines scientifiques et technologiques, sont remarquables en termes d’inputs, mais doivent être tempérées en termes d’outputs. Il faut en effet noter que les Provinces les plus performantes en intensité de R&D, Pékin bien sûr, mais aussi Shanghai, Shaanxi et Sichuan, enregistraient en 2006 un déficit de commerce extérieur pour les produits et services high-tech, respectivement de 42%, 12,4%, 6,6% et 3%. Pas de quoi vraiment pavoiser pour l’instant, tant pour la Chine dans son ensemble que pour les meilleures d’entre ses Provinces… En termes d’intensité R&D, c’est-à-dire pour la mesure des dépenses en R&D par rapport au PIB, l’avance de Pékin sur les autres provinces s’affirme nettement mais ne laisse entendre qu’une supériorité numérique d’institutions placées dans la capitale et sans doute une propension des administrations centrales à concentrer leurs aides sur les places les plus visibles, du fait d’une renommée renforcée par leur proximité. De surcroit, les documents du Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) – Secteur universitaire -, recensés (Annexe 2) par l’Ambassade de France37 sur les classements 2008 des universités chinoises, accréditent cette thèse. Toutes les statistiques à ce sujet s’avèrent très instructives pour l’appréhension exhaustive du niveau du capital humain et intellectuel en Chine. Pékin a sans conteste des lieues d’avance sur les autres villes. Mais, si 37 Je tiens à remercier M. Jean-François Vergnaud, Attaché de Coopération universitaire de l’Ambassade de France à Pékin, qui nous a fourni ces documents et statistiques que nous laissons à disposition du lecteur en Annexe 1 de ce rapport 42 Shanghai ne peut pas se positionner toujours comme la seconde ville universitaire, les universités de l’Axe du Yangzi tiennent une place relativement honorable. Graphique n°24 – Les 100 meilleures universités dans Programme 211 A l’extérieur de ce ‘corridor’ Yangzi, il n’y a guère que Hangzhou (Université du Zhejiang) qui peut rivaliser avec Nanjing, Wuhan ou Shanghai. Pékin d’emblée place deux universités en tête du classement universitaire, Tsinghua et Beida, qui - avec l’Université du Zhejiang -, pour l’attribution de notes (respectivement 271, 216 et 204 points), distancent de cent coudées les autres universités chinoises : la quatrième, Shanghai Jiaotong Université ne totalise que 143 points. Les classements des « 50 premières universités aux niveaux Master et Doctorat », des « Top 50 de la CUAA » (Concordia University Alumni Association) ou des « 16 universités d’excellence » présentent la même configuration, c’est-à-dire une nette supériorité des universités de Pékin sur les autres universités chinoises, pratiquement du simple au double. Il y a cependant lieu de tempérer cette analyse statistique qui ne projette pas nécessairement de façon réaliste la situation inter-relationnelle de la ‘Triple Helix’. L’étude de Rigas Arvanitis, quoique datant de 2004, nous apporte encore un éclairage sur la politique d’innovation, en corroborant assez les analyses issues de l’approche méthodologique TAO… Notons toutefois que cette analyse peut refléter une situation différente du contexte qui nous intéresse aujourd’hui puisqu’il s’agit de la Chine du Sud et que depuis 2004, les relations ont bien évolué, tout au moins en ce qui concerne les spin-offs, notamment sur Pékin et Shanghai. Insuffisante présence des universités dans l’innovation38 38 La politique d’innovation en Chine – un essai d’interprétation, Canton, mars-avril 2004, Rigas Arvanitis, IRD, Centre franco-chinois de sociologie de l’industrie et des technologies, Antenne expérimentale francochinoise de sciences humaines et sociales à Pékin 43 Il est difficile de mentionner la promotion de la recherche universitaire utile ou commercialisable comme moyen de la politique d’innovation dans la mesure ou les Universités ont beaucoup de mal à intégrer la mise en relation avec les entreprises comme une donnée de base ou de routine de leur fonctionnement. La création d’entreprises par des universitaires est quelque chose d’exceptionnel qui concerne généralement les plus prestigieuses universités chinoises. La mise en réseau de laboratoires universitaires ou la création de pôles universitaires est assez rare. D’ailleurs, la politique des centres d’innovation était censée répondre en partie à la difficulté de liaison des Universités avec les entreprises. Le résultat pour le moment est assez peu probant, mais le temps donnera peut-être raison à cet effort. Les services administratifs des universités gèrent des contrats de recherche mais en se limitant à l’aspect administratif et bancaire. […] Quelques rares valorisations industrielles passent aussi par les services centraux, mais ce sont des cas souvent liés à des projets soutenus par une entreprise publique ou quasi-publique (collective) qui par l’ampleur du projet ne peut pas se satisfaire de contacts à l’amiable et de contrats informels. Les problèmes proviennent en partie de la faiblesse de la communauté scientifique. En effet, si les budgets ont considérablement augmenté dans la recherche essentiellement publique, la forme d’organisation de la communauté scientifique […] est l’unité administrative. Les liens hiérarchiques forts entre les équipes de recherche et leur autorité de tutelle sont vécus comme un obstacle. […] De plus, la plupart des liens des professeurs universitaires avec des entreprises sont des liens privés et individuels. […] Nous pourrions multiplier les exemples comme celui-ci où l’appel à compétence prévaut sur les liens personnels. La demande est réelle, les entreprises ont besoin de compétences universitaires mais la mise en place de ces liens se fait de telle sorte qu’ils aboutissent à des liens privés et personnels qui échappent au système universitaire. Enfin, les professeurs créent parfois des entreprises de service qui ont la forme d’une association d’anciens élèves, essentiellement en assurant des services de formation. Ces entreprises sont insérées assez intimement dans l’université et fonctionnent comme des bureaux de formation continue. Ce marché, dans le Sud de la Chine, commence à devenir extrêmement concurrentiel. Ainsi, à Shenzhen, toutes les grandes universités chinoises, y compris Tsinghua (Pékin) et Zhongshan (Canton), ont créé leur « division Shenzhen » qui offre des formations aux cadres des entreprises, pour l’essentiel dans la gestion. Dans ce cadre, il semblait pertinent d’ajouter une composante graphique à la représentation cartographique TAO-Yangzi, en considérant Pékin comme valeur-phare 12 et, en conséquence, alignant à sa suite la position PHIR - ou Potential Human & Intellectual Resources - des sites situés le long de l’Axe du Yangzi. Graphique n°25 – Légende pour représentation des sites sur critères TAO Dans ces conditions, il est possible de confirmer que Shanghai maintient sa position de deuxième avec 6 points, tandis que viennent ensuite Nanjing avec 5 points, Wuhan avec 4 points, Chengdu avec 3 points, puis, fermant la marche, Chongqing avec 2 points. 44 Tenant compte de toutes ces premières données statistiques, inputs et outputs confondus, à la manière du document EIS39 régulièrement édité par CORDIS sous l’égide de la Commission européenne, il devient possible de procéder à une analyse peut-être assez objective, mais indéniablement trop ‘sèche’ et peu susceptible de donner du sens en matière de dynamique des territoires. On en retiendra pour l’instant que la domination de Pékin est incontestable dans les domaines que nous avons passés en revue, mais ne laisse pas pour autant présager de la valeur et de la promesse dont les sites chinois pourraient être porteurs. La cartographie de ces valeurs ne représente absolument pas la capacité des territoires à relever les défis de la mondialisation et de l’innovation. Elle permet certes de voir les ‘trésors’ que recèlent certains territoires par rapport à d’autres dans une analyse du passé – d’avant la Crise 2008 – mais ne permet probablement pas de mesurer les réelles forces et les vraies politiques d’innovation initiées ou 39 European Innovation Scoreboard (ou Tableau de Bord européen de l’innovation – TBEI) est édité depuis 2000 et constitue, dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne, l’instrument essentiel d’évaluation et de comparaison du rendement des Etats membres de l’Union européenne en terme d’innovation. Pour de plus en plus d’observateurs, les indicateurs choisis et constamment réexaminés ne donnent cependant pas un panorama satisfaisant ni ne permettent une analyse des tendances significatives de progrès de la part des Etats membres dans ce domaine spécifique de l’innovation. UNU-MERIT (Maastricht Economic and Social Research and training centre on Innovation and Technology, Maastricht University), en grande partie à l’origine de cet EIS (depuis 2000, en coopération avec la DG Entreprises de la Commission européenne), pense à une nouvelle approche de ce qui passait pour un outil de l’Agenda de Lisbonne au bon usage des pays membres de l’Union européenne et vient de proposer sous la publication INNO METRICS (PRO INNO EUROPE) – Hugo Hollanders & Adriana Cruysen - une nouvelle approche sous le titre : Rethinking the European Innovation Scoreboard : A New Methodology for 2008-2010 45 développées par les autorités publiques en concertation avec les acteurs économiques et scientifiques de leurs circonscriptions. Le Plan Stratégique de S&T à moyen et long termes, adopté en 2006, nous révèle les principales orientations que le gouvernement chinois entend privilégier entre la réduction de la dépendance envers la technologie étrangère et la mise en œuvre d’un climat propice à une plus grande confiance en des capacités internes au pays. Il semble que ce Plan Stratégique de S&T viserait surtout à favoriser et accélérer l’accès des entreprises chinoises à dominante scientifique et technologique à des positions avancées au niveau mondial. Néanmoins, en dépit de performances remarquables, fort justement soulignées dans le rapport de l’OCDE, il reste évident que le potentiel national de la Chine n’a pas été encore pleinement exploité : les entreprises chinoises, loin s’en faut, n’ont pas encore atteint leur phase optimale d’innovation, alors que le Système d’Innovation National (NIS) n’est pas vraiment tourné vers la valorisation de ses entreprises ni la conquête efficace de marchés. Nous percevons dans cette perspective que la politique du gouvernement chinois vise à transformer l’économie chinoise d’ici à 2020 pour atteindre le premier rang parmi les nations. Beaucoup d’observateurs internationaux considèrent cette ambition comme réaliste, mais il n’en reste pas moins vrai que cela non seulement exigera des efforts et investissements en R&D bien plus importants, mais surtout nécessitera une correction drastique des insuffisances du système d’innovation. L’approche appropriée reste à définir au niveau national comme aux niveaux régionaux 46 (provinces et municipalités, si ce n’est Parcs High-Tech et ETDZ) vis-à-vis de tous les défis que nous avons rappelés au cours de cette première partie du rapport. Aussi, proposons-nous d’examiner dans la seconde partie de ce rapport la façon dont certains sites chinois abordent cette phase de croissance économique, que tout le monde reconnaît particulièrement liée à la politique d’innovation. * * * 47 MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 48 Partie I En remontant l’Axe du Yangzi ANNEXE 1 Classements des universités chinoises Intensité R&D en Provinces chinoises, par rapport au PIB en 2006 (source MOST/OCDE) Intensité R&D en Provinces chinoises en valeur absolue de RMB Yuan Tableau comparatif des dépenses R&D et du PIB dans les Provinces 49 50 INTENSITE R&D % R&D/ PROVINCES par rapport au PIB CHINOISES BEIJING SHANGHAI SHAANXI TIANJIN JIANGSU LIAONING ZHEJIANG SICHUAN HUBEI GUANGDONG SHANDONG CHONGQING GANSU ANHUI JILIN HEILONGJIANG FUJIAN JIANXI SHANXI HUNAN NINGXIA HEBEI GUIZHOU HENAN YUNNAN QINGHAI GUANGXI NEI MENGU XINJIANG HAINAN TIBET 5,50 2,50 2,24 2,18 1,60 1,47 1,42 1,25 1,25 1,19 1,06 1,06 1,06 0,97 0,96 0,92 0,89 0,81 0,76 0,71 0,70 0,68 0,64 0,64 0,62 0,62 0,38 0,34 0,28 0,20 0,17 PIB (milliards RMB) 428 745 288 293 1540 687 1124 656 631 1603 1549 267 156 481 296 530 605 350 304 561 46 877 159 882 296 47 332 271 220 77 21 51 Dépenses R&D Classement en (milliards RMB) Valeur absolue 23,54 18,62 6,45 6,39 24,64 10,09 15,96 8,20 7,89 19,08 16,42 2,83 1,65 4,71 2,84 4,88 5,38 2,84 2,31 3,98 0,32 5,96 1,02 5,64 1,84 0,29 1,26 0,92 0,62 0,15 0,04 2 4 10 11 1 7 6 8 9 3 5 20 23 16 18 15 14 19 21 17 28 12 25 13 22 29 24 26 27 30 31 MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 52 Partie I En remontant l’Axe du Yangzi ANNEXE 2 Classements des universités chinoises Classement des 100 meilleures universités chinoises dans programme 211 Les 16 universités chinoises dites « d’excellence » Classement des universités chinoises du CUAA - Concordia University Alumni Association Classement des Universités chinoises (1-50) – Concordia university Alumni Association (CUAA) Classement 2008 des universités chinoises - Académie des sciences administratives de Chine (CAAS) 2007 : Les 50 premières universités au niveau Master et Doctorat 53 54 55 56 Les 16 universités chinoises dites « d’excellence » établissement Raisons de figurer dans le établissement classement U Tsinghua Recherche d’excellence 40, 1er en ingénierie et médecine, 2e en sciences de U de Pékin gestion Beida U du Zhejiang Recherche d’excellence, 2e en ingénierie, 3e en sciences de gestion U de Nankin Recherche d’excellence, 2e en sciences et lettres U Jiaotong de Shanghai U Normale de e Pékin Recherche d’excellence, 3 en ingénierie U des Sciences Recherche d’excellence, 3e et Technologies U Fudan en sciences de Chine U de Tianjin U Nankai de Tianjin U Jiaotong de Xi’an Recherche d’excellence, 5e U Sun Yat Sen en ingénierie U du Peuple de Recherche d’excellence Chine 1er en sciences de gestion U d’Industrie de e 4 en ingénierie Harbin Raisons de figurer dans le classement Recherche d’excellence, 1er en sciences, philosophie et économie, 2e en médecine et droit Recherche d’excellence, 1er en pédagogie, 1er en histoire, 3e en lettres Recherche d’excellence, 3e en médecine Recherche d’excellence 1er en droit, 2e en économie U d’Agriculture er 1 en agronomie de Chine U des Sciences et Technologies de 6e en ingénierie la Chine centrale Classement des universités chinoises du CUAA 40 Les universités disposant pour les aspirants-chercheurs d’une composante « innovation » supérieure à la moyenne nationale des universités chinoises classées « recherche » et délivrant plus de 100 titres de doctorat dans l’année. 57 (Concordia University Alumni Association) Créé en 2001, le CUAA (Concordia University Alumni Association) est une plateforme internet dédiée aux anciens étudiants chinois. Depuis 2002, une équipe du CUAA travaille sur l’évaluation et le classement des universités chinoises. Le classement 2008 a été élaboré conjointement par le CUAA, la revue « Université » et le journal « 21st Century Talent Report ». Le classement du CUAA est établi à partir de l’évaluation de deux missions universitaires : la formation et la recherche, avec une part importante accordée à l’innovation et à la notoriété médiatique des établissements. Il se distingue des autres classements par l’accent mis sur les réalisations historiques et la puissance des universités. Critères du Classement 2008 de CUAA Critère de 1e Critère de 2e niveau niveau Centres de recherche Recherches scientifiques Programmes de recherches Valorisation de la recherche Formation Réputation Critère de 3e niveau proportion Centres d’innovation 15.56% Programmes de recherches fondamentales de niveau national Réalisations de recherches scientifiques d’importance 13.33% 20.00% Centres de formation Niveau des disciplines 11.11% Corps enseignant Enseignants éminents 13.33% Etudiants Anciens étudiants éminents 20.00% Au niveau national 2.22% Au niveau social 4.45% Réputation générale Définition des critères 1 、 Les « Centres d’innovation » incluent les « centres de recherche » et les « centres de valorisation de la recherche ». Les « centres de recherche » désignent les laboratoires d’Etat, les laboratoires nationaux clés, les laboratoires clés du MoE, les laboratoires clés de la défense nationale, etc. Les « centres de valorisation de la recherche » se composent des centres d’études nationaux en ingénierie, des laboratoires d’Etat en ingénierie, des centres d’études en ingénierie du MoE, etc. 2. Les « programmes de recherches fondamentales de niveau national» incluent les projets d’Etat de recherches fondamentales dits « 973 », les programmes de recherches scientifiques d’importance majeure, les projets de la Fondation nationale des sciences naturelles et de la Fondation nationale des sciences sociales, etc. 3. La « réalisation de recherches scientifiques d’importance» comprend les récompenses d’Etat, les Prix de propriété industrielle de Chine et les articles de recherche répertoriés par les revues « Nature & Science». 58 Les « récompenses d’Etat » désignent les plus hautes distinctions d’Etat en matière de sciences et technologies, les distinctions en sciences naturelles, les distinctions pour inventions technologiques, les distinctions « Progrès scientifiques et technologiques », les 10 prix du progrès scientifique et technologiques de Chine, les 10 prix du progrès scientifiques et technologiques des établissements chinois d’enseignement supérieur, les prix sur projets de la Fondation nationale des sciences sociales, les prix pour les sciences humaines et sociales des établissements chinois d’enseignement supérieur, les prix pour la contribution spécifique des universités de la défense, etc. Les « prix de la propriété industrielle de Chine » sont constitués des médailles d’or et prix d’excellence du programme « Propriété industrielle de Chine ». 4. Le « Niveau des disciplines » fait référence au programme 111 (introduction de mille savants du monde et création de cent bases d’innovation disciplinaire au sein des universités chinoises), au disciplines clés du 1e degré national, aux disciplines clés du 2e degré national, aux disciplines prioritaires nationales, aux centres de recherches post-doctoraux, ainsi qu’au nombre de disciplines du 2e degré habilitées à délivrer Doctorat et de Master. 5. Les «enseignants éminents » désignent les académiciens chinois et étrangers, les chercheurs en sciences sociales éminents, les enseignants chinois de renom, les membres du Programme Yangtsé (Programme qui distingue des hommes de science de grand mérite), les responsables des équipes d’innovation, les lauréats de la Fondation nationale des sciences naturelles pour les jeunes, etc. 6. Les « anciens étudiants éminents » répertorient les carrières administratives de haut niveau, les entrepreneurs, les scientifiques, les littéraires, les jeunes juristes, les économistes, les artistes, les excellents étudiants, etc. Les « carrières politiques remarquables » désignent les dirigeants de niveau national, ministériel et provincial, les membres et les membres suppléants du comité central du PCC, etc. Les « entrepreneurs remarquables » désignent les présidents de conseil d’administration, les directeurs généraux des entreprises chinoises et étrangères cotées en bourse, des entreprises d’Etat sous tutelle de la Commission de contrôle et de gestion des biens publics, des entreprises d’Etat prioritaires, les présidents des banques nationales et des banques commerciales, les personnes figurant au palmarès des Chinois les plus riches. Les « scientifiques remarquables » désignent les académiciens chinois et étrangers, les chercheurs en sciences sociales éminents, les membres du Programme Yangtsé, les responsables des équipes d’innovation, etc. Les « littéraires, jeunes juristes, économistes éminents » comprennent les lauréats des prix « microphone d’or » (dédié aux présentateurs de radio et de télévision), des prix du film et de la télévision, des prix de littérature « LU Xun » et « MAO Dun », les lauréats des prix « jeunes juristes remarquables » et « économistes mondiaux ». Les « excellents étudiants » sont les lauréats des meilleures thèses au niveau national (y compris les candidats proposés), des projets nationaux de création d’entreprise d’étudiants, des concours des ouvrages scientifiques et techniques, des discours en anglais, etc. 7. La renommée « au niveau national » est jaugée selon les critères tels que : université de niveau vice ministériel, membre des programmes 985 et 211, université clé, appartenance aux 14 établissements prioritaires à l’Ouest de Chine, présence d’Instituts des aspirants chercheurs. 8. La renommée « sociale » s’appuie sur le nombre de mentions de l’établissement dans les media l’année précédente et le nombre de citations trouvées par les moteurs de recherche d’actualités. 59 60 61 Classement 2008 des universités chinoises Académie des sciences administratives de Chine (CAAS) Depuis, 1987, l’Académie des Sciences administratives de Chine (CAAS), basée à Pékin, publie chaque année son classement des 100 meilleures universités chinoises. A partir de 1993, l’élaboration de ce classement a été confiée à l’antenne régionale de Canton (Guangzhou). Les auteurs changent en général d’une année sur l’autre, à l’exception de WU Shulian, chercheur à la CAAS et directeur du projet « Evaluation des universités chinoises » de l’antenne cantonaise. Ses articles sont régulièrement cités dans les périodiques spécialisés. Le classement 2008, paru le 7 janvier dans la Revue « Epistémologie et gestion des sciences et technologies » 科学学与科学技术管理 , peut être consulté en chinois sur le site Internet : http://edu.sina.com.cn/focus/utop.html. Cette année, sa réalisation a été confiée conjointement à M. Wu Shulian, Lü Jia et Guo Shilin. Jusqu’à l’an dernier, le classement reposait sur deux indices internationaux - Sciences Citation Index (SCI) et Engineering Index (EI) - et quatre indices chinois : Chinese Science Citation Database (CSCD) 中 国 科 学 引 文 数 据 库 ; Chinese Social Science Citation Index (CSSCI) 中 文 社 会 科 学 引 文 索 引 ; Chinese Humanities and Social Science Citation Database (CHSSCD) 中 国 人 文 社 会 科 学 引 文 数 据 ; China Scientific and Technical Papers and Citations Database (CSTPC) 中国科技论文与引文分析数据库 . Un nouveau critère a été ajouté en 2008 : abaissement de 10% de la note globale d’un l’établissement en cas de découverte de plagiat ou pillage non suivi d’une démission ou d’un non renouvellement de contrat. La sanction est portée à 20% de la note globale en cas de récidive. L’Université de Wuhan et l’Université de l’Aviation civile de Chine ont ainsi vu leur note baissée de 10 %. Par ailleurs, 4 modifications ont été apportées au dispositif d’évaluation : 1. suppression des périodiques chinois répertoriés par l’EI mais à facteur d’impact faible ; 2. les périodiques répertoriés par le MEDLINE (Medical Literature Analysis and Retrieval System Online) sont considérés comme des périodiques d’origine pour le projet « Evaluation des universités chinoises » ; 3. Rétablissement de l’indice de publication des monographies ; 4. Introduction du résultat de l’évaluation des formations de Benke effectué par le MoE comme critère de définition typologique des universités (recherche et formation ou formation). En 2008, l’Université Tsinghua, avec une note de 271, se classe au premier pour la douzième année consécutive, l’Université de Pékin (216) et l’Université du Zhejiang (204) se classent respectivement aux 2e et 3e places. Ces 3 universités se partagent les trois premières places pour la neuvième année consécutive. Les autres universités classées aux 10 premières sont l’Université Jiaotong de Shanghai (4e), l’Université de Nankin (5e), l’Université Fudan (6e), l’Université des Sciences et Technologies de Chine (7e), l’Université des Sciences et Technologies de la Chine centrale (8e), l’Université de Wuhan (9e) et l’Université Jiaotong de Xi’an (10e). Par rapport à 2007, les 6 premières universités restent identiques ; l’Université des Sciences et Technologies de Chine monte au 7e rang, l’Université des Sciences et Technologies de la Chine centrale et l’Université de Wuhan enregistrent une baisse d’une place ; l’Université Jiaotong de Xi’an conserve sa place, et l’Université de Jilin échoue à intégrer le palmarès des 10 premières universités. Par ailleurs, l’Université du Heilongjiang, l’Université de Pharmacie de Chine, l’Université Normale de Shanghai, l’Université de l’Anhui et l’Université Normale du Fujian apparaissent dans les cent premiers rangs. 62 Parallèlement, la même équipe a publié plusieurs classements complémentaires : - la liste des 16 universités chinoises « d’excellence ». Cette liste est inchangée par rapport à 2007. - La liste des 36 universités chinoises de type « recherche ». L’Université d’Aéronautique et d’Astronautique de Nankin y figure pour la première fois. Cet établissement sous tutelle de la COSTIND (Commission of Science Technology and Industry for National Defense of the People's Republic of China) qui est dans la liste du programme 211, améliore son classement d’année en année. Cette liste est complétée d’un classement « Innovation » des étudiants chercheurs des 36 universités « recherches ». L’Université Tsinghua, l’Université des Sciences et Technologies de Chine, l’Université de Pékin, l’Université de Nankin occupent les 4 premiers rangs. Ce classement, qui éclaire à sa manière le niveau général des étudiants chercheurs d’un établissement donné, pourrait servir de référent aux vœux des futurs candidats du Gaokao. - Un classement par discipline. L’Université Tsinghua est classée première en sciences de l’ingénieur et médecine, l’Université de Pékin en sciences, philosophie, économie et littérature, l’Université Jiaotong de Xi’an en sciences de gestion, l’Université du Peuple de Chine en droit, l’Université d’Agriculture de Chine en agronomie, l’Université Normale de Pékin en pédagogie et histoire. Enfin, des recherches conduites sur les 200 spécialités de niveau licence (Benke) mettent en évidence la qualité des formations de l’Université Tsinghua et de l’Université de Pékin. Les autres établissements suivent loin derrière. Sources : http://edu.sina.com.cn/focus/utop.html http://edu.sina.com.cn/gaokao/2008-01-07/1653116647.shtml 63 2007 : Les 50 premières universités au niveau Master et Doctorat Général Discipline A++ A 2 U de Pékin A++ A++ A++ A++ A - A++ A++ A++ A++ A+ A++ A++ 3 U. du Zhejiang A++ A++ A+ A+ A++ A++ A A A+ A 4 U. Jiaotong de Shanghai A++ A++ A A A++ C+ C+ B B B 5 U. de Nankin A++ A++ A++ A++ A - A A++ A+ B+ - A++ A - - C+ C+ C C+ 6 U. Fudan A++ A+ A+ B+ Observation - Classement par province A++ A++ Sciences de gestion Histoire A++ A++ Pékin 1 A++ Pékin 2 A++ Zhejiang 1 E+ A++ Shanghai 1 B+ A++ A+ A+ Jiangsu 1 A++ A++ A++ A+ B+ A++ A++ A+ Shanghai 2 D+ C+ A Anhui 1 A++ A+ A Littérature A++ A++ B A+ Education U. Tsinghua A+ A Droit Economie Philosophie Médecine Agronomie Ingénierie Sciences Sciences sociales Sciences naturelles Puissance générale Etablissement Classement 1 A+ A++ B+ B 7 U. des S&T de Chine A+ A+ B+ 8 U. des S&T de Chine centrale A+ A+ A B+ A+ E+ A B+ B+ B+ A B+ D+ A Hubei 1 9 U. Zhongshan A+ A+ A A B+ C+ A+ A+ A A B+ A A A Guangdong 1 10 U. de Wuhan A+ A A+ A A - B+ A+ A A++ B A+ A A+ Hubei 2 11 U. du Jilin A+ A+ A A A B B+ A A A+ B B+ A A Jilin 1 12 U. du Sichuan A+ A Institut de Technologie de 13 Harbin A A+ A B+ A C A B+ B+ B+ C+ A+ A+ A Sichuan 1 B+ B+ A++ - - B C C D+ D+ E+ B+ Heilongjiang 1 A - A++ Shaanxi 1 14 U. Jiaotong de Xi’an A A A B+ A+ - B+ B C+ C+ D+ 15 U. Nankai A A A+ A+ B C D+ A A++ A B A A++ A Tianjin 1 16 U. du Shandong A A A A A - B+ A B+ B+ C A B Shandong 1 U. Normale de Pékin A A A++ A C+ D+ E+ A B+ B+ A++ A++ A++ A Pékin 3 18 U. de Tianjin A 19 U. du Peuple de A Chine A E+ B+ A++ C+ A++ E+ E+ E+ - A+ A++ Tianjin Pékin 2 4 17 D+ C C D C+ E A++ A++ A++ C+ 64 C+ A+ B+ A Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 20 U. du SudCentral A A B+ B+ A D C+ C+ B E B+ Hunan 1 21 U. de Xiamen A B+ A+ A B D+ D+ B+ A++ A A A A A Fujian 1 22 U. du Sud-Est A A B+ B A+ - C+ B+ B C C+ C+ - A Jiangsu 2 23 U. Beihang U. de Technologie de 24 Dalian U. Polytechnique 25 du Nord-Ouest A A B C+ A+ - - E C+ E+ B D+ - B+ Pékin 5 A A B B+ A+ E+ E+ B D+ D C D E B+ Liaoning 1 A A C+ C+ A+ - E - D D C E - B Shaanxi 2 26 A A B+ B+ A - C C C C+ C+ C - A Shanghai 3 A B+ A A C - - B+ B+ B+ A++ A A+ B Shanghai 4 A A B C+ A - - C C D+ C C - B+ Guangdong 2 29 U. de Lanzhou A U. d’Agriculture 30 de Chine B+ Institut de Technologie de 31 Pékin B+ A B+ A C+ C B C B B D+ B B+ C+ Gansu 1 B+ B B+ B A++ - E C D+ - E+ - B+ Pékin 6 B+ C+ B A - D D+ D+ D C+ D+ E B Pékin 7 B+ B+ B+ C+ A E E+ D B C C D+ - A Chongqing 1 33 U. du Nord-Est B+ B+ B+ C A - - B+ C+ C E+ D - B+ Liaoning 2 34 B+ B+ B+ B B+ - E+ C+ B+ B C B+ E+ B+ Hunan 2 U. des S&T de 35 Chine de l’Est B+ B+ D+ B B+ E D E+ D+ C D E+ E+ C Shanghai 5 U. du Pétrole de Chine B+ B+ D C B+ - - C E+ D D+ E - D Shandong 2 B A C+ C - B D A B+ C+ A+ A B+ Guangdong 3 U. Tongji U. Normale de Chine Est U. de Technologie de 28 Chine du Sud 27 32 36 U. de Chongqing U. du Hunan 37 U. Jinan B+ U. d'Aéronautique et d'Astronautique 38 de Nankin B+ U. Polytechnique 39 de Pékin B+ A B C+ 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 211 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 211 B+ C+ D+ B+ - - D C E+ C D+ - B Jiangsu 3 B+ D+ C B+ - - E E D+ C E+ - C+ Pékin 8 40 U. de Suzhou B+ B A B+ C+ D B B B B+ B+ A B B Jiangsu 4 41 42 U. du NordOuest U. des S&T B+ B+ B+ B+ B+ D+ B+ C+ C+ B+ - C - C+ E B+ E+ C+ E C C C+ E B+ - B C Shaanxi Shaanxi 3 4 65 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université électroniques de Xi'an U. d’Agriculture 43 de Nankin B+ B+ B+ 44 U. des S&T de Nankin B+ B+ C+ D+ B+ 45 U. Normale de Nankin B+ B A B+ B+ C+ B+ U. Normale du Nord-Est B+ E+ C+ D - D E+ A Jiangsu 5 - E+ C E+ C+ D - B Jiangsu 6 D+ D+ E B C+ B+ A+ A++ B B Jiangsu 7 B+ C+ B+ C - C C D B E+ C+ Shandong 3 C+ B B+ - - - D D E+ E+ - B Sichuan 2 B B+ B+ C - D+ C+ B A B B+ C Jilin 2 U. Normale de 49 Chine Centrale B+ C+ A B+ D D+ - C+ C+ A A A A B Hubei 3 50 U. de Shanghai B+ B+ B+ B B - - C+ B B+ - B+ C+ B Shanghai 6 U. d’Océan de Chine B+ U. des S&T électroniques de 47 Chine B+ 46 48 B C A++ D+ - C du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 985 Université du Projet 985 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Université du Projet 211 Source : http://edu.sina.com.cn/kaoyan/2007-09-27/1604102332.shtml MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 66 Partie I En remontant l’Axe du Yangzi ANNEXE 3 Programme 863 et Intensité R&D en Chine Nombre de projets 863 et dépenses afférentes par Province en 2004 Dépenses en R&D (nationales brutes) par Province et par secteur (Recherche fondamentale, recherche appliquée, développement) en 2007 (MOST) 67 68 69 70 MISSION TAO-YANGZI - AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE NOVEMBRE-DECEMBRE 2008 Partie I En remontant l’Axe du Yangzi ANNEXE 4 Comparison of Tsinghua University (TU) and Chongqing University (CQU), OECD Reviews of Innovation Policy – CHINA, OECD 2008 71 72 73 74 75