Levier et amélioration de la Société occidentale

Temple et Parvis
Levier et amélioration de la Société occidentale
Dans le cadre des Planches symboliques permettant d'accéder à l'actualité profane, en voici une, tracée par un ancien
Vénérable Maître.
Quels leviers peuvent faciliter l'amélioration de la société occidentale ?
Que le GADLU inspire notre parole et notre écoute.
Je dédie ce travail aux 30 lycéens et à leurs accompagnateurs, de toutes confessions, qui aujourd'hui même arrivent à
Auschwitz, plongée dans le cœur sombre de l'homme, après un long travail historique et spirituel entrepris depuis
bientôt un an. Voilà de vivants leviers pour construire une société meilleure, forts de l'enseignement du passé, aussi
effroyable soit-il.
Tout d'abord merci, VM, de m'avoir posé cette question, toute positive en cette sombre, incertaine et angoissante saison
pour notre société occidentale. Toute positive, avec des leviers pour élever ; "faciliter", c'est-à-dire permettre de réaliser
avec aisance ; l'amélioration, flèche du bien, la société grâce à qui l'homme devient homme ; l'occident : point privilégié
touché par la lumière au point du jour. Que du positif !
Nous avons travaillé lors de notre précédente Tenue, avec notre F Bernard, sur la démarche spirituelle et ses dangers.
C'est-à-dire sur la recherche de cette étincelle de lumière perdue au plus profond de nous-mêmes, et sur les dangers de
cette recherche, même collective. Nous avons travaillé sous le signe de la perpendiculaire, de l'axe qui relie l'infini du
ciel au centre de nous-mêmes, qui relie le spirituel au matériel. Nous avons travaillé en Apprenti FM.
Nous allons travailler aujourd'hui sous le signe du niveau, l'autre dimension du monde, nous allons passer de la droite
verticale au plan horizontal, ou ce qui nous semble pour l'instant un plan, nous allons passer de l'individu à la société.
Nous allons travailler en Compagnon FM, avec comme outil le levier !
À cette question : " Quels leviers peuvent faciliter l'amélioration de la société occidentale ? " le FM de la GLDF répond
spontanément : " La FM a pour but le perfectionnement de l'Humanité. À cet effet, les FM travaillent à l'amélioration
constante de la condition humaine, tant sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel …
Ils recherchent la conciliation des contraires et veulent unir les hommes dans la pratique d'une morale universelle et
dans le respect de la personnalité de chacun. Ils considèrent le travail comme un devoir et un droit. Les FM doivent
respecter les lois et l'autorité légitime du pays dans lequel ils vivent et se réunissent librement. Ils sont des citoyens
éclairés et disciplinés et conforment leur existence aux impératifs de leur conscience. ". C'est le chapitre I de la
Constitution de la GLDF, qui définit les leviers proposés au FM pour améliorer la condition humaine : la conciliation,
une morale universelle, le respect de chacun, le travail, devoir et droit, le respect des lois, le devoir d'être un citoyen
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éclairé et discipliné.
De plus, en adepte du REAA, le FM se souvient que le Feu qui l'a enveloppé lors de son initiation s'est transmué dans
son cœur en un amour ardent pour ses semblables et que la Charité inspire plus que jamais ses paroles et ses
actions. Voilà le levier suprême, la loi d'Amour. Enfin, retournant dans le monde profane, l'initié transforme les trois
piliers de son Temple intérieur : Sagesse, Force et Beauté en leviers à révéler et à relever au cœur de ses
semblables : Paix, Amour et Joie.
Mais la question posée ne s'adresse pas à priori uniquement aux FM. Les leviers recherchés ne se limitent pas à l'outil
symbolique du Compagnon, malgré le clin d'œil. Du coup voici un clin d'œil de plus : le levier, outil symbolique
du Compagnon, poursuit lui aussi au dehors l'œuvre commencée dans le Temple. Il est devenu un mot outil dans le
jargon profane moderne, avec ses frères, les mots atelier et compagnonnage. Les effets levier se multiplient dans les
domaines financier, économique, etc. Il y a même un site internet sur l'environnement qui s'appelle "effet de levier". Les
ateliers quant à eux se multiplient dans les cercles politiques et culturels et dans les entreprises. Le compagnonnage luimême devient incontournable dans toute démarche de gestion des connaissances digne de ce nom (pardon de
knowledge management) …
Mais revenons au levier du FM. Nous avons travaillé récemment avec notre F Sylvain sur le symbolisme du levier. Le
Levier : volonté inébranlable, intelligente et désintéressée qui triomphe de tous les obstacles. Remarque essentielle : il
ne doit agir qu'en présence de la Règle, la Loi Morale inscrite dans notre conscience, qui trace la direction de notre
conduite et dont nous n'avons jamais à dévier. Règle et Levier : outils du 2e voyage du Compagnon - ce 2e voyage, qui
veut montrer, à travers les cinq ordres d'architecture, la diversité du génie des constructeurs et pour nous, ce soir, la
nécessité de conjuguer nos différents leviers, pour construire une société meilleure, tous ensemble sous le contrôle de
la même Règle, la Loi Morale commune à tous les hommes.
Enfin, suivant l'exemple du REAA, coutumier des jeux de mots hébraïsants, en voici deux sur le mot levier. Lèv (lamed,
beth) en hébreu signifie le cœur : siège de la vie et des passions, mais aussi des sentiments moraux, de la volonté
et du jugement et enfin, de façon plus générique, Lèv signifie le centre, le milieu. Voilà un levier de plus pour ce soir. Et
voici le second jeu de mots avec levier : Lévi (lamed, vav, iod) signifie l'attachement, c'est le nom du 3e fils de Jacob,
chef de la tribu parmi laquelle sont choisis les Lévites, attachés au service du Temple de Salomon, leviers, chargés
d'élever vers D.ieu la prière du peuple.
" Quels leviers peuvent faciliter l'amélioration de la société occidentale ?"
Méditons tout d'abord sur l'objet de nos soins attentifs : la société occidentale. J'ai été surpris au début de ma
réflexion de cette restriction : pourquoi se limiter à la société occidentale ? N'avons-nous pas, nous FM, une ambition
universaliste : le perfectionnement de l'humanité ? Mais ce soir nous ne voulons pas nous limiter à des généralités ou à
de grands principes, mais conclure par des propositions, peut-être plus modestes, mais précises et concrètes, sur
lesquelles nous puissions nous engager. Nous aurons donc à ébaucher des leviers adaptés à notre société, ici et
maintenant, la société occidentale d'aujourd'hui. Les sociétés africaine, orientale, extrême orientale ou polynésienne
n'auraient sans doute pas besoin des mêmes leviers …
Faisons donc le bilan des leviers qui ont permis à cette société occidentale de triompher jusqu'au 20e siècle et qui
aujourd'hui, dévoyés, la conduisent à sa perte.
Les historiens et les économistes ont montré que ce succès est dû à la synergie d'un ensemble de facteurs : capitalisme,
révolution industrielle, croissance urbaine, liberté politique, savoir-faire militaire, changements démographiques,
environnement naturel, innovations économiques et technologiques, etc. Mais la société occidentale d'hier n'est plus,
l'éclat de sa richesse et de sa culture s'est terni. Et pour ma part je parlerais plutôt de refondation nécessaire que
d'amélioration, refondation sous le contrôle de la Règle, refondation des normes morales. Voici donc quelques leviers
pour refonder l'éthique de notre société :
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Refondation de la famille, cellule de base de la société. La famille dans notre société occidentale prend aujourd'hui des
formes très variées : famille recomposée, monoparentale, couple homosexuel, couple "sous contrat à durée
déterminée", polygamie. Sous quelles conditions intégrer ces différentes formes pour qu'elles constituent une
amélioration dans notre société et non des dérives symptomatiques d'un mal être, d'un mal vivre ?
Refondation des droits et devoirs envers les enfants : adoption et procréation assistée face au besoin viscéral d'une
filiation claire ; contrôle des naissances, sélection embryonnaire et avortement face au sentiment de l'enfant d'être un
rescapé.
Refondation du statut de la mort : un tabou de plus en plus obsédant. Ne plus exclure de la société les malades et les
mourants. Définir une éthique et non simplement un droit pour l'euthanasie et l'avortement, par exemple pour
l'avortement tardif des fœtus (malformés, trisomiques ou simplement "de confort").
Refondation des échanges économiques : capitalisme, libéralisme sous contrôle, commerce équitable (je préfère le
terme anglais fair trade), microcrédit.
Refondation de nos rapports à la nature : réduction de la consommation et des nuisances, écologie.
Mais puisque amélioration il y a dans le titre de la planche, analysons ce mot. Parler d'amélioration signifie que nous
avons pu classer plusieurs états d'un même objet, ici la société occidentale, selon un critère donné, du pire au
meilleur. Par exemple, 1952 a été l'année la plus froide du 20e siècle à Paris : 10,2°C (on dira que ce fut la pire année
du siècle) et 1994 a été l'année la plus chaude : 13,1°C (on dira que ce fut la meilleure année). Le problème devient
plus délicat pour la pluviométrie : 1921 a été l'année la plus sèche avec 260 mm (ce fut donc la meilleure pour les
touristes, mais la pire pour les jardiniers) et 1965 a été l'année la plus humide avec 860 mm (la pire année pour les
touristes, mais pas forcément la meilleure pour les jardiniers !).
Mais comment faire si l'on veut estimer la "qualité" d'une année en tenant compte à la fois de la température et de la
pluviométrie ? C'est impossible. Que dire lorsqu'on tente d'évaluer globalement la "qualité" d'une société, ou pire,
lorsqu'on cherche les meilleurs moyens pour l'améliorer ! Il ne s'agit plus d'un ou de deux paramètres mais d'une
centaine. Il ne s'agit plus d'une ou de deux catégories socioprofessionnelles, comme on dit, avec des besoins et des
rêves différents, mais de plusieurs dizaines. Le succès de la société occidentale au 19e siècle, que nous avons
évoqué tout à l'heure, était défini et limité à des données objectives telles que la productivité agricole et industrielle,
l'espérance de vie à la naissance et à 40 ans, le taux d'alphabétisation, etc. Il ne prenait pas en compte la qualité d'âme de
la société, bien que même cela puisse s'évaluer à l'aide d'indicateurs quantitatifs (tout est nombre disait bien
Pythagore). J'appelle ici âme l'élan vertueux et non l'identité atemporelle de l'homme. Mais n'y a-t-il pas souvent une
corrélation entre la réussite d'une société et sa qualité d'âme ? Finalement, le concept d'amélioration n'est-il pas une
illusion, pouvant même devenir dangereuse ?
Pour moi, ami des stoïciens, il n'y a amélioration que s'il y a meilleure conformité à la nature : je maîtrise d'autant mieux la
nature que je m'y soumets, et non que je la soumets. Mais chacun, suivant ses choix politique, éthique ou religieux et
suivant ses connaissances et ses compétences, attribuera un poids plus ou moins grand à tel ou tel indicateur, en
déduira tel ou tel objectif d'amélioration et les meilleurs leviers pour atteindre cet objectif : la diminution du chômage, la
protection sociale, le pouvoir d'achat, la lutte contre les addictions, l'éducation, les libertés individuelles, la lutte contre
les discriminations, y compris sexuelles, la production artistique, etc. etc.
Le but de notre réflexion de ce soir n'est pas de trouver les bons leviers à ce niveau-là (pardon du jeu de mots) mais de
nous rappeler, une fois de plus que notre engagement maçonnique nous oblige à être des citoyens actifs dans la
détermination et l'utilisation de ces leviers profanes. Le levier n'est qu'un outil, le bon ou le mauvais compagnon peut en
faire le meilleur ou le pire des usages. La morphine, la voiture, l'irradiation peuvent sauver ou tuer.
Soyons donc de bons compagnons au sein de nos divers ateliers profanes : profession, syndicat, parti politique,
association, cercle philosophique ou religieux.
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Je vais maintenant moi aussi vous proposer trois leviers sur lesquels, sans doute, nous serons tous d'accord, laissant à
chacun son opinion particulière, comme disait Anderson : le savoir, la citoyenneté et la foi (au sens de conviction).
Agissons pour mieux diffuser le savoir à travers l'éducation, la recherche et les média. Un savoir, des enseignants,
chercheurs et journalistes ouverts aux idées et libérés des idéologies. Dénonçons et combattons les noyautages et les
monopoles, suscitons des contre-pouvoirs. Soyons par exemple bien-veillants et à l'écoute des pédagogies alternatives
même et surtout lorsqu'elles dérangent l'ordre établi, sachons décrypter la manipulation des informations, des
données et du langage. Je suis conscient de n'être pas assez précis, mais je suis là au seuil du terrain politique et ce
n'est pas encore le moment d'y entrer.
Agissons pour promouvoir une citoyenneté responsable et solidaire et non une société assistée et chicaneuse.
Participons activement aux débats d'idées et au travail des organisations dont la mission est justement d'améliorer la
société, ou d'atténuer ses défauts, pour rester plus réaliste.
Soyons des hommes de conviction et d'enthousiasme. Même s'il est souvent difficile de connaître son devoir,
accomplissons le en francs maçons.
Chaque matin, lorsque nos paupières s'ouvrent à nouveau à la lumière, lorsque nous nous préparons, plus ou moins
consciemment, à notre mission quotidienne d'amélioration de nous-mêmes et de nos proches (de la société occidentale
serait bien présomptueux), demandons-nous : aujourd'hui, à qui tendrons-nous la main, avec qui cheminerons-nous, qui
rallierons-nous à la cause que nous servons, avec qui nous unirons-nous de cœur et d'esprit, pour qui serons-nous
une épaule et une oreille secourables ?
Et chaque soir, lorsque ne reste plus allumée que notre lumière intérieure, au seuil de la petite mort qu'est le sommeil,
demandons-nous à qui nous avons tendu la main et à qui nous l'avons refusée, quels sont les pas que nous avons suivis
et ceux que nous aurions pu suivre. Lorsque nous nous sommes inclinés, était-ce pour la bonne cause ou par lâcheté ?
Avec qui avons-nous partagé nos peines et nos joies, et de qui nous sommes nous détournés, qui avons-nous secouru
et qui avons-nous laissé inapaisé ?
J'ai dit, VM
Michel D:.
année 6009
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