1 Techniques de réduction et d’immobilisation des luxations de la hanche et du genou Pr Razafimahandry Henri Jean Claude Chef de Service d’Orthopédie Traumatologie au CHUA-HUJRA Antananarivo Madagascar I- LUXATION DE LA HANCHE I.1- RAPPELS Il s’agit d’un déplacement permanent de la tête fémorale hors de la cavité acétabulaire à la suite d’un traumatisme violent survenant sur une hanche en attitude propice. C’est une urgence orthopédique. I.1.1- VARIETES DES LUXATIONS (1) I.1.1.1- Luxations postérieures Ce sont les plus fréquentes (75%). Elles sont en position haute iliaque dans 50% des cas et basse ischiatique dans 25% des cas. L’association à une fracture de la paroi postérieure du cotyle est toujours à rechercher. Si elle existe, le pronostic vasculaire est moins bon et le risque de nécrose de la tête fémorale est estimé à 5% versus plus de 25 % (2). I.1.1.2- Luxations antérieures Elles sont plus rares (25%). Elles sont en position haute pubienne dans 10% des cas et basse obturatrice dans 15% des cas. I.1.1.3- Lésions associées Hormis la fracture de la paroi postérieure (luxation postérieure), on retrouve la fracture tête fémorale, la lésion du nerf sciatique et l’atteinte du nerf fibulaire commun (concomitante au traumatisme) à rechercher avant toute réduction. I.1.2- RAPPEL CLINIQUE I.1.2.1- Luxation postérieure haute iliaque L’attitude vicieuse se caractérise par une adduction-rotation interne du membre inférieur et une extension de la hanche (position de la jeune fille surprise au bain). La tête est perçue au niveau de la fosse iliaque externe. I.1.2.2- Luxation postérieure basse ischiatique L’attitude vicieuse se caractérise par une adduction-rotation interne du membre inférieur et une flexion de la hanche. La tête est perçue au niveau de la fesse. Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010 2 I.1.2.3- Luxation antérieure haute pubienne L’attitude vicieuse se caractérise par une abduction-rotation externe du membre inférieur et une extension de la hanche. La tête est perçue sous l’arcade crurale. I.1.2.4- Luxation antérieure basse obturatrice L’attitude vicieuse se caractérise par une abduction-rotation externe du membre inférieur et une flexion de la hanche. La tête est perçue sous les adducteurs. I.2- TECHNIQUES DE RÉDUCTION Plusieurs méthodes de réduction existent mais il n’y pas de consensus. La réduction est toujours effectuée sous anesthésie générale chez un patient hémodynamiquement stable. Il faut réaliser des manœuvres douces et uniques pour ne pas provoquer ou aggraver les lésions associées. I.2.1- D’UNE MANIÈRE GÉNÉRALE La réduction doit être réalisée avant la sixième heure pour diminuer le risque de nécrose de la tête ; Exagérer discrètement l’attitude vicieuse pour lever le conflit entre les pièces osseuses ; Ramener la tête fémorale à hauteur de la cavité acétabulaire sans aggraver les lésions ; L’objectif étant d’obtenir une tête centrée dans le cotyle, stable, sans corps étrangers. I.2.2- PLUSIEURS MANŒUVRES ONT ÉTÉ PROPOSÉES Elles varient selon les auteurs et le type de luxation I.2.2.1- Manœuvre de Böelher (3) - Réalisée pour les luxations postérieures. - En décubitus dorsal sur plan dur, avec un contre-appui sur les épines iliaques antérosupérieures. - On effectue une traction dans l’axe du fémur: hanche et genou en flexion à 90° Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010 3 I.2.2.2- Manœuvre d’Allis - La traction se fait dans l’axe de la déformation pendant que la hanche est fléchie à 90°. - De petits mouvements de rotations interne et externe sont réalisés. I.2.2.3- Autres manœuvres - Eviter les manœuvres en abduction: risque de fracture du col. - En cas de luxation obturatrice: tracter la hanche dans l’axe puis donner un mouvement de flexion-rotation et abduction. - Devant une luxation pure : il n’y a pas d’indication à la réduction chirurgicale. Celle-ci est réservée aux échecs de réduction orthopédique. I.2.3- CRITERES DE BONNE REDUCTION - Ressaut audible et claquement perçu (2 témoins très importants). - Test de stabilité: liberté des mouvements articulaires et longueur du membre rétabli. I.2.4- IMAGERIE INDISPENSABLE Bassin de face permettant de conclure au succès de la réduction: bonne congruence articulaire et recherche de lésion osseuse associée. La scanner peut-être utile en urgence différée pour établir un bilan lésionnel précis. I.2.5- SUITES POST-RÉDUCTIONNELLES En l’absence de lésions associées sur une hanche bien réduite, il n’y a pas de consensus commun sur les suites à donner : - Jadis, une immobilisation prolongée et une longue période de non-appui sont préconisées. - Pour certains auteurs, la mise en traction trans-osseuse est nécessaire pendant trois semaines, associée à une rééducation active douce sous couvert de la traction (4, 5). Cette attitude permet d’éviter le cap douloureux aigu et de diminuer les pressions intra-articulaires et de ce fait, de diminuer le risque de nécrose de la tête fémorale. - D’autres auteurs (1) conseillent la traction collée pendant 8 à 10 jours puis reprise de la marche en appui complet. Pour ces auteurs la décharge prolongée est inutile et n’a pas fait la preuve de son intérêt pour éviter la nécrose de la tête En cas de fracture associée : - Fracture de la paroi postérieure: le traitement chirurgical est souvent indiqué surtout si le fragment est volumineux. - Fracture de la tête fémorale: il faut prévoir dans certain cas un traitement chirurgical. Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010 4 Références 1- Meyer A, Biette G, Catonne Y. Luxation de hanche sans fracture de la cotyle associée : méta-analyses et série de cas rapportés. Maitrise orthopédique 1998 ; 74. 2- Saragaglia D, Collectif, Banihachemi JJ, Briot E, Carpentier E. Traumatologie à l’usage de l’urgentiste. Paris : Sauramps Médical ; 2004:149. 3- Burdin G, Hurlet C, Slimani S, Coudane H, Vielpeau C. Luxations traumatiques de hanche: luxation pures et fractures de tête fémorale. Enc Med Chir (App. Loc.)1993, 14-077-A-10. 4- Brav EA. Traumatic dislocation of the hip: Army experience and results over a 12 year period. J Bone Joint Surg 1962; 44A:11-5. 5- Hunter GA. Posterior dislocation and fracture-dislocation of the hip: a review of 57 patients. J Bone Joint Surg 1969; 51B: 38– 44. Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010 5 II- LUXATION DU GENOU II.1- RAPPELS Il s’agit d’une perte de contact permanent des surfaces articulaires du genou. Ce sont des lésions rares qui mettent en jeu le pronostic fonctionnel du genou: 0,0001 % à 0,013 % (1) avec risque d’amputation en cas de complication. II.1.1- VARIETES DES LUXATIONS II.1.1.1- Luxations antérieures pures - Fréquentes (30-40%). - Lésions vasculaires fréquentes (supérieures à 40% dans certaines séries). - Rupture des 2 ligaments croisés le plus souvent ou isolée du LCA. - Mécanisme: hyperextension ou choc direct sur la face postérieure du genou. II.1.1.2- Luxations postérieures pures - Presque aussi fréquente que la luxation antérieure. - Lésion de l’artère poplitée supérieure à 40%. - Rupture des 2 ligaments croisés le plus souvent ou isolée du LCP. - Mécanisme: choc direct sur la tubérosité tibiale antérieure. II.1.1.3- Luxations latérales ou médiales - Plus rares sauf pratique du ski. - Lésions vasculaires plus rares: 5 à 20%. - Rupture des 2 ligaments croisés et lésions ligamentaires périphériques élémentaires graves. - Mécanisme: choc direct sur la face latérale ou médiale du genou. II.1.1.4- Luxations rotatoires - Rares : 5%. - Véritable laxité multidirectionnelle avec combinaison d’un mouvement de : - Valgus et de rotation externe (luxations antéro-latérale et postero-latérale). - Varus-rotation interne (luxations antero-médiale et postero-médiale). - Lésions vasculaires: pas plus fréquentes que dans les luxations latérales ou médiales. - Rupture des 2 ligaments croisés et lésions ligamentaires périphériques graves. II.1.2- RAPPEL CLINIQUE (2) - Souvent méconnue à cause d’une réduction spontanée lors du traumatisme Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010 6 - Luxation ouverte ou fermée. - Lésions ligamentaires toujours multiples et complexes. - Association possible à une lésion du nerf fibulaire commun (26%). - Conséquences dramatiques si non diagnostiquées et non traitées dans un délai de 6 H: risque d’amputation. - L’examen clinique complet est souvent difficile à cause de la douleur, du spasme musculaire reflexe, de la tuméfaction, de fracture ipsilatérale et de lésion vasculaire ou un polytraumatisme. - Un bilan d’imagérie est à demander : la radiographie conventionnelle, l’artériographie au moindre doute de lésion vasculaire et l’IRM pour effectuer un bilan ligamentaire et rechercher des lésions associées. II.2- TECHNIQUES DE RÉDUCTION Urgence absolue, la réduction doit se faire sous sédation et morphine intraveineuse en salle d’urgence (3) ou sous anesthésie générale au bloc opératoire. La manœuvre de réduction est liée au type de déplacement associant une traction douce dans l’axe, associée à une poussée postérieure dans les luxations antérieures, une traction antérieure sur le tibia dans les luxations postérieures. La réduction des luxations latérales se fait sur le même schéma. En cas d’incarcérations: luxation irréductible, la réduction doit se faire à ciel ouvert (4), suivie d’une immobilisation par attelle ou genouillère. Il faut demander un cliché postréductionnel du genou de face et de profil pour vérifier la congruence fémoro-tibiale. II.3- CONSIDERATIONS TECHNIQUES II.3.1- Traitement orthopédique - Immobilisation par plâtre cruro-pédieux pendant 6 semaines. - En cas de luxation postérieure, immobilisation en extension complète avec pied à angle droit. - En cas de luxation antérieure: immobilisation, genou fléchi. - Une durée supérieure n’est pas souhaitable en raison du risque de raideur. II.3.2- Indications chirurgicales - En l’absence de lésion vasculaire, la tendance est d’opérer et de réparer les lésions ligamentaires dans les jours qui suivent le traumatisme. Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010 7 - En cas de lésion vasculaire un geste de revascularisation urgent et primordial, respectant le délai de 6 heures. La réparation ligamentaire se fait dans un deuxième temps. II.4- CE QU’IL FAUT RETENIR Le traitement chirurgical est devenu le traitement de référence des luxations du genou. Dans certains cas, le traitement orthopédique bien conduit peut donner des résultats étonnant. References 1- Hoover NW. Injuries of the popliteal artery associated with fractures and dislocations. Surg Clin North Am 1961; 41: 1099- 124. 2- Ruffenacht M. Chirurgie orthopédique et traumatologie ostéo-articulaire de l’adulte et enfant. Paris : Médecine et hygiène 2004: 418- 20. 3- Fanelli GC, Orcutt DR, Edson CJ. The multiple-ligament injured knee: evaluation, treatment, and results. Arthroscopy 2005; 21 (4): 471- 86. 4- Wand JS. A physical sign denoting irreductibility of a dislocated knee. J Bone Joint Surg Br 1989; 71 : 862. 5-. Boisrenoult P. Luxations traumatiques récentes du genou chez l’adulte. Conférences d’enseignement de la SOFCOT 2006. 6- Saragaglia D, Collectif, Banihachemi JJ, Briot E, Carpentier E. Traumatologie à l’usage de l’urgentiste. Paris : Sauramps Médical ; 2004:149. Société Malgache de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique – SOMCOT- 2010