Rapport au Parlement
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FRANCHE-COMTE
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FRANCHE-COMTE
L’ARCHEOLOGIE URBAINE, GRANDE BENEFICIAIRE DE LARCHEOLOGIE
PREVENTIVE
L'archéologie urbaine est la principale bénéficiaire de l'archéologie préventive et l’exemple
de Besançon est révélateur. La ville de Besançon connaît depuis une quinzaine d'années une activité
archéologique particulièrement intense. Celle-ci devrait se poursuivre et s’intensifier compte tenu
d’autres projets de construction ou d’aménagement arrêtés par la Ville et d’autres aménageurs. De
1995 à aujourd’hui se sont succédé les chantiers du lycée Condé (près de l’amphithéâtre), de la place
Bacchus, du Palais Granvelle, du Refuge (rue Lecourbe), du palais de Justice, de la ZAC du Marché.
Ainsi, Besançon présente une situation toute particulière. Jamais les possibilités d’accéder aux niveaux
modernes, médiévaux, et surtout antiques et gaulois n’auront été aussi importantes. Jamais, la
mobilisation des archéologues n’aura été aussi forte et jamais les résultats n’auront été aussi nombreux
et aussi variés. Ces fouilles préventives, auxquelles il faut ajouter les études archéologiques du bâti
(Granvelle, rue de la Convention, ZAC du Marché…) livrent une masse considérable d’informations
inédites sur l’origine et l’évolution de la ville.
Entre 1999 et 2002 par exemple, pas moins de 6 000 m² en surface cumulée, et sur une
épaisseur moyenne de 5 à 6 mètres, ont pu être investis. C'est dire que nous les rapports des
principales opérations préventives réalisées, notamment de la ZAC du marché des Beaux-Arts, « Ilot
Paris » et « Parking des Remparts dérasés ».
Des avancées importantes sur la connaissance de l'occupation antérieure à l'époque romaine,
sur l'urbanisme antique, sur le développement de l'agglomération à l'intérieur et en dehors de la boucle
du Doubs ont été obtenues, mais les découvertes les plus spectaculaires restent très certainement celles
concernant l'époque gauloise à laquelle est attribué un premier aménagement des berges du Doubs
avec le repérage d'un murus gallicus* du tout début du Ier siècle av. J.-C., témoin de l'oppidum*
évoqué par César dans la Guerre des Gaules. Au pied de ce rempart, a été observée une petite
nécropole à inhumations dont certaines sépultures présentaient un traitement tout à fait particulier, des
aménagements en bois parfaitement conservés dans ce milieu humide.
Ces opérations ont livré des segments de voiries et plusieurs bâtiments gaulois. Outre les
habitats et leurs annexes, ont été identifiés plusieurs secteurs artisanaux avec des témoignages d'une
activité métallurgique du fer et du bronze, poterie et tabletterie.
Ces fouilles et leur étendue permettent aujourd'hui d'appréhender plus clairement l'oppidum,
sa création et son évolution jusqu'à sa transformation en capitale de cité gallo-romaine. Les données
sont aujourd'hui particulièrement intéressantes. Aussi, pouvons-nous noter entre le milieu du Ier siècle
av. et le Ier siècle apr. J.-C., une transformation progressive du cadre urbain et de l'habitat privé. La
ville semble n'acquérir un « faciès » pleinement gallo-romain que vers la fin du règne de Tibère*. A
cette époque des bâtiments en bois et terre, hérités de l'architecture gauloise, sont remplacés par des
constructions en pierre aux volumes parfois imposants.
Dans le secteur nord de la boucle (secteur du marché des Beaux-Arts), les artisans
poursuivent leurs activités. De riches et vastes villae* urbaines s'implantent dans le sud de la boucle
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(secteur du « Palais de Justice »). Dans le même temps, les rues sont parées de portiques, trottoirs
couverts à colonnades. L'enceinte gauloise qui bordait le Doubs est abattue au profit d'un mur de quai
en glacis.
Le déclin s'amorce au début du IIIe siècle. Si l'on observe encore à cette époque, dans la riche
demeure mise au jour au « Palais de Justice », les témoins des prestigieuses réalisations (mosaïques),
on remarque que, parallèlement, de grands espaces du quartier artisanal sont laissés à l'abandon. La
description de la ville par l'empereur Julien l'Apostat dans la seconde moitié du IVe siècle nous livre la
vision d'une cité au stade de la récession.
Au Moyen Âge, l'essentiel de la boucle est inoccupé entre les deux pôles d'habitat que sont la
citadelle et le secteur Battant. Au « Palais de Justice », comme « aux Remparts Dérasés », le terrain
semble être vierge, ou presque, de construction jusqu'à l'époque moderne avec la réalisation de
l'arsenal et les fortifications de Vauban.
Pour Mandeure, un diagnostic portant sur 6 000 m² « Rue de la Récille », a révélé une série
d'habitations couplant une fonction agricole (silos maçonnés) et artisanale (four de potier) installées
dans le prolongement d'une voie antique, démontrant qu'en direction de l'est, la ville antique dépasse
largement l'emprise à l'intérieur de laquelle on cherchait, jusqu'à ce jour, à la circonscrire.
QUEN EST-IL PAR AILLEURS POUR LES GRANDES PERIODES CHRONOLOGIQUES ?
La longue période paléolithique n'a pas été concernée jusqu'ici par les opérations
préventives. A moins de tomber sur des gisements de surface non répertoriés, les lieux d'implantation
privilégiés sont soit rarement atteints par les travaux, soit difficilement accessibles compte tenu de leur
niveau d'apparition. Les témoignages intéressant la période néolithique restent anecdotiques, ce qui ne
manque pas de nous surprendre (nous attendions beaucoup par exemple des diagnostics mis en place
le long du futur tracé de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône).
Les données sur la Protohistoire fournies par les diagnostics sont dispersées, généralement
partielles, mais non moins intéressantes. Il est vrai que les caractéristiques de l'habitat protohistorique
et de ses annexes plaident en faveur de vastes décapages et nécessitent la gestion de terrassements le
plus souvent incompatibles avec les projets déposés. Cela a pour principale conséquence la « mise en
réserve » de sites intéressants comme à Valentigney ou Blussangeaux, dans le Doubs, où les projets de
constructions ou d'aménagements ont été modifiés ou tout simplement abandonnés.
Le diagnostic réalisé sur la vaste ZAC des Champins (65 hectares) à Choisey et Damparis,
dans le Jura, a mis au jour de nombreuses occupations, du Néolithique à la période gallo-romaine, et
tout particulièrement une riche documentation illustrant les différentes phases de l’âge du Bronze*, ce
qui en fait un site majeur :
pour le Bronze ancien : la présence d’un habitat vraisemblable attesté par un épandage de
mobilier, deux inhumations dont l’une a pu déjà être datée par la méthode du carbone 14
(-1878 /-1687) ;
pour le Bronze moyen : un puits, des épandages, des inhumations (-1615/-1415) ;
pour le Bronze final I/IIa : épandage, nécropole avec inhumations et incinérations,
mobilier céramique de qualité, mobilier métallique… ;
pour le Bronze final IIb/IIIa (culture du Rhin-Suisse-France orientale) : occupations,
fours à pierres chauffantes, céramiques. Pour le Bronze final IIIb, bien représenté par
deux niveaux d’occupation, des fosses, fours à pierres chauffantes, nécropole à enclos.
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Nous retiendrons tout particulièrement les fouilles de Pratz/Lavans-les-Saint-Claude qui ont
livré une documentation inédite dans un secteur sous documenté du sud du Jura. La mise au jour d’un
site d’artisanat métallurgique du VIIe siècle, composé d’un grand bâtiment de 10 m sur 4 avec foyer
intérieur, six autres foyers à l’extérieur et à proximité du bâtiment, une zone de rejet de déchets
permettent aujourd’hui de reconstituer la chaîne opératoire des activités artisanales. Ces fouilles font
actuellement l’objet d’un projet de publication.
Les suites susceptibles d'être données aux découvertes majeures mises au jour lors des
diagnostics engagés en Haute-Saône dans la cour de l'Usine Peugeot à Vesoul, ou encore dans le
centre ville de Luxeuil, permettraient d'étudier une occupation pratiquement continue de l'antiquité au
XVIIIe siècle. A Vesoul, un ensemble cultuel et funéraire important illustré par la mise au jour d'une
église primitive du haut Moyen Âge* et ses multiples réaménagements. A Luxeuil, un espace funéraire
lié à l'église Saint-Martin dont a été repérée l'église monastique du haut Moyen Âge avec son lot de
sarcophages in situ, éléments très bien conservés sous le bitume de la place de la République où l'on
ne peut écarter la présence d'une crypte mérovingienne* connue par les textes. Ces dernières
découvertes, intéressant l'un des plus importants centres monastiques d'Occident, peuvent sans
conteste être qualifiées de tout à fait exceptionnelles.
La nécropole du haut Moyen Âge* repérée il y a quelques années au niveau de la carrière de
Largillay, dans le Jura, et qui a nécessité la reprise d'un sauvetage des sépultures menacées par
l'instabilité du front de taille. Cette nouvelle intervention a permis de confirmer la qualité des tombes
et des dépôts funéraires, sans pouvoir faire face à l'exploitation de l'ensemble des sépultures
nouvellement mises au jour. Le remblaiement qui a été réalisé ne peut qu'être, de toute évidence, une
solution d'attente.
Pour les périodes médiévale et moderne, on ne saurait oublier une opération majeure et
portant sur l'ancien palais abbatial de Saint-Claude, Jura, qui a bénéficié d'ailleurs d'une situation tout
à fait particulière. Il s'agit là du programme de recherches le plus important engagé sur un site
religieux médiéval en Franche-Comté, allant de la fondation de l'abbaye au Ve siècle jusqu'au départ
de l'évêque au début du XIXe siècle. Entre le XVe et le XVII
e siècle, la fonction résidentielle vient
s'ajouter à la fonction religieuse du lieu. Près de 1 350 ans de vie religieuse sont retracés grâce aux
opérations sur le terrain, fouilles, sondages, études sur le bâti, croisées par le dépouillement des
sources anciennes; offrant là un regard sur l'architecture et la topographie monastique médiévale. Ce
travail entamé grâce à un programme de recherche relevant de l'archéologie programmée s'est
poursuivi par une vaste opération préventive induite par la transformation des bâtiments en un musée
des beaux-arts.
Direction régionale des affaires culturelles
Service régional de l’archéologie de Franche-Comté
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