FRANCHE

publicité
Rapport au Parlement
FRANCHE-COMTE
177 sur 448
Rapport au Parlement
FRANCHE-COMTE
L’ARCHEOLOGIE URBAINE, GRANDE BENEFICIAIRE DE L’ARCHEOLOGIE
PREVENTIVE…
L'archéologie urbaine est la principale bénéficiaire de l'archéologie préventive et l’exemple
de Besançon est révélateur. La ville de Besançon connaît depuis une quinzaine d'années une activité
archéologique particulièrement intense. Celle-ci devrait se poursuivre et s’intensifier compte tenu
d’autres projets de construction ou d’aménagement arrêtés par la Ville et d’autres aménageurs. De
1995 à aujourd’hui se sont succédé les chantiers du lycée Condé (près de l’amphithéâtre), de la place
Bacchus, du Palais Granvelle, du Refuge (rue Lecourbe), du palais de Justice, de la ZAC du Marché.
Ainsi, Besançon présente une situation toute particulière. Jamais les possibilités d’accéder aux niveaux
modernes, médiévaux, et surtout antiques et gaulois n’auront été aussi importantes. Jamais, la
mobilisation des archéologues n’aura été aussi forte et jamais les résultats n’auront été aussi nombreux
et aussi variés. Ces fouilles préventives, auxquelles il faut ajouter les études archéologiques du bâti
(Granvelle, rue de la Convention, ZAC du Marché…) livrent une masse considérable d’informations
inédites sur l’origine et l’évolution de la ville.
Entre 1999 et 2002 par exemple, pas moins de 6 000 m² en surface cumulée, et sur une
épaisseur moyenne de 5 à 6 mètres, ont pu être investis. C'est dire que nous les rapports des
principales opérations préventives réalisées, notamment de la ZAC du marché des Beaux-Arts, « Ilot
Paris » et « Parking des Remparts dérasés ».
Des avancées importantes sur la connaissance de l'occupation antérieure à l'époque romaine,
sur l'urbanisme antique, sur le développement de l'agglomération à l'intérieur et en dehors de la boucle
du Doubs ont été obtenues, mais les découvertes les plus spectaculaires restent très certainement celles
concernant l'époque gauloise à laquelle est attribué un premier aménagement des berges du Doubs
avec le repérage d'un murus gallicus* du tout début du Ier siècle av. J.-C., témoin de l'oppidum*
évoqué par César dans la Guerre des Gaules. Au pied de ce rempart, a été observée une petite
nécropole à inhumations dont certaines sépultures présentaient un traitement tout à fait particulier, des
aménagements en bois parfaitement conservés dans ce milieu humide.
Ces opérations ont livré des segments de voiries et plusieurs bâtiments gaulois. Outre les
habitats et leurs annexes, ont été identifiés plusieurs secteurs artisanaux avec des témoignages d'une
activité métallurgique du fer et du bronze, poterie et tabletterie.
Ces fouilles et leur étendue permettent aujourd'hui d'appréhender plus clairement l'oppidum,
sa création et son évolution jusqu'à sa transformation en capitale de cité gallo-romaine. Les données
sont aujourd'hui particulièrement intéressantes. Aussi, pouvons-nous noter entre le milieu du Ier siècle
av. et le Ier siècle apr. J.-C., une transformation progressive du cadre urbain et de l'habitat privé. La
ville semble n'acquérir un « faciès » pleinement gallo-romain que vers la fin du règne de Tibère*. A
cette époque des bâtiments en bois et terre, hérités de l'architecture gauloise, sont remplacés par des
constructions en pierre aux volumes parfois imposants.
Dans le secteur nord de la boucle (secteur du marché des Beaux-Arts), les artisans
poursuivent leurs activités. De riches et vastes villae* urbaines s'implantent dans le sud de la boucle
179 sur 448
Archéologie préventive
(secteur du « Palais de Justice »). Dans le même temps, les rues sont parées de portiques, trottoirs
couverts à colonnades. L'enceinte gauloise qui bordait le Doubs est abattue au profit d'un mur de quai
en glacis.
Le déclin s'amorce au début du IIIe siècle. Si l'on observe encore à cette époque, dans la riche
demeure mise au jour au « Palais de Justice », les témoins des prestigieuses réalisations (mosaïques),
on remarque que, parallèlement, de grands espaces du quartier artisanal sont laissés à l'abandon. La
description de la ville par l'empereur Julien l'Apostat dans la seconde moitié du IVe siècle nous livre la
vision d'une cité au stade de la récession.
Au Moyen Âge, l'essentiel de la boucle est inoccupé entre les deux pôles d'habitat que sont la
citadelle et le secteur Battant. Au « Palais de Justice », comme « aux Remparts Dérasés », le terrain
semble être vierge, ou presque, de construction jusqu'à l'époque moderne avec la réalisation de
l'arsenal et les fortifications de Vauban.
Pour Mandeure, un diagnostic portant sur 6 000 m² « Rue de la Récille », a révélé une série
d'habitations couplant une fonction agricole (silos maçonnés) et artisanale (four de potier) installées
dans le prolongement d'une voie antique, démontrant qu'en direction de l'est, la ville antique dépasse
largement l'emprise à l'intérieur de laquelle on cherchait, jusqu'à ce jour, à la circonscrire.
QU’EN EST-IL PAR AILLEURS POUR LES GRANDES PERIODES CHRONOLOGIQUES ?
La longue période paléolithique n'a pas été concernée jusqu'ici par les opérations
préventives. A moins de tomber sur des gisements de surface non répertoriés, les lieux d'implantation
privilégiés sont soit rarement atteints par les travaux, soit difficilement accessibles compte tenu de leur
niveau d'apparition. Les témoignages intéressant la période néolithique restent anecdotiques, ce qui ne
manque pas de nous surprendre (nous attendions beaucoup par exemple des diagnostics mis en place
le long du futur tracé de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône).
Les données sur la Protohistoire fournies par les diagnostics sont dispersées, généralement
partielles, mais non moins intéressantes. Il est vrai que les caractéristiques de l'habitat protohistorique
et de ses annexes plaident en faveur de vastes décapages et nécessitent la gestion de terrassements le
plus souvent incompatibles avec les projets déposés. Cela a pour principale conséquence la « mise en
réserve » de sites intéressants comme à Valentigney ou Blussangeaux, dans le Doubs, où les projets de
constructions ou d'aménagements ont été modifiés ou tout simplement abandonnés.
Le diagnostic réalisé sur la vaste ZAC des Champins (65 hectares) à Choisey et Damparis,
dans le Jura, a mis au jour de nombreuses occupations, du Néolithique à la période gallo-romaine, et
tout particulièrement une riche documentation illustrant les différentes phases de l’âge du Bronze*, ce
qui en fait un site majeur :
•
pour le Bronze ancien : la présence d’un habitat vraisemblable attesté par un épandage de
mobilier, deux inhumations dont l’une a pu déjà être datée par la méthode du carbone 14
(-1878 /-1687) ;
• pour le Bronze moyen : un puits, des épandages, des inhumations (-1615/-1415) ;
• pour le Bronze final I/IIa : épandage, nécropole avec inhumations et incinérations,
mobilier céramique de qualité, mobilier métallique… ;
• pour le Bronze final IIb/IIIa (culture du Rhin-Suisse-France orientale) : occupations,
fours à pierres chauffantes, céramiques. Pour le Bronze final IIIb, bien représenté par
deux niveaux d’occupation, des fosses, fours à pierres chauffantes, nécropole à enclos.
180 sur 448
Rapport au Parlement
Nous retiendrons tout particulièrement les fouilles de Pratz/Lavans-les-Saint-Claude qui ont
livré une documentation inédite dans un secteur sous documenté du sud du Jura. La mise au jour d’un
site d’artisanat métallurgique du VIIe siècle, composé d’un grand bâtiment de 10 m sur 4 avec foyer
intérieur, six autres foyers à l’extérieur et à proximité du bâtiment, une zone de rejet de déchets
permettent aujourd’hui de reconstituer la chaîne opératoire des activités artisanales. Ces fouilles font
actuellement l’objet d’un projet de publication.
Les suites susceptibles d'être données aux découvertes majeures mises au jour lors des
diagnostics engagés en Haute-Saône dans la cour de l'Usine Peugeot à Vesoul, ou encore dans le
centre ville de Luxeuil, permettraient d'étudier une occupation pratiquement continue de l'antiquité au
XVIIIe siècle. A Vesoul, un ensemble cultuel et funéraire important illustré par la mise au jour d'une
église primitive du haut Moyen Âge* et ses multiples réaménagements. A Luxeuil, un espace funéraire
lié à l'église Saint-Martin dont a été repérée l'église monastique du haut Moyen Âge avec son lot de
sarcophages in situ, éléments très bien conservés sous le bitume de la place de la République où l'on
ne peut écarter la présence d'une crypte mérovingienne* connue par les textes. Ces dernières
découvertes, intéressant l'un des plus importants centres monastiques d'Occident, peuvent sans
conteste être qualifiées de tout à fait exceptionnelles.
La nécropole du haut Moyen Âge* repérée il y a quelques années au niveau de la carrière de
Largillay, dans le Jura, et qui a nécessité la reprise d'un sauvetage des sépultures menacées par
l'instabilité du front de taille. Cette nouvelle intervention a permis de confirmer la qualité des tombes
et des dépôts funéraires, sans pouvoir faire face à l'exploitation de l'ensemble des sépultures
nouvellement mises au jour. Le remblaiement qui a été réalisé ne peut qu'être, de toute évidence, une
solution d'attente.
Pour les périodes médiévale et moderne, on ne saurait oublier une opération majeure et
portant sur l'ancien palais abbatial de Saint-Claude, Jura, qui a bénéficié d'ailleurs d'une situation tout
à fait particulière. Il s'agit là du programme de recherches le plus important engagé sur un site
religieux médiéval en Franche-Comté, allant de la fondation de l'abbaye au Ve siècle jusqu'au départ
de l'évêque au début du XIXe siècle. Entre le XVe et le XVIIe siècle, la fonction résidentielle vient
s'ajouter à la fonction religieuse du lieu. Près de 1 350 ans de vie religieuse sont retracés grâce aux
opérations sur le terrain, fouilles, sondages, études sur le bâti, croisées par le dépouillement des
sources anciennes; offrant là un regard sur l'architecture et la topographie monastique médiévale. Ce
travail entamé grâce à un programme de recherche relevant de l'archéologie programmée s'est
poursuivi par une vaste opération préventive induite par la transformation des bâtiments en un musée
des beaux-arts.
Direction régionale des affaires culturelles
Service régional de l’archéologie de Franche-Comté
181 sur 448
Rapport au Parlement
DOUBS
BESANÇON (PARKING DES REMPARTS DERASES)
VESTIGES DE LA CITE GAULOISE ET ANTIQUE
Cette fouille dirigée par L. Vaxelaire (AFAN), engagée en mai 2001 préalablement à la
réalisation d’un parking (projet ZAC du Marché), a porté sur une surface de 1 200 m2 et concerne
plusieurs niveaux archéologiques, d’une puissance totale de plus de cinq mètres.
Quatre niveaux principaux ont été mis à jour.
L’Époque moderne* est représentée par les vestiges de l’enceinte de la ville construite par
Vauban et dérasée en 1895. Cette enceinte était associée à une série de remblais très épais qui a assuré
de fait une protection contre les travaux d’urbanisme contemporains.
L’époque médiévale n’a livré que des vestiges très ténus : des jardins, une ruelle et un four à
chaux daté de l’An Mil.
L’essentiel des vestiges appartient à l’Antiquité, principalement les Ier et IIe siècles de notre
ère. Ils concernent l’aménagement en pierres des berges du Doubs, une voie en cailloutis bordée de
trottoirs et d’un portique, des bâtiments de type « halle » donnant sur cette rue et occupée par des
artisans, notamment des verriers. Trois fours au moins, dans un excellent état de conservation ont pu
être dégagés ; ils témoignent d’une production de pâte de verre (et pas seulement des produits finis)
inconnue jusqu’à présent dans l’espace gallo-romain. L’aménagement des berges apparaît comme un
ensemble très important : la qualité du mur, édifié en glacis de petites dalles, n’avait semble-t-il encore
été observé nulle part dans le monde romain. La mise au jour très récente d’un nouvel aménagement
s’apparentant à une darse augmente encore son intérêt puisqu’il pourrait éventuellement annoncer la
présence d’un port.
Ces structures antiques succèdent à une occupation gauloise, elle aussi marqué par un
aménagement de berge, une voie et des habitats. La fouille a porté principalement sur la fortification
gauloise, mur reconnu sur plusieurs dizaines de mètres, construit selon le principe du murus gallicus*.
Large de près de 7 m, elle comprend au moins une tour (ou un élément de porte ?).
D’autres découvertes tout aussi spectaculaires – vraisemblablement les plus importantes – est
la quinzaine d’ensembles de squelettes humains selon une organisation qui témoigne d’un dépôt
volontaire, au pied et au long de ce mur, dans les sédiments naturels du Doubs. Les premières
observations font état de femmes, de très jeunes enfants, de périnataux et de quelques adultes, déposés
sur le dos, le ventre ou le côté et, pour certains, recouverts de planche de bois. L’ensemble – murs et
reste humains – semble fonctionner entre les années 100-120 avant J.-C. et le règne de Tibère (vers
15 apr. J.-C.).
Cette découverte est sans conteste exceptionnelle. C'est la première fois, en effet, qu’est
localisé un élément structurant de la ville gauloise décrite par Jules César comme une cité importante.
Attendue au sommet de la Citadelle – où elle se trouvait en tout état de cause –, l’enceinte protégeait
ainsi l’habitat organisé dans la boucle du Doubs. Le lieu même de la découverte (dans le milieu
alluvial, propre à assurer la conservation des matériaux organiques et à offrir des possibilités de
183 sur 448
Archéologie préventive
datations), l’état de conservation, l’association de l’enceinte et de restes humains, confèrent à ce
chantier une importance tout à fait particulière.
Direction régionale des affaires culturelles
Service régional de l’archéologie de Franche-Comté
184 sur 448
Rapport au Parlement
JURA
PRATZ (LE CURTILLET)
UN ETABLISSEMENT RURAL MEROVINGIEN
Localisé dans les hautes terres jurassiennes près de Saint-Claude, l’établissement
mérovingien de Pratz « Le Curtillet » a été découvert lors d’un diagnostic archéologique en 1999 sur
un projet de ZAC. Depuis cette date, deux fouilles préventives ont été réalisées en 2000 et 2002
suivant le calendrier d’implantation des bâtiments industriels. L’extension du projet a conduit à un
nouveau diagnostic en 2004, aboutissant à une nouvelle fouille réalisée en 2005, sur la commune de
Lavans-lès-Saint-Claude, portant la reconnaissance de ce site sur près de 11 hectares.
Cet établissement du haut Moyen
Âge* s’insère entre deux monastères parmi
les plus précoces de Gaule, non loin d’un
itinéraire de franchissement du massif
jurassien.
Un premier édifice rectangulaire,
de 10 m x 4 m, construit en pierre, est
flanqué d’une annexe en terre et bois
abritant un atelier métallurgique. Des
foyers de forge complètent ce dispositif.
Pas moins de quatre cent soixante
quinze objets en fer ont été découverts,
essentiellement des clous et des morceaux
de métal pliés, torsadés, découpés, aplatis
correspondant, en partie, aux chutes de
façonnage sur l’enclume, associés à des
scories en forme de calotte.
Des gouttelettes et des fragments
de tôles en bronze et du plomb attestent
que le fer n’a pas été le seul métal travaillé
dans cet atelier.
Atelier de forge.
© D. Billoin, INRAP.
Un imposant bâtiment en pierre, de 16 m sur 13 m, correspond à la partie résidentielle du
site. Une annexe de 6 m sur 5 m, placée à l’un des angle de ce bâtiment, abrite également des activités
artisanales. La taille de cet édifice et son élévation en pierre est assez rarissime pour la période
(VIIe siècle). Des vestiges de portes, d’accès et divers aménagements intérieurs sont conservés et
permettent, en association avec la répartition spatiale du mobilier, de distinguer une cuisine, une pièce
secondaire munie d’un puits central et des espaces dévolus à l’engrangement et aux bétail.
185 sur 448
Archéologie préventive
L’ensemble, composé de deux travées n’est, somme toute, pas si éloigné des constructions rurales
traditionnelles composées d’une partie habitation et d’une grange et écurie.
Deux batteries de cinq
fours domestiques, installés en
creux
dans
des
anomalies
karstiques aménagées, complètent
l’équipement de cet habitat.
Constituées à l’origine de voûtes
en pierre, ces structures, de
morphologie diverse, correspondent au type « four à pain » et
suggèrent
une
organisation
collective. Abondant et diversifié,
le mobilier laissé par les occupants
permet d’aborder de multiples
aspects de la vie quotidienne, à
commencer par le corpus de
vaisselle composé de céramiques,
de récipients en verre et en pierre
ollaire. Cette dernière catégorie de
vaisselle et le matériel de mouture
révèlent des échanges à longues
distances (Alpes, Massif Central).
Fours domestiques.
© D. Billoin, INRAP.
Les restes de faune et les tests d’analyses effectués sur les graines et les charbons de bois
complètent l’étude des activités domestiques et renvoient à l’impact de l’homme sur son
environnement (cultures, défrichements…).
Encore largement tributaire du domaine funéraire, la Franche-Comté compte désormais un
rare site domestique susceptible d’offrir des références très attendues pour le haut Moyen Âge*.
L’ensemble des données recueillies constitue, à n’en pas douter, un site exceptionnel qui renouvelle le
regard que l’on portait jusqu’alors sur l’habitat mérovingien. Un dossier d’aide à la préparation de
publication a donc été déposé et a reçu un accueil favorable à la Commission interrégionale de la
recherche archéologique.
David Billoin
Responsable de la fouille, INRAP
186 sur 448
Rapport au Parlement
HAUTE-SAONE
LUXEUIL-LES-BAINS (PLACE DE LA REPUBLIQUE)
L’EGLISE SAINT-MARTIN AU HAUT MOYEN ÂGE
Dans le cadre d’un projet global de restructuration du centre ville de Luxeuil (ancienne
agglomération secondaire antique et ville médiévale) plusieurs secteurs de la ville sont concernés,
notamment les places du centre historique (place de l’Abbaye, place Saint-Pierre, place de la
République, place de la Baille…) le secteur des thermes, les entrées de ville, de même que l’artère
principale de Luxeuil (travaux d’assainissement).
Un premier diagnostic anticipé (tranche 1) a été réalisé du 5 au 23 septembre 2005, place de
la République (ancienne place Saint-Martin ; responsable d’opération : S. Bully).
Parmi les aménagements projetés pour cette place on retiendra principalement :
•
•
•
•
•
l’abaissement du niveau de circulation d’une cinquantaine de centimètres,
l’installation d’une série de jets secs, rappelant le thème de l’eau dans cette ville thermale,
le creusement d’une large fontaine dans la partie nord de la place,
l’installation de deux rangées d’arbres de part et d’autre de la ligne de jets secs,
une reprise des réseaux, notamment d’assainissement.
Les sources écrites
L’historiographie luxovienne accorde une large place à cet espace situé au cœur du centre
historique. Des découvertes de sarcophages à l’occasion de travaux divers – comme des creusements
de fossés pour les fontaines – sont mentionnées depuis le XVIIIe siècle. Le nivellement de la place au
XIXe siècle est également à l’origine de la mise au jour de sarcophages qui sont alors généralement
datés des IXe-Xe siècles.
On considère que la place de la République est le centre d’une vaste nécropole utilisée
depuis l’Antiquité et désignée comme le « Champ Noir ». Selon des sources anciennes, des stèles
funéraires antiques étaient en effet remployées comme couvercles de sarcophages. D’autres éléments
lapidaires architecturaux antiques auraient été découverts à l’occasion de travaux de voirie ; certains
auteurs ont donc émis l’hypothèse de l’existence d’un temple gallo-romain dédié à Mars à
l’emplacement de la place de la République. En revanche, les travaux anciens comme les recherches
les plus récentes localisent le castrum* du IVe siècle dans ce quartier de la ville, en bordure
septentrionale de l’abbaye.
Au sein de l’ancien castrum, abandonné au moment de la fondation de l’abbaye de Luxeuil
par Colomban vers 590, une église placée sous le vocable de saint Martin aurait été fondée au
VIIe siècle. Elle est citée pour la première fois dans les Vies des abbés Valbert et Ansègise écrites entre
les IXe et Xe siècles. Saint Valbert, troisième abbé de Luxeuil, est inhumé en 670 dans une crypte
« d’un travail remarquable » derrière l’autel de l’église Saint-Martin. Au début du IXe siècle,
Ansègise, restaure quant à lui une longue galerie reliant les églises Saint-Pierre et Saint-Martin. En
1434, à la suite d’un incendie, on reconstruit Saint-Martin. L’église, menaçant ruine, sera détruite en
1796 afin de libérer l’espace pour accueillir le marché.
187 sur 448
Archéologie préventive
Les premiers résultats archéologiques
Une occupation du site durant l’Antiquité et l’Antiquité tardive est avérée dans le sondage
nord, avec la mise au jour de trois ou quatre phases de constructions :
la première phase, non encore datée,
est reconnue à travers différents niveaux de sols
rubéfiés* ; la deuxième phase est marquée par
une maçonnerie appartenant à une construction
(habitat ?) dont l’abandon peut être proposé au
IVe siècle ; sur la couche d’abandon de cette
construction est aménagée une structure foyère
de belle facture, mais dont on ne sait si elle est
isolée ou si elle appartient à un aménagement
plus vaste ; enfin, un dernier niveau de
construction nous est donné par une couche de
démolition d’une cloison en clayonnage et un
trou de poteau.
Dans les deux derniers cas, et en
l’absence actuelle d’éléments de datations, on
n’exclura pas d’être en présence de structures
datant de l’Antiquité tardive* ou du très haut
Moyen Âge*.
Groupe de sarcophages derrière le chœur de l’ancienne
église Saint-Martin.
© S. Bully, INRAP.
Ces vestiges pourraient être un premier élément de réponse à la question des conditions
d’implantation du monastère dans une agglomération antique qui aurait été alors totalement désertée
selon les sources écrites, ainsi qu’en ce qui concerne l’aspect du monastère au moment de sa
fondation.
Des nappes d’inhumations viennent ensuite sceller les niveaux d’occupation, marquant
l’évolution de ce secteur en espace funéraire lié à l’église Saint-Martin. La plus ancienne tombe est un
coffre mixte (bois et pierre) pour laquelle il est possible de proposer, avec cependant beaucoup de
réserves, une datation entre les IXe et XIIe siècles. Cinq autres sépultures appartenant à un contexte
stratigraphique différent pourraient dater du Moyen Âge ou de l’Époque moderne (monnaies en attente
de datation). Le faible niveau d’affleurement des inhumations sous le bitume atteste bien d’un ancien
écrêtement du niveau de la place d’au moins un mètre.
La grande tranchée de sondage sur le flanc sud de la place a livré d’autres résultats. Elle a
notamment permis de localiser les vestiges de l’église et de maisons médiévales tels qu’ils étaient
représentés sur différents plans des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. En revanche, et contrairement à
toute attente, les vestiges de l’église ne sont pas ceux d’un édifice du XVe siècle, mais d’une
construction du haut Moyen Âge* présentant plusieurs phases de reprises. Sur la place, la découverte
fortuite et ancienne d’éléments sculptés des IXe et XIe siècles pourrait donner les premiers éléments de
datation pour ces reprises.
188 sur 448
Rapport au Parlement
Détails des sarcophage du haut Moyen Âge.
© S. Bully, INRAP.
Les sondages ont permis de mettre au jour le mur sud d’un chœur à chevet plat duquel
émerge le bras sud d’un transept ou d’une annexe, ainsi que des maçonneries à l’articulation entre les
espaces du chœur, de la nef centrale et du collatéral sud ( ?). Les maçonneries sont exceptionnellement
bien préservées puisqu’elles peuvent présenter jusqu’à 1,50 m d’élévation. Les arases sont affleurantes
sous le bitume. Des sarcophages, au nombre de dix-sept à ce jour, ont également été découverts. La
plupart peuvent être datés du VIIe siècle. Les sarcophages sont présents à la fois à l’extérieur de
l’édifice, derrière le chœur, et à l’intérieur, annexe sud, chœur, « collatéral ». À l'instar des
maçonneries, la première nappe de sarcophages est immédiatement sous le sol actuel de la place.
L’église Saint-Martin remplirait la fonction d’église funéraire du monastère au haut
Moyen Âge. En l’état actuel de nos connaissances, on ne peut pas exclure que la crypte
mérovingienne* érigée par saint Valbert soit encore préservée sous la place.
La découverte d’une église funéraire monastique du haut Moyen Âge aussi bien préservée,
avec son lot de sarcophages in situ et une potentielle crypte mérovingienne, dans ce qui fut l’un des
plus importants centres monastiques d’Occident, en fait une découverte que l’on peut qualifier
d’exceptionnelle.
Sébastien Bully
Responsable de la fouille, INRAP
189 sur 448
Archéologie préventive
TERRITOIRE-DE-BELFORT
DELLE (LA QUEUE AU LOUP)
UN ETABLISSEMENT ANTIQUE
Des reconnaissances archéologiques menées en 2001 sur le tracé du projet routier de la
RN 19, entre Morvillars et Delle, ont révélé la présence d’un établissement gallo-romain du type villa*
au lieu-dit « La queue au Loup ». Cette découverte, qui a débouché sur une fouille préventive en 2003,
est une première en archéologie préventive sur le Territoire de Belfort. Cofinancées par l’État, le
Conseil régional de Franche-Comté et le Conseil général du Territoire de Belfort, les fouilles ont été
réalisées, sur prescription du service régional de l’archéologie de Franche-Comté et en partenariat avec
la Direction départementale de l’Équipement du Territoire de Belfort, maître d’ouvrage, par une
équipe de l’INRAP sous la responsabilité de S. Cantrelle.
La fouille a ainsi permis la mise au jour, de part et d’autre du ruisseau la Batte, de deux
ensembles antiques distants de 300 m.
Sur la rive gauche, les vestiges d’une
villa*, composée d’un bâtiment principal et de
ses annexes, ont été dégagés à proximité d’une
de ses résurgences.
Le bâtiment principal, orienté nordest/sud-ouest et installé sur une pente, présente
des maçonneries bien conservées grâce aux
colluvions accumulées.
Cette vaste demeure rectangulaire de
265 m² comprenait à l’origine six pièces ; elle
était dotée d’une galerie sur ses façades est et
ouest et d’une cave desservie par un escalier
intérieur.
Puis, elle subit maintes réfections pour
atteindre 595 m² dans son état final, daté de la
fin du IIe-début du IIIe siècle de notre ère.
L’habitation se composait alors de treize pièces
ou unités, parfois pavées ; l’une d’elles possédait
un hypocauste*, système de chauffage par le sol
utilisant un plancher suspendu.
Vue générale de la villa dans son état final.
© INRAP.
190 sur 448
Rapport au Parlement
Au sud de la villa*, les archéologues ont reconnu un grand bâtiment de 184 m², dont seuls
subsistent vingt-six empreintes de poteaux de bois, qui constituaient son soutènement, mais aussi leurs
calages de pierre agencés en couronnes. Cette structure, à laquelle était accolé un appentis, avait
probablement une vocation d’aire de stockage.
Détail de la pièce à hypocauste*.
© INRAP.
En contrebas, non loin de la résurgence, a été identifiée la maçonnerie d’un dernier bâtiment
rectangulaire de 215 m².
Ces trois bâtiments pourraient être ceux d’un important domaine agricole, comprenant
résidence et structures d’exploitation. L’intérêt suscité par la bonne conservation des maçonneries du
corps de logis de la villa a donné lieu à la préservation de ces vestiges qui ont été recouverts d’un
géotextile et d’un remblai de sable de 1 mètre d’épaisseur.
Annick Richard
Direction régionale des affaires culturelles
Service régional de l’archéologie de Franche-Comté
D’après Sylvie Cantrelle
INRAP
191 sur 448
Téléchargement